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vendredi 7 août 2020

L’ÉTÉ DES BELLES DÉCOUVERTES


ÉTÉ 1963, LAC WASWANIPI. Jean-Yves Soucy a dix-huit ans et déniche un emploi de garde-feu, au lac Waswanipi, à l’ouest de Chibougamau. Un camp au milieu des arbres, au bord de l’eau, un compagnon de travail peu volubile et renfrogné. Le même été, j’étais au nord du lac à Jim, au Lac-Saint-Jean, assistant d’un commis dans un chantier forestier de la famille Murdock. Ce dernier me voyait comme un ennemi qui cherchait à prendre sa place. Soucy aura le temps pendant ces semaines d’apprivoiser les Cris, la vie dans les bois et quelques rudiments de la langue de William Saganash. Jean-Yves Soucy nous raconte cet été enchanté dans Waswanipi, un récit de jeunesse que j’ai lu avec bonheur encore une fois.

Un inédit de Jean-Yves Soucy est toujours un cadeau. Parce que j’ai suivi cet écrivain depuis Un dieu chasseur paru en 1976. Je l’ai tout de suite considéré comme un ami qui connaissait un territoire tellement proche du mien. Nous étions happés par la forêt alors que nous faisions le dur apprentissage de devenir homme et d’explorer le monde et ses dépendances. Véritable révélation que de lire un tel auteur. Peut-être aussi qu’il était un peu un modèle même si j’avais publié un recueil de poésie et un roman en 1976. Les Chevaliers de la nuit m’avait encore une fois subjugué dans les années 80.

Lors de la parution d’Un dieu chasseur, j’amorçais ma vie de journaliste, tentais de mettre un point final à un manuscrit rédigé pendant les cours de phonétique et de grammaire à l’Université de Montréal. Inutile de préciser que ces leçons ne m’intéressaient guère. Je devais publier Le violoneux en 1979 au Cercle du livre de France. Je l’ai déjà écrit, ce roman aurait remporté un prix dans la catégorie du livre le plus laid imprimé au Québec.

Le hasard faisant bien les choses, deux ans plus tard, en 1965, je me retrouvais comme travailleur forestier tout près du lac Waswanipi que Soucy décrit si bien dans son récit. À quelques kilomètres d’un village cri, d’hommes et de femmes que nous apercevions de temps en temps sans pour autant avoir des contacts avec eux. J’ai raconté certaines scènes dans La mort d’Alexandre qui viennent directement de cette expérience. Des agressions, du racisme à l’état pur, de la barbarie à peine imaginable. Tout ça deviendrait quelques moments importants de ma troisième publication, le roman du père comme disait Victor-Lévy Beaulieu. 

 

DÉCOUVERTE

 

Jean-Yves Soucy fraternise rapidement avec ses guides, des Cris. Ils auront des semaines pour s’apprivoiser et sillonner le territoire environnant.

 

Je sens qu’une connivence vient de s’établir entre nous et, comme notre «boss» a la même habitude matinale, William me demandera souvent «Tanta ochimaow ?» (Où est le chef?) afin que je réponde par l’expression que m’a enseignée Tommy. Cinquante ans plus tard, je retrouve ces mots griffonnés dans mon carnet aux pages jaunies et froissées. (p.23)

 

Tommy ne parle que le cri et William Saganash se débrouille bien en anglais. Les deux feront découvrir la forêt, les lacs et les cours d’eau au jeune garde-feu, les habitudes des animaux. Les guides s’entendent rapidement avec ce garçon qui ne demande qu’à se laisser surprendre, qu’à s’abandonner au plaisir de la pêche et au canotage sur les rivières. Et se familiariser surtout avec les déplacements de ces nomades qui agissaient en fonction des saisons. C’était un paradis pour l’étudiant qui avait déjà la conviction de devenir écrivain. Il prend conscience d’une façon d’être qui le fascinera toute sa vie. Il y développe aussi sa passion pour la pêche qu’il raconte magnifiquement dans Les pieds dans la mousse de caribou, la tête dans le cosmos paru en 2018. 

Je passais l’été dans la forêt à la même époque, un milieu qui m’était familier depuis l’enfance. Mes compagnons de travail me regardaient étrangement quand ils apprenaient que j’avais publié deux livres. Ils n’arrivaient pas à comprendre pourquoi je partageais cette vie rude et exigeante avec eux. 

Tous, nous agissions en prédateurs redoutables cependant. C’était la mode des coupes à blanc et j’ai du mal à avouer maintenant que j’ai contribué à raser de magnifiques pinières pour en faire des déserts. 

 

CURIOSITÉ

 

Jean-Yves Soucy est rapidement fasciné par la vie de ces chasseurs qui devinent la moindre présence quand lui semble aveugle et sourd lors de ses premières grandes sorties.

 

Aucune construction en vue, on pourrait se croire au commencement du monde, quand l’homme n’était qu’un animal parmi les animaux, soumis comme eux aux caprices de la nature, n’ayant pas encore la prétention d’être maître de tout, de posséder la terre. D’ailleurs, quand je demande à William à qui appartient ce lac et la forêt autour, il fronce les épais sourcils au-dessus de ses paupières plissées puis rigole. — C’est une question de Blanc, ça! La terre est à personne, c’est nous qui lui appartenons. On mange ce qu’elle nous donne, jusqu’au jour où c’est qui nous mange. (p.41)

 

Il se familiarise avec les ours, se grise de l’air des montagnes et le formidable silence des épinettes et des cyprès. Il peut y assouvir son goût pour la solitude, s’abandonner dans de longues promenades en canot, explorer les rivières poissonneuses. Il aime surtout lancer sa ligne dans un rapide, capturer les plus grosses prises qui vont peut-être faire sourire la belle fille qui travaille comme missionnaire au dispensaire situé un peu en retrait du village. Bien sûr, il apprend les rudiments de la langue crie, se familiarise avec la vie de ses amis de la forêt.

 

RÉALITÉ

 

Le futur écrivain découvre un regard sur le monde, une philosophie qui le fascine. Ce sera sa plus belle récompense ce savoir qui le suivra toute sa vie. Il aime discuter avec ces gens simples et sympathiques qui lui ouvrent l’esprit et lui permettent de connaître la différence et le respect.

D’autant plus qu’il peut poser toutes les questions à William qui ne se moque jamais de sa curiosité insatiable. Un homme sage qui ne cache pas son inquiétude devant l’avenir des siens. Il devine que le nomadisme ne pourra plus être la même avec les mutations qui bousculent tout autour d’eux. Son mode d’existence est menacé par une certaine sédentarisation et la vie de ses enfants est transformée. Tout change, tout est sur le point de basculer. Déjà que les jeunes disparaissent pendant des mois pour faire des études et qu’ils deviennent quasi des étrangers quand ils reviennent en touristes pour l’été.


Il n’y a plus assez d’espace, plus assez de bêtes pour vivre de la forêt comme avant. Et puis le prix des fourrures baisse constamment, ce n’est plus rentable de trapper. La situation empire, le monde des Blancs s’étend de plus en plus et gruge celui des Amérindiens. Finalement, l’école est peut-être un mal nécessaire. Il faut connaître le monde des Blancs, acquérir ce qu’ils savent pour pouvoir leur tenir tête, savoir comment négocier avec eux. Pas essayer de devenir des Blancs, mais apprendre une nouvelle façon de vivre comme Cris. (p.70)

 

Jean-Yves Soucy se laisse emporter par le bonheur des jours, les humeurs de l’été, les petits événements qui font réagir les Cris. Cette existence attire le jeune homme qui songe à s’abandonner à la forêt boréale au lieu de retourner au collège, de passer tout un hiver avec ces chasseurs pour découvrir leur territoire. Une vie qui lui conviendrait parfaitement et il en a fallu de peu pour qu’il «s’ensauvage» comme on disait à une certaine époque. C’était encore possible dans les années qui amorcent la Révolution tranquille. 

 

Les adieux sont brefs mais touchants, chacun d’entre nous a le sentiment que nous ne nous reverrons jamais plus. Moush sur les genoux, le cœur oppressé, je regarde le village s’éloigner sous l’aile du Cessna; autour du lac, des rivages que nous avons explorés. Puis la forêt reprend ses droits. J’ai refusé de plonger dans l’inconnu, mais la route devant moi n’est pas tracée d’avance, le hasard est maître, l’improviste règne. (p.86)

 

Un récit captivant que Jean-Yves Soucy n’a pas eu le temps de terminer. Les jours qu’il buvait à grande tasse ont fait en sorte de le priver du bonheur des mots et de son art unique de raconter ces moments de grâce en pleine nature. Un texte important qui nous fait découvrir les origines de l’homme formidable qu’a été cet écrivain. 

J’ai lu ce court récit en retenant mon souffle, comme quand, enfants, nous organisions des concours pour savoir qui pouvait demeurer le plus longtemps possible sous l’eau sans venir respirer à la surface. J’ai pu imaginer ce qu’aurait pu être ce texte si le romancier avait eu la chance de mener son travail à terme. Un pur bonheur, une immersion dans une vie qui n’est plus, une époque qui a disparu. Un clin d’œil aussi à ces Saganash qui deviendront si importants pour les Cris et qui bouleverseront les liens des Québécois avec cette communauté autochtone. William était le père de Roméo Saganash, une figure politique fort connue. 

Waswanipi est un vrai cadeau d’été qui se savoure lentement et qu’il faut parcourir en oubliant le temps, comme si on faisait une promenade dans la forêt et que plus rien ne comptait. J’ai lu ce récit trop rapidement la première fois. C’est pourquoi j’ai tout repris en flânant sur les phrases de Soucy, me laissant charmer par certaines anecdotes et des moments de réflexion. Et quand je fermais les yeux, je le jure, j’entendais Jean-Yves Soucy me parler tout bas, me pointer un ours du doigt dans les jeunes épinettes ou le meilleur endroit où jeter ma ligne dans le plus beau matin du monde.  

 

SOUCY JEAN-YVES, Waswanipi, Éditions du BORÉAL 120 pages, 18,95 $.


https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/waswanipi-2739.html

mardi 13 février 2018

JEAN-YVES SOUCY, LE BEAU VIVANT

JEAN-YVES SOUCY vient de publier un récit qui m’a permis de découvrir des aspects que je connaissais peu de cet écrivain et éditeur. Bien sûr, je me doutais qu’il aimait la chasse et la pêche par ses romans, mais jamais au point de passer tout un été à explorer une rivière pour taquiner la truite de mer et le saumon. Les pieds dans la mousse de caribou, la tête dans le cosmos nous attire dans le pays de la Côte-Nord, à Baie-Trinité plus précisément, là où lui et Carole, son épouse, s’installent pour toute une saison de pêche. Il y explorera la rivière Trinité dans tous ses méandres et ses fosses pendant que Carole travaillait à son roman La Gouffre.

Tout comme Jean-Yves Soucy, j’aime la forêt, les rivières et les lacs, les fréquente en contemplatif, m’attardant surtout aux arbres, à leur écorce, méditant devant de magnifiques épinettes. Que dire devant des pins aux troncs écaillés et les vastes parterres de fougères ? Rien ne remplace une promenade de plusieurs kilomètres à bicyclette dans le parc de Taillon où la forêt se montre dans ses plus beaux atouts. Le bonheur de surprendre un animal en liberté. L’orignal qui surgit toujours comme une illumination, l’ours que j’ai croisé à de nombreuses reprises, les castors qui nagent sans faire de bruit au milieu d’un étang qu’ils ne cessent d’explorer. Les loups plus discrets (je les ai surpris deux fois dans la forêt) et les perdrix qui font sursauter quand elles s’envolent dans un applaudissement étourdissant. Et cette multitude d’oiseaux qui s’approchent comme s’ils étaient curieux de vos gestes quand vous parcourez un sentier qui se glisse entre la montagne et un ruisseau. Je suis bien en forêt. J’aime m’attarder au soleil au printemps ou à l’automne pour me bercer avec le vent qui siffle tout doucement dans les pins. Et que dire du bonheur de voir surgir dans un ciel lumineux d’automne des centaines d’outardes ? J’en ai des frissons chaque fois. C’est une reconnaissance du temps et de la beauté du monde, un rappel que les saisons nous filent entre les doigts.
Jean-Yves Soucy partageait cette passion et aussitôt qu’il a pris sa retraite de l’édition, récupérant ses étés, il est parti avec Carole s’installer au bord de la mer à Baie-Trinité, dans une petite roulotte pour rêver et vivre en regardant autour d'eux, surveiller le jour finissant ou encore le soleil qui revient dans une marée de couleurs.

Trois jours après notre arrivée, Carole et moi commençons déjà à créer les habitudes qui modèleront notre quotidien ; à elle, la mer et la plage où faire de longues promenades, à moi, la forêt, la rivière et les lacs. Quand je reviens à la roulotte, je l’aperçois par la fenêtre devant la table, penchée sur le manuscrit du roman dont elle a eu l’inspiration lorsque nous avons campé durant une semaine au bord de la rivière du Gouffre, à Baie-Saint-Paul. (p.29)

Un roman que Carole Massé publiait en 2016 et que j’ai bien aimé. Comme tous les ouvrages de cette écrivaine minutieuse qui s’avance sur la pointe des pieds pour surprendre l’âme humaine.

RENCONTRE

J’ai connu Jean-Yves Soucy à la parution de son premier roman, Un dieu chasseur en 1976. Cette histoire est rapidement devenue un classique de notre littérature. Et Les chevaliers de la nuit en 1980 que j’ai lu et relu. Il m’est arrivé de le croiser dans les salons du livre. C’était toujours facile avec lui. Il me semble qu’il nous aurait fallu un peu de temps et certaines circonstances pour que nous devenions des amis. Mais je pense que Jean-Yves Soucy avait l’art d’approcher les autres facilement. Il le démontre bien dans son récit.
Tout un été sur la Côte-Nord, des jours de pêche et de plaisir. Un périple étourdissant où l’écrivain devient un guide. Son été du saumon a été une véritable initiation pour moi.
Et je me suis surpris à le suivre dans les fardoches le long de la rivière Trinité, à l’écouter m’expliquer la formation des collines, des rochers, à me pencher sur les petites fleurs qui poussent à l’ombre ou encore en plein soleil, à tâter les mousses du bout des doigts, à descendre dans une écore en m’accrochant aux arbustes pour atteindre le bas d’un rapide ou d’une chute.
Il est devenu un maître qui m’a expliqué la géologie, la flore de ce coin de pays, les animaux, les oiseaux, les comportements du saumon. Il m’a fait m’allonger sur un lit de pierre au milieu de la nuit pour me noyer dans le ciel, un vrai, celui que l’on admire dans toutes ses dimensions quand on ose s’éloigner des villes et de la pollution lumineuse. Il y avait aussi les champignons et les couleuvres qui se faufilaient en silence sous les courtes fougères. Enfin, tout ce qui vit, respire dans un coin sauvage qui n’est fréquenté que par les amoureux de la pêche.

Il ne suffit pas de contempler un paysage pour le « lire », il faut savoir ce qu’on regarde. Un paysage ne parle pas, sinon à l’âme et aux sens, ce qui revient au même. En se fiant uniquement à ses yeux, on ne voit que l’apparence, somme toute banane, du monde ; que c’est beau ! comme si tout était dit. Pour comprendre le monde autour de soi et vraiment goûter sa richesse, sa magie, l’intelligence doit d’abord lui donner un sens, ou plusieurs, complémentaires. Pouvoir nommer les choses et savoir quels phénomènes leur ont donné naissance suppose un certain bagage de connaissances préalables. (p.45-46)

Jean-Yves Soucy nous apprend une foule de choses sur notre pays et notre environnement. Il m’a fait remonter à la fonte des glaciers pour comprendre la formation de la côte, le bord de la mer de Goldthwait, les collines et les pitons rocheux qui ondulent à l’intérieur des terres. J’ai eu l’impression de suivre une sorte de frère Marie-Victorin qui connaissait le nom de toutes les plantes, le moment de leur floraison, les oiseaux de la forêt, les déplacements de l’orignal, les migrations des saumons et de la truite de mer. Une véritable encyclopédie qui vous faisait voir tout ce qui nous entoure d’un autre œil.
Dire que je réussis de peine et de misère à retrouver l’étoile Polaire dans le ciel avec la Grande Ourse et la Petite Ourse… Bien sûr, j’ai passé des nuits dans un sac de couchage, allongé sur le sable d’une plage du lac Saint-Jean pour surveiller les perséides qui enflammaient le ciel comme des allumettes. Des moments de grâce où je finissais toujours par m’endormir. Je me réveillais dans les frissons de l’aube, avec les cris des corneilles qui me demandaient ce que je faisais là. Je regardais cette merveille sans prendre la peine d’étudier la carte du ciel.

PÊCHE

La pêche était un véritable rituel pour Jean-Yves Soucy. Il scrutait les fosses et le lit de la rivière, ses méandres, la hauteur des chutes, la couleur de l’eau et des rapides, les arbres qui s’accrochaient aux berges, aux rochers qui effleuraient à peine dans le courant pour s’approprier le lieu, le comprendre, savoir où et comment les saumons se comportaient avec la poussée des marées. Il lisait littéralement la rivière ou le lac avant de s’y s’aventurer pour la cérémonie de la pêche.

Je ne tiens pas en place bien longtemps. En effet, au fil des semaines, j’ai retrouvé une bonne forme physique et je peux à nouveau marcher durant des heures, emprunter les sentiers qui grimpent dans les collines pour atteindre des lacs isolés, découvrir des paysages inédits, des points de vue qui m’incitent à la contemplation. Armé seulement de mon appareil photo, de jumelles et d’un carnet de notes, je cherche des plantes et des animaux que je n’ai pas encore aperçus dans la région, des traces du passage des glaciers. (p.142)

Un vivant formidable, un curieux de tout, un passionné qui a su entraîner ses filles dans ses aventures et même ses petits-enfants pour leur faire découvrir toutes les beautés et les leçons de la nature.
Un récit où il prend le temps de se souvenir de certains moments particuliers, des aventures qui se produisent quand on s’enfonce dans une forêt. La rencontre d’un ami d’enfance, un curieux hasard, lui rappellera que tout a une fin et que la vie, si belle et fascinante soit-elle, s’arrête un jour. Les retrouvailles avec Fernand, qui n’en a plus que pour quelques semaines à vivre, deviennent un moment fort de ce récit.
Surtout, il m’a envoûté avec la gestuelle du pêcheur qui devine où le saumon et la truite l’attendent. Et après, quand la ligne se tend, la lutte avec le grand poisson devient un moment d’épiphanie. L’affrontement de la vie et de la mort, ce grand jeu qui ne cesse de se répéter dans la nature. Pêcher, c’est apprendre à vivre et à comprendre surtout que notre présence est éphémère.
Jean-Yves Soucy m’a fait penser que j’ai peut-être raté quelque chose en négligeant la pêche. Et puis non ! J’ai vécu mes extases en forêt d’une autre manière. Quel bonheur de courir pendant des heures dans les montagnes derrière La Doré, sur des sentiers sablonneux, ou encore de m’arrêter pour boire dans une rivière qui dansait sur les pierres rondes ! Quelle joie de partir sur les chemins qui longeaient la rivière Ashuapmushuan ! Je respirais la forêt et les fougères par toutes les surfaces de mon corps. C’était bien plus qu’une course !
Et quelle chance de me retrouver devant un ours qui bondissait dans les fougères ! Ou encore de  me pencher sur les traces d’un orignal qui m’avait entendu souffler au loin. J’ai eu si souvent l’impression d’être immortel dans ces matins chauds de juillet où la course devenait une danse dans la lumière et les parfums âcres de la comptonie voyageuse.
Le récit de Jean-Yves Soucy est d’autant plus touchant qu’il est décédé juste avant que le livre ne paraisse. C’était un frère, j’en suis certain et il nous fait un très beau cadeau avec ce récit qui nous permet de découvrir une âme humaine curieuse qui savait s’ouvrir à la beauté de l’univers, un homme attentif à tous les êtres vivants qui l’entouraient.


LES PIEDS DANS LA MOUSSE DE CARIBOU, LA TÊTE DANS LE COSMOS de JEAN-YVES SOUCY, une publication de XYZ ÉDITEUR.