Yves Potvin évite la réalité à sa manière. Pourquoi ne pas s’adonner au haschich volontairement, dans une ascèse ou une démarche initiatique qui vous fait vous aventurer dans une autre réalité. L’expérience peut s’avérer intéressante, du moins originale.
Potvin présente treize histoires dans «Les contes du haschisch». Je ne crois pas que l’on puisse qualifier ces écrits de contes. Parlons d’histoires qui découlent de la consommation de cette substance qui a si mauvaise réputation dans notre société.
«Savais-tu que le haschich illumine l’âme sans causer d’accoutumance comme le ferait la cigarette ou l’alcool? On y revient par conviction, non par esclavage. Le fumeur tente de retrouver un état d’esprit, une façon particulière de voir le monde. Il cherche, et croit trouver, des réponses satisfaisantes aux grandes questions philosophiques.» (p.12)
Bon! Le fumeur de haschich dans l’esprit de Potvin est une sorte d’initié, de «plus que conscient» qui sait le monde et ses réalités comme personne d’autre. Le pauvre buveur de bière ou de vin, celui qui pour le plus grand des malheurs ne s’adonne pas au haschich, reste un être incapable d’élévation et de compréhension du monde.
L’entreprise pourrait être intéressante mais à la condition d’éviter les clichés et les banalités. Yves Potvin s’empêtre dès les premières lignes et déçoit rapidement.
«Je vous fais grâce du libellé exact du refrain que chantaient une grosse truie, une blonde maigrelette, un homme plus âgé, un barbu et un genre de bellâtre qui était là pour ramasser de la chair fraîche. Entre le bellâtre et moi, l’hostilité fut immédiate. Chacun se disait la même chose: «Que l’autre ramasse donc la maigrelette, ou encore la truie, mais qu’il me laisse l’amie Judith.» (p.59)
Au ras du sol
Humour? Mauvais goût plutôt. Là où il devrait s’élever, Potvin rampe, là où il devrait méditer et passer à un degré supérieur de la connaissance, il ne sait qu’ânonner des sarcasmes. C’est ce ton familier, ce tutoiement énervant «ami lecteur et douce amie lectrice» qui agace rapidement. Nous suivons plutôt mal cet impénitent qui ne recule jamais devant les volutes du haschich sans pour autant nous «faire voir» les pays qu’il traverse et explore. Il est tout de même allé en Afghanistan avant la guerre. Fumer du haschich ou s’adonner à l’opium, du moins dans la version potvienne, ferme plus l’esprit qu’elle ne l’ouvre à la réalité. Ce qui devrait être «conscience» devient «enfermement» sur soi. Nous suivons péniblement le radotage d’un impénitent qui ressasse sans cesse ses «exploits».
«Je le devinais. Le haschich m’aidait à ressentir les fantasmes de Neurath. Là, dans une salle remplie de curieux, Neurath et moi formions les deux seules personnes lucides de l’assemblée. Lui, psychiatre surdiplômé ; moi, neché au point de ressentir les effets d’une constante cristallisation de molécules de THC dans le cerveau.» (p.125)
Des histoires qui grincent aux virgules et s’éparpillent. Une écriture mal ramassée et claudicante. Peut-être que j’aurais dû m’adonner aux volutes du One Year avant de plonger dans la prose d’Yves Potvin pour en apprécier toutes les subtilités mais le devoir de lecture a ses limites. Non, les vapeurs du haschich ne font pas un écrivain.
«Les Contes du haschisch» d’Yves Potvin est paru aux Éditions Varia.