Louis-Edmond Hamelin est un grand spécialiste des «pays froids» et des Autochtones. Toute sa vie a gravité autour de ces nomades qui lui ont beaucoup appris, on n’en doute pas.
Dans «Nipish», le géographe campe une femme qui devient la figure mythique de la métisse (son père est anglophone), qui cherche à s’épanouir en protégeant le savoir des ancêtres et les traditions malgré des études chez les francophones. Le tout ne se fait pas sans embûches. Hamelin montre rapidement ses intentions dans une courte présentation.
«Le récit, complètement fictif, mais que le Québec du XXe siècle aurait pu connaître, fait découvrir, par dialogues élaborés, l’état conflictuel des relations entre les Autochtones et les non-Autochtones. Les difficultés affectent tous les milieux : religion, armée, enseignement, administration, domicile, voire tout le pays. Maints comportements de la société au sujet des thèmes de pouvoir et même d’existence se trouvent ainsi mis à jour.» (p.1)
Les médias rappellent régulièrement les conditions de vie à peine imaginable de certains groupes dispersés dans la partie nordique et «effacée» du Québec. «Le peuple invisible» de Richard Desjardins et Robert Monderie vient, une fois de plus, illustrer l’indifférence des Blancs envers les premiers habitants de l’Amérique.
Autochtonie
En première partie, Louis-Edmond Hamelin suit un groupe d’Autochtones qui entreprend le «Grand voyage » vers le Nord, le pays du caribou et des Inuits. On se croirait par moments dans «Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur innu» de Serge Bouchard.
«Le grand circuit correspond à un type particulier de mouvance, car c’est un périple d’envergure, nécessitant la gestion de risques inhabituels et, après quelques années, le retour au foyer initial. Il ne s’agit ni d’une errance ni d’un dérangement imposé, mais d’une migration libre répondant à des objectifs précis, préparée longtemps à l’avance et vécue également à l’intérieur de soi.» (p.38)
Tout se gâche quand Marie-Marguerite entre au couvent. L’auteur occupe toute la place pour élaborer ses idées dans de longs dialogues entre la postulante et la supérieure du couvent qui fait preuve d’un racisme borné. C’est encore pire quand il décrit les aventures maritales de la pauvre métisse. Comment croire que Marie-Marguerite, une femme particulièrement intelligente, accepte un tel mariage. Nous basculons dans l’invraisemblable.
M. Hamelin possède certainement des idées généreuses et originales sur les Autochtones, mais il n’arrive pas à inventer des personnages qui les incarnent. Malgré tout le respect pour l’homme et son travail, «Nipish» ne tient pas la route. Un récit boursouflé, indigeste et particulièrement désolant.
«Nipish, une narration en autochtonie» de Louis-Edmond Hamelin est paru chez Guérin éditeur.