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jeudi 22 mars 2007

Marc-Urbain Proulx questionne la région

Les prochaines décennies, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, selon les données cumulées par Marc-Urbain Proulx dans «Le Saguenay-Lac-Saint-Jean face à son avenir», ne sont guère rassurantes. Les ressources naturelles s’épuisent, la population vieillit, les jeunes en âge de fonder des entreprises migrent, les investissements des grandes multinationales n’augmentent plus le nombre d’emplois même si la productivité est en hausse.
Bien plus, la région est peu innovatrice, crée peu d’emplois malgré la présence importante de chercheurs à l’Université du Québec à Chicoutimi, dans l’entreprise privée et dans les quatre cégeps. Les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont tendance à ignorer «les ensembles» qui permettraient d’innover et d’explorer de nouvelles voies. Peu ou pas de première et seconde transformation non plus.
Pourtant la région compte sur un éventail d’organismes qui planifient le développement et pensent l’aménagement du territoire. Il semble cependant que ces structures cherchent plus à maintenir leur propre existence, à consolider leurs emplois qu’à influencer la situation socioéconomique. La région décline lentement depuis les années 80, époque où elle a atteint son apogée.
Marc-Urbain Proulx, des statistiques plein les mains, lance un cri d’alarme. Il faut changer ses façons de faire pour arrêter la glissade, déchirer les clichés et changer les vieux discours. Autrement dit, il faut forger une nouvelle réalité et écrire un autre scénario.
Si la tendance se maintient, comme on dit, la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean diminuera de vingt pour cent d’ici 2025. Où trouver les travailleurs spécialisés dont la région a besoin maintenant, comment créer de nouveaux emplois, retrouver une vigueur économique et devenir un carrefour en Amérique du Nord avec les vastes territoires nordiques. Le défi est emballant.

Un peu d’histoire

L’énergie hydroélectrique a permis de développer l’industrie de l’aluminium, des pâtes et du papier. L’agriculture et la forêt ont connu une grande prospérité avant de péricliter. L’ensemble de ces ressources ont fait la prospérité de la région, de la Société des vingt-et-un à nos jours. À partir des années 80, les nouvelles technologies ont permis d’accroître la productivité tout en coupant dans les emplois en forêt, en agriculture, plus récemment dans les secteurs de l’aluminium, du bois d’œuvre, des pâtes et du papier. L’appropriation des plus importantes entreprises régionales par des intérêts internationaux a aussi des effets néfastes sur l’emploi et l’inventivité.
Peut-être que la région a du mal à prendre son avenir en main parce que le virage vers la modernité s’est fait, historiquement, grâce aux capitaux étrangers. Les investissements massifs sont venus de l’extérieur, particulièrement dans le secteur de l’aluminium et du papier. Le Lac-Saint-Jean a subi ce bond dans l’avenir. La hausse des eaux a laissé de profondes cicatrices. On peut parler d’une cassure qui a marqué l’imaginaire de toute une population.
Malgré les blessures, l’avenir passe encore par la forêt, l’agriculture, l’électricité, l’éolien, le solaire, le gaz naturel et des ressources encore négligées. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean se situe aux portes du Grand Nord, là où tout est possible. Tourisme international, innovations culturelles, nouvelles activités industrielles, parc de la nordicité érigé avec la complicité des Ilnus, des Cris et des Inuits. Les nouvelles technologies pourront jouer leur rôle dans cette autre approche du monde.
La région doit absolument devenir inventive, créatrice d’emplois si elle veut redresser la trajectoire du déclin. La multidisciplinarité est la clef de cette renaissance.
Marc-Urbain Proulx propose d’inventer des cercles de créativité où il sera possible d’aborder les sujets qui permettront de s’installer dans le futur. Cette table de discussion secouera peut-être la fatalité qui s’est installée depuis vingt ans et que l’on dépoussière en temps d’élections.
Chose certaine, la région ne peut attendre que le développement vienne des gouvernements et des multinationales. Plusieurs dirigeants doivent comprendre cette réalité. Peut-être aussi envisager de laisser leur place s’ils sont incapables de relever les défis.
« Les élections traduisent un manque d’intérêt des citoyens à briguer des postes électifs (22 pour cent des conseils municipaux ont été élus en totalité par acclamation). Finalement, on observe un taux de renouvellement (nouvel élu) faible puisque 73,5 pour cent des maires sont réélus. » (p. 92)
La démocratie cherche son souffle au Saguenay-Lac-Saint-Jean et ce n’est guère propice à des lendemains qui chantent. L’avenir de la région et des jeunes générations demande un grand  virage. Marc-Urbain Proulx offre un outil exceptionnel. Espérons que nous saurons l’utiliser.

«Le Saguenay-Lac-Saint-Jean face à son avenir» de Marc-Urbain Proulx est paru aux Presses de l’Université du Québec.