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dimanche 15 mai 2011

François Désalliers sait retenir son lecteur

Le titre ne m’inspirait guère. J’avais la certitude de ne jamais me rendre à la fin du roman de François Désalliers. Et je me suis risqué, peut-être à cause du titre. «Le jour où le mort est disparu» titille la curiosité. Pourquoi pas quelques pages pour avoir une petite idée que je me suis dit.
«On peut dire que c’était un mort plutôt banal. Mais sa disparition l’est beaucoup moins. C’était un homme de cinquante ans qui travaillait tranquille, comme tout le monde. Il n’avait pas de maladie notable. Il avait bien quelques petits bobos, mais rien de sérieux. Une tendinite à l’épaule droite, des otites séreuses à répétition, et une petite verrue sur le deuxième orteil du pied droit.» (p.11)
Un vernis d’humour, un regard amusant sur le personnage et cette société qui ne cesse de nous étonner. François Désalliers m’avait tout simplement pris dans ses filets. Impossible de m’arrêter, il fallait que j’aille jusqu’à la fin.

Histoire

Un écrivain gagne sa vie comme vendeur dans un magasin d’articles pour le jardin. Il meurt de sa belle mort pendant la nuit après avoir fait l’amour avec sa femme. Comme à tous les matins, Nicole se lève tôt, surtout les jours où il est en congé, pour arroser ses tomates et ses fleurs. Elle ne se nomme pas Lafleur pour rien. Elle doit faire vite parce que Gros et Méga-Gros, le magasin, livre un nouveau matelas.
Les livreurs, pas trop pourvus en neurones, ramassent le vieux matelas, le corps, l’emballage et vont jeter le tout au dépotoir municipal. Le client doit être satisfait avant tout.
«Le grand sac de plastique contenant les papiers et les cartons et, accessoirement, le mort, Jacques Laverdure, est empoigné par les deux types et balancé dans la fosse où il déboule, se déchire et se perd enfin parmi les ordures. Pierre fit glisser la passerelle métallique à l’intérieur du camion et il remonte à bord. Il salue les deux hommes en combinaisons et se dirige vers la sortie.» (p.24)
Quelques heures plus tard, l’épouse aux tomates, se demande où est passé son mari. Peut-on partir comme ça, tout nu, sans rien emporter ? Commence alors la longue attente, des recherches qui n’aboutissent pas jusqu’à ce qu’un enquêteur aveugle prenne l’affaire en main avec sa coéquipière.
Les incidents se multiplient. Les livreurs se noient lors d’une excursion de pêche (le lac Paré en plus) et le gérant de Gros et Méga-Gros meurt dans un accident de la circulation. Les témoins qui pouvaient faire la lumière sur la disparition de Jacques Laverdure ne peuvent plus témoigner. Le corps de l’écrivain ne sera jamais retrouvé, on l’imagine.

Attente

Nicole entreprend sa propre enquête, rencontre les amis de son mari, l’éditeur, ses collègues de travail, lit son journal, son dernier manuscrit qui porte un titre étrange. Aucune trace, aucune façon de débusquer une vie secrète à Jacques Laverdure (un nom prédestiné pour un homme qui travaille chez Côté jardin). Son époux menait une vie rangée, l’aimait même s’il reluquait les voisines du quartier de temps en temps.
Il faudra le policier aveugle pour comprendre et dénouer ce roman policier qui va à contre courant. Une façon de dire aussi que les êtres les plus proches demeurent des étrangers.
Une fois à la fin de cette histoire tarabiscotée, je me suis demandé ce qui m’a retenu dans «Le jour où le mort est disparu»? L’action, le portrait d’une société qui se dégage de ces quiproquos ? Peut-être tout cela, mais surtout le talent de conteur de François Désailliers. Il a l’art de vous accrocher, malgré les situations les plus invraisemblables.
Un ouvrage sans prétention sinon celle de procurer un bon moment de lecture. Par ricochet, l’auteur fait réfléchir à la frénésie qui emporte tout le monde et fait passer souvent à côté de l’essentiel.
François Desailliers met le doigt sur un problème qui caractérise notre société. Nous sommes peu attentifs aux autres et les commerçants font tout pour satisfaire le client, même le pire. L’individualisme aussi qui fait que nous sommes souvent des étrangers pour nos proches et ceux qui nous côtoient à tous les jours. Oui, on peut réfléchir en souriant. 

«Le jour où le mort est disparu» de François Désalliers est paru aux Éditions Trois-Pistoles.