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mercredi 30 mars 2022

PARTIR COURIR AVEC MON BON AMI GUY MÉNARD

JE CONNAIS GUY MÉNARD depuis fort longtemps et je ne pensais jamais voir son nom sur la page couverture d’un volume. La vie nous réserve des surprises et des belles. Il vient de publier Parti courir, un ensemble de chroniques qu’il a d’abord diffusées sur Facebook. J’en avais lu quelques-unes ici et là, mais les découvrir dans un vrai livre, c’est vivre des moments de bonheur. Je suis devenu accroc à ces textes qui racontent ce qui se passe dans la tête de Guy Ménard lorsqu’il flotte sur l’asphalte en bondissant sur ses espadrilles, longeant la rivière Richelieu. Les coureurs ont des habitudes dont ils ne dérogent guère. Je le sais. Je pratique ce sport depuis plus de quarante ans et j’ai pas mal de kilomètres dans le jarret. La folle du logis, quand on a trouvé sa cadence, son confort respiratoire, peut faire des sprints. Il y a aussi des rencontres, des surprises et surtout de longs moments de méditation où l’on peut régler tous les problèmes du monde. Oui, certainement. Si Poutine allait courir un dix kilomètres, dans les rues de Marioupol, avec le résistant Zelensky, il comprendrait certaines choses. 



Je connais Guy Ménard depuis l’époque où un petit groupe s’était mobilisé pour sauver le Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui était terriblement enrhumé, aux prises avec des virus. Je pense bien que c’est Gérard Pourcel qui avait réuni tout ce monde. Guy est devenu notre président. Un grand lecteur, un amoureux des livres et un ami de «la chose littéraire». Que nous avons eu du plaisir à remettre cet événement sur ses rails pour en faire un succès.  Il a fallu quelques années pour requinquer le rendez-vous des curieux et en faire un modèle avec ses prix et ses concours pour les jeunes lecteurs. 

Guy a migré en ville et je le rencontrais ici et là, dans les salons du livre, bien sûr. C’est l’un de mes fidèles lecteurs et il pourrait être le président de mon fan-club. Nous sommes même allés ensemble à Saint-Étienne en France (une délégation officielle) pour participer à une fête du livre qui nous a laissés ébaubis. Nous y avons aussi croisé une certaine Denise Bombardier qui refusait de s’acoquiner aux Québécois que nous étions et qui était repartie vers Paris plutôt que de partager un stand avec nous, les inconnus de la périphérie. 

 

CHRONIQUES

 

Il faudrait bien que je m’attarde aux chroniques de Guy, à ce livre où on le voit en extase sur la photo de la page couverture, sous la pluie. Oui, nous pouvons vivre une forme d’illumination sous la pluie chaude de juillet. C’est sous une bruine caressante que j’ai couru mon meilleur marathon, à Ottawa, bien avant que les camions n’envahissent la ville. À défaut du diésel alors, ça sentait la sueur et le shoe-claque. Mon record absolu sur cette distance de 42,2 kilomètres : 2 h 33 minutes et 13 secondes. Les treize dernières secondes ont été un enfer.

Parti courir regroupe 77 chroniques qui débutent toute par une même phrase pour se donner une poussée qui provoque la foulée et le mouvement perpétuel, le «petit pas de l’humanité». Des textes qui s’échelonnent entre le 18 mars 2020 et le 25 octobre 2021. Oui, pendant ces mois où nous avons expérimenté une allure d’hibernation et des activités de solitaire. Je «est devenu loin de l’autre» alors, pour parodier Rimbaud, un grand joggeur devant l’éternel. Le confinement, disait-on, l’aventure masquée et les mains savonneuses. 

Une période où Guy a décidé de se remettre en forme après avoir souffert d’un cancer que je ne connaissais pas. Le myélome multiple. Une bibitte fatigante où il a dû subir une opération qui laisse des traces. Je savais Guy sportif. Un excellent joueur de hockey et un cycliste (il a fait le défi Pierre Lajoie). Et le voilà en maillot sans trop prévoir où ses espadrilles pouvaient le mener.

 

Je m’amuse à dire que mes chroniques, qui commencent toujours par «Je suis parti courir», parlent de tout… sauf de course. La course sert de prétexte pour raconter des histoires. Celles des autres, celles que j’invente et aussi, parfois, la mienne, celle de quelqu’un qui a décidé que le myélome multiple ne serait pas la seule définition de ce qu’il est. (p.16)

 

Guy est un coureur citadin. Je suis un coureur des bois et nos rencontres ne sont pas du même type. Je suis du genre à saluer le porc-épic, la moufette, le renard, des lièvres qui m’accompagnent dans mes sprints, les familles de perdrix, le tétras des savanes toujours un peu belliqueux, un orignal, mais pas souvent. 

Si Guy a dû affronter Jean-Paul le chat irascible, j’ai dû confronter deux pitbulls dans le rang Saint-Benoît à Jonquière. Je ne sais qui était le plus dangereux cependant. Ces chiens ou ce monsieur Brassard qui sortait sur sa galerie pour m’invectiver quand il me voyait approcher. Après tout, les pitbulls étaient plutôt sympathiques à côté de cet homme. Sans compter le frappe à bord de la longue lignée des frappes à bord qui m’escortait tout au long d’un dix kilomètres en forêt. 

 

RENCONTRES

 

Guy croise des gens, des coureurs, une petite fille qui file comme une gazelle, un pêcheur, s’attarde à des choses particulières. Ce panneau près de la rivière Richelieu qui intrigue le curieux. COVID, vous vous rappelez. Un geste humain, touchant et terriblement émouvant. Tout est possible quand on sillonne le monde. 

 

Peint avec soin sur le panneau, sur fond blanc, un grand cœur rouge et un message : «Papa, Maman, XXX». Pourquoi là? Parce qu’en face, de l’autre côté de la rivière, il y a la Villa Belle-Rivière de Richelieu, une résidence pour personnes âgées. (p.23)


Voilà, je suis parti courir avec Guy plus de 70 fois. J’ai ri, j’ai été ému, j’ai découvert celui que je connaissais, son humour, son regard perspicace, le bon vivant, l’amoureux des gens et des bêtes. En fait, j’aurais pu lire une chronique et reprendre mon souffle, faire durer le plaisir, mais non. Je ne pouvais plus m’arrêter et c’est un ultramarathon que j’ai fait avec mon ami, bondissant d’un texte à l’autre, traversant la planète pandémie. 

Une plongée dans la vie de ce lecteur, de cet amoureux des vieilles voitures anglaises (une surprise), des matins chauds et des jours plus tendre en automne. On le suit, on fraternise pendant un temps, apprenant juste ce qu’il faut de sa vie, de ses souvenirs à Chambord où il est né, de certaines rencontres mémorables, de la vie dans tout ce qu’elle a de beau et d’exaltant. C’est une bouffée d’air frais que ces chroniques et j’en aurais voulu encore. J’espère qu’il y aura un Parti courir tome 2. Il devra organiser alors une belle petite course le long du Richelieu avec des centaines de lecteurs pour lancer l’ouvrage. 

Un bel humain que mon ami Guy, sensible aux autres et à ces petites choses qui font la vie. À noter que tous les profits de la vente de son volume vont à la Chaire Myélome Canada de l’Hôpital Maisonneuve Rosemont. Ça dit tout. Un livre qui fait du bien et qui guérit de la pandémie, juré.

 

MÉNARD GUYParti courir, Éditions VICTOR ET ANAÏS, 282 pages, 27,95 $.


https://victoretanais.com/collections/nos-livres-jeunesses-et-adultes/products/parti-courir-chroniques-pandemiques?fbclid=IwAR3qbR-oQd5pXbr5JDPwmQuklORgIBTGyl5RbGIdlUWYAyeF6QPEG1EUyFo

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