Exclusif à Littérature du Québec
André Pronovost parcourait, il y a plusieurs années, le sentier des Appalaches. Une aventure qui lui a fait traverser treize états américains. Cinq mois de marche, mais peut-être aussi l’aventure d’une vie.
«À l’aube de 1978, mon vieux rêve de couvrir en entier les deux mille milles de l’Appalachian Trail était devenu envahissant. J’avais besoin de me retrouver, de passer à autre chose, et que le diable emporte le reste ! Je partirais en février. À la mi-février, et en cinglant du sud au nord, de la Géorgie au Maine. Avec le printemps, quoi.» (p.11-12)
Une véritable épreuve physique l’attend, des conditions souvent difficiles. Le marcheur doit combattre le froid, la neige et la grêle; le vent, la chaleur, la pluie et les moustiques. Tout ce que l’on peut imaginer quand on ose s’aventurer dans des régions isolées.
Tout cela pour oublier un amour impossible, une thèse sur la psychologie animale qui bat de l’aile.
Les longues marches, les montées, les descentes, les nuits glaciales dans des abris où les moufettes et les souris circulent ont de quoi faire hésiter les plus courageux. L’écrivain en se confrontant aux éléments, apprivoise la solitude, jongle avec des questions existentielles qui pèsent parfois plus que son sac à dos.
«Je caressais, malgré mes doutes, une ambition tout à fait nette : me griser comme jamais je ne l’avais fait jusque-là dans ma vie d’air pur et de liberté ; briser mes fers et échapper aux erreurs de mon époque ; filer, filer vers les étoiles dans la nuit américaine.» (p.24)
On ne peut s’empêcher de penser à Jack Kerouac, aux «Anges vagabonds» entre autres.
Rencontres
L’aventure devient rapidement une marche à travers le temps et l’histoire de l’Amérique. Il croise des gens habités par des croyances qui leur permettent de vivre en paix ou qui cherchent un sens à leur existence.
«Je suivis la piste d’un ours entre le col de Spanish Oak et le sommet chauve et baigné de lumière de Snowbird Moutain, et à midi, après douze milles de marche allègre, me voilà en présence d’un type pas très vieux, pas très grand, à la figure rude et hâlée comme du poisson séché, aux yeux insondables, aux cheveux de jais, aux dents aussi blanches que celles de son chien. S’agissait-il de Lee Eagle, l’Amérindien winnebago qui pousse son mythe d’un pôle à l’autre de cette longue piste des Appalaches?» (p.81-82)
Chacune des étapes permet de croiser des originaux, des parias, des illuminés qui veulent transformer leur vie. Ils partagent un repas, un abri et chacun repart en ayant comme but d’atteindre le prochain relais où la prochaine agglomération pour faire des provisions.
Dans ces villages et ces petites villes, le marcheur fait la connaissance de gens qui l’aident sans rien demander en retour. Se remettre en route devient alors plus exigeant. Comment distancer ses obsessions même s’il connaît de véritables moments d’euphorie et d’extase ?
André Pronovost aura vécu une expérience humaine incomparable, une sorte de voyage initiatique qui lui permet d’aller au fond des choses et de découvrir l’âme des États-Unis d’Amérique.
L’écrivain a eu raison de rééditer ce récit unique. Une descente au fond de soi, une plongée dans un pays qui a du mal à s’assumer même s’il fait la loi sur la planète, qui hésite entre un idéal de pureté et le matérialisme. Absolument fascinant.
«Appalaches» d’André Pronovost est paru aux Éditions XYZ.