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lundi 20 août 2012

L’écrivain Wayson Choy s’accroche à la vie

L’être humain a la particularité de s’illusionner et de croire qu’il est immortel. Quand il ressent des malaises ou différents symptômes inquiétants, il continue comme si de rien n’était jusqu’au moment où le corps flanche.

L’écrivain canadien-anglais Wayson Choy, en 2001, se retrouve à l’urgence d’un hôpital de Toronto, entre la vie et la mort. Il se croyait invincible et capable de travailler quinze heures par jour, surtout à la veille de terminer un roman.
«Ma bouche s’est tordue. Mes narines se sont dilatées. Ma tête s’est projetée avec la force d’un ouragan; quand j’ai éternué, j’ai eu l’impression que ma bouche explosait. J’ai grogné avec un bruit de clapotis comme un cochon de dessin animé. Le souffle coupé, j’ai cherché un mouchoir dans ma poche et, si quelqu’un avait été là, je me serais excusé en disant: « Désolé. Allergies.» (p.13)

Après des jours dans le coma, quelques moments de lucidité où il a l’impression de voir le monde par un hublot, il refait surface. Un long et pénible retour qui demandera toutes ses énergies.
Heureusement, de nombreux amis l’assistent dans cette lutte où il risque tout. Et après une sorte de longue léthargie, il réapprend à respirer, à avaler un verre de jus et à remuer les doigts. Tout ce qui allait de soi auparavant devient un exploit physique.

Volonté

Wayson Choy fait preuve d’un courage admirable. C’est peut-être le propre de l’écrivain que de pouvoir répéter certains gestes jour après jour. Il se déplace avec un déambulateur et retrouve une forme d’autonomie même s’il doit tout réapprendre. Il est longtemps incapable de tenir un crayon et se demande si écrire est encore possible.
«J’avais déjà regardé quelques fois et pensé : si près et pourtant si loin… Je manquais encore trop de confiance en moi pour renoncer au déambulateur dont j’étais devenu malgré moi dépendant, non seulement comme support physique, mais aussi, soyons francs, pour attirer la sympathie des autres. Si j’étais capable de m’en éloigner d’une dizaine de pas, je ne pouvais en faire que huit pour revenir à ma marchette.»(p.105)

Changement

Les pièges à poussière de son appartement doivent être éliminés. Choy est asthmatique. Gravement. Les amis démolissent les bibliothèques qui regorgent de papiers et de vieux livres. La guerre aux tapis et aux moquettes est déclarée. Le capharnaüm qu’était son lieu de travail devient un espace aéré et clair. Il aura l’impression d’être ailleurs quand il rentrera chez lui.
«Kate m’a téléphoné de sa résidence à McGill et m’a raconté comment son père avait travaillé toute la nuit à démanteler la douzaine de bibliothèques en teck verni, comment une équipe de quatre personnes, jurant comme des charretiers, avait porté les étagères et non pas un, mais trois bureaux rafistolés au sous-sol.» (p.109)
Le sédentaire doit dorénavant bouger et mieux s’alimenter.

Retour

Après une longue convalescence, Choy recommence sa vie d’écrivain. Il triche un peu au début et ses manies reviennent. Les humains sont incorrigibles, on le sait. Il multiplie les voyages et travaille sans jamais se reposer. Le corps flanche une fois de plus. Le cœur cette fois. Il subit un quadruple pontage. Que lui faut-il pour comprendre qu’il doit ralentir et mener une vie moins trépidante?
«Je savais que son départ signifiait que j’irais bien. Que je serais la même personne que j’avais été avant de presque mourir, à deux reprises. Que tous mes défauts demeuraient totalement intacts.» (p.208)
Le pire ennemi que l’on peut affronter est en soi.
Voilà le témoignage vivant et plein d’humour d’un homme attachant, sensible aux autres et à la beauté de la vie qui devient de plus en plus précieuse quand elle risque de se terminer. Un hommage à l’amitié aussi.
Hélène Rioux a traduit ce récit qui se lit comme un thriller. Une belle occasion de jongler avec ses façons de vivre.

«Pas maintenant» de Wayson Choy est paru chez XYZ, éditeur.