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jeudi 31 octobre 2024

JEAN-SIMON DESROCHERS S'AMUSE BIEN

J’AI PRIS un certain temps avant de me sentir à l’aise dans le nouveau livre de Jean-Simon DesRochers : Le masque miroir. Rémi, le personnage principal, m’a donné du fil à retordre. Cet enseignant en création littéraire à l’université et auteur d’un roman qui a connu un beau succès s'abandonne à toutes les tentations dans sa vie privée. Sans compter les nombreuses aventures amoureuses où il en ressort toujours déçu et plus esseulé. Rémi est un peu revenu de tout et se laisse aller pendant cette année sabbatique où il n’a pas d’horaires à respecter. Il est surtout hanté par une maison de chambres où il a séjourné pendant quelques semaines et qui lui a servi de décors pour sa fiction. La fable et le réel nous emportent dans une spirale qui fait perdre pied et vous plonge dans les fantasmes de l’écrivain qui n’arrive pas à se détacher de son histoire et de ses héros. Attachez vos ceintures. L’imaginaire s’impose pour étourdir le narrateur et bousculer le lecteur de toutes les façons envisageables. 

 

Peu à peu, des personnages envahissent le quotidien de Rémi. Surtout une femme, Anya Moreno, une performeuse qui le prend dans ses filets et s’amuse à le mener par le bout du nez et à lui donner des crocs-en-jambe. Ils ont vécu quelques jours d’une ferveur amoureuse fulgurante qui a laissé des traces chez l’écrivain. Il n’arrive pas à oublier cette femme qui l’a marqué au cœur et au corps. Les deux sont allés au bout de leurs fantasmes et de leurs pulsions lors d’ébats torrides où toutes les frontières ont été abolies. Comme si les deux devaient expérimenter tout ce qu’une vie permet de folie et de passion pendant quelques heures, avant la disparition de la mystérieuse Anya. Rémi Roche, l’alter ego de l’écrivain, n’oublie pas ces moments époustouflants. Cette femme l’a entraîné dans une dimension où il n’était qu’un corps qui répondait à ses pulsions.

 

«Dans ce royaume d’images où la présence d’Anya occupe plus de la moitié des photos, plusieurs constats s’imposent : nos sujets de conversation semblent inépuisables, nos obsessions créatives comme nos intérêts philosophiques se ressemblent tout en se complétant, nous apprécions la même musique, aimons les mêmes films, livres, artistes et œuvres pour des raisons similaires, et nous admettons sans sourciller que le monde ne peut continuer sur sa lancée, même si, somme toute, il est trop tard pour éviter la catastrophe avec ces phénomènes appelés alors mondialisation et réchauffement climatique.» (p.54)

 

L’osmose parfaite, à croire que notre homme se dédouble pour aller au bout de ses fantasmes. 

 

FICTION

 

Plus je progressais dans ma lecture, plus je me sentais cerné par la fiction de Rémi Roche. Les personnages se dédoublent, interviennent et bousculent tout le monde. Ils envahissent son appartement et s’approprient tout l’espace. Une sorte de jeu de miroir où Rémi se décuple dans une galerie aux mille reflets. Même qu’il se retrouve devant lui, en version femme, donnant une belle part à la partie féminine qui se dissimule en chacun de nous. 

 

«À mon réveil, une note m’attend sur le comptoir-lunch, à côté de la lettre de Dominique que je n’ai pas relue depuis des jours. Alice s’excuse d’être partie tôt, évoquant le client impatient de la veille. Force est d’admettre que cette nuit passée dans les bras de ma personne féminine est la plus apaisante que j’ai connue depuis des années.» (p.244)

 

Et si c’était Anya Moreno qui tente par tous les moyens de le déstabiliser? Rémi devient en quelque sorte sa création et il perd le contrôle de sa vie. 

Tout va à la limite quand il participe à une expérience où il se livre à la fameuse intelligence artificielle. IA écrit comme Rémi Roche, peut-être même mieux que lui. Alors, qui est qui dans cette aventure? Et le temps de l’inventivité humaine est-il révolu? Sommes-nous à l’aube de la littérature de la machine?

 

«Un nouveau texte sorti de l’algorithme, une nouvelle de vingt-deux pages intitulée “Le bledou” mettant en scène un personnage nommé Rémi Roche, comme j’en avais eu l’intuition, il y a quelques jours. Ce Rémi fictif découvre après une enquête méthodique qu’il est le personnage d’une fiction. Ce faisant, il rencontre son double inversé, un certain Miré Chero qui a lui aussi compris être le personnage d’un récit et qui sombre dans la panique lorsqu’il rencontre ses personnages sur le plateau de tournage d’une série adaptée d’un de ses romans.» (p.245)

 

Une histoire un peu tordue, un jeu de miroirs où les poupées gigognes se multiplient à l’infini. Comment trouver ses repères quand tout se défait et surtout lorsqu’on ne peut se fier à ce qui nous entoure?

Pendant la lecture de Jean-Simon DesRochers, une question m’a obsédé : que sont le réel et l’imaginaire? Il est vrai que, dans la société présente, à peu près tout se confond sans que l’on sache à quoi nous accrocher. Et avec cette intelligence artificielle (IA), l’identité est remise en question et la pensée humaine, que l’on croyait unique et irremplaçable, se fendille.

 

MIROIR

 

Tout s’inverse dans le miroir et il faut être capable de lire à l’envers et à l’endroit pour décoder les messages et suivre le parcours de Rémi. Nous sommes peut-être avec Alice de l’autre côté de l’image où tout arrive. L’éditeur François Hébert se dédouble. On le retrouve à la fois dans son bureau à travailler sur un texte comme il le fait jour après jour et devant Rémi, dans le restaurant. De quoi perdre la tête. Qui est qui dans Le masque miroir? Ça devient étourdissant pour le lecteur. Déroutant, oui, mais en même temps envoûtant. J’ai aimé suivre DesRochers dans tous les méandres de son roman et plonger dans les trappes qu’il place partout.

Un jeu étonnant et fascinant. 

Jean-Simon DesRochers se plaît à détricoter tous les nœuds de la fiction et nous entraîne dans un monde où tous les repères s’effilochent. Il nous reste alors les mots et les phrases pour demeurer à la surface et ne pas être happé par les profondeurs et la déraison. 

Monsieur DesRochers est un véritable sorcier qui jongle avec des feux d’artifice et nous plonge dans un labyrinthe où le Minotaure vous guette de son œil noir. Rémi Roche, au bout de 336 pages bien serrées de son récit, se penche sur son clavier et écrit : «Est-ce que ça commence ainsi? Oui, il faut que ce soit comme ça. Pourquoi je me sens si bien?» Nous retrouvons l’incipit, le début de l’histoire. Nous voici au départ et au fil d’arrivée. Tout va recommencer peut-être, dans une autre utopie, avec un nouveau visage pour déjouer et bousculer le réel tout en se laissant emporter par les fantasmes et les obsessions. 

L’écriture pour Jean-Simon DesRochers est peut-être un éternel jeu de recommencements et de fausses intrigues qui ne cessent de le déstabiliser. Le masque miroir est une chorégraphie sur la fiction qui se faufile dans une histoire haletante et étrange. Non, jusqu’au recommencement. Et où est le vrai dans notre société quand un mythomane et un menteur compulsif veut redevenir président des États-Unis pendant que les continents sont ravagés par des tornades, des feux ou encore des pluies diluviennes. La planète est en train de chavirer et nos élus parlent de prospérité et de richesses. Nous sommes peut-être dans la plus folle des fictions et nous avons perdu contact avec le réel qui se manifeste de de façon brutale.

 

DESROCHERS JEAN-SIMON : Le masque miroir, Éditions du Boréal, Montréal, 342 pages.

https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/masque-miroir-4057.html

mardi 17 septembre 2024

UNE COLÈRE QUI FAIT DU BIEN À ENTENDRE

LE DROIT à l’avortement est interdit dans la moitié des États du sud des États-Unis par la Cour suprême en 2022. Élisabeth Lemay, jeune écrivaine, le prend plutôt mal et ressent ça comme une agression contre son corps, sa liberté d’être et d’agir. Une attaque en somme contre toutes les femmes américaines et du monde. Quand on dépouille une femme de ses prérogatives, peu importe où elle se trouve, toutes écopent. On les prive d’une parcelle de leur être et de cette liberté que l’on proclame sur toutes les tribunes. Madame Lemay entreprend alors la rédaction de L’ÉTÉ DE LA COLÈRE pour exprimer son ras-le-bol de cette société patriarcale qui dicte depuis des millénaires ce que doivent dire et faire les femmes. Surtout, comment elles doivent être dans leur tête, leur corps et leur sexualité que les mâles définissent. Elle dénonce les règles écrites pour et par les hommes qui assujettissent les femmes et les privent d’une pensée personnelle et originale.

 

Ce jugement de la Cour suprême des États-Unis n’est qu’un exemple, un de plus qui marque le retour du machisme dans nos sociétés. Des phénomènes qui se multiplient sur la planète. Que dire de la situation en Iran après la mort de Mahsa Amini

L’horreur. 

Partout, des tensions déchirent les populations et créent des affrontements et des conflits aussi vieux que l’humanité. Nous n’avons qu’à nous souvenir des atrocités du colonialisme face aux nombreux peuples qui habitaient les Amériques et qui ont été quasi éliminés dans des guerres génocidaires. 

Nous n’échappons pas à ces tiraillements au Québec. Des remous et des différends qui ont du mal à s’exprimer et qui provoquent toujours des dérapages. C’est que nous sommes au niveau des croyances, de la foi, dans une pensée conçue pour et par les hommes. 

Élisabeth Lemay s’en prend à des habitudes gravées dans l’inconscient, qui ne s’expliquent pas et ne se justifient jamais. C’est peut-être pourquoi il est si difficile pour les femmes de se faire respecter et de trouver leur espace dans toutes les sphères de la société.

 

«C’est une guerre contre les femmes libres, les carriéristes et les bordéliques au réfrigérateur vide, celles avec des amants de passage qui vivent sans demander pardon. C’est une guerre contre notre place dans les tours de bureaux et les boys clubs. Contre notre ennui devant les tâches ménagères. Notre façon d’aimer le sexe autant que les hommes, de ne pas savoir cuisiner et de n’en avoir rien à foutre. C’est une bataille contre le plaisir que prennent les femmes dans leur sexualité déculpabilisée et leur indépendance dans cette chambre à soi dont parlait Virginia Woolf.» (p.12)  

 

Madame Lemay n’y va pas par quatre chemins. C’est direct, franc, percutant. L’écrivaine nous regarde droit dans les yeux et il est impossible de se dérober ou d’esquiver. J’adore ça. Elle frappe en plein cœur de la cible. 

 

«Et qu’on ne me dise surtout pas qu’ici, c’est différent. Je repense à mes ex. À mes histoires d’un soir. Je pense à Virginie Despentes pour qui la première règle du patriarcat, c’est d’exclure les femmes du domaine du plaisir. Aux hommes qui m’ont brisée. Je pense au retour de Julien Lacroix. À l’épidémie de drogue du viol. Aux jeunes filles à qui ont dit de surveiller leur verre dans les bars et aux garçons à qui on ne dit jamais rien.» (p.13)

 

J’aime cette façon un peu baveuse de m’interpeller, de dire ce que l’on tente toujours d’éviter et de repousser en répétant que nous sommes différents au Québec, permissifs et égalitaires. Pourtant, quand je me penche sur les statistiques depuis le début de l’année, le nombre de femmes tuées par des hommes me coupe le souffle. Quinze victimes en 2023 et déjà onze et plus, en 2024. 

 

TOUT LE MONDE

 

Madame Lemay apostrophe tout autant les hommes qui disent comprendre la situation des femmes et qui en profitent pour les manipuler. Je fais peut-être partie de ce groupe, je ne sais trop. On n’extirpe pas ses réflexes en claquant des doigts. Difficile d’échapper à un conditionnement qui a duré toute l’enfance et qui s’est imposé pendant des siècles. Il faut certainement toute une vie pour se défaire de cette manière de penser et d’agir. Tous les hommes, face aux femmes, sont comme des drogués qui peuvent retomber dans leurs habitudes à la moindre occasion.

L’écrivaine ne se ménage pas non plus et raconte comment elle a tenté de devenir celle qui vit avec une chaîne à la cheville, s’occupant des tâches ménagères, s’efforçant d’être la parfaite reine du foyer, la plus séduisante et sensuelle, attendant le retour du mâle pourvoyeur. Malgré tout ça, cette révoltée affirme que ce fut une période de sa vie où elle a été heureuse, n’ayant pas à se battre et à lutter pour être soi. Peut-être parce qu’elle adhérait à la norme. La liberté est exigeante et demande une vigilance constante. Pas facile d’être soi quand les balises tombent et qu’il faut s’inventer une manière d’être et forger d’autres pensées. 

Tout ça dans une société qui affirme haut et fort qu’au Québec, l’égalité entre les hommes et les femmes est non négociable et acquise! Le machisme et le patriarcat n’ont pas disparu avec la Grande noirceur et la fin de la fréquentation des églises. Il y a aussi le monde du travail et les écarts de rémunérations qui persistent malgré les luttes syndicales. Ces métiers que les femmes occupent sont moins valorisés et surtout moins payés. 

 

TÉMOIGNAGE

 


Élisabeth Lemay n’en reste jamais à la dénonciation ou à la rhétorique revancharde. Elle parle de son vécu, de ses expériences. C’est déstabilisant ses aventures avec des ombres fuyantes et des compagnons. 

 

«Je pense que j’ai été violée. C’est ce que j’ai lâché à mes amies, sans vraiment comprendre. L’été de mes vingt ans, j’ai fait l’amour avec le fils de mon patron. Je l’ai laissé me faire l’amour, devrais-je dire. On m’avait prévenue quand j’avais décroché l’emploi, sans vraiment dire de qui ou de quoi on me mettait en garde. On me lançait des fais attention à la figure.» (p.15)

 

Élisabeth Lemay unit sa voix avec celles de certaines écrivaines et philosophes, des battantes qui, comme Hilary Clinton et Monica Lewinsky, ont flirté avec le pouvoir et ont été attaquées et ridiculisées juste parce qu’elles étaient libres et croyaient qu’elles pouvaient faire tout ce que les hommes se permettent. Elles ont été apostrophées sur la place publique, sur toutes les tribunes par ceux qui avaient tout intérêt à le faire. Que dire de cet abominable Donald qui insulte Kamala Harris, la traite de folle, sans soulever un tollé de protestations ou de prises de position dans les médias pour condamner cet énergumène plus dangereux qu’un bol de nitroglycérine?

 

«On a beau vouloir, on n’efface pas des siècles de conditionnement aussi facilement. Il est plus simple, dans ce monde, d’être une boniche de maison qu’une sorcière moderne.» (p.71)

   

Un récit qui ne louvoie jamais, dérange, reste nécessaire, malheureusement. 

Je ne pense pas qu’on va en parler beaucoup cependant dans les émissions littéraires ou encore dans les pages culturelles. On fait ce que l’on a toujours fait devant ces écrits qui égratignent des habitudes et qui heurtent la censure patriarcale. 

J’en sais quelque chose. 

Après avoir publié Le réflexe d’Adam en 1996, je me suis buté à ce silence quand j’ai eu la témérité de réagir à la tuerie de Polytechnique et de stigmatiser les propos de Rock Côté dans Le manifeste d’un salaud. On a plissé le nez et détourné la tête. Une mention de mon essai à La bande des Six de Radio-Canada où Chantal Jolis a affirmé qu’on en avait assez des hommes roses

Tout était dit. 

Élisabeth Lemay se heurte à un mur et la meilleure manière de la paralyser, c’est de faire comme si… elle n’existait pas. Heureusement, Josée Blanchette dans Le Devoir a fait preuve de solidarité. 

 

LEMAY ÉLISABETH : L’été de la colère, Éditions du Boréal, Montréal, 176 pages. 

https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/ete-colere-4054.html 

vendredi 19 juillet 2024

MATHIEU ROLLAND M'A ENCORE SUBJUGUÉ

J’AI BEAUCOUP aimé Souvenir de Night de Mathieu Rolland. «Une sorte de blues lancinant qui traverse la nuit et vous aspire», que j’écrivais lors de la parution de ce premier roman en 2020. Trois ans plus tard, il revient avec De grandes personnes, un ouvrage tout aussi exceptionnel où le comportement de ses héros est remis en question après une tragédie. Une famille : Sophie, Benoit et Tom, le fils. Des surdoués que la vie bouscule et force à muter.

 

Je ne sais pourquoi, mais j’ai parcouru les 213 pages de ce texte en retenant mon souffle, ressentant une appréhension au bout de chaque paragraphe comme si tout pouvait s’écrouler, se défaire et emporter le trio qui me semblait des proches après quelques chapitres. Une tension dans l’écriture de Mathieu Rolland vous happe constamment. 

Une histoire qui échappe aux sentiers battus en est la cause, certainement. L’originalité des personnages, les dialogues qui sonnent autrement et les agissements du couple étonnent. Et Tom, un petit garçon doué, un solitaire insomniaque (c’est rare chez un enfant) doit apprendre la vie et sortir de sa bulle.

Des intimes, presque. Je ne leur souhaitais que du bien.

 

VEDETTE

 

Sophie d’abord. Une athlète de haut niveau qui s’est illustrée en natation aux Jeux olympiques où elle a remporté des médailles. Une vedette que tout le monde connaît à cause de son sourire, sa personnalité attachante et sa simplicité. Une volontaire, une perfectionniste qui a l’habitude de tout contrôler dans la piscine. Elle a passé des heures et des heures à s’entraîner, à étudier ses mouvements pour que sa nage soit parfaitement fluide.

Et arrive cet accident d’auto, le feu qui souffle le véhicule. Sophie survit par miracle, touchée au visage et à un bras. La grande brûlée qu’elle est maintenant doit entreprendre son plus terrible combat, subir des greffes de peau et apprivoiser ce nouveau visage et une autre apparence. Elle n’a plus rien de l’athlète adorée qui faisait les manchettes et a du mal à se reconnaître quand elle se retrouve devant un miroir. 

 

«Elle entrait dans la période de sevrage, on allait commencer à diminuer la morphine, elle restait éveillée plus longtemps, son esprit s’éclaircissait.

Des inconnus s’étaient mis à se succéder pour la manipuler, l’observer, la noter, pour mesurer, calculer, imposer à son corps des exercices, son cou, ses bras, ses jambes, le mouvement qu’ils s’efforçaient de lui apprendre, de rendre naturels, de quatre à cinq heures par jour. Une discipline. Avec sa nouvelle peau, elle devait tout réapprendre.

Bouger les doigts, tenir un verre d’eau, une balle, un crayon. 

Parler, tirer la langue, fermer les yeux, les ouvrir, et sourire. 

On saluait la vitesse à laquelle elle se rétablissait.» (p.74)

 

Sa peau peut s’infecter et elle doit se protéger, éviter de s’exposer au soleil. Elle qui filait comme une torpille dans les couloirs de la piscine doit apprendre à être dans cet état de fragilité.

L’athlète de haut niveau entreprend une terrible bataille pour s’installer dans une nouvelle vie. Benoit, son mari, celui qui manipule les chiffres et les statistiques qui expliquent tout, l’aide dans ses efforts même s’il a du mal à reconnaître celle qu’il aime. Tout oscille et peut basculer au moindre souffle. 

 

«Alors que Benoit s’approchait d’elle en voiture et que les phares éclairaient Sophie, debout au milieu du stationnement dans son manteau d’hiver trop grand, il prenait conscience, d’une manière dont il n’avait pas été capable avant, qu’elle n’était pas morte.» (p.105)

 

Il se trouve dépourvu et sans mots devant cette nouvelle Sophie qui est devenue une étrangère qu’il doit apprendre à connaître et apprivoiser. Tout comme Tom doit le faire. Des moments particulièrement touchants.

 

«Sophie les attendait dans l’entrée, la tête emmitouflée dans son foulard. Tom est apparu, s’est arrêté net en l’apercevant, penché contre Benoit. 

Elle l’a salué, en l’appelant son petit Tom.

— Tu as froid?

— Je peux enlever le foulard?

— Oui, mais garde-le si tu as froid.

Il s’est approché et elle aussi. Son foulard désormais autour de son cou, elle s’est agenouillée devant lui. Il a analysé son masque, puis sa main gantée.

— Tu as mal?

— C’est sensible.

— Mais je peux toucher?

— Oui, oui, doucement.

Il a pris le visage de sa mère de ses deux mains, tenant ses joues entre ses paumes encore trop petites pour les recouvrir complètement. Il pouvait voir ses yeux derrière le masque, le bleu de ses yeux, le même que les siens, et il l’a embrassée sur la bouche. Elle l’a pris dans ses bras pour le serrer au plus fort. 

Elle était à la maison. Ils seraient ensemble.» (p.107)

 

Des instants où tout peut s’écrouler dans un battement de paupières. Un geste, un hochement de la tête. Des moments intenses et troublants. Chaque seconde devient un suspense.

 

DÉMARCHE

 

Tom, malgré sa belle intelligence, a du mal à s’intégrer à l’école spéciale où il est inscrit. Il est fasciné par les vidéos et un comédien qui joue dans des séries très violentes. L’enfant solitaire qui a vécu avec des adultes jusqu’à maintenant doit se familiariser avec la société et ses semblables. Il dort peu ou pas, est happé par les écrans comme bien des jeunes de nos jours. 

 

«L’insomnie de Tom l’avait toujours inquiété. 

Un bébé qui ne faisait pas ses nuits et, même si les cris et les pleurs avaient cessé avec le temps, le sommeil, lui, n’était jamais venu. Benoit se levait souvent, par réflexe, par habitude, par peur, pour se rendre à la chambre de Tom et s’assurer qu’il était bel et bien endormi. Il le trouvait presque toujours au sol, jouet ou crayon à la main, dans le noir, murmurant des mots qu’il ne maîtrisait pas encore, puis plus tard, plus vieux, noyé de lumière blanche, celle des écrans.» (p.61)

 

Tous les trois, peu importe leur intelligence, s’installent dans une autre vie et font face à la réalité. Muter, plonger dans une existence tellement différente dans le cas de Sophie, se battre cette fois pour être juste une femme dans son quotidien. Benoit s’adapte et ressent l’émotion et l’empathie. Du nouveau chez lui.

Tom, le surdoué, change d’école pour crever sa bulle, s’approcher de ses camarades et établir de vrais contacts. 

C’est éprouvant pour Sophie qui doit réapprendre à bouger et accepter celle qu’elle est devenue, se reconnaître dans ce visage qui lui est étranger. Benoit prend conscience de ses façons de faire et doit muter avec son fils. Un combat tout aussi exigeant et difficile.

 

FASCINANT

 

Des personnages originaux, attachants et des dialogues qui échappent aux clichés rassurants. 

C’est magnifique.

La petite famille doit se repenser et se réorienter pour demeurer ensemble. Que ce soit au travail, dans l’intimité, il y a toujours celui ou celle que l’on doit devenir qui attend derrière une porte que l’on ouvre avec appréhension. 

Un ouvrage remarquable d’intelligence et de questionnement sur la vie et la société qui nous pousse vers la performance et nous laisse souvent tel un inadapté social. Oui, la vie est un combat de tous les instants. Plus que jamais.

 

ROLLAND MATHIEU : De grandes personnes, Éditions du Boréal, Montréal, 216 pages. 

https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/grandes-personnes-3991.html

mercredi 26 juin 2024

L’AVENTURE DE LA VIE EN DIX NOUVELLES

LES TEXTES d’Étienne Goudreau-Lajeunesse nous entraînent d’abord dans le monde rural, sur une ferme avec ses rites, ses habitudes, ses fêtes qui marquent les saisons. Cela n’empêche pas l’écrivain, qui en est à son premier livre, de déborder sur la vie moderne avec ses obligations, ses points de repère et des heures incontournables. Pourtant, il y a des jours dans l’année où il faut renouer avec les siens pour s’inscrire peut-être dans le temps et l’espace.

 

Tout commence en automne avec la nouvelle Cochoncetés qui donne le titre au recueil. Le cochon que l’on a soigné pendant des mois et que l’on abat selon un rituel défini, provoquant des moments intenses et des joies. Je me souviens de ces jours attendus qui arrivaient toujours après les premières grosses gelées. Nous n’avions pas de congélateur alors et ma famille conservait la viande dans le hangar. C’était une fête où l’on glissait de la vie à la mort (ou l’inverse) en immolant le cochon qui nourrirait la maisonnée pendant toute la saison froide. Le moment dramatique survenait quand mon père attrapait le porc avec une sorte de collet qu’il lui passait dans la gueule avant de le traîner dehors. Les cris de l’animal, ses hurlements stridents que j’entends encore. Jusqu’à la saignée effectuée par mon père. L’acte sacrificiel lui était réservé. C’était toujours lui qui saignait le cochon et jamais un de mes frères ne s’est chargé de cette tâche. Nous scrutions chacun de ses gestes en silence lorsqu’il officiait. 

Le sang giclait avec les battements du cœur de la bête et nous le recueillions, les plus jeunes, dans un poêlon qu’il fallait remuer pour que le précieux liquide ne caille pas. Les hurlements du porc restent un moment dramatique. Je me demandais si notre cochon savait que sa fin était arrivée. Je pensais que oui et je le crois encore. C’est pourquoi il protestait de toutes ses forces. Rien d’aussi spectaculaire avec la taure. Mon père, le maître de la vie et de la mort, l’abattait avec sa carabine Winchester 30-30 un peu plus tard dans la saison. 

Après, quand le grand bac d’eau chaude fumait, nous ébouillantions le cochon avant de le gratter avec des couteaux pour enlever les poils, pour que sa peau devienne lisse et rose. Tout le monde y participait et c’était la fête, les rires alors.

 

«Le cochon est bel et bien mort, la balle s’est logée dans la tête. Ça, les enfants, c’est un fusil de chasse de calibre .410, ça nous assure une mort rapide, il faut tenir le fusil à environ dix centimètres de la tête et tirer avec assurance, avec assurance, je vous dis, surtout ne pas avoir peur, c’est ainsi qu’on assure à la bête une mort digne, on n’est pas un abattoir industriel, ici, on fait les choses à l’ancienne, avec respect et humanité, et pendant que le père prononce ces paroles, la main sur le cœur, les enfants l’écoutent, immobiles, fascinés par le cochon échoué dans la boue.» (p.12)

 

La mort que l’on regardait en face dès que l’on pouvait demeurer sur ses deux jambes. Un rituel où les adultes et les enfants avaient leur rôle défini et que nul ne contestait. 

Un moment sacré.

 

QUÊTE

 

Les dix textes du recueil d’Étienne Goudreau-Lajeunesse flirtent avec la vie et la mort. Comme s’il se glissait dans nos existences sur la pointe des pieds et qu’il nous arrêtait sur des moments où nous avons l’impression de courir sur une corde raide. 

J’avoue avoir un faible pour la nouvelle intitulée L’inachevé. Un peintre tente de capturer le réel avec ses pinceaux et ses couleurs. Jamais il ne parviendra à être satisfait de son travail. Comment piéger le temps, l’instant qui contient tous les autres?

 

«Il s’était enfoncé dans une logique sans idéal, il ne lui restait que ce qu’il appelait le réel, toujours changeant, insaisissable; le peintre ne s’en était jamais rendu compte, mais il essayait dans son œuvre d’enfermer non pas un instant du réel, mais le temps lui-même, le temps qui transforme tout, qui corrode et qui détruit. Et le temps avait eu raison de lui.» (p.72)

 

Un texte percutant, une quête impossible, l’obsession de tout artiste, peintre et écrivain, qui cherchent la perfection qu’il n’arrive jamais à effleurer. C’est pourquoi les créateurs recommencent sans cesse leur travail pour faire, peut-être, ce qu’il croit être un pas vers l’absolu. 

 

BASCULE

 

Il y a aussi le moment fatal où un accident se produit. La vie que l’on savourait par tous les pores de sa peau n’est plus. Il a suffi d’une seconde d’inattention et tout bascule.

Parce que la vie garde les mains sur la mort, qu’on le veuille ou non. Les deux faces de ce qu’est l’existence. L’enfance et l’adolescence où on a l’impression d’être capable de tout et la vieillesse où la mort occupe peu à peu tout le terrain. Nous le savons, le vivons jour après jour, mais faisons souvent comme si nous étions immortels. Il faut toujours cette tension pour que la vie soit possible. Gaudreau-Lajeunesse l’illustre avec une habilité remarquable. 

Une écriture particulière qui bouscule tout, vous arrête dans un élan pour s’attarder dans une fulgurante lucidité, à des gestes que l’on effectue sans y penser la plupart du temps et qui font que l’on forme une famille, un clan avec ses fêtes, ses traditions et ses rites qui vous rapprochent ou vous éloignent dans certains cas. Parce que l’existence n’est qu’une suite d’habitudes qui avalent les jours et les semaines.

Chacun des textes de cet auteur devient un temps de connaissance qui transforme et nous pousse peut-être vers une forme de clairvoyance. Nous en sortons plus conscients du moment présent et de tout ce qui constitue l’aventure de la vie. Une quête de beauté et du réel certainement. Tout ce qui reste insaisissable et que l’on tente d’attraper dans nos folles occupations et nos obsessions. L’écrivain nous garde sur un pied d’alerte et nous permet de plonger dans des éclats de vie où nous sentons, entre deux respirations, la pulsion de l’être et sa fragilité. Dix moments fascinants et intenses.

 

GOUDREAU-LAJEUNESSE ÉTIENNE : Cochoncetés, Éditions du Boréal, Montréal, 152 pages.


https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/cochoncetes-4030.html

mercredi 22 mai 2024

LA BELLE AVENTURE DE JÉRÉMIE McEWEN

J’ÉCOUTAIS Jérémie McEwen à l’émission C’est fou de Serge Bouchard et Jean-Philippe Pleau à Radio-Canada. Il y commentait le sujet de la semaine pendant cette heure de réflexions avec verve et enthousiasme. Le philosophe et enseignant parvenait souvent à connecter certains propos de Platon ou de Socrate avec notre époque qui donne si peu la parole à ceux qui prennent une certaine distance avec l’actualité. Autrement dit ceux qui sont capables d’établir des parallèles et de s’élever au-dessus de la mêlée et des redondances, ceux surtout qui oublient l’humour qui gangrène à peu près toutes les émissions de la radio et de la télévision. Jérémie McEwen a eu la bonne idée de regrouper une quarantaine de ses écrits qui lui permettait de faire le point avant sa présence à la radio dans La joie de pensermes années Serge Bouchard. Le tout intercalé de passages où il se confie et rend un hommage particulier au grand communicateur qu’aura été Serge Bouchard. 

 

Bien sûr, Jérémie McEwen rédigeait des textes avant d’intervenir à C’est fou, une émission que j’ai suivie avec attention et passion. Et quand il se retrouvait en ondes, il oubliait ses feuilles pour parler et discuter avec ses comparses. Une démarche nécessaire, parce qu’après tout la radio est le média de la parole vive et peut-être aussi un peu rebelle, nerveuse qui laisse une certaine place à l’improvisation. Ça donnait des moments captivants et enflammés, une présence chaleureuse et toujours intéressante. 

Et maintenant ces textes, des chroniques je dirais, on peut les lire avec bonheur. C’est l’essentiel de cette publication où le communicateur élabore ses idées et nous parle de ses enthousiasmes. Mais je crois que La joie de penser est surtout un livre qui permet de voir comment l’amitié entre deux hommes s’est développée pendant les sept années de cette collaboration avec Jean-Philippe Pleau et Serge Bouchard à la radio de Radio-Canada. Assez de temps pour s’apprivoiser et s’enrichir mutuellement les uns aux autres. Quelle chance a eue Jérémie McEwen de pouvoir, pendant quelques minutes, s’aventurer hors des sentiers battus. 

 

«Et c’est aussi qu’à mon sens l’écriture est source de parole, et non l’inverse. Ces textes recueillis représentent donc quelque chose comme les sources de ma prise de parole publique à la radio, aux côtés d’un des plus grands intellectuels médiatiques de mon temps, Bouchard, mise en branle par son acolyte, coanimateur et réalisateur, Pleau.» (p.9)

 

Oui, je m’ennuie des interventions de Jérémie McEwen, de ses propos qui savaient si bien faire des liens entre l’ici, le maintenant et l’histoire de la pensée, la quête de l’être dans un monde obsédé par l’argent, les objets et l’avoir. 

 

COMME À LA RADIO

 

Le recueil reprend des thèmes que les émissions permettaient d’explorer. C’est pourquoi ces textes vont un peu dans toutes les directions, s’adaptant au sujet de la semaine. C’est le propre de la parole et du questionnement sur des habitudes, des concepts, des manières de voir et de faire qui nous suivent et viennent souvent de nos parents même si on prétend avoir tout inventé sans l’aide de personne.

McEwen s’est attardé tout autant aux extraterrestres qu’aux camions que chérissait Serge Bouchard, à la violence, à la colère, l’amour, la forêt et le soleil si nécessaire à tout ce qui nous émerveille. Tout ce qui peut nous surprendre et susciter une réflexion dans la terrible aventure d’être une conscience et de jongler avec les mots, de prendre la peine de s’arrêter pour se demander ce qu’est vivre et pourquoi toute cette beauté autour de nous. Pourquoi aussi les humains sont si souvent aveugles et capables des pires folies?

Je me souviens de moments qui m’ont touché et qui rejoignaient les pensées qui me secouent inévitablement pendant mes lectures. Je l’ai déjà écrit en parlant des livres de Serge Bouchard, certains propos me nourrissent et me font mieux respirer dans la grande traversée du jour. Et encore maintenant, pendant Réfléchir à voix haute, mon heure de méditation et de réflexions. Récemment, j’ai eu la chance de retrouver mon ami Jean Désy qui nous surprend par ses dires et ses expériences. Et je reste un admirateur indéfectible de Micheline Lanctôt.

J’ai surtout pu constater, en me faufilant dans La joie de penser, qu’une solide complicité s’est développée entre l’anthropologue Serge Bouchard et le philosophe qu’est Jérémie McEwen.

 

«J’entends sa voix en moi, je l’entends soupirer à chaque respire, et je sais qu’il me manquera toujours, que je porterai cette absence à jamais. Notre relation se poursuit, c’est bien ce qu’il y a de plus paradoxal, et je pourrais remplir sans fin des carnets de deuil comme l’a fait Barthes en sachant que mon chagrin est un état continu, et non une tension qui attend musicalement sa résolution. Je l’aimais, je l’aime.» (p.97)

 

Que de moments intenses et précieux, quelle belle complicité et, parfois, pas souvent, des confrontations comme il se doit. Parce que vivre, c’est aussi contredire et ne pas toujours chercher à avoir le pas de l’autre. Si Bouchard savait secouer les mots du poète devant une forêt d’épinettes, McEwen demeurait un authentique citadin qui respire mieux avec le béton sous ses pieds. Pour être honnête, il avoue s’ennuyer au bord d’un lac, dans un chalet situé au cœur d’un petit boisé bien apprivoisé. Des points de vue différents, des discussions animées et surtout, un respect admirable entre les deux. 

 

«Quand je lui parlais de hip-hop, et que finalement il ouvrait les portes de sa pensée à cette culture qui a priori ne le touchait pas du tout, je savais qu’il se voyait plus jeune, je le sentais respirer sur le terrain, sur la Côte-Nord, et bien qu’il eût par ailleurs mille réserves sur ma vision du monde (mon impatience et mon urbanité enthousiaste par-dessus tout), il comprenait que ma démarche auprès de la culture afro-américaine était parente de la sienne auprès des InnusEt comme lui, de lui, j’ai appris à me tasser, à laisser les peuples s’exprimer d’eux-mêmes, après avoir travaillé à ouvrir un chemin de traverse.» (p.192)

 

Une solide amitié qui se double d’une initiation pour le jeune chroniqueur auprès du sage de la radio qu’était Serge Bouchard. Une complicité qui a marqué le philosophe tout comme elle a changé la manière d’être certainement de Jean-Philippe Pleau qui a côtoyé l’anthropologue et conférencier pendant toutes ces années.

 

RÉFLEXION

 

Des moments d’arrêt dans cette époque folle où le temps ne cesse de nous échapper et où, à la radio, certains chroniqueurs parlent à une cadence qui donne le vertige. Tellement qu’après leurs interminables tirades, je me demande quel était le sujet de leur intervention. Et peut-être qu’ils sont rémunérés au mot, que je me dis. Il faut papoter vite et fort, dégainer, mitrailler pour avoir un cachet certain.

Les courts textes de Jérémie McEwen permettent de respirer mieux, comme quand dans une longue randonnée en forêt, on trouve une roche près d’un ruisseau où l’on peut s’asseoir pour faire le point devant tant de beauté et de vie. Chacun de ces textes confronte sa façon de voir, de penser et d’agir face à la catastrophe annoncée qui pèse sur notre planète et se manifeste par des bouleversements qui sèment la peur et la mort. Cette planète que nous avons tant malmenée dans notre quête folle de richesses, courant les yeux fermés sans prendre la peine de regarder les ravages que nous laissions derrière nous.

Quelle belle manière de secouer nos travers, nos pulsions et nos obsessions que celle de Jérémie McEwen! Oui, il y a du plaisir et un bonheur certain à réfléchir et à retourner des propos comme on le fait avec les pierres du chemin pour surprendre la vie qui s’y cache. On peut faire ça à la radio dans de rares émissions qui donnent toute la place à la pensée et à la réflexion. 

C’est une chance de revenir sur ces moments en parcourant les textes de Jérémie McEwen qui nous entraîne dans la folle aventure de chercher à comprendre les phénomènes qui nous entourent, tout en nous racontant ses liens avec Serge Bouchard, son maître, celui qui lui a ouvert les portes de la radio et de la parole que l’on entend. Si Jérémie McEwen éprouve de la joie à penser, j’ai eu beaucoup de plaisir à l’écouter quand il occupait les ondes et à le lire dans ce beau livre vivant et nécessaire. C’est un bonheur ajouté certainement. 

 

JÉRÉMIE McEWEN : La joie de penser, mes années Serge Bouchard, Éditions du Boréal, Montréal, 230 pages.

https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/joie-penser-4039.html