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lundi 10 juin 2024

VALÉRIE FORGUES CHOISIT SA LIBERTÉ

J’AI LAISSÉ filer pas mal de temps avant de me décider à écrire une chronique portant sur Un choix d’amour, le récit de Valérie Forgues. Peut-être parce que je ne savais pas par quel bout empoigner ce témoignage direct, d’une franchise étonnante qui nous pousse devant des concepts essentiels : la vie et la liberté individuelle. L’auteure n’y va pas par quatre chemins. Tout est clair dans sa tête, et ce depuis toujours. Elle ne veut pas de la maternité. C’est hors de question pour elle. «Vivre est facile les yeux fermés, mais je ne peux me mentir, je me sais incapable d’élever un enfant, tout occupée à apprendre comment prendre soin de moi.»

 

L’écrivaine a beau être convaincue, rien ne se passe comme elle avait pu l’imaginer quand elle se rend compte qu’elle est enceinte. Tout est remis en question. Alors un grand flou, une hésitation, fait osciller toutes ses certitudes. Il suffit de si peu de choses pour que tout bascule. Une impulsion, une décision irréfléchie et sa vie peut prendre une autre direction. Parce que s’accrocher à une seule idée ou conception, sans jamais se questionner, fait de vous un être dangereux et inquiétant. Je crois que les despotes sont ces personnes qui possèdent une vérité qu’ils ne discutent jamais et qu’ils imposent à leurs concitoyens. Vladimir Poutine et Donald Trump sont ce genre d’individus. 

Valérie Forgues, malgré ses idées, se rend compte que tout peut basculer, surtout quand elle se tourne vers la société qui fait pression sur les hommes, les femmes. Tous vont dans une même direction. L’écrivaine reprend cent fois la question et c’est ce qui fait d’elle une auteure intéressante. Heureusement, ses convictions profondes finissent par remonter à la surface. 

Sa vie amoureuse a été un peu chaotique et changeante. Tout comme ses études et sa présence dans le monde du travail. Elle est souvent en mouvement même si on sent qu’elle cherche à mieux respirer en regardant devant soi sans toujours être assaillie par le doute et les hésitations. Il y a cependant une certitude, bien ancrée dans sa tête : elle sera écrivaine et fera tout ce qui est nécessaire pour y arriver. Alors, dans sa vie un peu dissolue, tout tourne autour de ce projet et du bonheur qu’elle ressent à s’installer à son bureau pour se lancer à la poursuite des mots qu’elle glisse dans des phrases.

 

«Pour le reste, pour combler l’écart, pour être plus fidèle à moi-même, j’écris. Je veux pouvoir le faire au moment où je le souhaite, sans crises, sans dérangements, sans autres responsabilités, sans personne pendu à mes jupes, sans avoir à abandonner quoi que ce soit, sans rien mettre sur pause, pas à la sauvette. Écrire tout le temps, avec souplesse, ouverture, amour, acharnement et disponibilité.» (p.79)

 

La vie n’est jamais une ligne droite, nous le savons. Il y a souvent un événement, un hasard ou une rencontre qui vous éloigne de votre passion. Entre le désir et la réalité, il y a toujours un décalage et parfois un incident vous emporte dans un milieu que vous n’aviez pu imaginer auparavant. 

Ce désir est bien ancré en elle et Valérie Forgues fera tout pour satisfaire cette exigence qui la rend heureuse et épanouie. C’est ce qu’elle aime et veut faire plus que tout. Ça peut sembler simple comme ça, mais elle sait qu’en étant mère, l’écriture deviendra un répit qu’elle s’offrira entre deux changements de couches et un boire. Le bébé va happer toutes ses énergies et ça, elle ne peut pas. Psychologiquement et physiquement. 

 

SURPRISE

 

Ce qui était une idée bien ancrée et jamais remise en question vacille quand elle sent l’embryon en elle qui cherche à prendre toute la place. Ce souffle de vie peut s’installer dans son corps et l’envahir jusqu’au big bang de la naissance.

 

«On dit tomber enceinte et j’entends tomber en bas de sa chaise ou tomber amoureuse.

C’est une chute, une débarque; la mise en tombe, l’enterrement d’une partie de soi à la place de laquelle émergera une autre, ou pas. 

C’est une métamorphose, Kafka, Cronenberg et Alien en même temps.» (p.16)

 

Deux petits traits rouges changent tout. Elle croyait bien que tout était réglé dans sa tête depuis longtemps. Si cela se produisait, elle se ferait avorter. C’était clair, définitif. C’est ce qu’elle va faire même si son amoureux Florent voudrait bien s’aventurer dans la paternité. 

Tout le récit de Valérie Forgues tourne autour de cette procréation qui peut la pousser dans une autre vie et renier pour ainsi dire tout ce qu’elle a toujours proféré haut et fort. La grossesse, le corps qui se déforme et l’accouchement dans la plus terrible des douleurs ce n’est pas pour elle. Elle le sait, le sent dans toutes les fibres de son être. Mais il y a la société qui l’entraîne vers la maternité, qui répète qu’une femme doit être mère pour être une «vraie femme». Et on a beau dire, être père n’est pas la même chose que de devenir une maman qui hérite de tâches et d’obligations qu’elle seule peut assumer. Et il faut bien considérer que cette aventure va happer une vingtaine d’années, soit une grande partie de sa vie. 

L’écrivaine refuse, mais elle ressent la pression sociale, l’environnement humain qui louange et glorifie l’enfantement à ses risques et péril. Elle n’est pas qu’une femme libre et solitaire, elle est aussi et surtout celle qui a assimilé tous les messages qui la conditionnent et la poussent vers la maternité.

 

QUESTIONS

 

Valérie Forgues se prend à rêver la vie de cet enfant, ce qu’il pourrait devenir et ressent rapidement les changements qui s’amorcent dans son corps. Elle sent une présence, un étranger qui s’impose et entreprend de conquérir tous les territoires de son être. Elle regarde autour d’elle. Sa mère d’abord, la jeune fille qu’elle a été et qu’elle aurait pu être, ses proches, celles qu’elle croise régulièrement dans son milieu et d’autres écrivaines qui la rassurent et l’inquiètent. Les propos d’Annie Ernaux, de Nelly Arcand, de Martine Delvaux reviennent en boucle comme un ver d’oreille. C’est la société qu’elle confronte en décidant de ne pas avoir ce bébé, de se choisir plutôt que de rentrer dans le moule. 

Par le biais de cette maternité non souhaitée, Valérie Forgues secoue la liberté, l’amour, les responsabilités. Malgré ses convictions, l’avortement la bouleverse plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Ce qu’elle envisageait comme un désagréable moment à passer provoque un tsunami sur le rôle, la place des femmes dans la société et le fait de mettre des enfants au monde dans une époque où l’individualité fait loi, où la performance est obligatoire au travail et dans les loisirs. Être mère, pourrait-il se métamorphoser en une forme de résistance?

 

«Je me dis que ça va fonctionner entre Florent et moi si j’agis comme il faut.

Je m’écrase, me pile sur le cœur, nie mes envies, m’invisibilise, deviens transparente.

J’enchaîne les mauvaises décisions : rester, continuer, pardonner, expliquer, parler, parler en ostie, pleurer, faire des nœuds, rapiécer. Mon père me dit qu’être en couple, c’est tenir chacun l’extrémité d’une même corde et donner envie à l’autre de ne pas lâcher son bout. Moi, plus je rêve de flancher, plus je m’accroche. 

Je reste pour plaire à qui?» (p.94)

 

L’écrivaine ressasse des idées qui la déconcertent. Ce choix qu’elle doit faire ne se règle pas en claquant des doigts ou dans un battement des paupières. Il faut toujours du temps pour décider pour le mieux ou le pire, même si elle pourrait agir sur un coup de tête. 

Valérie Forgues bouscule les mots et des pensées qu’elle croyait bien ancrés, se penche sur son parcours et ce qu’elle a fait de sa vie, trouve de nouvelles questions et des possibilités qui s’ouvrent devant elle. Elle ne sera pas mère et l’avortement s’avère un moment difficile pour ne pas dire autre chose.

 

LIBERTÉ

 

Toute cette question d’avoir ou de refuser un enfant démontre comment il est difficile pour une femme de vivre sa liberté. Du moins celle conçue par les hommes. Si eux ont pu devenir des héros en laissant tout derrière eux pour connaître l’aventure et la découverte, peu de femmes ont foncé sur les routes, se réfugiant dans l’instant et l’irresponsabilité d’un Jack Kerouac par exemple. Des courageuses et des privilégiées, d’une certaine façon, ont pu se tenir à distance de la maternité qui touche la plupart des femmes comme une malédiction. Marguerite Yourcenar, Virginia Woolf, Marie-Claire Blais et Anne Hébert ont pu s’imposer et faire leur marque en échappant à la fatalité de la famille et de la parentalité. 

Valérie Forgues jongle avec une question qui concerne toutes les femmes et aussi les hommes. Satisfaire ses pulsions et ses désirs du moment ou encore se projeter dans un temps long en se consacrant à un enfant et en assumant le futur de la société. Et mettre des petits au monde pour les voir s’entretuer dans des guerres de plus en plus folles et meurtrières, les placer devant la famine et des bouleversements climatiques mortels, est-ce responsable. Chacun a sa réponse. Jacob Wren, écrivain, dit qu’il faut cesser de copuler pour sauver la planète. Il rejoint ainsi Valérie Forgues d’une certaine façon même si l’écrivaine ne parle que pour elle et refuse d’imposer une ligne de conduite à ses sœurs.

 

FORGUES VALÉRIE : Un choix d’amour, Éditions Triptyque, Montréal, 174 pages.

https://groupenotabene.com/publication/un-choix-damour

jeudi 18 février 2021

ET SI ON IMAGINAIT SON FUTUR

C’EST TOUJOURS UN PEU ÉTONNANT de lire des écrivains qui acceptent de se compromettre et de se projeter dans l’avenir. C’est ce que onze écrivains et écrivaines ont bien voulu faire en participant à ce collectif simplement intitulé Futurs. C’est vrai qu’il est périlleux de penser demain lorsque les horizons se bouchent avec la crise climatique et le réchauffement de la planète. Les catastrophes s’annoncent avec des migrations massives et des guerres pour le contrôle de l’eau potable. L’air et les plantes s’en prennent aux oiseaux et les animaux disparaissent. Et les glaciers ne sont plus qu’un souvenir. Comment rêver le paradis, vivre en paix, en toute tranquillité? L’humanité avance sur une corde raide et la Terre ressemble de plus en plus à un précipice si on se fie aux propos des experts. Les écrivains sont toujours attentifs à ces signes et n’échappent pas aux traumatismes de leur époque. Souvent, en s’aventurant dans l’avenir, tous affrontent leur peur et leur angoisse. 

 

Bien sûr, la technologie est présente dans Futurs. Des robots, des avatars, des gadgets qui permettent de se faufiler dans une autre dimension et de disparaître peut-être dans des espaces que nous avons du mal à imaginer. Pourquoi ne pas donner la parole aux morts, partir pour des missions qui deviennent des migrations sur des planètes toutes neuves, des mutations certainement? Difficile, parce que la beauté du voyage, après tout, trouve son sens dans le retour après avoir changé nos regards et nos perceptions.

Je l’avoue, je ne suis pas un grand lecteur de science-fiction. Ces écrivains me déçoivent la plupart du temps. Sauf (il y a toujours des exceptions) Élisaberth Vonarburg qui m’entraîne dans des univers imprévus et fascinants. Les gens restent au centre de ses préoccupations et de ses questionnements. Voilà une amoureuse qui, avec les mutations de ses personnages, les soubresauts de l’Histoire, ne cesse de s’inventer un monde où il est possible de s’épanouir. Cette écrivaine tente souvent de secouer le passé pour mieux essaimer dans un futur différent et si pareil. L’humain ne change guère malgré l’accumulation des connaissances et des découvertes scientifiques. Il sera toujours un angoissé qui imagine le pire et ne peut respirer sans une catastrophe.

 

MONDE

 

J’ai souvent l’impression que les écrivains de science-fiction racontent des histoires qui pourraient se dérouler chez le voisin ou dans une campagne pas très loin de mon grand lac. Ils enrobent le tout de machines bizarres, font appel à des robots fort pratiques et efficaces qui sont toujours plus fiables que les humains qui portent des noms étranges. Peu de Dallaire, de Tremblay ou de Paré dans les textes d’anticipation. 

Oui, la planète est mal en point et les plus résistants tentent de se débrouiller dans un environnement devenu très hostile. La nature a disparu et les enfants ne peuvent imaginer une forêt, un ours en liberté ou encore un lièvre qui explore son coin d’univers en rêvant peut-être de voyage dans l’espace où les pinières sont infinies. Ayavi Lake ne se fait guère rassurante dans Résurgence.

 

Avec son Lévit, la Compagnie a endormi tout instinct de survie au sein des populations des zones habitables. Des amas de cadavres se sont accumulés dans les parcs et dans les écoles, en silence. Parfois, rarement, un adulte moins amorphe que les autres laissait échapper des bruits semblables à des pleurs. Maintenant qu’il n’y a plus aucun enfant, les parents d’autrefois errent, absents, drogués, occupés aux mêmes tâches, au parc-zoo, dans les églises et les laboratoires, ou sur les sites d’exploitation. (p.19)

 

Un peu plus et je me serais cru dans les affabulations d’un complotiste qui imagine les pires scénarios et qui voit la pandémie comme l’ultime tentative de certains dirigeants pour contrôler les humains. Des plans machiavéliques, des vaccins qui vont nous contaminer et permettre à ces grands mégalomanes de faire de nous des animaux dociles. 

 

L’AILLEURS

 

L’ailleurs est étrange maintenant quand je pars à l’épicerie, que je bascule dans un espace où les masques sont obligatoires. Je ne dois plus m’approcher de mes semblables et me méfier, respecter un couvre-feu dans une région rouge ou orange, faire reculer ce terrible ennemi invisible qu’est la COVID qui vient peut-être d’une planète méconnue que l’on nomme la Chine. Notre vie communautaire s’est enrayée depuis un an et nous ne savons plus trop à quoi nous accrocher. Comment imaginer un avenir fascinant et exaltant? Peut-être que nous sommes au cœur d’une dystopie que messieurs Arruda et Legault écrivent chaque jour à la télévision.

 

— Ça ne se peut pas. Il commence à y avoir des publications scientifiques là-dessus. Tu n’es pas assez attentif à l’étiolement qui suinte de partout. Tout le monde éprouve ce sentiment d’être dévitalisé, dépourvu de couleurs. Sans chromatisme. Chlorosé. Je te le répète : la meilleure manière d’apprivoiser le néant, c’est de le créer en soi. En extrayant… (p.91)

 

Ce texte d’Ariane Gélinas m’a particulièrement dérangé. La mutilation ou «l’extraction» comme elle écrit, est-elle une solution, une façon de vivre. S’acharner à soustraire des parties de soi qui paraissent embarrassantes me semble un peu inquiétant. Plusieurs en art de la performance ont pris leur corps pour un objet en lui faisant subir nombre de mutations. Après de multiples interventions, greffes et amputations, ces individus sont devenus des monstres. Ça me donne des frissons dans le dos une histoire semblable.

 

PELOUSE

 

Élisabeth Vonarburg m’a fait sourire quand elle s’attarde à sa phobie de la pelouse pour imaginer un monde que je veux bien. Elle s’en prend à la loi de l’herbe verte, entretenue, rasée et stérilisée avec tous les fertilisants polluants et efficaces qu’il faut répandre régulièrement. Une guerre sourde et totale contre cet ennemi coriace et têtu, le pissenlit. Dans son texte, heureusement, le gazon est obsolète. Merveilleux! La forêt s’installe en ville et s’implante dans les petits espaces qui permettent la pousse d’un bouleau ou de fleurs sauvages. Fini les environs qui ressemblent à des tapis fabriqués en Chine. 

 

Puis son regard revient sur son boisé. Oui, elle dit encore «mon boisé» — après tout, elle a été la première du quartier à se débarrasser des pelouses, à l’avant comme à l’arrière de la maison, en acceptant les arbres offerts par le hasard et en en plantant d’autres quand ils devenaient trop vieux; ça lui a valu assez de regards et de commentaires critiques, cette absence de gazon! (p.58)

 

Voilà qui peut nous faire oublier les catastrophes et tous les dangers en faisant une place à la nature qui s’impose et va comme elle l’entend bien. 

 

PEUR

 

Mathieu Villeneuve, instigateur et coordonnateur de ce projet, a bien raison quand il dit que : «… la fin du monde fait partie de l’imaginaire collectif, mais aussi qu’elle se niche en nous, invisible, dans nos peurs comme dans nos amours.»

C’est le cas depuis la nuit des temps. Les hommes et les femmes ont pris un malin plaisir à prédire les cataclysmes et à imaginer des fins du monde. Même dans la Bible, on parle d’incendies qui rasent les villes et d’un déluge qui permet à la famille d’un élu de monter dans un bateau de croisière pour sauver toutes les espèces vivantes. Est-ce là une prophétie ou un texte qui esquisse le grand projet de migration sur une autre planète qui pourra accueillir les survivants que nous deviendrons? Espérons que dans ce voyage ultime, si jamais il se produit, les passagers oublient leur goût pour la violence et la guerre, leur fascination pour les catastrophes et les désastres. D’autant plus qu’ils auront avec eux le pouvoir le plus extraordinaire qui existe, soit celui de l’imagination qui peut transformer une galaxie et permet le pire comme le mieux. Des textes étonnants, un peu déroutants parfois, qui font réfléchir au dur métier de vivre, effleurent ces rêves que les humains transportent malgré tout dans leurs bagages.

 

VILLENEUVE MATHIEUFuturs, collectif de onze écrivains, avec Bérard Sylvie, Brisebois Patrick, Brousseau Simon, Côté Catherine, Ferland Charles-Étienne, Gélinas Ariane, Lake Ayavi, Laramée Émilie, Larson Rich, Villeneuve Mathieu et Vonarburg Élisabeth, ÉDITIONS TRIPTYQUE, 228 pages, 21,95 $.

http://www.groupenotabene.com/publication/futurs

lundi 11 novembre 2019

MICHAËL LA CHANCE CHANGE DE VIE

« LE MARDI 30 OCTOBRE 2017, il m’est arrivé un accident : l’éclosion brutale d’une fleur de sang dans mon cerveau. » Que voilà une belle manière de dire, pour l’écrivain et enseignant Michaël La Chance, qu’il a vécu un accident cérébral, un AVC autrement dit. Un peu de sang et toutes les fonctions cognitives s’enrayent. Comme si le cerveau perdait ses balises et n’arrivait plus à se situer dans l’espace, à composer avec une certaine réalité. J’imagine que pas un cas n’est semblable et que chaque individu réagit différemment après un accident vasculaire cérébral. Michaël La Chance a vécu ce « dérèglement de tous les sens » et pour un intellectuel, c’est la pire chose qu’il puisse ressentir dans son corps et son esprit. Dans Une épine empourprée, l’écrivain témoigne de cette expérience cognitive et sensitive unique.

Un poète, par réflexe, devant une maladie ou un traumatisme crânien, tente de se guérir par les mots. Un sportif le fera en bougeant et en se lançant dans des exercices où le corps trouve des repères. Le penseur, le philosophe, après un AVC, ne peut que s’aventurer sur la glace mince des idées pour retrouver son regard et son entente avec le monde qui l'entoure.
La vision n’est plus la même. Les mots font le dos rond, pire, deviennent des corps opaques ou transparents. Les gens autour bougent dans une autre dimension, surtout au moment où Michaël La Chance fait son entrée à l’hôpital de Chicoutimi. Étrangement, il a la sensation physique de respirer dans le poème de Parménide, comme s’il était le texte, ou qu’il plongeait dans un tableau qu’il a examiné des centaines de fois.

Soudain je regardais les choses comme une énigme, les êtres naturels comme des prodiges. J’étais devenu ma propre énigme, plus précisément, j’entrevoyais mes facultés, pour peu qu’elles me permettaient de respirer et de penser, de parler et de marcher, comme des mécanismes précieux et fragiles. (p.5)

Le monde de l’artiste, ses amours littéraires et picturales prennent corps dans cet environnement qui lui échappe et le pousse dans une sorte de bulle où il est le commencement et la fin.

Autre remarque : j’ai vu l’enfer, c’est un champ de fleurs dont les têtes oscillent dans la brise, mais dont des racines s’agitent dans une pulsation douloureuse. Vu rétrospectivement, c’est un miracle que je n’aie pas cédé. Je me suis tourné vers la peinture de la Renaissance, je me suis appuyé sur le poème de Parménide, comme nous le verrons, sans doute pour me préserver de l’angoisse. J’ai pu halluciner que j’entrais dans l’énigme du monde, qu’une révélation métaphysique (de l’Un) m’était accordée - tout cela pour nier que j’étais diminué, peut-être handicapé. (p.23)

Expérience singulière que celle-là. Il s’avance dans l’écrit de Parménide, ce philosophe et poète grec né six siècles avant Jésus-Christ, le vit de l’intérieur. Le choc est terrible. Des images le hantent. L’Annonciation de Sandro Botticelli et le tableau de La Vierge annoncée de Gérard David. Il plonge dans cette révélation, vit peut-être un retournement du monde qui le bouscule et le transforme, ce que sentait et cherchait l’artiste.

Le sens des mots est miné d’incertitudes et pourtant il n’y a de sens que dans le vertige hypnotique dans lequel nous entraînent les mots. (p.8)

Tout se mélange. Son entrée à l’hôpital, les tests, les interventions des infirmières, la présence de la neurologue. Les scènes se superposent avec ce qu’il a vu des centaines de fois dans les musées. La vie de Michaël La Chance a toujours été une aventure dans « le chantier des mots » et des épiphanies devant certaines œuvres d’art.

Ce que fit la neurologue, la Dre Théodore, qui a pris ma main droite, et qui s’est assise à côté de moi. J’ai été surpris par la proximité entre son visage et le mien, comme si elle devait rentrer dans ma bulle pour me rejoindre, son front devait presque toucher le mien pour me parler, tant j’avais, à ce moment-là, régressé en moi-même. (p.27)
 
L’espace est envahi, comme si le passé, le présent et peut-être bien l’avenir se télescopaient dans une ronde étrange où les frontières deviennent poreuses. Il est à l’hôpital et certainement sous le soleil de la Méditerranée, encore l’enfant qui s’amusait dans l’eau. Peut-être aussi qu’il est un compagnon de Parménide ou l’ange qui se courbe devant la madone qui attendait cet instant depuis toujours.

PERCEPTION

Son ouverture au monde est perturbée et le cerveau cherche à se situer dans l’espace. Tout le faisceau des connaissances et des facultés cognitives se mobilise pour saisir une réalité semblable et différente. Il voit double et arrive mal à garder son équilibre quand il se redresse. Il tente de suivre une ligne droite, mais il est aspiré par la courbure du temps.

Mon accident vasculaire me laisse désorienté, en recherche d’un chemin ; il me laisse disloqué, mais j’apprends à naviguer ma vie. Je recherche une affirmation plus fondamentale, jusqu’au moment où j’aperçois que la parole qui dit l’être participe déjà à ce dernier d’une façon plus profonde et intime qu’elle le soupçonne. La parole porte une affirmation fondamentale dans son fondement, une affirmation qui précède toutes les affirmations. (p.51)

Le voilà naufragé vulnérable et dépendant, conscient qu’il dérive peut-être dans un texte ancien et dans certaines peintures de la Renaissance. Il vit l’acte de la connaissance dans toutes les dimensions de son corps, la révélation au moment où l’ange vient bousculer la vie de la madone. Témoin d’un moment de grâce, vivant le dévoilement, la mutation, la communion qui happe la conscience et va bien au-delà des mots.

ÉCOUTE

Michaël La Chance, pendant ces jours, reste prisonnier de son corps. Il perçoit autrement ce qui a été conception abstraite et connaissance objective jusqu’à maintenant. Il s’accroche à des mots pour ne pas être aspiré par le trou noir de sa pensée.
Le poète et philosophe pénètre les couleurs, entend les conversations des infirmières comme des messages codés peut-être. Tout prend un autre sens et se dévoile.

Dans l’état halluciné qui était le mien, que ce soit mes proches ou des soignants, des personnages historiques, anges ou démons, tous étaient reliés à moi par des degrés de bienveillance. Les spectres du passé veillaient sur moi autant que les vraies personnes. (p.28)

Il y a quelque chose de l’ordre de la « vision » dans ce que Michaël La Chance expérimente, dans ce moment de conscience où la pensée devient palpable. Il est peut-être l’ange annonciateur ou la madone qui comprend que sa vie se transforme. Il surprend un état qui l’emporte au-delà des mots et des concepts, du langage et des couloirs de la connaissance. Voilà que l’AVC devient une expérience passionnante que j’oserais qualifier de quasi mystique.

Après un accident de cette nature, la mécanique prend du retard, l’esprit va de l’avant quand le moral est bon. « Ça ira ! », se dit-on, mais le corps ne suit pas vraiment. On dit « ça va », mais on corrige sa trajectoire, on dissimule ses défaillances. Je pose mes pieds au sol autrement, parce que l’esprit n’est plus un ciel d’idées. J’abandonne une part de moi-même, une autre part fait preuve d’audace et pourtant s’effraie de rien. Il y a une part de soi qui a abdiqué, une autre partie se veut triomphante. (p.72)

Un texte qui bouscule nos façons de voir et de sentir notre environnement, de respirer et de s’approcher de l’humain dans ses gestes et ses quêtes. Une occasion de « dévoiler le langage » et des concepts qui deviennent souvent des « pierres creuses » avec le temps. Surtout, il trouve une dimension autre aux mots, saisit des tableaux et perçoit les pulsions des artistes qui vivent une forme de transe dans leur travail.
Un texte physique qui sollicite la vue, l’ouïe, le toucher et qui fait sauter les verrous de la conscience. Un récit parfois un peu difficile, mais terriblement émouvant et surtout, un état d’être qui m’a particulièrement remué. Je suis convaincu que Michaël La Chance ne sera plus tout à fait l’homme qu’il était après cette expérience. Il a connu une forme d’illumination et pendant un certain laps de temps, il a pu respirer de l’autre côté des mots et s’aventurer dans la texture d’un tableau.

Le cerveau, créature bienveillante, m’a protégé tout au long de ma vie, je lui sais gré, de ne pas m’avoir trop amoché. Une gratitude que je dois à ceux qui sont dans ma vie, et aussi ceux qui veillent en moi, car notre vie actuelle nous est prêtée par des morts. Nos petits dieux bienveillants nous donnent des chances, sans attendre en retour d’être remerciés. Ils ne demandent que cela, que nous saisissions les chances qu’ils mettent à notre portée. (p.90)

À lire et relire certainement. Un récit qui peut devenir un compagnon, comme ces bréviaires qui accompagnaient quotidiennement les religieux, il n’y a pas si longtemps.


LA CHANCE MICHAËL, UNE ÉPINE EMPOURPRÉE, Éditions du TRIPTYQUE, 2019, 158 pages, 16,95 $.



jeudi 15 août 2019

POUR SALUER ALAIN GAGNON

ALAIN GAGNON EST DÉCÉDÉ en 2017, laissant une liste imposante de publications. Sa bibliographie recense une quarantaine d’ouvrages qui prennent toutes les directions, nouvelles, romans, poésie, essais, aphorismes et carnets. L’écrivain n’a cessé d’explorer les chemins négligés pour créer une œuvre unique au Québec. Il paraphrasait souvent le frère Marie Victorin en disant « que nommer un coin de pays par l’écriture, c’est faire reculer la barbarie. »

J’aurai eu le grand privilège de suivre son travail depuis son entrée en littérature en 1970 avec Le Pour et le Contre jusqu’à sa dernière parution en 2015. Et il reste des inédits, plusieurs. J’espère que nous pourrons faire, un jour, le tour de cette œuvre gigantesque.
C’était un ami que je voyais rarement. Il ne sortait guère et pour lui son temps d’écriture était sacré. C’était aussi un lecteur attentif qui revenait souvent aux textes anciens, à Aristote, Platon, Homère et autres pour s’abreuver à la source. C’est ce qui peut expliquer sa version moderne de Gilgamesh publiée en 1986, une fable dont l’origine remonte à plus de 2500 ans avant Jésus-Christ.
Nos chemins se croisaient régulièrement. Il ne manquait jamais de m’écrire après une parution, des mots justes et une compréhension profonde de mon travail. C’était un inconditionnel. Quand il aimait, c’était pour toujours. Il terminait nos échanges épistolaires par l’expression « À bientôt, mon pays ». Il employait ce vocable dans le sens moins utilisé de « personne ayant le même lieu d’origine ». C’était ce que nous étions, des frères d’un même pays, d’un territoire qui a marqué nos enfances.

TOPONYMIE

Si la plupart des écrivains au Québec respectent la toponymie des lieux (je pense à Michel Marc Bouchard et Jacques Poulin), Alain Gagnon n’a pu résister au plaisir de rebaptiser le secteur de Saint-Félicien comme l’ont fait les explorateurs en abordant le continent américain. Il a installé ses fictions en territoire d’Euxémie, une création étymologique qui pourrait signifier « eux et moi », « eux and me ». Ce projet immense englobait le pays de l’Ashuapmushuan, de la rivière aux Saumons et de la rivière à l’Ours, les plaines du Lac-Saint-Jean et les montagnes, le monde premier, sauvage où tout peut arriver.
C’était aussi le Saguenay qui permet de filer vers le fleuve aux grandes marées. L’écrivain aimait particulièrement Notre-Dame-du-Portage au point d’avoir à s’y établir. Il s’est souvent attardé au Saint-Laurent dans ses nouvelles, particulièrement à ces lieux où les eaux douce et salée se mélangent et se colletaillent.
La constitution de ce Nouveau Monde s’impose à partir de son roman Thomas K. La rivière Ashuapmushuan devient La Bleue et la Calouna fait oublier la rivière aux Saumons. Cette création lui a permis de s’enfoncer dans sa région à la manière d’un chasseur qui connaît les moindres replis du terrain, les bêtes qui rampent, courent et volent. Avec cette topographie renouvelée, il échappe à l’histoire réelle et à l’époque contemporaine. Son œuvre peut prendre alors toutes les directions.
Alain Gagnon, historien de formation, était fasciné par ces hommes qui sautaient dans des canots pour remonter les cours d’eau, franchir des montagnes, découvrir un continent pour le baptiser, le dire, en esquisser les contours sur des cartes souvent illisibles. Des missionnaires, des explorateurs, des géographes, des marchands qui n’aimaient pas le mot horizon et voulaient toujours voir ce qui se passe derrière les collines, dans les saillies des plaines ou d’une rivière tumultueuse.
Nous répétions à la blague que nous avions chacun nos territoires. Je régnais au nord de la rivière aux Saumons et lui s’appropriait tout le reste jusqu’au grand lac Saint-Jean. Cela ne l’a pas empêché de faire des incursions dans mon pays comme je l’ai fait dans le sien.

ESPACE ET ÉCRITURE

Pour Alain Gagnon, le monde repose sur une dimension palpable et réelle, que nos sens peuvent appréhender, et sur son envers, un espace rêvé, étrange où le mal existe à l’état brut. Deux univers se manifestant dans la plupart de ses œuvres importantes qui provoquent de profondes secousses telluriques quand elles coïncident.

Tous, nous portons le mal. À la racine de notre être, de l’être, de la nature gîte le mal. Sa présence est une énigme, un mystère à résoudre pour chacun. Il nous suit, chien fidèle. Nous le ressentons et savons qu’il existe. Il noircit nos joies les plus pures, prend de multiples formes. Seule une grande souffrance peut nous en libérer et nous redonner le pouvoir entier sur soi. La souffrance est le feu qui transmute.  [1]

Cet univers fantasmagorique nous propulse hors du temps et dans les profondeurs de l’esprit qui correspondent certainement à ce que l’on appelait jadis le « cerveau reptilien ». Des monstres y survivent et peuvent surgir dans le présent en provoquant des événements d’une rare violence.
Dans Le gardien des glaces, paru dans la plus grande indifférence en 1984, un homme misanthrope monte la garde au milieu de la blancheur hallucinante du lac Saint-Jean en hiver (la référence à la page vierge qui hante l’écrivain est évidente) reçoit des errants qui échappent aux carcans de leur époque. J’ai fait un clin d’œil à ce roman dans Le voyage d’Ulysse où mon héros se faufile dans l’histoire de mon ami pour y confronter des visiteurs farouches et inquiétants.
Des individus dépourvus de dimension morale, qui font tout pour arriver à leur fin. Le protagoniste de Thomas K tue froidement pour éliminer un concurrent qui se dresse devant lui. En ce sens, ses personnages sont redevables de sa conception de l’univers. L’humain civilisé doit maîtriser des pulsions bestiales qui le dépassent souvent. Ces aspects se manifestent dans les gestes les plus anodins et la résolution de grandes énigmes qui hantent les philosophes depuis des millénaires.
Même si bon nombre de ses publications s’ancrent en Euxémie, l’écrivain jeannois n’a jamais hésité à prendre le large et à vagabonder au cœur du continent pour visiter les pays de William Faulkner ou d’Erskine Caldwell. Des contrées qu’il a fréquentées par la lecture et aussi par la musique de jazz qu’il affectionnait particulièrement. Sud constitue un bel hommage à ces grands romanciers.

POÉSIE

Je m’en voudrais d’oublier un volet essentiel de l’œuvre d’Alain Gagnon, ses textes nus, les mots qui résonnent comme la cloche, naguère, hélait les fidèles et les incitait à la prière. Des poèmes auxquels je reviens quand j’ai besoin de reprendre mon souffle entre deux paragraphes d’un roman qui n’arrête pas de fuir devant comme un lièvre affolé. Un rythme poétique marqué par ses promenades en bordure de mer et du fleuve. Il suit la ligne de la berge, là où les grandes vagues ne cessent de remodeler la rive. Il surveille l’horizon, la lisière floue des forêts, soulignée par les premières neiges, l’hésitation entre le froid et l’automne, après que les oiseaux migrateurs soient partis dans un joyeux jacassement. C’est pour lui l’occasion de mettre la main sur une pierre, d’effleurer l’écorce d’un pin ou d’une épinette, de respirer et de se glisser dans la fissure du jour. Il devient le frère d’Eugène Guillevic qui, avec une image, casse une galaxie et donne une parole aux cailloux. Le poète français prête une voix aux éléments de la nature, particulièrement au roc, qui se dressent devant l’humain pour le menacer et revendiquer son attention et son empathie.
Alain Gagnon rêve alors de fouiller les strates de la terre, de se pencher sur la mousse pour en saisir les secrets, d’étudier la vague et les mouettes qui ignorent tout des frontières.
Mon ami, malgré ses nombreuses évasions dans le roman, reste fidèle au genre qui a marqué son entrée en littérature. Comme si les mots étaient un feu de forge qui couve jour et nuit. Voilà le fil de son travail unique et original.

L’eau noire
La glace blanche
L’eau coule
Et je demeure [2]

Un poème dépouillé, quasi un haïku, qui fait ouvrir les yeux dans la rondeur de l’instant.

HÉRITAGE

Et voici la réédition de son roman Le truc de l’oncle Henry paru pour une première fois en 2006. Cet ouvrage illustre parfaitement la pensée binaire d’Alain Gagnon et peut constituer un premier pas vers la compréhension de l’univers singulier de cet écrivain. Des phénomènes étranges traumatisent la population de Saint-Euxème. Des disparitions, des morts, des attaques sauvages se succèdent depuis que les travailleurs ont entrepris de construire un barrage dans la gorge des Conscrits.
Le chef de police ne sait trop par quel bout empoigner ces événements qui échappent à toutes les explications logiques. Ce véritable thriller - un effort certain du romancier pour rendre son univers plus accessible - suit des sentiers peu fréquentés. Avec Olaf Bégon, le lecteur doit oublier ses références, s’aventurer dans l’inconnu où des êtres venus d’un autre monde peuvent le broyer.
Nous avons eu la chance de marcher dans une même direction pendant presque cinquante ans en tout respect et en toute amitié. Dans Propos pour Jacob, l’écrivain parle de sa mort et de l’héritage qu’il va léguer à son petit-fils.

À ma mort, je ne te laisserai rien ou si peu. Je serai pauvre. Par paresse, manque de discipline, insouciance et aptitude aux plaisirs, mes comptes en banque seront vides ou presque. Cet ouvrage te tiendra lieu de legs. Ne sois pas trop déçu. Je t’ai aimé comme personne, et j’espère me faire pardonner en t’offrant ce qui m’est le plus cher : sur quelques pages, ces intuitions puisées dans l’héritage commun et en moi-même, parfois. Si tu en tires quelque profit, je serai moins mort, et tu seras peut-être un peu plus vivant.  [3]

Mon ami n’a pourtant jamais été un paresseux et encore moins un insouciant. Il était un travailleur acharné qui considérait la littérature comme la première des occupations humaines. C’était pour lui une manière de toucher l’innommable, d’effleurer une forme de vérité et peut-être aussi l’immortalité. Écrire envers et contre tous. Pendant la matinée qui a précédé son décès, il a poussé les mots devant lui jusqu’à midi comme il le faisait chaque jour, tentant de voir juste, de montrer la route comme un berger qui marche lentement derrière son troupeau en gardant les yeux sur l’horizon.
Je te salue « mon pays ».


CE TEXTE EST PARU DANS LA NOUVELLE ÉDITION DE : LE TRUC DE L’ONCLE HENRY, ÉDITIONS TRIPTYQUE,  collection ALIAS, 2019, 238 pages, 17,95 S.


Citations :




[1] Gagnon Alain, Les Dames de l’Estuaire, Éditions Triptyque, Montréal, 2013, page 45.
[2] Gagnon Alain, Poèmes de l’homme non-né, Éditions Cercle du livre de France, Montréal, 1975, page 40.
[3] Gagnon Alain, Propos pour Jacob, Éditions La Grenouille bleue, Montréal, 2010, page 9.

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