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mercredi 10 décembre 2025

RUBA GHAZAL RACONTE SON ODYSSÉE

RUBA GHAZAL a eu la bonne idée de raconter son histoire à Sandrine Bourque, qui a mis le tout en forme pour donner «Les gens du pays viennent aussi d’ailleurs», un récit où elle parle de ses origines palestiniennes et des tribulations de sa famille avant d’atterrir à Montréal. Son père, comptable, a fui Beyrouth à cause de l’éternel conflit entre la Palestine et Israël. Les Ghazal se demandaient quel avenir ils avaient dans une communauté où la guerre sévissait en permanence. Le Canada s’est imposé comme destination parce qu’ils avaient des connaissances à Toronto. Pourtant, ils ont abouti à Montréal d’une bien curieuse façon. Quand les formulaires ont été remplis, les parents ont demandé à leurs enfants l’endroit qu’ils préféraient : Montréal ou Toronto? Ce fut Montréal. Ruba avait dix ans et la logique aurait voulu qu’ils atterrissent à Toronto où ils auraient pu avoir le réconfort et l’aide d’amis. Néanmoins, tous se sont retrouvés à l’aéroport de Mirabel pour amorcer l’aventure de la migration, pour se familiariser avec un nouveau milieu et surtout pour apprivoiser une autre langue.

 

Personne ne parlait français chez les Ghazal lorsqu’ils ont posé le pied sur le sol québécois. Un environnement étranger et différent de tout ce que la famille connaissait. À l’époque, en 1988, il y avait des organismes au Québec qui accompagnaient les arrivants et qui les aidaient dans les petites choses du quotidien qui peuvent être tellement compliquées quand on se retrouve en terre inconnue. Se trouver un logis, acheter les objets nécessaires pour s’installer, aller à l’épicerie ou à la pharmacie. Tout cela est particulièrement difficile, surtout si on ne parle pas la langue du pays. Et que dire de tous les formulaires à remplir, la ville à apprivoiser, l’école pour les enfants et l’entreprise toujours éprouvante de dompter une autre langue. Toutes ces tâches épuisent et deviennent une question de survie. 

Les parents, comme les enfants, doivent se familiariser avec les habitudes de leur nouveau monde. L’apprentissage du français demeurant la principale occupation pour se doter d’un outil de communication avec leurs nouveaux concitoyens.

 

«Comme tous les immigrants à la fin des années 1980, mon père s’inscrit au Centre d’orientation et de francisation des immigrants (COFI) près de chez nous. Le COFI, c’est la caverne d’Ali-Baba pour les nouveaux arrivants. Le réseau créé en 1969 et implanté partout au Québec a l’avantage immense de rassembler dans un seul endroit tous les outils nécessaires pour s’intégrer à la société québécoise. C’est là que sont offerts les cours de francisation, mais aussi des ateliers d’initiation à la culture québécoise. Plusieurs groupes communautaires travaillent en partenariat avec les COFI pour aiguiller les immigrants dans leurs recherches de logement et d’emploi. Plus qu’un “guichet unique” de francisation, c’est tout un écosystème qui se développe autour du réseau des COFI. C’est une institution bien rodée.» (p.46)

 

Les COFI ont été abolis par Lucien Bouchard en 2000. On peut se demander pourquoi, surtout quand le Québec a tant besoin des arrivants, il faut le répéter. Une décision étonnante, sauf si l’on porte les lunettes du comptable. 

Que se passe-t-il de nos jours? Pour avoir des proches dans le milieu de l’éducation, je sais que les enseignants voient des jeunes aboutir dans leurs classes comme s’ils tombaient d’une autre planète à chaque début d’année. Ces enfants ne comprennent rien à leur environnement et sont souvent laissés à eux-mêmes parce que les instituteurs n’ont pas le temps ni la formation pour accueillir ces étudiants qui exigent beaucoup d’attention et des méthodes d’apprentissages adaptées pour arriver à les insérer tout doucement dans leur nouveau milieu. Je m’imagine dans un milieu arabe sans posséder un mot de la langue et devoir me débrouiller. Seulement penser à ça me donne des frissons. Ça demande un effort surhumain pour réussir à se faire une vie à peu près normale dans de telles conditions. 

 

AVENTURE

 

La jeune Ruba fait sa place et se sent à l’aise dans son nouveau milieu. Elle aura surtout la chance de se retrouver dans une classe où l’on accueille les arrivants et où on leur permet d’atterrir tout doucement dans un lieu qui leur est totalement inconnu.

 

«En apprenant la langue de Molière, j’ai découvert les chansons de Félix Leclerc, Passe-Partout, la Chasse-galerie, tous les livres de la Courte échelle et mon nouveau temple, le Salon du livre. J’ai découvert l’existence de l’Halloween — qui n’existait pas dans les pays arabes à l’époque où j’y vivais —, de Pâques et de l’Action de grâce. J’ai découvert La guerre des tuques et les “Contes pour tous”. Tous ces morceaux de culture qui m’ont été offerts ont marqué mon imaginaire. J’ai dévoré ces nouveautés insolites et formidables, elles m’ont avalée aussi. Je me suis fondue dans ce nouveau décor, je m’y suis reconnue et, grâce à Monsieur Gilles, j’ai acquis la certitude que cette société, traversée par le Saint-Laurent, était aussi enthousiaste à l’idée d’être transformée par la présence des déroutants Ghazal, qui pratiquent le ramadan au lieu du carême.» (p.56)

 

Bien sûr, comme tous les immigrants, la question de l’indépendance du Québec s’est imposée, surtout au début des années 1990. L’approche du deuxième référendum avait tout pour effaroucher les nouveaux venus. Ruba Ghazal observe d’abord, reste un moment en retrait, fascinée (surtout à partir du cégep) par cette question de souveraineté à laquelle elle adhère rapidement. Si les Palestiniens réclament une Palestine bien à eux, pourquoi les Québécois n’auraient pas leur pays? Tout cela au grand dam de ses parents qui se méfient de la politique et de ces idées associées à la violence dans leur esprit. 

 

«De Palestiniens chassés de leur terre lors de la Nakba, de réfugiés ayant fui la guerre civile au Liban, de travailleurs étrangers aux Émirats arabes unis ayant émigré au Canada juste avant l’éclatement de la guerre du Golfe, voilà que mes parents passent au statut d’immigrants dans un pays au bord de la sécession. Ils n’aspirent qu’à une chose : vivre en paix, sans déranger personne. Voilà ce que devrait être le Canada : un pays où il ne se passe jamais rien. Une terre sans conflit. Un fleuve tranquille. Un lieu de répit pour se mettre à l’abri des tumultes de l’histoire.» (p.84)

 

La jeune Ruba s’intéresse aux luttes de Françoise David pour la place des femmes dans la société du Québec, qui la mènera à fonder un mouvement politique qui donnera naissance à Québec solidaire. L’étudiante s’engage d’abord dans «Option citoyenne», qui deviendra le parti que nous connaissons. Si on lui avait dit alors qu’elle en serait la porte-parole, elle aurait certainement éclaté d’un grand rire. 

 

ENGAGEMENT

 

Ruba Ghazal s’attarde aux grands remous qui ont secoué le Québec depuis le référendum de 1995. J’ai l’impression de marcher sur un fil en abordant ce sujet et de ne pas dire tout ce que j’aimerais dire. Surtout en ce qui concerne le «nationalisme identitaire». Ruba Ghazal trace une sorte de nomenclature de cette question à partir de la fameuse déclaration de Jacques Parizeau le soir du référendum de 1995, où elle s’est sentie exclue et repoussée hors de son Québec. Depuis ce soir historique, le Québec aurait lentement dérivé vers un «nationalisme identitaire» qui rejette les arrivants et qui se replie sur le noyau francophone. Je ne crois pas qu’il y ait au Québec une formation politique qui prône une idéologie nette et précise qui voudrait donner toute la place aux francophones blancs de souche. Oui, il y a des déclarations malheureuses, des maladresses, des affirmations partisanes à courte vue et électoraliste, mais pas l’idée installée aux États-Unis de faire du pays du Québec le royaume des francophones et de voir dans les immigrants des ennemis. C’est pousser pas mal fort sur le bouchon. Le Québec que j’habite depuis huit décennies n’est pas ça. Bien sûr, il y a les dérives. On entend surtout cela sur les réseaux sociaux, mais une grande majorité de Québécois ne pense pas comme ça. Jouer avec de tels propos est dangereux. La porte-parole de Québec solidaire est mieux placée que quiconque pour le savoir. 

Je suis un peu désolé de dire ça parce que la citoyenne Ghazal est touchante et sincère, je crois. Nous pouvons débattre longuement de la question des accommodements raisonnables, de la charte des droits et aussi de la loi sur la laïcité encore mal digérée par une partie des nouveaux arrivants. Les propos du premier ministre François Legault n’arrangent rien. La crise du logement, le déclin du français, les soins de santé fragilisés et un indéniable chaos dans le monde de l’éducation ne sont pas causés par les nouveaux venus. Le bouc émissaire sert les dirigeants depuis des siècles. Bien sûr, il faut en discuter. Combien d’immigrants une société peut-elle recevoir? Un pays est une éponge qui absorbe une certaine quantité d’eau avant de régurgiter. On peut en parler sans brandir le racisme et toutes les épithètes qui pleuvent trop souvent dans les interventions des politiciens et des «opinionistes» à tout crin qui squattent les réseaux sociaux.

 

RÉALITÉ

 

Il ne faut pas oublier que nous lisons Ruba Ghazal, la porte-parole féminine de Québec solidaire, et que la politique n’est jamais loin. Elle enfile des oeillères comme tous les chefs et doit suivre une ligne de parti. Je n’aime pas cet acharnement de Ruba Ghazal à parler de «nationalisme identitaire» où elle accuse les formations politiques autres que le sien de vouloir ostraciser les immigrants pour protéger les Québécois francophones de souches. La moutarde est un peu forte, tout comme on doit faire preuve de prudence avec les insinuations de racisme. C’est jouer avec le feu que de brandir ces mots sans trop se soucier de leur portée. Ruba Ghazal décrit une dérive totalitaire… Qu’est-ce que ça signifie dans la réalité? La laïcité de l’État avec ses controverses sur le port des signes religieux est-elle un repli identitaire?

J’en doute.

«Les gens du pays viennent aussi d’ailleurs» demeure un récit intéressant qui raconte la démarche exemplaire d’une arrivante qui s’est plongée dans la culture du Québec et qui l’a faite sienne. J’ai des amis qui ont fait le même parcours avec bonheur. C’était peut-être plus facile d’y parvenir dans les années 1980 que maintenant, j’en conviens. Voilà un livre chaleureux qui nous présente une femme ouverte, franche, prête au dialogue, capable d’argumenter, de discuter et de le faire dans le plus grand des respects et l’écoute. 

Je venais tout juste de refermer le récit de madame Ghazal lorsque j’ai eu la surprise de voir «la parodie» publiée par Québec solidaire, qui reprend la page couverture du volume de Ruba Ghazal pour y accoler le nom de Paul Saint-Pierre Plamondon. Le titre a été trafiqué pour devenir : «Les gens d’ailleurs ne devraient pas être ici». J’ai pensé d’abord qu’elle ne devait pas être au courant, qu’elle ne pouvait avoir consenti à cette manœuvre, à cette attaque cheap. Et quand elle a présenté ses excuses, j’ai compris qu’elle savait. Quelle déception! Ce n’est pas l’image que j’avais d’elle en parcourant son témoignage. La citoyenne ouverte, consciente, ne peut avoir adhéré à ce coup en bas de la ceinture. 

Je préfère de loin la femme du récit à la politicienne partisane. Malgré tout ça, il faut lire «Les gens du pays viennent aussi d’ailleurs» pour comprendre les immigrants, les nouveaux venus qui doivent faire face à de terribles embûches. Heureusement, la plupart trouvent leur lieu, font de la politique et aussi des gaffes, comme tous les politiciens québécois qui parlent beaucoup trop et ne réfléchissent jamais assez.

 

GHAZAL RUBA : «Les gens du pays viennent aussi d’ailleurs», Éditions Lux, Montréal, 2025, 192 pages, 26,95 $.

https://luxediteur.com/catalogue/les-gens-du-pays-viennent-aussi-dailleurs/

mercredi 3 décembre 2025

JÉRÉMIE MCEWEN ET LA MUSIQUE DE SOI

JÉRÉMIE MCEWENdans «Musique d’intérieur», se tourne vers la musique qu’il écoutait et qu’il faisait avec des amis, alors qu’il était étudiant et qu’il avait l’audace de grimper sur une scène. Il aimait particulièrement le hip-hop, qui était dans l’air du temps et qui lui permettait de se faufiler dans les groupes de garçons, les meneurs, les mâles dominants qui attiraient les regards, surtout ceux des filles. Aussi, des textes inventés, martelés pour devenir quelqu’un que l’on entend et que l’on voit. La grande et belle entreprise de l’adolescence, celle de s’affirmer et de trouver sa place. La musique est ce fil conducteur qui lui a fait connaître bien des expériences et de savoir qui il est. «Par l’introspection et l’écriture, j’ai compris que l’idéal du mâle alpha avait été le cœur de mes ambitions identitaires pendant mon accession à la vie adulte, pour une raison fort simple : mon père m’a eu très vieux, puis il est vite devenu un fantôme, et je cherchais des repères masculins, alors j’ai sauté à pieds joints dans les stéréotypes que m’envoyaient la télé, la musique populaire de l’époque et la cour d’école. L’écriture de “Philosophie du hip-hop” en 2019 m’a permis de comprendre ça abstraitement, une psy m’a permis de le comprendre dans mes tripes.»


Devenir adulte, maîtriser des peurs, des craintes, des hésitations, c’est la bataille du jeune garçon dès qu’il met les pieds dans une classe, à sept ans. Il doit trouver sa place, s’arracher aux normes reçues de ses proches et se faufiler parmi les autres. Surtout, devenir quelqu’un qui compte. S’éloigner de ses parents qui le laissaient presque toujours seul et sur qui il ne pouvait guère s’appuyer. Le terrible héritage de la famille qu’il faut oublier souvent pour se forger autrement. 

Ce fut difficile dans mon cas. À sept ans, j’étais l’avant-dernier d’un clan de marginaux qui détonnait dans la paroisse et le village, j’en étais convaincu. Mes parents se tenaient à l’écart de presque tout ce qui faisait le nous social. Ils vivaient reclus dans leur maison, un peu comme dans une forteresse, avec ma mère qui agissait telle une générale d’armée, dont la mission était de repousser l’ennemi, c’est-à-dire tout le monde. Mon père a été conseiller municipal un certain temps, mais c’était avant ma naissance. 

Convaincu dans ma tête et mon corps d’être autre, différent. J’ai dû me trouver une place à l’école où je me suis senti étonnamment à l’aise. J’avais de bons résultats et pouvais enfin fraterniser avec mes voisins. Ce qui était interdit à la maison. Et, ma grande taille physique a fait le reste. Surtout, j’y ai fait la découverte des livres qui n’existaient pas chez nous. Des romans, des histoires que je pouvais glaner ici et là et qui me donnèrent une identité. J’étais très fier d’avoir lu tous les livres de la petite bibliothèque de l’école en huitième et neuvième année. Et un peu plus tard, au secondaire, je ne choisissais que les titres que personne n’empruntait. 

La découverte du théâtre, la possibilité d’être un autre sur une scène et d’avoir un nouveau visage grâce à un texte qui devenait mon souffle et ma parole a été cruciale. Le théâtre m’a permis de triompher de ma grande timidité et de surmonter le doute qui reste aux aguets au fond de moi. On ne se débarrasse pas de cet héritage comme un vieux gilet. Et aussi le sport, particulièrement le volley-ball où j’excellais. J’aurais bien aimé le hockey, mais ma mère a toujours refusé de m’acheter des patins. 

 

RÉVÉLATION

 

Jérémie McEwen apprivoisera la musique d’abord, un groupe, des textes qui viennent le secouer dans sa tête et son corps. Comme s’il découvrait une parole qui le touchait dans son âme ou dans son être. Plus qu’une rythmique ou une mélodie, mais des mots et une façon d’être. Nous n’en étions pas là, du moins ceux de ma génération.

McEwen vivra des expériences que peu de jeunes de son âge ont connues. D’abord s’extirper de sa famille, composer avec la perte d’un père mort très tôt (le peintre Jean McEwen, un proche de Borduas et Riopelle) et une mère absente, ailleurs, et un frère qui se débattait avec de terribles problèmes. 

Le garçon s’est accroché à ses copains pour rester à la surface et trouver qui il était. Je comprends ça. 

 

«J’ai été si patient dans ce groupe, trop, comme si j’attendais que ma masculinité naisse en moi par la leur. Elle ne naîtra jamais, pas celle-là, en tout cas. Ciel, quand j’y repense, j’ai honte d’avoir traîné là-dedans, mais je voulais y être. Je devais porter l’armure de ce groupe-ego avant de pouvoir m’en libérer.» (p.11)

 

Des amis, des camarades qu’il a dû quitter quand il a vu qui ils étaient vraiment. Comme si eux s’étaient arrêtés en route et que lui avait continué d’avancer et d’explorer. La terrible aventure de devenir adulte est faite d’expériences et de ruptures jusqu’à ce que l’on découvre une place et des passions qui nous conviennent parfaitement. Il faut toujours du temps pour s’ajuster.

 

LES AMIS

 

Que serais-je devenu sans mes amis? Jamais je ne serais parvenu à dix-huit ans à m’arracher à ma famille, à mon village pour migrer à Montréal et étudier à l’université. Nous nous sommes expatriés ensemble, mes copains et moi, pour découvrir l’autonomie. Comme si, en m’installant dans la grande ville, je m’approchais de tous les livres pour satisfaire l’incroyable soif que j’avais de tout lire. J’ai muté de l’intérieur alors. J’ai dû combattre la terrible solitude du citadin, me faufiler dans le cercle de Gilbert Langevin qui m’a ouvert les portes de l’écriture et de la publication.

Jérémie McEwen suivra bien des chemins sinueux pour arriver à soi. Il y a des sentiers plus longs que d’autres et parfois étonnants. Il connaîtra très jeune une vie de couple en devenant père par amour. Tout en continuant des études et en faisant des rencontres marquantes qui changent tout. Celle de Serge Bouchard, surtout avec qui il collaborera pendant plusieurs années dans différentes aventures radiophoniques? Il trouvera sa place dans les médias et pourra faire le choix de soi, aller vers l’enseignement et l’écriture. 

 

«Pour espérer y arriver, il a fallu que j’accepte d’être tombé, tombé de mes assurances pleines d’ego, tombé de mon piédestal en regardant les yeux de mon fils. Il a fallu que j’accepte que je ne savais pas qui j’étais à l’extérieur de mon intellect, dans mes tripes, dans la sobriété d’un mardi matin, en livrant mon âme à une inconnue que je paie pour m’écouter. De combien de détours par tous ces mâles alpha qui ne m’écoutaient pas ai-je eu besoin pour me rendre compte que je courais après moi-même?» (p.116)

 

Jamais facile de devenir l’humain que l’on souhaite et qui reste souvent insaisissable. Il faut beaucoup de courage, de volonté et de curiosité pour trouver ses limites sans se laisser avaler et digérer par certaines expériences. 

Jérémie McEwen a été audacieux, frôlant la ligne rouge, mais parvenant toujours à refaire surface. Et l’amour, une femme qui le prend avec confiance et qui lui permet de rapailler toutes les parties de son être comme dans «La marche à l’amour» de Gaston Miron. 

Une réflexion importante sur l’art de devenir adulte, marquée par cet amour de la musique de notre époque qui a eu la peau de plusieurs vedettes qui ont consommé les substances que nous connaissons. McEwen a réussi à avoir un œil sur l’avenir, parvenant à surmonter ses hésitations et à se faufiler dans des expériences qui auraient pu éteindre la flamme en lui. 

«Musique d’intérieur» lui permet de faire le point et de comprendre toutes les circonvolutions et les détours qu’il a dû prendre pour trouver celui qu’il rêvait d’être. Il y a toujours un soi qui nous attend quelque part à la croisée des chemins et il faut être attentif pour le reconnaître. Ou bien nous lui tendons la main ou nous passons sans un regard pour nous retrouver dans un flottement d’être. 

Pour ma part, que serait ma vie sans la littérature, l’écriture et la lecture qui ont balisé mon parcours? Si je n’étais pas parti à dix-huit ans, que serais-je devenu? Sûrement un travailleur forestier comme mes frères et mon père. La trace était toute faite devant moi. J’aurais tout fait alors pour ne pas penser aux rêves de l’adolescent qui lisait Rimbaud et Paul Éluard. Heureusement, j’ai choisi d’être écrivain, surtout un lecteur peut-être, même si ce n’était pas un métier pour ceux de ma famille. 

Que d’efforts nous devons consentir pour nous sortir de soi et devenir celui que l’on surprend dans ses songes. Jérémie McEwen y est arrivé par la musique et les livres. 

Quel beau moment de réflexion sur des musiques et des textes qui nous accompagnent tout au long de notre vie et qui restent ancrés au plus profond de notre être! Il y a soi, mais aussi un milieu et les autres qui importent et nous constituent. Jérémie McEwen le démontre parfaitement.

 

JÉRÉMIE MCEWEN : «Musique d’intérieur», Éditions du Boréal, Montréal, 2025, 208 pages, 25,95 $.

 https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/musique-interieur-4123.html

mardi 25 novembre 2025

LE TERRIBLE COMBAT DE MICHÈLE PLOMER

MICHÈLE PLOMER a vécu un terrible accident en 2023. Une collision où le jeune conducteur de l’autre automobile est mort sur le coup. «Du métal et d’amour», raconte le long rétablissement de l’écrivaine qui est revenue à une vie normale malgré des séquelles. Des images floues, une masse rouge qui fonce sur elle, le choc, les éclats de verre, son chien Bruno qui ne bouge plus et une douleur qui fait se disloquer le monde, des voix et le retour de la conscience à l’hôpital. Ce sera un parcours exigeant autant pour les soignants que pour la blessée qui garde le moral, griffonne quelques mots dans un carnet qui ne la quitte jamais. Et il y a les amis qui l’accompagnent et l’attendent du côté des vivants. Elle est immobilisée parce qu’elle a eu des vertèbres fracturées. Alors, elle n’est qu’un regard fixe et des oreilles dans son lit. Des mois dans une chambre d’hôpital avec le personnel médical qui devient le prolongement de son corps et de son être. 

 

Une auto fonce et entre dans une courbe trop rapidement. Le chauffeur perd le contrôle et son bolide rouge vient percuter la voiture de Michèle Plomer. L’autre conducteur ne survivra pas et l’écrivaine en charpie doit réapprendre à vivre et surtout patienter pour retrouver son corps.

 

«Mon corps nouveau est devenu un objet de travail, une zone d’expérimentation, une carrosserie à débosseler. Le docteur Pimenta, les chirurgiens orthopédistes, les résidents en médecine interne, l’équipe psychosociale… un cortège de soignants défilent pour m’ausculter et poser des questions à mon visage de boxeuse ayant perdu le match. Quitter un jour l’hôpital me semble irréel tant je suis brisée, branchée, fragile et nécessiteuse. À quoi bon m’en faire pour mes traits, ma peau, mes cheveux croûtés qui répandent des éclats de pare-brise sur l’oreiller.»  (p.89)

 

Multiples fractures à une jambe, pied bousillé et surtout cette vertèbre nommée l’atlas qui porte la tête. C’est grave. Cette vertèbre permet de tourner la tête à droite et à gauche et de faire tous les mouvements que nous exécutons sans y penser. Une seule solution : amarrer la tête dans un casque ou une armure pour demeurer parfaitement immobile, le temps que les os se réparent. 

 

«Une veste de Halo est une structure complexe et impressionnante qui immobilise le cou. L’anneau est maintenu en place par quatre vis qui pénètrent dans la peau à l’avant et à l’arrière de la tête jusqu’à atteindre la couche externe de la boîte crânienne. Cet anneau est relié par des tiges de métal à une veste en plastique rigide garnie de l’intérieur d’une peau de mouton. La veste répartit le poids de la structure sur l’ensemble de la cage thoracique.» (p.93)

 

L’impression pour l’écrivaine d’être prisonnière d’une sphère et de flotter. Peut-être qu’elle se retrouve dans un scaphandre et qu’elle vient de quitter le vaisseau qui tourne autour de la Terre pour dériver dans l’espace. Elle va demeurer dans cet anneau pendant seize semaines. J’ai peine à imaginer cela. Trois mois dans une cage sans pouvoir bouger.

 

COURAGE

 

Michèle Plomer a une jambe semblable à un casse-tête, des ecchymoses sur tout le corps, un visage que la reconnaissance faciale de son téléphone rejette, des éclats de verre entre les dents et dans les cheveux. Et, même si elle est prisonnière d’une cage à oiseaux, elle demeure une écrivaine qui prête attention à tout, en particulier aux bruits et aux gens qui l’entourent. Elle n’est jamais seule dans l’hôpital et il y a ces éclopés qui ont subi des chocs comme elle. L’un d’eux, dans une chambre voisine, parle un espagnol incompréhensible depuis son accident; une dame âgée a fait une chute et, depuis, elle oscille entre des périodes de lucidité et de flottement. Surtout, elle perd le goût à la vie en se sentant abandonnée et inutile. 

Michèle Plomer voit le personnel se démener, devient intime avec plusieurs avec le temps et les soins. Et il y a son carnet. Comment empêcher une écrivaine, une femme qui a fait de ses jours une quête d’expressions et d’images, de fréquenter les mots? Parce qu’après tout, écrire, c’est s’isoler du monde et s’aventurer dans un espace inconnu. D’autant plus qu’elle a toujours été attentive à ceux et celles qui ont croisé son chemin. Cela ne changera pas pendant ce séjour à l’hôpital. 

Et il y a ce projet où elle a fait se rencontrer des gens qui étaient à deux moments opposés de l’existence. Une personne âgée et un jeune qui se questionnent, s’apprivoisent et parviennent à créer des ponts entre eux. Un dialogue improbable, deux générations qui ne se croisent plus guère de nos jours. 

Un peu ce qu’elle vit avec les soignants qui tentent de réparer les patients. Surtout, elle doit accepter de se laisser manipuler comme un objet pour le moindre de ses besoins. Deux mondes qui existent l’un pour l’autre, pour que la vie puisse s’installer et redevenir possible. 

 

«Ses yeux cernés, sa voix lasse, ses quarts de travail qui démarrent sur les chapeaux de roue trahissent qu’elle dormirait volontiers une petite heure sur ce matelas, qu’elle y déposerait sa compétence, ce fardeau de tout voir et de voir à tout. Elle pourrait y imprimer les vies qu’elle a sauvées, perdues ou marquées, et aussi les douleurs qu’elle a apaisées. Moi, je me lèverais volontiers sur mes jambes pour prendre sa place, pour aider. Être couchée à ne rien faire use à la longue. Ce sentiment d’inutilité peine à rester caché sous mes blessures.» (p.184)

 

Elle est témoin de l’incroyable tâche du personnel, des intervenants qui sont là jour et nuit, qui doivent faire fi de leurs problèmes et de leur quotidien pour être à l’écoute du patient. Une surveillante effectue son quart de travail avec ses filles parce qu’il n’y a personne à la maison pour s’occuper d’elles. L’extraordinaire attention de ces hommes et de ces femmes, leur empathie, leurs compétences, leur écoute et leur sensibilité dans la terrible aventure vers l’autonomie. 

 

LES AUTRES

 

Michèle Plomer a été entourée de façon incroyable par des gens extraordinaires. Elle a vu les cas de ces éclopés qui requièrent tellement d’attention, de compréhension et d’empathie pour emprunter le chemin de la guérison. Sans cela, c’est la culbute. Elle le vit avec sa voisine de lit, madame Cécile.

 

«Hélène répond à la quatrième sonnerie. Elle est à son nouveau travail et n’a pas vraiment le temps, elle non plus.

— Aimes-tu ça? lui demande sa mère.

Sa fille lui explique que le fleuriste se trouve sur la rue Masson et que, à sa première paye, elle devrait être capable de se prendre une carte Opus, ce qui simplifiera les choses.

— Tant mieux.

— Pis toi, m’man, t’es encore à l’hôpital?

— Pas pour longtemps, répond sa mère d’un air mystérieux.

Puis ses paupières se ferment et sa tête tombe de côté sur l’oreiller, comme si elle s’était endormie. Josianne brasse doucement madame C par le bras. L’octogénaire est de la même mollesse qu’une poupée de chiffon qu’on aurait rembourrée de briques.» (p.245)

 

Michèle Plomer raconte ses journées de façon simple et émouvante. Bien sûr, il y a les soins médicaux, les dangers que les spécialistes prennent et les prouesses qui rappellent celles des athlètes. Mais il y a surtout l’écoute, cette parole qui circule de l’un à l’autre, ce contact qui fait que l’on reste humain, peu importe l’état de ses os. Quelle incroyable présence du personnel hospitalier, quelle attention de tous les instants qui entraîne vers la vie et la lutte. 

Un hymne à la vie que «De métal et d’amour» où Michèle Plomer, dans son terrible voyage, évoque Frida Khalo, qui s’est retrouvée brisée dans son corps après un accident. Elle a fait œuvre d’artiste et de femme en peignant son périple au pays de la souffrance physique.

Après une telle lecture, entendre dire par des élus dans les médias que les médecins n’en font pas assez, que les infirmières pourraient en faire plus, j’ai envie de hurler. Ils devraient lire le témoignage de Michèle Plomer pour connaître et comprendre le vécu des soignants. 

Un hommage à la vie, mais aussi un portrait magnifique et saisissant de ces héros et de ces héroïnes qui vont au front tous les jours dans les hôpitaux et qui mènent une guerre de tranchées contre la maladie et la douleur. 

C’est pourquoi il faut leur dire merci encore et encore, surtout ne pas chipoter sur des questions futiles et bassement électorales. Je l’ai constaté quand j’ai eu à accompagner ma mère en fin de vie, des frères et ma sœur. Ce sont des hommes et des femmes formidables qui ont toute mon admiration et ma reconnaissance. Michèle Plomer leur accorde certainement la médaille du courage et de l’espoir. 

 

PLOMER MICHÈLE : «De métal et d’amour», Éditions Druide, Montréal, 2025, 280 pages, 27,95 $.

https://www.editionsdruide.com/livres/de-metal-et-damour

mercredi 19 novembre 2025

QUEL AVENIR ATTEND LES HUMAINS

MATHIEU BÉLISLE raconte qu’un soir, entre amis, on discutait des changements climatiques. Nous étions en été et les feux de forêt inquiétaient. Rappelez-vous la fumée qui bouchait le ciel et qui donnait l’impression qu’un épais nuage s’était installé en permanence sur le Québec en 2023. Ça sentait la fumée partout. Un invité lança en se tournant vers les filles de Bélisle : «Tout va brûler les filles, dans dix ans, vingt ans, tout va brûler». Comment réagir? Avant de se coucher, la plus jeune demanda : «C’est vrai que tout va brûler papa.» Que dire sinon les formules éculées qui ne rassurent jamais? Il décida alors d’écrire «Une brève histoire de l’espoir». Et après des années de réflexion et de lectures, il ne sait toujours pas s’il y a une réponse à cette question. Le monde va-t-il brûler? Peut-on miser sur l’espoir d’un réveil planétaire, d’une mutation chez les humains qui ferait qu’ils entreprennent de réparer la Terre dans une incroyable corvée? Il faudrait une révolution des esprits pour que cela advienne parce que l’humain a tout fait pour la détruire cette Terre depuis des millénaires. Est-il raisonnable de garder espoir?

 

Mathieu Bélisle raconte d’abord une histoire connue de tous. Zeus offre une jarre à Pandore en lui disant qu’il ne doit jamais l’ouvrir parce que tous les malheurs vont pleuvoir sur la tête des hommes. Bien sûr, Pandore étant ce qu’il est, un éternel curieux, ouvre le récipient. Alors, les fléaux se répandent dans le monde. La maladie, la vieillesse, la misère, la famine, la folie, le vice, la passion, la cruauté. La liste pourrait presque s’allonger indéfiniment. La même chose s’est produite, semble-t-il, après qu’Adam et Ève eurent croqué la fameuse pomme. Il y a encore quelque chose pourtant au fond de la jarre : l’espoir. 

Mathieu Bélisle a bien raison de se demander pourquoi ce mot est demeuré collé au fond du récipient.

 

«Pourquoi l’espoir seul est-il resté prisonnier de la jarre de Pandore? Quel étrange théâtre se joue là? Sur cette question, les innombrables commentaires entourant le mythe ne s’entendent pas. Les plus pessimistes croient que le monde, en plus d’être accablé par tous les malheurs, a été privé d’espoir — que cette absence est donc un malheur supplémentaire. D’autres, plus cyniques, estiment qu’étant demeuré dans la jarre, l’espoir est une calamité dont l’humanité a été heureusement préservée (car, croient-ils, rien n’est plus futile que de s’attendre à mieux). Les optimistes, enfin, pensent que les dieux ont voulu offrir une consolation aux humains en plaçant l’espoir en réserve, comme leur seul et unique bien.» (p.12)

 

La question peut sembler étrange, mais elle marque l’histoire de l’humanité. Une idée qui penche parfois du côté des pessimistes ou encore du côté des optimistes. Une interrogation fondamentale qui guide nos pas et peut aussi distiller les pires aveuglements. «Être ou ne pas être optimiste», pourrions-nous affirmer en parodiant le grand Will. Cette question a traversé les millénaires et s’impose plus que jamais à nous qui vivons sur une planète qui connaît des hoquets.

 

«Voilà pourquoi l’espoir est si difficile à penser, et pourquoi les philosophes s’en sont toujours méfiés. Dès qu’on cherche à le nommer, il n’est plus tout à fait là, n’est plus tout à fait ce qu’il devrait être, menace de se muer en son contraire.» (p.21)

 

Mathieu Bélisle entreprend de suivre cette idée comme s’il tirait sur un fil qui ne cesse de ramener à lui des propos étonnants. Que serait la vie sans l’espoir, sans un avenir différent et meilleur? Je signale l’aventure du Nouveau Monde où l’on croyait pouvoir réinventer la vie en société avec les résultats que nous connaissons. L’espoir, il me semble, fait partie intégrante de la pensée humaine. Il en constitue le moteur.

 

«C’est la découverte de l’horizon qui a permis à l’hominidé de prévoir et d’anticiper, de saisir l’étendue du monde qui s’offrait à lui, de repérer une nouvelle forêt…» (p.26)

 

Et Bélisle d’ajouter : «Oui, c’est l’espoir qui a fait marcher l’humanité, qui l’a fait passer du confort du monde connu à l’inconfort du monde inconnu.» Et nous voilà chevauchant les siècles et les civilisations avec cette question qui traîne au fond d’une jarre qui a pris de l’âge, que l’on secoue et qui fait jongler les intellectuels jusqu’à l’arrivée de Jésus, qui va transformer notre rapport au réel et créer des turbulences.

 

«En imaginant une fin du monde en forme d’apothéose, où le Royaume des cieux triompherait enfin, où il n’y aurait plus ni homme ni femme, ni Juif ni Grec, ni maître ni esclave, un monde où le Christ reviendrait sur terre pour y régner éternellement, dans la gloire et la paix, le christianisme ne se contente pas de faire sortir l’espoir de la jarre où Pandore l’avait tenu caché; il en fait la condition même de l’aventure humaine.» (p.49)

 

Alors que faire de la réalité, de cette vie terrestre quand un monde meilleur et un futur de paix et d’amour vous attend au-delà de la mort. Faut-il disparaître pour ressusciter et connaître la vie éternelle, celle où nous avons dompté toutes les malédictions qui se sont échappées de la fameuse cruche et que nous pourrons enfermer dans un nuage numérique?

 

«Si le christianisme est une religion révolutionnaire, c’est dans cette simple idée : ce qui a eu lieu ne suffit plus pour comprendre le monde dans lequel nous vivons; c’est l’avenir qui confère un sens au présent, c’est même l’avenir qui accomplit le passé et lui donne sa valeur. Adam ne se comprend pas sans David, ni David sans Jésus, qui est leur héritier, à la fois le premier homme et le dernier.» (p.50)

 

Plusieurs ont cru qu’il fallait créer le chaos, tout raser pour plonger le plus rapidement possible dans cette nouvelle vie, dans un passé magnifié qui s’impose dans un avenir parfait. Comment ne pas penser à Donald Trump, qui ne fait que provoquer le chaos pour rétablir un passé qui ne peut plus être? Les États-Unis, selon lui, ne seront grands qu’en retournant dans le passé et en détruisant tout ce qui a causé nos maux et nos dérives.

 

«Dans la modernité, ce n’est plus la nature qui dicte son rythme, mais les actionnaires, qui exigent un rendement toujours plus élevé, une disponibilité de tous les instants. La vieille humanité, forgée par la lenteur des siècles anciens, est vouée à disparaître. Un monde nouveau réclame une humanité nouvelle, libérée de ses failles et tournée vers l’avenir, quelque chose comme un Homo mobilis, individu infiniment mobile, sans famille, ni attaches, dont l’esprit peut être reprogrammé à volonté, comme on met à jour un logiciel.» (p.123) 


RÉFLEXION


Un essai fascinant qui nous fait traverser différentes étapes de la course de l’humanité avec ses réflexions, ses certitudes, ses pas de côté, ses obsessions et ses folies souvent destructrices. Tout le parcours de l’humain qui ne cesse de s’enfermer dans des scénarios étranges qui provoquent les pires catastrophes. 

Mathieu Bélisle ne répondra jamais à la question de sa fille, même en lisant et en écrivant pendant des années pour en arriver à la conclusion qu’il n’en sait trop rien. Cette question engendre des affirmations qu’il faut toujours reprendre et modifier avec les époques et les évolutions de la pensée. C’est l’une des caractéristiques de l’humain que de chercher des vérités qui demeurent aussi mouvantes et changeantes que les formes de vie sur la planète qu’il habite. 

C’est bon de le rappeler dans une ère qui fait défiler des «prophètes» qui prétendent tout savoir et qui n’hésitent pas à proclamer des dogmes dans les médias. Nous sommes dans un temps de faux mages, de fabulateurs et de manipulateurs qui s’arrogent le pouvoir pour nous plonger dans le chaos. Il faut toujours se dire qu’il n’y a pas de vérité immuable. La seule certitude que l’on peut répéter est celle de ne pas savoir. 

Cette «brève histoire de l’espoir» est une réflexion précieuse, fascinante, qui nous permet de garder l’espoir sur le réchaud et peut-être de mieux comprendre notre présent, tout en imaginant l’avenir avec circonspection. Et je ne sais pas après cette lecture si je me situe du côté des optimistes ou des pessimistes. À voir aller l’humain, il faut faire preuve de prudence. Si le passé est garant de l’avenir, il y a de quoi être sombre et inquiet.

 

BÉLISLE MATHIEU : «Une brève histoire de l’espoir». Lux Éditeur, Montréal, 2025, 184 pages, 24,95 $

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