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jeudi 6 novembre 2025

SYLVAIN GAUDREAULT DESSINE L’AVENIR

LA PLANÈTE va plutôt mal. Multiplication des catastrophes comme le dernier ouragan Mélissa qui a ravagé la Jamaïque et les pays voisins. Feux de forêt impossible à contrôler, pluies diluviennes et épidémies d’insectes avec de terribles sécheresses. Que dire des canicules qui rendent les villes étouffantes? Tout le monde le vit, mais qui est prêt à changer ses habitudes? Nous savons ce qu’il faut faire pourtant. Comment expliquer alors qu’à peu près tous les élus abordent le sujet du bout des lèvres et répètent les mêmes rengaines à propos de la richesse et de l’économie, c’est-à-dire de continuer à polluer et à accélérer le réchauffement de la planète? Sylvain Gaudreault, ex-politicien et député de Jonquière, ministre dans le gouvernement Marois et chef du Parti québécois par intérim, directeur général du Cégep de Jonquière maintenant, mène une croisade depuis quelques années. Il publiait «Pragmatique» en 2021 et il récidive avec «Ruptures et révolution», un essai où il propose de renouveler nos façons de faire et de voir. Un changement de cap pour faire face aux bouleversements climatiques, ramener les pendules à l’heure en tenant compte de certains événements qui ont secoué le monde, soit l’épidémie de COVID-19 et les conflits armés. De véritables sonnettes d’alarme.

 

Sylvain Gaudreault, dans cet essai simple, clair et accessible, aborde les grands défis que représentent les changements climatiques. Impossible de fermer les yeux et de le nier : les catastrophes ne cessent de se multiplier et de détruire des villes et des pays entiers. Tout politicien conscient et responsable ne peut rester indifférent devant ces cataclysmes planétaires. Parce que, après tout, tout homme ou femme qui sont élus lors de scrutins libres a le devoir d’assurer la sécurité sur son territoire et l’avenir des jeunes générations. Alors, comment contrer la montée des intégrismes, la dévastation orchestrée de Gaza, la guerre en Ukraine et la croisade des dirigeants des États-Unis pour faire régresser l’humanité?

Sylvain Gaudreault met cartes sur table rapidement et nous indique sur quoi il va insister.

 

«J’ai retenu trois événements qui nous font réaliser que cette idée de liberté et d’insouciance, que cette ère des utopies, était bien superficielle :

    1. La crise climatique;

    2. La pandémie de COVID-19;

    3. Le retour des guerres en Ukraine et au Proche-Orient.

Nous pourrions en ajouter plusieurs autres. Je pense notamment aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, à l’invasion des réseaux sociaux dans nos vies, à la révolution de l’intelligence artificielle, à la réélection de Donald Trump, à la fin de la domination occidentale sur les affaires du monde et à l’émergence de la Chine comme acteur de premier plan en ce domaine, etc.» (p.20)

 

«Rupture et révolution» propose une action qui se déploie sur trois grands axes : climat, pandémie qui a paralysé la planète pendant des mois et ces guerres de plus en plus violentes qui rendent la situation mondiale inquiétante. Personne ne peut demeurer indifférent devant ces conflits où des femmes, des enfants et des gens âgés crèvent sous les bombes ou encore n’arrivent plus à se nourrir. Des décisions difficiles et exigeantes s’imposent pour faire face aux dégâts de l’économie de marché et aux manœuvres des multinationales qui échappent à toutes les lois et qui accumulent des profits sans jamais payer leur juste part aux sociétés.

 

«Je crois que la période actuelle s’apparente à une crise dans laquelle le vieux monde se meurt et le nouveau qui le remplacera tarde à apparaître. Nous sommes dans la période transitoire, comme entre deux chaises, laissant place à l’incertitude et à la montée des leaders négatifs qui occupent le vide avant la prochaine période stable.» (p.24)

 

Autrement dit, faire en sorte de domestiquer l’économie pour qu’elle profite aux populations et non pas à quelques privilégiés, protéger l’environnement, remettre le «nous» à l’avant-scène et calmer la frénésie du «je» qui se livre au saccage et trouve, dans les médias sociaux, un canal parfait pour répandre la haine et la zizanie. Agir afin de ralentir le réchauffement de la planète et d’amoindrir les phénomènes climatiques et les catastrophes qui obligent des peuples à migrer dans des pays d’accueil qui deviennent de plus en plus hermétiques. Un travail titanesque, Sylvain Gaudreault en convient. 

 

TRANSITION

 

Les élus doivent planifier la transition entre une logistique de gaspillage et de consommation boulimique vers une économie responsable qui ne largue personne en chemin. Comment revoir l’exploitation des ressources naturelles, régénérer des régions dévastées, oublier les énergies fossiles pour des énergies propres, repenser l’agriculture industrielle qui tue les sols, la forêt surexploitée et ravagée par des feux incontrôlables, l’eau potable de plus en plus rare et réduire une pollution galopante? Autrement dit, il faut entreprendre une «vraie révolution», muter dans nos têtes et dans nos habitudes. 

Pour y arriver, Sylvain Gaudreault propose de reformater l’État-nation. C’est le seul organisme ou gouvernement qui peut répondre rapidement aux besoins d’une population sur un territoire précis. L’État-nation peut parvenir à éliminer la pauvreté et l’indigence, mieux redistribuer les richesses entre tous et rendre les services aux gens efficaces. Pour cela, il faut mettre un frein au capitalisme sauvage et domestiquer les multinationales qui pillent les ressources naturelles. Surtout ces prédateurs du numérique qui échappent à toutes les lois et toutes les obligations.

 

«L’administration publique québécoise n’est pas adaptée à l’urgence climatique. Les mesures gouvernementales sont encore très fragmentées, alors que l’action climatique commande des politiques transversales. Les ministères et les organismes publics sont comme les tuyaux d’un grand orgue : ils sont séparés l’un de l’autre et ne communiquent pas entre eux. Le climat, en revanche, a un impact sur l’environnement, bien sûr, mais aussi sur la santé, l’énergie, les transports, les ressources naturelles, les affaires municipales, les finances, l’économie, l’agriculture… L’action climatique exige de briser les tuyaux du grand orgue.» (p.53)

 

C’est un vaste programme qui nécessite une véritable mutation de nos façons de faire, de penser et d’agir. Un défi terrible! Quoi de plus emballant pourtant que de travailler à sauver notre planète et à assurer l’avenir de tous?

 

DEVOIR


Ce projet de Sylvain Gaudreault est devenu nécessaire avec les avertissements que la Terre nous sert depuis des décennies. Des mesures urgentes doivent être prises parce que les spécialistes le répètent : les humains jouent avec le feu depuis trop longtemps. Même qu’un environnementaliste comme David Suzuki croit qu’il est trop tard et que nous avons franchi la ligne du non-retour. 

Sylvain Gaudreault ne se tourne pas vers le passé. Il se concentre sur le présent pour atténuer les bouleversements à venir et assurer un meilleur partage des ressources.

La prudence et une pensée politique responsable, une vision globale qui repose sur les États-nations qui peuvent modifier le cours des événements? Et, faut-il le répéter, nous avons une seule planète où vivre et nous n’en trouverons pas d’autres où migrer. Le bon sens veut que nous fassions tout pour protéger notre demeure. 

 

TRAVAUX

 

De grands chantiers se dessinent dans l’esprit de Sylvain Gaudreault. Des questions doivent nous hanter. Comment accueillir les réfugiés climatiques de plus en plus nombreux au cours des années à venir; comment mettre fin aux guerres et aux génocides, aux folies meurtrières des fanatiques religieux et à la course aux armements? Étrange d’investir dans les bombes quand des populations entières ne mangent pas à leur faim. 

Tous, collectivement, nous avons ce devoir et cette obligation de réagir afin que l’avenir soit possible pour tous. Le temps de l’insouciance et de la consommation effrénée est terminé. Le temps de la responsabilité vient de sonner.

 

«L’être humain a une grande capacité d’adaptation. L’histoire universelle l’a démontré. La question réside davantage dans notre capacité à sortir de notre paradigme confortable pour saisir le contexte actuel — qui n’est pas que conjoncturel mais bien structurel — afin de changer notre mode de vie. Cela est tout un chantier, j’en conviens!» (p.115)

 

Voilà un manifeste que le Parti québécois devrait faire sien pour proposer un vrai projet de pays qui se tourne vers l’avenir et qui peut être un chef de file qui œuvre à rendre la planète plus habitable et juste pour tous. 

Un essai important, lucide, qui devrait nous faire réfléchir, surtout les leaders politiques qui se contentent trop souvent de ressasser des formules creuses ou de semer le chaos comme on le voit chez nos voisins du Sud. 

Après avoir rêvé les grands échanges internationaux, nous devons revenir au plus proche, à des territoires naturels où les populations se sentent responsables et concernées. C’est pourquoi l’indépendance du Québec trouve sa place dans les questionnements de Sylvain Gaudreault. Des états forts pour changer son espace et par ricochet le monde.

Un manifeste nécessaire, un programme politique ambitieux, une voix qu’il faut écouter dans la cacophonie médiatique où tous critiquent sans jamais fournir de solutions. Sylvain Gaudreault propose une révolution pour assurer l’avenir et certainement permettre la survie des humains. Si la planète peut continuer sans nous, les humains ne le peuvent pas. La Terre est notre seul lieu. 

 

SYLVAIN GAUDREAULT : «Rupture et révolution», Éditions Somme toute, Montréal, 2025, 136 pages, 19,95 $.

  https://editionssommetoute.com/auteur/sylvain-gaudreault/

jeudi 30 octobre 2025

VÉRONIQUE MARCOTTE FRAPPE TRÈS FORT

UN TOUR DE FORCE que «Je n’ai personne à qui dire que j’ai peur» de Véronique Marcotte. L'auteure parvient à lier étroitement un drame personnel à un fait divers scabreux qui n’est pas sans rappeler l’incroyable histoire de Gisèle Pelicot qui a fait les manchettes en France et révolter le monde entier. Rachel, la narratrice, a subi un viol à dix ans et après, plus tard, une relation toxique avec un homme qui l’a dominée et entraînée dans les illusions de la drogue et de l’alcool. Des moments qu’elle a refoulés au plus profond de son être avec bien des victimes. Elle se réfugie dans une cabane au fond des bois pour écrire, retrouver qui elle est, respirer et parvenir peut-être à être enfin en paix avec son passé. Rien n’arrive comme elle l’avait souhaité. Elle est entraînée dans une affaire de meurtres où elle fera face à ses colères, ses drames et des blessures qu’elle croyait guéries. Tout revient à la surface quand une femme et un jeune garçon débarquent dans sa vie.

 

Véronique Marcotte mène habilement une enquête de Josée Lefèvre et son complice François Bertrand. Deux policiers qui pensaient en avoir terminé avec les événements sordides en se faisant muter à la campagne après avoir connu «le travail trépidant» de la grande ville. Le roman oscille entre Rachel, la narratrice, une écrivaine qui voulait prendre congé du monde et qui ne sait plus comment réagir devant une situation qui la dépasse et qui chamboule ses projets. 

On devine une conspiration dans le village de Lac du Reflet. Les dizaines d’hommes qui fréquentaient les Fortin (les jumeaux trouvés morts avec un stylet dans le cœur) répètent la même chose. Mot à mot. Et cette femme et son fils qui sont arrivés dans le refuge de Rachel en pleine nuit et qui semblaient la chercher. 

Tout est en place pour une enquête policière étonnante, mais aussi pour des tsunamis qui vont secouer Rachel et la forcer à revenir sur des drames qu’elle a refoulés au plus profond d’elle-même. 

 

«Je ne suis pas venue ici pour écrire d’autres histoires que la mienne, je suis enfermée dans le bois pour me soustraire à mon besoin d’écouter les histoires des autres. À force, je me suis éloignée de moi. Ne plus rien ressentir ce qui provenait de moi était si délicieux, si facile, que j’ai tout étouffé de mes nombreuses collisions dans les illusions, les paillettes, en essayant de fabriquer du fabuleux avec un calvaire. Pourtant, j’aurais dû y aller; j’avais matière à écrire, mais comment envisager la détresse, comment plonger dans une crevasse qui sent la mort et le sexe brûlé sans que ce soit douloureux? Et qui suis-je pour faire de mes échaudures un sujet intéressant? Personne. Je ne suis personne.» (p.23)

 

Rachel, avec l’arrivée de Jade et de Clarence, est emportée dans une histoire qui pourrait être la sienne. Elle le sait. Elle n’a plus la force de se raconter des fables et ne désire surtout plus s’étourdir dans la drogue ou vider une bouteille de vin pour noyer sa colère et sa douleur, comme elle l’a fait trop souvent.

Parce que c’est terrible ce que Rachel a vécu avec un homme qui l’a traitée comme une esclave et un objet. Elle s’est sentie avilie, une moins que rien. Elle s’en veut surtout d’avoir permis cela, de ne pas avoir réagi, de s’être tue en se réfugiant dans la drogue.

 

«J’allais vite entendre le discours péremptoire, misogyne et narcissique de celui qui se croyait tout permis. D. me faisait faire tout ce qu’il voulait : garder son fils, aller lui chercher des cigarettes, passer au resto prendre de sushis, le sucer dans la voiture avant une réunion, sortir de la maison à la dernière minute pour me pavaner avec lui lors d’une première, aller chercher ses bottes à l’hôtel durant une répétition générale, passer prendre un ami pour qu’il vienne le réconforter en pleine chute de dope la nuit, lui ramener une connaissance à moi pour un trip à trois, organiser de soupers pour lui présenter des filles en faisant croire que le grandiloquent qu’il était pouvait contribuer à leur carrière, flipper les burgers pour tout le monde durant ses partys de vedettes tout en gardant un œil sur son enfant, casser un party qui avait eu lieu chez moi parce qu’il ne voulait pas rentrer chez lui tout seul, relever mon chandail à toute heure pour lui montrer mes seins et puis tout ça, encore et encore.» (p.41)

 

Je suis tenté de dire le drame de Véronique, tellement cette histoire sonne juste, tellement le personnage crie de vérité. Surtout, il y a des éléments qui correspondent au parcours de la romancière. Je le sais pour l’avoir côtoyée avec bonheur pendant un temps. Rachel évoque sa terrible échouerie dans l’univers du spectacle et de la télévision. Elle y a échappé par une sorte de miracle, par l’écriture certainement, qui devient souvent une forme de thérapie qui permet de se retrouver et de respirer mieux. 

 

ENQUÊTE


En parallèle, le duo de policiers ne sait trop par où commencer dans cette affaire de meurtre des jumeaux Fortin. Et comment tirer sur le bon fil pour comprendre ce qui s’est passé dans le sous-sol de leur résidence? Le nombre effarant d’empreintes dans la maison prouve que les frères recevaient beaucoup de gens, des hommes uniquement. Tous dans le village répètent qu’ils allaient là pour les jeux de société. Un jeu de société effectivement auquel ils participaient, mais pas celui que l’on imagine.

Et il y a les indices trouvés sur les lieux, dont les livres de Marie Darrieussecq et de Martine Delvaux, qui semblent contenir la clef de cette histoire sordide. C’est plus qu’un drame intime dans lequel nous plongeons, mais une carence de la société qui se déploie devant nos yeux. 

 

« … Marie Darrieussecq a confié que Truismes avait été inspiré de son expérience d’abus masculins sur sa personne. Plus tard, jeune écrivaine, moi aussi j’ai été plaquée contre un mur rue de Rennes par un “grand écrivain”, moi aussi on m’a embrassée de force entre deux bacs à fleurs devant le Dôme, comme c’est chic, et pas si grave. Mais la gravité de ce qui arrive à d’autres me concerne directement et je les remercie de ce courage de parler et je pense à celles qui ne peuvent pas parler. J’avais balancé mes porcs avec Truismes.» (p.128)

 

Rachel est entraînée dans une spirale, le drame qui touche toutes les femmes. Elle se retient de pousser des cris avec celles qui pointent les agresseurs sur les réseaux sociaux ou qui portent des accusations devant le tribunal malgré les embûches et toutes les humiliations. 

 

ENQUÊTE

 

Véronique Marcotte nous tient en haleine pendant près de 400 pages avec sa narratrice, qui tente de garder la tête hors de l’eau et qui est happée par le drame de Jade Grenier et son fils Clarence. 

Le privé devient public et vice versa. Sans compter nos policiers dépassés par ce qu’ils découvrent.

Une tragédie qui fait douter de l’intelligence des hommes, une guerre de tous les instants que mènent les femmes pour se protéger des mâles toujours en érection. Tous les personnages féminins de Véronique Marcotte ont subi des agressions et elles ne peuvent être que solidaires entre elles. Le viol de l’une est celui de toutes les autres. Même Josée la policière a vécu les pires outrages en fêtant la fin de ses études avec ses collègues, qui sont les gardiens de la loi maintenant. Les propos de Nancy Huston dans «Les Indicibles» deviennent plus pertinents que jamais en lisant Véronique Marcotte. 

 

«Josée comprend très bien Jade Grenier. Se faire justice. Utiliser des moyens alternatifs pour reprendre notre vie en main. Jade Grenier a subi de la soumission chimique par son mari, pour le moment on parle de trente-huit agresseurs, et de quatre-vingt-huit viols perpétrés juste dans la dernière année. Comment a-t-elle su ce que les jumeaux lui faisaient subir? se demande Lefèvre en plongeant son visage en sueur dans ses mains.» (p.353)

 

L’écrivaine, dans ce roman de révolte, de colère, de rage et d’amour, atteint un nouveau sommet. Elle prend le parti des femmes, comment pourrait-elle faire autrement? Elle marche à leurs côtés et, surtout, elle tente d’effacer ses propres traumatismes et de guérir ses blessures. Toutes font face à la dictature du pénis à un moment ou un autre, toutes sont des victimes et des écorchées. 

Un roman terrible qui oscille entre un fait scabreux qui touche tout un milieu social, raconte les assauts subis dans le quotidien par des femmes qui doivent toujours être aux aguets. Une histoire qui fait mal et broie le corps et l’âme. On ne peut qu’emboîter le pas de Rachel et Josée qui font éclater la vérité en éclaboussant tout un village. «Est-ce ainsi que les hommes vivent», que je me suis demandé en répétant le fameux vers de Louis Aragon.

À donner froid dans le dos, mais surtout un texte d’amour et de chaleur humaine malgré tout, d’empathie et de résilience. De l’horreur peut germer la joie et un bonheur apaisé. Véronique Marcotte le démontre magnifiquement dans cet ouvrage qui ne laissera personne indifférent.

 

MARCOTTE VÉRONIQUE. Je n’ai personne à qui dire que j’ai peur, Éditions Québec Amérique, Montréal, 2025, 392 pages, 32,95 $.

https://www.quebec-amerique.com/collections/adulte/litterature/litterature-amerique/je-nai-personne-a-qui-dire-que-jai-peur-10812

jeudi 23 octobre 2025

NANCY HUSTON N’ARRIVE PAS À SE TAIRE

LIRE DEUX ESSAIS de Nancy Huston, coup sur coup, est une expérience unique. L’écrivaine nous permet dans Les Indicibles de plonger au cœur des malentendus qui entravent nos sociétés. Enragée, engagée témoigne de l’ampleur de son action. Elle regroupe ici des textes parus dans des journaux et des revues, autant au Québec qu’en France. Les deux ouvrages se répondent et se complètent pour ainsi dire. Elle y aborde la violence que les femmes subissent, l’amour, la sexualité, la pornographie, la prostitution, la littérature et les populations migrantes qui font face au racisme et à la discrimination. Le métier d’écrivaine est avant tout pour elle un droit de parole qui permet de dénoncer des injustices, des idées néfastes qui corrodent les rapports entre les hommes et les femmes, l’exploitation, le pouvoir des mâles dominants qui survivent par la brutalité. Et comment fermer les yeux devant la crise climatique provoquée par notre consommation boulimique et l’assujettissement des pays les plus pauvres?

 

L’auteure n’hésite pas à pointer des idéologies qui nous ont menés au désastre et que nous continuons d’encenser avec un entêtement inquiétant (les changements climatiques, entre autres), surtout depuis que Donald règne aux États-Unis et qu’il s’est donné comme mission de faire régresser l’humanité. 

D’abord, l’écrivaine démontre une évidence : la femme et l’homme sont différents biologiquement. Si le mâle peut satisfaire son besoin d’éjaculer en quelques minutes, la femme, par le contact sexuel, amorce une aventure qui la mobilise pendant des années. Il y a la période de gestation, puis la venue au monde prématurée d’un petit qui exige des soins et une attention constante avant de gagner en autonomie. Cette sexualité distincte (brève chez les mâles et longue pour les femelles), a été nié par les hommes qui ont tout fait pour imposer la leur au cours des étapes de leur parcours.

 

«Aujourd’hui, j’ai moi-même presque soixante et onze ans et demi. Et même si, pour l’instant, j’adore être vieille, je frémis d’imaginer le monde que connaîtront mes petits-enfants à la fin de ce siècle. Alors en attrapant ma plume pour écrire ce livre au cours d’une retraite hivernale à Arles, je voudrais tenter de dire ceci qui, sans être politiquement correct, me semble potentiellement utile : nier les différences entre les sexes nous empêche de comprendre les catastrophes qui nous pendent au nez, et donc de faire ce qu’il faut pour les éviter… … Voici en vrac les “indicibles que je me propose d’évoquer dans les pages qui suivent : l’érection intempestive, la beauté du travail ménager, la noblesse du travail sexuel, les excès du female gaze, le sens de la pornographie et de la guerre, la puissance des mères.» (Les Indicibles : p.13)

 

L’être humain a la fâcheuse manie de s’inventer des concepts ou des fables pour calmer ses peurs et ses angoisses. Cette capacité a comme effet de l’éloigner de la réalité et de sa nature même. Une sexualité éphémère, violente, insouciante chez le mâle et une obligation pour la femelle de porter la vie et de perpétuer l’espèce.

Les grandes religions au cours des siècles ont tenté de juguler la sexualité de l’homme en la réduisant à la reproduction dans un contexte social contrôlé. La femme devait se soumettre aux désirs du mari, qui décidait de la fréquence des rapports sexuels jusqu’à tout récemment dans le catholicisme et autres croyances qui s’imposent encore. Une sexualité mâle qui nie celle de la femelle.

 

QUÉBEC

 

Le Québec a connu la dictature du phallus pendant des centaines d’années. Le clergé (la police de la sexualité) assurait la domination du mâle en expropriant le corps des femmes qui devenait la propriété exclusive du mari. L’épouse devait se consacrer à la perpétuation de l’espèce. Gérard Bouchard en parle magnifiquement dans Terre des humbles, où il décrit dans le quotidien la vie sexuelle des couples, le droit des hommes sur le corps des femmes. La sexualité féminine était un bien d’État dans le Québec ecclésiastique.  

Nancy Huston s’attarde à cette pensée qui a «normalisé» des violences pendant des siècles, surtout en temps de conflits où les femmes deviennent butin de guerre. 

Le célibat des prêtres, par exemple, à l’origine de tant de sévices. Nancy Huston s’adresse au pape François pour dénoncer cette mesure contre nature. La lettre a paru dans les journaux Le Monde et Le Devoir en 2018.

 

«Ces jours-ci, le monde tangue sous le choc d’un nouveau scandale de pédophilie qui, en Pennsylvanie cette fois, vient “éclabousser” l’Église catholique : sur une période de soixante-dix ans, mille enfants abusés ou violés par des prêtres, et, compte tenu de la célérité des intéressés à escamoter les preuves et de la honte des victimes à témoigner, on peut être certain que ce chiffre est encore inférieur à la vérité.» (Enragée, engagée p.47)

 

Madame Huston pointe cette pensée guerrière qui mène aux viols et aux meurtres légalisés. Pourtant, la nature nous offre bien des manières différentes de se comporter et surtout de vivre ensemble. Et les femelles, chez les mammifères, savent très bien contrôler les excès des mâles dominants.

J’ai abordé, en 1996, «cette guerre permanente» entre les hommes et les femmes dans Le réflexe d’Adam, une violence que l’on imposait dans mon enfance comme un idéal aux jeunes garçons, mais je me suis buté à un mur d’indifférence. Qui remet en question les actes du conquérant, ces héros qui tuent et violent et qui ont droit à leurs statues sur la place publique. 

Bien sûr, il y a des mesures et des lois dans les pays occidentaux qui permettent des avancées vers l’égalité des sexes, même s’il reste énormément à faire. Le «buck» dominant est toujours prêt à défendre son territoire et surtout à protéger son accès aux ventres des femmes. Les luttes féministes ont fait beaucoup pour faire entendre les voix des femmes. Heureusement. Et elles ont sensibilisé quelques hommes.

 

LIBÉRATION


Nancy Huston n’hésite pas à dénoncer aussi certaines «libératrices» qui réclament une égalité qui se résume à imiter le comportement des hommes. Est-ce souhaitable, par exemple, de porter l’uniforme et des armes pour tuer et agresser? Une «parité néfaste», une violence dont elles ont été les victimes depuis des millénaires. Est-ce cela la libération et l’égalité?

 

«Une des conclusions que j’en tire, après d’autres recherches et réflexions, c’est que les besoins sexuels des mâles humains sont et seront toujours “politiquement incorrects”. Oui — car, ne figurant pas dans le génome, les notions de droit, d’égalité et de dignité ne peuvent être génétiquement transmises. Est transmis depuis la nuit des temps, en revanche, le besoin d’éjaculer dans le plus grand nombre possible de ventres féminins.» (Les Indicibles p.88)

 

Je ne peux qu’admirer le courage et la franchise de Nancy Huston qui, en plus d’une œuvre de fiction remarquable et imposante, n’hésite pas à intervenir dans les revues et les journaux pour dénoncer des abus et des faussetés que l’on présente toujours pour des vérités. Les luttes des femmes, certaines dérives, la dictature du «je» qui règne maintenant et qui arrive à nous faire prendre des vessies pour des lanternes avec la désinformation systémique. Pire, une sexualité mâle et femelle mal comprise a eu comme résultat de mettre la planète en danger. Et avec Donald, encore lui, nous avons peut-être franchi la ligne rouge et nous allons devoir faire face à des soubresauts climatiques et des migrations massives qui vont bouleverser nos façons de faire.

Nancy Huston renoue avec la tradition des grands écrivains humanistes qui, par leurs propos et leurs prises de position, tentaient de faire évoluer leurs contemporains en dénonçant des politiques et des comportements nuisibles. L’écrivaine donne des conférences, participe à des colloques, écrits dans des collectifs pour permettre de réfléchir, même si elle soulève l’ire souvent des «professeurs de désespoir». Elle n’hésite pas à témoigner aussi en puisant dans sa vie pour montrer qu’elle n’échappe pas à certaines contradictions.

 

«Voilà le paradoxe : en déclarant impertinente la différence sexuelle, nous écartons l’apport possiblement spécifique des femmes à la vie du monde. Oui car d’autres valeurs existent — des valeurs qui, pour des raisons biologiques et non seulement historiques, ont été incarnées en transmises par les femelles de notre espèce (et beaucoup d’autres) parce qu’elles étaient mères.» (Les Indicibles : p.175) 

 

Nancy Huston reste avant tout un regard lucide qui questionne une société qui n’arrive que maladroitement à se réinventer et qui perpétue la domination d’un sexe sur l’autre, glorifie la tyrannie du pénis sur le corps des femmes. Parce que l’écrivaine et l’écrivain ont l’obligation, dans la pensée de madame Huston, de prendre la parole et de se faire entendre quand elle le juge à propos. Les plus grands n’ont jamais hésité à le faire. C’est pourquoi je lis Nancy Huston, son œuvre, mais aussi l’intervenante, la dérangeante et la fatigante qui met le doigt où ça fait mal. Une écrivaine nécessaire et fascinante. 

 

HUSTON NANCY : Les Indicibles, Leméac. Actes Sud, Montréal, 2025, 224 pages, 27,95 $.

HUSTON NANCY : Enragée, engagée. Leméac, Actes Sud, Montréal, 2025, 232 pages, 29,95 $.

https://lemeac.com/livres/les-indicibles/ https://lemeac.com/livres/enragee-engagee-textes-choisis-2000-2024/

jeudi 16 octobre 2025

FRANCINE NOËL N’A PAS PERDU SON REGARD

FRANCINE NOËL s’offre un recueil de nouvelles pour souligner sa dixième publication. Vingt textes plus ou moins longs, certains n’ont besoin que de quelques lignes pour nous secouer quand d’autres prennent plus d’espace comme il se doit. Deux directions se croisent dans Choisis-moi. (Un texte qui donne son titre au livre.) La nouvelle raconte l’histoire de deux enfants qui attendent d’être adoptés comme c’était le cas dans les années cinquante dans les orphelinats. Deux inséparables. Nous suivrons aussi un ancien professeur de cégep qui se retrouve dans la rue après avoir été malmené par la vie et l’amour. Une situation qui se complique avec la COVID. Les errants perdent les lieux où ils pouvaient se réfugier. Un volet de cette pandémie qui n’a pas beaucoup été mis en évidence. Et enfin, Aurélie, une fille de Cacouna, entre chez les sœurs du Bon-Pasteur et doit se dévouer auprès des filles-mères, celles qui ont commis la faute et qui sont vues souvent comme des maudites et des pécheresses. Elle apprend la solitude, la plus terrible peut-être, les règlements, rêve de devenir infirmière et finit par choisir de rejeter les carcans qui étouffent.

 

Francine Noël s’aventure dans deux mondes qui présentent, bien qu’ils semblent aux antipodes, beaucoup de similitudes. Celui des itinérants qui se plient à des rites et habitudes et la vie religieuse marquée par des règles contraignantes qui contrôlent les nonnes dans tous leurs gestes et leurs pensées presque. Nous sommes dans les années cinquante dans le cas des sœurs. La Révolution tranquille n’est qu’un rêve alors avant l’essor qui a fait bondir le Québec dans la modernité par de grandes réformes dans le domaine de la santé et de l’éducation. Et ce monde actuel, celui de l’errance de plus en plus présente dans nos villes et qui est un sujet que les politiciens doivent aborder en campagne électorale. Un milieu avec ses règles, ses territoires, ses habitudes et la cohabitation quand plusieurs individus partagent un refuge. L'écrivaine oscille entre la plus folle des libertés et un mode où tout est réglé au quart de tour.

 

CHANGEMENTS

 

Avec Aurélie, nous sommes à la veille des grands bouleversements qui ont marqué le pays du Québec. La Révolution tranquille, la naissance d’un véritable état et la libération individuelle par la contraception chez les femmes. Et ce mal de la société contemporaine, des gens qui n’arrivent plus à se payer une maison ou un appartement parce que les spéculateurs et la finance rendent ce bien inaccessible. Des travailleurs et travailleuses vivent dans la rue ou dans leur auto malgré un travail rémunéré. C’est un fléau aux États-Unis qui est en train de devenir une épidémie partout dans le monde. Les conséquences d’un capitalisme sauvage qui s’impose, encore plus brutalement depuis que Donald fait la pluie et le beau temps. Pourtant, peu importe les époques, la vie a toujours été difficile dans les familles avec les agressions, l’inceste et le silence des victimes qui se taisent et refoulent leurs larmes. Surtout du côté des femmes. Un début de recueil saisissant, qui montre les tragédies qu’entraîne le «vivre ensemble».

 

«Quelque chose se tord dans son ventre, mais ce n’est pas le ventre, c’est plus bas, dans un autre ventre, une autre partie de son ventre, comme avec son père quand il s’étend sur elle et qu’il fait han han han, il dit que ça aide à dormir, mais ça n’a jamais aidé et la malchance est arrivée comme un ballon qui vous frappe un sein, c’est une boule, un motton, un caillot qui veut sortir, elle sent que ça veut sortir, qu’elle se vide, qu’elle va tout échapper, et la boule tombe d’elle dans un hoquet de sang, mais il en reste peut-être des morceaux à l’intérieur, elle ne veut pas toucher l’intérieur, ne veut pas fouiller là et n’ose pas regarder dans la cuvette.» (p.9)

 

Ces petites morts étouffées, la vie impersonnelle des religieuses et des sans-abri qui deviennent des invisibles, comme les sœurs dans les couvents. Heureusement pour les itinérants, il y a des refuges et les bibliothèques où le professeur retrouve une partie de son être qu’il a écrasé pour toutes les raisons imaginables.

 

BALISES


Chacun des personnages de Francine Noël a ses lieux où il se sent en sécurité, où il est possible, surtout, d’être soi sans craindre que le monde leur tombe dessus. Le professeur partage un squat avec un couple de jeunes. On ne saura pas vraiment ce qui lui est arrivé : on imagine une histoire d’amour, une séparation qui a cassé sa vie. Et la COVID, une catastrophe pour ces gens sans moyens, bien plus que certaines règles et le port du masque. Comme si tous les endroits où ils pouvaient aller avant pour se laver et manger disparaissaient d’un coup. Que faire quand on est dans la rue et que l’on doit vivre avec un couvre-feu? Mais, il y a pire peut-être : l’autre qui se dérobe.

 

«J’ai soif de voir des bouches articuler des mots, même s’ils ne sont pas pour moi, je voudrais pouvoir regarder des figures entières, des bouches qui sourient, des bouches qui font la gueule, qui sifflent, qui fument, qui mangent et qui parlent, même si c’est en vociférant, je veux voir des mâchoires bouger, des lèvres, pulpeuses ou minces, des dents aussi, même des dents croches me contenteraient, ou des mentons en galoche, ou des nez, le nez exprime moins que la bouche et pourtant il place le personnage, nez retroussé, nez pointu, aquilin ou camus, en forme de patate ou de chou-fleur ou de trompette, nez refait, nez mutin, brandy nose, tout ça nous est refusé.» (p.35)

 

L’autre, le contact, si nécessaire, les touchers, les mots, des regards, des propos qui font exister et se sentir humain. Tout comme ce que vit Aurélie, sœur Saint-Clément dans le vaste édifice des religieuses du Bon-Pasteur où elle a l’impression d’être devenue une ombre. Les sœurs sont partout et pourtant elles n’ont plus de corps et de visage. Avec les enfants qui restent des silhouettes avant d’être adoptés ou d'exister. 

 

«La seule chose abondante est la nourriture et Thérèse Saindon, alias sœur Saint-Donat, ne s’en prive pas, mais la mangeaille n’est pas si importante pour Aurélie. Ce qu’elle regrette vraiment, ce qu’elle a toujours aimé, c’est le linge, les beaux vêtements, les cotonnades légères de l’été, les robes que sa mère cousait et coud encore pour sa trâlée de filles. Mais Aurélie a renoncé à la propriété individuelle. Pour désigner les choses, il convient de dire “notre”, notre lit, notre oreiller, notre mouchoir, nos souliers, nos bas, notre jupon, notre peigne, notre savon, notre brosse à dents, nos serviettes hygiéniques, notre assiette, notre tasse, notre missel, tout appartient à la communauté.» (p.69)

 

Un vocabulaire absurde de dépersonnalisation qu’il faut répéter et qui finit par broyer Aurélie. Quel sens donner à la vie dans de pareilles conditions? Pourquoi s’effacer sous des épaisseurs de vêtements et se plier à des règles où elle est condamnée à n’être qu’un numéro. Aurélie, en étudiant pour devenir infirmière, se bâtit un moi, un centre, une femme qui laisse présager la grande libération qui va frapper les institutions ecclésiastiques quelques années plus tard. Que faire quand toutes les règles tombent et qu'il ne reste plus qu'à courir après son ombre ?

 

«En revenant du parloir, Aurélie se sent plus seule que jamais malgré la communauté qui l’entoure. Cet hôpital est plein de religieuses tolérantes et dévouées, mais elle n’en peut plus de piaffer dans un temps mesuré et de voir ses amitiés contrôlées par la Râpe et sa clique d’espionnes.» (p.127)

 

Tout partout, l’individu se heurte à l’autre et à des lois. C’est un problème depuis toujours. Il faut des règles pour se protéger et vivre sans s’agresser. Cela peut aller très loin dans les communautés où la moindre action est régentée ou encore dans la rue où chacun doit respecter des territoires et des refuges. Il y a des codes, peu importe les époques et les lieux. Les humains sont grégaires et ils doivent se comporter en conséquence. Et il y a ces heurts, les blessures d’être, les agressions d'un père ou d'un proche, le groupe qui nie souvent l’individu. Ces catastrophes existentielles peuvent venir du refuge comme du dehors. 

Aurélie trouvera son chemin naturellement quand arrive le temps.

 

«C’est la Saint-Jean. On entend de la musique et des rires et, au loin, le vacarme des feux d’artifice. Aurélie pose sa croix d’argent sur sa table de chevet, notre croix, notre table. Elle enlève nos souliers et notre rosaire. Elle laisse tomber notre voile, notre coiffe, notre robe, notre jupon et détache le tissu qui comprime les seins, elle enlève notre affreuse culotte et nos bas. Ces hardes, tombées sur le plancher, ressemblent à une peau de couleuvre abandonnée. Elle remet la robe et monte au solarium… … Avec sa seule robe religieuse au tissu lustré, avec son corps innocent de religieuse, avec ses pieds qui avaient oublié la fraîcheur de l’herbe, sans se presser, elle entre dans la liesse du monde.» (p.128)

 

Que cela est bien dit, humain, senti, aussi vibrant que les grands romans que nous a offerts Francine Noël, des ouvrages qui ont marqué le Québec et toute une génération! Je garde pour ma part un souvenir impérissable de La conjuration des bâtards, un roman exceptionnel, une fiction passée sous le radar de notre petit milieu de la littérature. Tout comme on n’a pas su reconnaître l’immense roman Les failles de l’Amérique, un autre travail remarquable de Bertrand Gervais. Peut-être que, malgré toutes nos expériences, nos dires et nos slogans, le Québec n’a pas encore vraiment appris à se voir et à s’aimer. Il faut lire et relire Francine Noël pour la musique qui porte son écriture et, surtout, la pertinence de son regard. Un enchantement. 

 

NOËL FRANCINE : Choisis-moi, Éditions du Boréal, Montréal 2025, 144 pages, 21,95 $.

https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/choisis-moi-4112.html