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mercredi 8 mars 2023

DAVID BEAUDOIN BOUSCULE LE LECTEUR

CERTAINS ÉCRIVAINS aiment sortir des sentiers battus et explorer des territoires où les lecteurs auront du mal à les suivre. David Beaudoin se permet bien des audaces dans La signature rouillée, un premier roman, où il tourne le dos au réel pour se faufiler dans un monde de rêves et de fantasmes. Antoine G., un Québécois d’origine, vit à Paris et restaure les œuvres d’art que le temps abîme ou qui subissent les outrages de certains vandales. Antoine G. accomplit de véritables exploits avec des toiles que l’on croyait gâcher à tout jamais par l’action d’un étourdi aux motivations obscures. Il est embauché par la directrice du musée Carnavalet. Un visiteur a laissé une signature illisible sur le tableau de A. Boulanger, un peintre peu connu décédé en 1922, intitulé Le sauvetage des malades de l’hôpital de l’Ancienne Charité. Personne n’a vu le vandale, pas même les caméras qui filment tout pourtant. Un homme en blanc aurait opéré dans la plus grande des discrétions et les membres de la sécurité n’ont pu l’intercepter.

 

Il faut de l’habileté et surtout de bonnes notions pour restaurer une œuvre picturale sans l’abîmer. Un art de patience, de longue haleine, qui demande beaucoup de doigté et d’attention, on s’en doute. On a vu dernièrement des écologistes asperger Les tournesols de Van Gogh avec de la soupe aux tomates en Angleterre. Heureusement, la contestation n’a pas touché la toile, mais la nouvelle a fait les manchettes.

Antoine G. procède d’une façon tout à fait personnelle et un peu singulière. Il se livre à des séances où il fixe la peinture, se concentre et entre dans une sorte de transe où il visualise la gestuelle de A. Boulanger. Il arrive ainsi à sentir le sujet comme s’il avait les yeux du maître et pouvait manier le pinceau à sa place. Cette compréhension intime du tableau est nécessaire à Antoine G. avant d’intervenir avec précision et délicatesse. En plus, il y a des outils modernes pour venir en aide au restaurateur. Des analyses poussées lui feront mieux connaître la texture de l’œuvre. 

 

«La peinture devait également être soumise à un accélérateur de particules. Cela permettrait de retrouver la composition exacte d’une matière qui avait vieilli durant plusieurs années, comme si elle avait voyagé dans le temps, depuis le début du vingtième siècle. Ensuite, Antoine G. pourrait tester les différents solvants afin d’en trouver un qui enlèverait l’encre, et non la peinture originale. Puis viendraient les retouches sur les parties de la toile qui auraient été abîmées définitivement par la signature. En somme, son travail consisterait à supprimer le geste d’un vandale pour refaire celui de l’artiste.» (p.13)

 

On saisit maintenant l’importance de la tâche d’Antoine G. Le restaurateur doit avoir une vision «scientifique du tableau» pour en connaître tous les éléments constitutifs et comprendre parfaitement l’approche et la technique du maître. Le tableau de A. Boulanger reproduit une scène survenue à Paris en 1910 lorsque la Seine a débordé dans les rues de la ville et qu’il a fallu secourir les patients de l’hôpital pour les mettre en sécurité. Les résidentes de ce lieu souffraient de problèmes de santé mentale. On le sait, à l’époque, elles pouvaient y être incarcérées sur une simple signature du mari ou par une dénonciation d’un proche. Bien des épouses révoltées et originales ont écopé souvent en France et au Québec en ces temps pas si lointains. Refuser la soumission à l’homme était vu comme une aberration psychique.

La femme touchée par le gribouillis du vandale trouble le restaurateur. Au centre de la scène, des gens la sortent de l’édifice par la fenêtre avec beaucoup de délicatesse. Elle semble évanouie, évanescente, hors du temps, entourée d’une étrange lumière qui la porte dans cette grisaille. 
Je me suis livré à l’exercice d’Antoine G. (on retrouve ce tableau sur Internet) et rapidement la patiente tout en blanc, éthérée, sereine même, m’a fait penser au Christ. Particulièrement à la toile de Rogier Van der Weyden réalisée vers 1435 et intitulée La Descente de Croix, une peinture que l’on peut voir au Prado de Madrid. 
Cette femme possède une présence, une pureté qui fascine et émeus. Une douceur aussi se dégage d’elle, un abandon ou une sorte de délivrance après toutes les souffrances et les tourments. À gauche du tableau, une séquence a tout d’une mise au tombeau. Une œuvre troublante avec des personnages comme des spectres qui surveillent la scène et s’agitent à l’avant-plan, un combat entre le noir et le blanc, les forces obscures du mal et la lumière divine. 

Antoine G. se rend souvent sur les lieux et a l’impression de revivre ce déluge. Il patauge dans l’eau et se retrouve près de Boulanger, en plein travail.

«Antoine G. s’approcha de A. Boulanger dans l’espoir de lui parler. Il réalisa rapidement que le peintre, comme tout ce qui provenait de l’inondation de 1910, n’était qu’une illusion. Il devait malgré tout en avoir le cœur net et découvrir à quoi il ressemblait. Quand il arriva derrière lui, l’homme se retourna et souleva enfin le capuchon qui cachait son visage. Devant Antoine G., dans la rue des Saints-Pères, se tenait une femme aux cheveux bouclés. A. Boulanger n’était donc pas un homme comme il l’avait toujours cru, mais une femme. Le restaurateur comprit à quel point il avait fait fausse route tout ce temps. Il saisit pourquoi la relation de la peintre A. Boulanger avec la femme en blanc avait dû déranger à l’époque, et pourquoi on avait dû transférer cette dernière à l’institut psychiatrique Sainte-Anne.» (p.77)

 

Ce travail lui permet de replonger dans son enfance, auprès de sa grand-mère. Des moments de complicité avec cette femme un peu mystérieuse. Zéléma a aussi été internée pour une raison qu’il finit par comprendre. Elle avait connu

l’amour avec une compagne. C’était bien assez pour la faire enfermer. Beaudoin imagine tout un scénario alors, un vaste complot où l’on ostracisait les homosexuels et les lesbiennes. Nous basculons dans la face cachée du monde des arts et les interdits d’une société rigide et patriarcale.

David Beaudoin pousse fort loin la lecture que l’on peut faire d’un tableau ou d’une œuvre d’art. Les transes d’Antoine G. lui permettent de plonger dans le sujet de A. Boulanger, d’inventer une histoire sordide de répression et se découvre une mission. Il comprend pourquoi sa grand-mère Zéléma a été internée. Il trouve enfin la pièce du puzzle qui manquait. 

 

RISQUES

 

Si le travail d’Antoine G. est passionnant, il comporte aussi ses risques. En voulant reconstituer la gestuelle et la manière de l’artiste, il réussit peu à peu à se substituer à lui et à se faufiler dans son tableau. Le restaurateur est happé par la détresse de cette femme en blanc qui l’interpelle, le subjugue et le pousse à raconter cette histoire au-delà des années et des époques. C’est aussi sa grand-mère sacrifiée qui lui lance un cri. Antoine G. s’identifie tellement à ce tableau qu’il finit par perdre contact avec sa réalité et bascule dans un univers où l’un devient l’autre, perd son nom comme la directrice du musée qui disparaît et est remplacé par un individu qui est certainement son double. La responsable, Madeleine Bernard, se métamorphose en Bernard Madeleine, un homme. 

Roman troublant, formidablement fascinant pour celui et celle qui s’intéressent au travail des peintres, qui cherchent à comprendre ce qui se cache dans une création que l’on a du mal à interpréter quand nous ignorons les motivations de l’auteur. Comment raconter les tourments qui secouaient Van Gogh en regardant ses immenses tableaux où les couleurs fauves semblent suinter des objets et du décor? Beaudoin s’aventure même dans la réalité d’Antonin Artaud qui a été lui aussi interné pour maladie mentale. 

Voilà une fiction percutante, singulière, éblouissante qui m’a poussé au-delà des apparences, m’a permis de me glisser dans les lubies ou les folies de l’artiste pour réinventer son œuvre. Métamorphoses où l’envers et l’endroit se bousculent et où le restaurateur deviendra le vandale. 

Une histoire de passion qui permet d’aller au-delà de la représentation et de l’image pour découvrir la vie des gens, des amours cachées et interdites, des secrets que la société de l’époque comme de maintenant prend un malin plaisir à maquiller. David Beaudoin m’a ébranlé en me poussant dans la transe d’Antoine G. Le parafe du vandale n’est pas un acte anodin, mais une appropriation de la toile de Boulanger par Antoine G. En la restaurant, il en devient l’auteur. Magnifique. Comme si les œuvres prenaient un sens nouveau et partageaient le récit de celui qui les regarde avec amour et passion, et ce au-delà des époques et des préjugés. 

 

BEAUDOIN DAVIDLa signature rouillée, Éditions Annika Parence, Collection Coûte que Coûte, Montréal, 156 pages.

 


 

 

vendredi 25 février 2022

COMMENT DEVENIR MÈRE SANS RENONCER À SOI


JULIA KERNINON aborde un sujet tabou dans Toucher la terre ferme. Comment avoir des enfants tout en demeurant écrivaine et femme éprise de liberté? L’auteure s’attarde à cette question avec une franchise déconcertante. Ce n’était pas le rêve de l’adolescente, ni le but ultime de son existence, encore moins un épanouissement convoité. Elle était un peu bohème et la littérature était la grande aventure, l’expérience qui la fascinait. Et elle est mère. Le bébé est là, mais qu’est devenue celle qui vivait et respirait par et avec les mots? Que faire de ses fantasmes, son parcours, ses amours de jeunesse, quand un petit s’incruste dans vos jours et vos nuits? Voilà un texte percutant et troublant qui échappe aux balises et grince souvent.  



La venue d’un enfant, même dans les meilleures conditions, même s’il est désiré, change tout dans la vie d’une femme. Le corps vit une mutation pendant la grossesse. Une incroyable métamorphose et l’accouchement, ce moment de terreur et de souffrance, bouleverse et laisse des traces. 

 

J’ai envie de lui parler du sang, de la peur réaliste de mourir, de la douleur hallucinante, osseuse, de la morsure des points qui cicatrisent, des seins meurtris, de la pression suffocante des montées de lait, de cette impression d’avoir été fendue en deux par une hache, écartelée en étoile, points cardinaux, rose des sables. (p.65)

 

La femme d’avant n’est plus après cette épreuve physique difficile à imaginer pour un homme, cet arrachement à soi où le «je» dérape vers un autre, un enfant qui demande toute l'attention. La vie du père est bousculée, mais rien de comparable à l’aventure de la mère. 

Aucun compromis

L’écrivaine plonge dans ce nouvel univers, mais, après un certain temps, elle résiste mal à l’envie de tout laisser tomber pour retrouver la fonceuse, la coureuse d’instinct et de liberté qu’elle était. Il suffirait de si peu pour qu’elle disparaisse au bout de la rue. 

Elle a l’impression d’être une étrangère et doit secouer celle qu’elle était avant et celle qu’elle est maintenant.

Kerninon pose un regard lucide sur sa vie, ses amours, son difficile apprentissage de l’indépendance et de l’autonomie. Le goût de l’écriture aussi qui l’a submergée et qui est devenu le pivot de ses activités. La personne individualiste, capable d’excès, se sent enfermée dans une camisole de force avec ses nouvelles responsabilités. 

 

J’étais à bout de forces et je ne le savais pas. À trente-deux ans, j’avais un enfant d’un an et demi. J’essayais d’être une mère, je ne savais pas par où commencer, la maternité était un cercle de feu dans lequel je ne parvenais pas à me tenir. J’avais fait semblant. J’avais prétendu que tout allait bien, mais je sentais la tempête se lever. Il m’avait fallu tout ce temps pour me mettre à pleurer, et maintenant je n’arrivais plus à m’arrêter. (p.9)

 

Le regard qu’elle avait sur le monde et ses amis, sa liberté insouciante et un peu sauvage, tout cela est-il perdu à jamais? Même la littérature, sa folie, sa passion, cette activité qui avalait tout passe au second plan avec l’enfant. Un sentiment de culpabilité la triture certainement quand elle néglige le petit pour se pencher sur quelques phrases.

 

RÉTROVISEUR

 

Les pulsions du corps et les excès, les amours qui ont fait glisser l’adolescente dans le monde des adultes s’estompent. La passion qui dictait ses gestes et canalisait toutes ses pensées est-elle encore présente? Heureusement, le père est là, toujours attentif. Autrement, ce serait la catastrophe, on s’en doute.

 

Mon bébé, je le voyais rédemption, goélette, calendrier perpétuel, magnum opus, paratonnerre, mais aussi poix bouillante, goudron et plumes, muselière, cage, torture KGB. Je le voyais présent éternel, chemin impossible à rebrousser, politique de la terre brûlée. Je pensais que je disais adieu à la personne que j’avais été, et je me forçais à trouver en moi le courage d’abandonner cette peau douce, vaisseau qui m’avait tant fait voyager, pour une autre dont la valeur ne me serait révélée que lorsqu’il serait déjà trop tard pour reculer. (p.22)

 

Bien sûr, elle doit apprivoiser celle qu’elle est devenue, découvrir de nouveaux repères. Elle doit s’accrocher. Le retour en arrière n’est pas possible.

 

MUTATION

 

Kerninon reste celle qu’elle a toujours été, bien sûr, mais aussi une mère, une épouse qui aime l’homme qui partage son quotidien. Plus rien n’est pareil, même si elle doit calmer ses envies et ses pulsions.

La mutation s’installe dans sa tête et son corps par les phrases qui la libèrent, lui permettent de respirer. Les mots bousculent la jeune femme aspirée par la littérature, éprise d’un poète en sortant de l’adolescence qui tenait farouchement à une liberté insouciante et disons-le, irresponsable.

Et me voilà à souffler dans le cou de la romancière pour l’accompagner dans ce récit émouvant. La narratrice est à bout de nerfs, capable des plus grandes ruptures et des gestes qui font voler les miroirs en éclats. Et comment écrire en s’occupant d’un bébé, taper sur un clavier d’ordinateur en allaitant le petit glouton

Julia Kerninon retrouve un certain équilibre, accepte cette nouvelle réalité en comprenant qu’elle reste la même malgré les apparences et les obligations.

 

Si peu d’années sont passées et me voici la mère de deux enfants, pour toujours. Il n’y a pas de mots pour dire combien j’ai changé, mais il n’y en a pas non plus pour décrire la solidité de l’ancienne moi cachée dans la nouvelle, dure comme un noyau de pêche. (p.73)

 

Fascinant parce que ce texte fait vivre la plus terrible et la plus exaltante des aventures. Et la maternité n’est pas une vocation que les femmes reçoivent en héritage. Un court roman puissant encore une fois, douloureux par moment, passionnant et surtout d’une lucidité sans faille. 

Et je me suis plu à imaginer un Jack Kerouac qui met son obsession pour l’écriture de côté et s’occupe de Janet Michelle qu’il reconnaît enfin comme sa fille. Je rêve bien sûr, mais nombre de femmes font ce choix partout dans le monde en devenant maman. Elles renoncent à une liberté sauvage, parce qu’elles sont responsables et peut-être moins égoïstes.

 

KERNINON JULIAToucher la terre ferme, (Collection Sauvage) ANIKA PARANCE ÉDITEUR, 96 pages, 18,00 $.

 

https://www.apediteur.com/litterature/livre/toucher-la-terre-ferme

mercredi 5 janvier 2022

UN PREMIER ROMAN QUI M’A LAISSÉ ÉTOURDI

UN PREMIER ROMAN est toujours un événement dans ma vie de lecteur et de chroniqueur. J’ai retenu mon souffle avant de m’aventurer dans l’ouvrage de Mickaël Carlier au titre un peu étrange : Arides. Ça ne dit pas beaucoup sur les intentions de l’auteur ce mot unique, comme isolé de tout. Bien sûr, la photo de la page couverture est plus révélatrice avec cette longue fissure qui fend le sol et des fleurs qui ressemblent à des chardons qui peuvent résister à bien des sécheresses et s’enraciner dans la poussière. Une lézarde qui déchire la surface craquelée comme les personnages? Carlier m’a étourdi au début. Son héros, une force de la nature, a du mal à contrôler ses pulsions et sa rage. Et le voilà au milieu de nulle part, dans un secteur à l’abandon, marchant vers un hameau, un lieu qui n’existe peut-être que dans sa tête. Les gens se terrent comme des rongeurs qui fuient la clarté du jour. 

 

Que cherche ce colosse en fonçant vers un village invisible en maîtrisant difficilement une colère sourde? Et pourquoi les individus qu’il croise sont si méfiants et si hostiles? Ces questions font que nous plongeons dans le monde étrange de Arides, un pays déroutant par beaucoup d’aspects. J’aime cette manière de nous entraîner dans l’inconnu et de perdre ses repères, de devoir m’abandonner à un mouvement qui me semble totalement irrationnel et impulsif, me fier à l’écrivain qui finira bien par m’offrir des réponses et par me rassurer. 

 

Il s’avançait déjà pour aller arracher à son comptoir ce petit corps frêle et arrogant lorsqu’il fut saisi par le regard immobile et perçant que le vieux posait de nouveau sur lui. On aurait dit qu’il cherchait à percer un secret enfoui en lui. Dan ne put avancer davantage, comme hypnotisé par la posture grave, impénétrable de cet étrange vieil homme qui tenait un magasin général au milieu de cette terre vide et sèche comme une tristesse. Alors que leurs regards ne se quittaient plus, alors que leurs gestes étaient suspendus, alors que plus aucun voile ne venait troubler sa perception, Dan comprit. Il réalisa sa terrible méprise : ce vieil homme était en réalité une vieille femme. (p.43)

 

Le fil se tend, une histoire se précise, celle de la famille de Théodore qui a exploité une ferme et toute la région il n’y a pas si longtemps, menant les habitants par le bout du nez. Un individu impitoyable, qui ne tolérait aucune contradiction. Il décidait de la vie et de la mort de chacun. Toute la population du secteur travaillait pour lui et devait lui obéir au doigt et à l’œil.

 

FAMILLE

 

Les fils sont venus, l’un rebelle et l’autre plus conciliant. L’affrontement avec le patriarche a fini par se produire. Nous comprenons enfin que le père de Dan a dû partir après avoir confronté l’autorité, se faire une vie en exil en taisant ses origines et l’histoire de sa famille. Comme s’il voulait tourner la page une fois pour toutes, effacer ce passé de haine, de violence et d’obsession.

Théodore, Dieu en quelque sorte, contrôlait tout dans son domaine, y compris la nature et la pluie si nécessaire à l’agriculture et aux plantes. Le pays prospérait alors, produisait fruits et légumes en quantité. La forêt était hantée par les bêtes et la végétation explosait partout malgré la poigne de cet homme sans pitié qui se croyait investi d’une mission. Un Théodore qui avait peut-être passé un pacte avec le diable.

Peut-être aussi qu’une exploitation outrancière des ressources a fini par épuiser les terres. Comment savoir? La zone, peu à peu, a été envahie par la poussière et la sécheresse. 

Les héritiers tentent de redonner vie à ce territoire, même la dernière de la lignée qui veut attirer la pluie et la retenir. Cette eau si précieuse qui a fui le pays depuis si longtemps et que Théodore pouvait amadouer. C’est l’obsession de la famille depuis des générations.

 

Pour la rediriger non pas vers l’un d’entre eux, mais bien vers celle qui était à l’origine de toutes ces calamités, celle qui en accaparant toute cette eau, cherchait à les écraser, à les dominer, comme l’avaient fait ses aïeux. Cette espèce de chamane, arrière-petite-fille de Théodore, dernière représentante de cette famille maléfique. Et les cris retentirent de nouveau, scandant le nom d’Élina à l’unisson; c’en était presque beau, cette ferveur, et Hubert qui était là, parmi eux, sans trop comprendre, eut subitement peur, car il voyait bien qu’ils étaient prêts à tout pour la retrouver, pour lui faire du mal. (p.209)  

 

Une histoire terrible de domination, d’exploitation, de vengeance et de folie meurtrière. On se croirait parfois dans du Marcel Pagnol ou du Jean Giono. Tous les morceaux du puzzle finissent par tomber en place et j’ai suivi Dan dans le pays de ses ancêtres. Il veut percer le grand mystère qui entoure son père, confronte la malédiction qui afflige la famille depuis des générations. Il faut certainement savoir d’où l’on vient pour prendre la bonne direction dans sa vie.

Un univers brutal, sauvage et bestial. On tue, on frappe, on élimine ceux qui résistent et les femmes se font détruire et restent des corps qui perpétuent la race. Élina est l’exception qui échappera au viol et à la mort de justesse grâce à Dan. Les deux vont peut-être purifier ce monde perdu. 

 

Il coupa le contact, mais ne bougea pas. Il n’avait pas l’habitude d’être en situation de pouvoir. Il lui fallait appréhender l’importance qu’il avait maintenant. Ça viendrait avec le temps. Mais, pour le moment, il lui était difficile d’assumer ce rôle : celui de l’homme surpuissant qu’il était depuis moins d’une heure. Depuis qu’il s’était engagé dans la destinée d’Élina, d’abord en la sauvant d’une lapidation imminente, et maintenant en s’apprêtant à enfin la posséder. C’était beaucoup pour lui. (p.276)

 

Les femmes triomphent même si elles subissent les folies meurtrières des mâles, s’appropriant comme la vieille Simone les ruines d’un domaine d’où elle a été expulsée. Elles confrontent la soif de pouvoir, des obsessions qui m’ont laissé étourdi comme si j’avais dû lutter contre le vent du désert qui a tout emporté dans son élan de mort. 

Il reste des odeurs, la sensation d’une chaleur intense qui écrase et la poussière partout qui empêche de respirer. Carlier a du souffle, l’art de l’évocation et des intrigues. Il nous pousse dans une histoire monstrueuse où des instincts incontrôlables ravagent tout. Une saga de haine, d’amour, de trahison, d’intransigeance fascinante. 

L’aridité du pays a fini par envahir le cœur et l’âme de ces gens qui ne sont plus que pulsions et rages. Comme des bêtes abandonnées qui retournent à la vie sauvage et au clan. 

 

CARLIER MICKAËLArides, Annika Parance Éditeur, 304 pages, 26,00 $.

https://www.apediteur.com/litterature/livre/arides

vendredi 2 octobre 2020

LA VIE EST-ELLE UN MENSONGE ?

JE NE SAVAIS RIEN de Julia Kerninon avant Liv Maria, n’ayant rien lu de cette auteure même si elle en est à son cinquième roman. Quelle belle découverte! J’ai été happé par les premières phrases d’une écriture qui vous plonge dans un monde insulaire, un peu à l’écart de la Bretagne et du continent européen. Liv Maria, le pivot de cette histoire, est née d’une mère française et d’un père norvégien. Son enfance se déroule en marge, avec le vent, la pluie, la mer qui marquent la vie de tous. Une existence heureuse faite de lectures et de découvertes. Après une tentative de viol, la mère expédie la jeune femme sur le continent, la pousse dans un exil qui ne prendra peut-être jamais fin.


Liv Maria se retrouve à Berlin. Le changement est brutal. À dix-sept ans, la voilà dans une ville étrangère, à suivre des cours d’anglais. Son professeur, un Irlandais d’origine, là pour l’été, se sent seul dans ce pays dont il ne comprend pas la langue. Ce qui doit arriver arrive toujours. Liv Maria tombe amoureuse de Fergus et c’est l’exultation physique et charnelle, toutes les découvertes, l’initiation. 

Son amant rentre en Irlande, retrouve son épouse et ses enfants. Il est parti avec ses promesses, abandonnant sa jeune maîtresse après des semaines d’éblouissements qui ne devaient jamais prendre fin. Surtout, il ne répond jamais aux lettres, malgré toutes les tentatives de Liv Maria. Une passion terrible, comme on peut le vivre à cet âge qui ne connaît pas la compromission. 

Un accident d’auto et la voilà orpheline. Un retour dans l’île, les jours qui se referment sur elle et sa fuite à l’étranger. Elle va refaire sa vie, se donner une autre identité, peut-être oublier ce qui ne s’oublie pas, ce qui s'incruste dans sa chair et ses rêves. 

Dans ce pays de l’Argentine, elle vit des aventures sans se livrer corps et âme parce qu’elle sait ce que cela coûte. 

 

Que saisissons-nous des gens, la première fois que nous posons les yeux sur eux? Leur vérité, ou plutôt leur couverture? Leur vernis, ou leur écorce? Avons-nous à ce moment-là une chance unique de les percer à jour, ou est-ce que cet espoir est absolument vain, parce que le premier regard passe toujours à côté de ce qui est important? Elle avait beau chercher, seul subsistait dans sa mémoire le visage d’un homme adulte, à la quarantaine vigoureuse, un professeur qui ne lui était rien. (p.41)

 

Son corps est un outil, celui de ses amants aussi. Efficace en affaires, négociatrice féroce, l’argent est là. Tout va. Elle se laisse emporter par un certain pouvoir même si elle ressent un grand vide en elle. Sa vie n’est que gestes et décisions qui lui semblent futiles. L’impression d’être toujours à côté d’elle.

 

RENCONTRE

 

Elle se retrouve devant un jeune homme qui découvre le monde. C’est l’amour, la passion à nouveau, l’abandon, une deuxième chance, tous les possibles. Les jours s’aplanissent et s’adoucissent. Elle suit ce garçon, l’épouse quand elle devient enceinte. Ils pourraient aller comme ça, aspirés par la grande mouvance du voyage, mais il faut revenir sur ses pas. Toujours. Le départ reste le point d’arrivée. 

Voilà le couple en Irlande. Liv Maria réalise qu’elle a marié le fils de Fergus, ce professeur qui l’a séduite à Berlin. L’enseignant est décédé dans un bête accident juste après son retour, cet été de tous les plaisirs et de tous les ébats. Elle a été l’amante du père et elle est celle du fils. Plus, elle côtoie sa femme tous les jours, vit dans sa maison, surprend des photos qui la troublent. Tous ces moments qu’elle a voulu oublier lui reviennent en plein visage.

 

Malgré elle, elle revoyait Fergus au lit, elle aurait voulu l’oublier, mais la vérité était qu’il était inoubliable, elle ne pouvait pas croire que l’homme qui l’avait possédée le premier, possédée à la rendre folle, était désormais mort et enterré. Comment était-ce possible? Quelle était la chance, la malchance, pour être successivement l’amante d’un père et de son fils? De tous les hommes sur la Terre, comment avait-elle pu tomber amoureuse successivement d’un père et de son fils? (p.115)

 

Liv Maria ne peut que s’enfermer dans son silence. Comment expliquer la situation à son mari sans tout détruire? La jeune femme se moule à une existence tranquille, devient libraire et passe ses jours à lire des écrivains qui la passionnent. Semaines sans heurts, calme après les grands remous du monde. Ses enfants sont beaux, son homme aimant, son travail captivant. Elle a tout pour être heureuse. Mais il y a cet été qu’elle doit masquer, qu’elle ne peut raconter et qui la hante. La situation devient difficile avec les questions des amis et des réponses qu’elle ne peut formuler. 

 

PASSION

 

Julia Kerninon m’a emberlificoté dans une histoire de vérités et de mensonges, d’amour et de trahisons. Fergus a trompé sa femme et menti à Liv Maria, comme il l’a fait avec toutes ces étudiantes qu’il a séduites. Un amant inoubliable, un manipulateur doué. Comment se déprendre d’un passé qu’elle ne peut révéler sans tout gâcher? Est-ce possible de tout effacer et de repartir dans un nouvel élan? Le fils pourrait-il pardonner au père et à Liv Maria? Et son épouse dupée elle?

 

Dans la librairie, en ouvrant le journal du matin, elle avait de plus en plus souvent l’impression de lire l’état de sa propre vie. Des incendies. Des pluies diluviennes. Des populations déplacées. Des moustiques en février. Des floraisons en décembre. La disparition du silence, la disparition de la nuit. Elle aussi, de plus en plus souvent, sans encore se l’avouer, elle avait envie de disparaître. (p.180)

 

La vie arrange toujours les choses, même mal. Elle a beau fuir dans ses lectures, son passé est là, chaque fois qu’elle rentre à la maison, se retrouve devant son mari. Elle doit s’arracher à ses mensonges. Liv Maria fera ce qu’elle a toujours fait dans sa vie. 

 

Je suis la fille unique du lecteur et de l’insulaire, je suis le bébé Tonnerre, l’orpheline, l’héritière, je suis la jeune maîtresse du professeur, la femme-enfant, la fille-fleur, la chica, la huasa, la patiente de Van Burren, la petite amie, la pièce rapportée, la traîtresse, l’épouse et la madone, la Norvégienne et la Bretonne. Je suis une mère, je suis une menteuse, je suis une fugitive, et je suis libre. Elle ne pouvait pas rester là. Elle ne savait pas exactement pourquoi, mais elle ne pouvait pas. Mon nom est Liv Maria Christensen. Je suis — ce que je suis. (p.201)

 

Un roman superbement écrit, la détresse psychologique d’une femme attachante, son drame, son combat pour le bonheur. C’est fascinant, c’est bon, c’est juste, troublant. Une lecture qui m’a laissé sur un pied, hésitant entre la vérité et tous mes mensonges, le réel et l’imaginaire. La vie dissimule les plus grandes tragédies et demande des choix terribles souvent pour avoir le luxe de se regarder dans un miroir sans détourner les yeux. 


KERNINON JULIA, liv Maria, ANIKA PARANCE ÉDITEUR, 208 pages, 25,00 $.

https://www.apediteur.com/litterature/livre/liv-maria

vendredi 7 août 2020

PEUT-ON ÉCHAPPER À SON PASSÉ

MATTIA SCARPULLA NOUS offre encore une fois un roman captivant. Errance nous pousse dans l’univers des migrants, comme c’était le cas de Préparation au combat paru en 2019. On retrouvait dans cette publication des jeunes d’origine italienne qui arrivaient mal à oublier leur pays. Repliés sur eux à Québec, ils basculaient dans les pires excès, retournaient en Italie pour quelques-uns et d’autres s’accrochaient à une nouvelle vie. Ici, Stefano a fui l’Italie pour échapper à la police. Il erre en Europe pendant un certain temps avant de s’installer en France, en Bretagne. L’ancien révolutionnaire vit avec Sophie (une femme qui tente d’oublier sa famille de mafioso) et sa petite fille Élisa. Tout va bien jusqu’à ce qu’il perde son emploi. 

Stefano doit trouver un nouveau travail même s’il est d’un âge où les portes se referment plus souvent qu’elles ne s’ouvrent. Il entreprend une formation en gestion, redevient étudiant dans une ville étrangère, apprivoise sa solitude, côtoie des stagiaires, s’égare peu à peu dans une autre existence. Tout dérape lentement et le passé qu’il pensait avoir jugulé avec sa vie bien rangée le submerge. Parce que Stefano affronte des fantômes. Cette période d’instabilité le fait basculer dans les moments troubles de sa jeunesse où il faisait partie de brigades, dans les années 70, qui voulaient transformer la société par l’action directe.

Peu à peu, il perd contact avec la réalité dans ces cours qu’il a du mal à comprendre malgré l’aide de ses confrères. Le passé le happe. 

On ne s’arrache pas à son histoire comme on change de chemise, Mattia Scarpulla nous le prouve encore une fois. Son roman mélange l’imaginaire, le fantasme et la folie dans un récit qui m’a souvent heurté. J’ai hésité à suivre cet homme qui se débat avec des camarades qui reviennent le hanter, une amoureuse qui permet de plonger dans les errances du personnage. 

 

LUTTE

 

Stefano s’était intégré à un groupe d’extrême gauche qui voulait changer la société, particulièrement l’Italie et l’Allemagne. Militant, entraîné dans des histoires où l’amour et la terreur se mélangent, il doit fuir l’Italie pour échapper aux forces de l’ordre et plonge dans la clandestinité.

 

L’État italien n’a cherché aucun dialogue avec ces groupes, même s’ils représentaient une partie de la population, même au début de leurs mouvements, quand les actions étaient des déclarations violentes d’opposition, mais sans meurtres. L’État italien a intensifié sa répression sociale, créé la division spéciale de la Digos, organisé des interventions de la police pendant les manifestations. Il n’a jamais favorisé les réductions de peine ni la réintégration sociale pour les terroristes des mouvements de gauche, et il a conçu le terrorisme noir. (p.108)

 

Les dirigeants italiens travaillaient main dans la main avec la mafia. Tous ceux qui tenaient les guides du gouvernement étaient corrompus et personne n’entendait lâcher le pouvoir même si le pays était au bord du gouffre. Est-ce différent maintenant, on peut se poser la question. Les jeunes, les intellectuels, les syndiqués devaient faire profil bas pour ne pas être inquiétés. Certains prônaient la violence pour mettre les élus et les patrons au pied du mur, étaient prêts à aller jusqu’au meurtre. Stefano dans les réseaux européens, s’accroche à Rebecca, une femme décidée à tout pour déstabiliser les régimes politiques, multipliant les attentats et le sabotage.

 

Je ne réussis pas à parler avec les autres hommes, à me comporter comme un chef révolutionnaire. Erica si. Erica porte une culture humaniste et post-colonialiste, sait être directive, veut diriger et, surtout, nous l’écoutons, nous la croyons et nous la suivons. Erica a une fois pour toutes chassé Sam de notre communauté. Moi, j’exécute les actions dans les supermarchés avec les femmes. (p.126)

 

Voilà la partie la plus intéressante de ce récit qui fait vivre le quotidien de ces militants d’extrême gauche. Ces garçons et ces filles cherchaient à régénérer une société marquée au corps et à l’esprit, changer les rapports entre les hommes et les femmes, s’attaquer aux jeux de pouvoir qui s’imposent toujours. 

Le réel et l’imaginaire se confondent et on ne sait plus trop si Stefano fantasme ou s’il va jusqu’au meurtre. Peut-être qu’il l’a fait, le lecteur ne pourra jamais en être convaincu. Tout se mélange et nous entraîne dans un tourbillon terrible.

 

Je suis l’homme de Rebecca, sa créature. Mon visage et ma vie ne comptent pas. Je suis un pion qui peut être écarté au premier changement d’humeur. C’est pour cette raison que personne ne parle jamais de notre mariage. Mon rôle se définit dans le sourire de Rebecca et dans le sperme qui lui permettra de concevoir un enfant. (p.162)

 

LIBERTÉ

 

Pas facile de changer le monde, d’inventer une nouvelle liberté par l’excès et la violence. D’autant plus que les régimes politiques entretenaient ces actions, provoquaient des attentats pour justifier 

l’intervention des forces policières et la répression. Les jeunes révolutionnaires étaient manipulés par le pouvoir. Tous, même s’ils luttaient au nom du peuple et des travailleurs, venaient des classes aisées, pouvaient se payer des existences confortables à Paris et à ne pas être inquiétés par la police avec leurs réseaux d’influences. Eux-mêmes étaient carencés malgré leur désir d’établir une vie plus juste, plus égalitaire, plus libre. Certains arrivistes s’inventaient des rôles et devenaient des figures de théâtre, prétendant avoir connu l’action révolutionnaire. Le personnage volontaire, contestataire avait un certain succès dans les salons parisiens et ailleurs.

 

Il a débarqué en France nourri d’une idéologie qui lui a permis d’obtenir le droit d’asile. Aujourd’hui, il enseigne au secondaire. Les intellectuels français le voient comme un symbole de la lutte armée italienne, martyr et victime du système, impliqué dans l’éducation de la classe ouvrière, et l’incitent à prendre sa revanche. Mais, Marco n’a jamais participé à tout ça. Et, situation absurde, il est désormais surveillé par la police antiterroriste. (p.176)

 

Une fois de plus, Scarpulla démontre qu’il est très difficile d’échapper à ses origines et à son milieu social. Le migrant, qu’il le veuille ou non, fait face à son passé et doit régler ce qui cloche avant de penser s’installer dans une nouvelle existence. On peut toujours faire semblant un certain temps, mais notre histoire finit par nous mettre la main au collet. On ne change pas de rôle dans la vraie vie comme au théâtre. Les personnages de Scarpulla sont marqués par un lourd héritage, secoués par des lubies, des obsessions qui font de leur quotidien un combat impitoyable. Tous sont liés à une famille qu’ils ne peuvent rejeter même en se permettant les plus terribles transgressions.

 

Sophie me raconte que son père est en prison. Que son frère aîné a commencé une guerre avec un autre clan de Marseille! Il veut la voir. Il a peur que ses ennemis s’en prennent à elle. Elle essaie de résister, de ne pas trop communiquer avec lui. Il veut aussi qu’elle revienne à Marseille, qu’elle se marie avec son meilleur ami. (p.181)

 

Mattia Scarpulla esquisse un monde troublant et hallucinatoire, un univers où toutes les dimensions de l’esprit se mélangent pour nous pousser dans une réalité autre.

Stefano ira en institution psychiatrique avant de migrer au Québec où il semble retrouver un

équilibre physique et mental. Sophie, sa compagne, devient obsédée par l’argent et le sexe. Sa fille Élisa tente de faire le lien entre ces deux électrons qui ne cessent de s’éloigner.

Une réflexion percutante dans une réalité qui bouscule nos repères, des sociétés de plus en plus ouvertes qui ont du mal à faire une place à tout le monde dans le respect et l’harmonie. L’écrivain jongle avec des questions existentielles, essaie de démêler le vrai du faux. Bien sûr, il n’a pas de réponses, mais au moins il cherche un autre regard. 

Ce roman m’a happé. J’en suis sorti à peu près indemne, comme Stefano qui s’apaise près du fleuve Saint-Laurent. Il peut rencontrer sa fille, connaître enfin une vie simple où le présent n’est plus une menace, où le passé n’est plus une hantise. Un texte dur, déstabilisant, qui m’a emporté et fasciné.

 

SCARPULLA MATTIA, Errance, ANIKA PARANCE ÉDITEUR, 344 pages, 26,00 $.


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