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jeudi 9 avril 2020

LA VIE EST TERRIBLE DE VIOLENCE

CRISTINA MONTESCU PRÉSENTE trois femmes d’origines roumaines dans La ballade des matrices solitaires. Céline, Ana-Maria et Marta fréquentent une épicerie où Ariana, une jeune caissière à l’œil vif et l’oreille fine, entend tout, devine leurs grands et petits secrets. L’étudiante en littérature trouve là des sujets pour assouvir sa passion pour l’écriture. 

Céline franchit la frontière des 59 ans et fait tout pour demeurer dans la course à la séduction. Elle vit une liaison avec François, un célibataire qui attend le moment de se glisser dans le lit de sa voisine. Céline est larguée. Pour se consoler, elle prend un verre de trop, se retrouve au matin avec un inconnu. L’aventure d’un soir tourne au drame et à la violence.

Elle découvre en premier lieu un ventre excessivement arrondi et poilu qui cache presque complètement un petit pénis rose et plissé. Puis en glissant son regard vers le bas, elle voit des jambes velues, variqueuses et des orteils affichant des ongles longs et jaunis. Elle tressaille de dégoût et ne se rappelle pas comment cet homme en est venu à dormir à ses côtés. (p.30)

Un chant du cygne peut-être. Comment donner le change à ses fils ? Elle décide de séjourner dans un centre pour femmes violentées. Tout ne peut pas toujours s’arranger et elle a l’impression de devoir ramasser ses illusions et ses rêves avec une petite cuillère. Son âme se casse dans un fracas terrible. Peut-elle se résigner à l’âge où l’œil des hommes se détourne d’elle ? Cette prise de conscience la terrifie.

PATHÉTIQUE

Ana-Maria est prisonnière de son corps depuis son enfance. Obèse, elle tente par tous les moyens de devenir mère, recourant aux banques de sperme et aux cliniques de fertilité, pour vivre la maternité qui lui donnerait une place dans la société. Du moins, c’est ce qu’elle croit.

Et tu continues, pendant des mois et des années. Tu changes de clinique de fertilité en espérant être mieux accueillie, bénéficier de la meilleure équipe médicale. Sauf que tu parles de moins en moins à tes amis et à tes connaissances. L’histoire est tristement répétitive. Même si tu es allée au bout de ton corps et de tes capacités psychiques, le bébé n’est toujours pas de ce monde. (p.77)

Cette obsession happe toutes ses énergies. Stérile, elle a du mal à se résigner, à faire face à sa réalité. 
Quelle solitude effroyable pour celle qui a vécu en marge ! Rien ne changera, surtout avec le temps. La quête devient pathétique et bouleversante.

RÉUSSITE

Marta est avocate, spécialiste du droit familial. Les séparations, les chicanes de couple, c’est son quotidien. Cela ne l’empêche pas de vivre ses problèmes et de connaître des hauts et des bas dans sa vie. La venue d’un fils a tout bouleversé. Son mari et elle dérivent de plus en plus loin l’un de l’autre. La libido s’est éteinte et elle n’est plus qu’une mère.

Et Mihnea ? Elle ne peut plus ignorer les signaux qu’il lui envoie. À présent que Gabriel est né et se développe normalement, il ne la désire plus. C’est évident. Les femmes de son entourage l’ont souvent avertie que Mihnea se transformerait en étranger après l’accouchement, qu’il s’éloignerait d’elle, lentement mais sûrement. Par le passé, Marta n’a pas prêté une oreille attentive à ce qu’elle prenait pour des babillages de bonnes femmes aigries par des mariages bancals. Pourtant, le doute la consume à présent. Mihnea disparaîtra-t-il de sa vie ? Cette disparition la rendrait -elle malheureuse ou, au contraire, l’aiderait-elle à s’épanouir ? (p.148)
 
Les deux n’ont plus de temps, le goût de se donner l’un à l’autre. Comment souffler sur les braises et revivre ces moments tant recherchés ?

EXAMENS

Trois femmes échappent leur vie. Leur rêve s’évapore et devient de plus en plus inatteignable. Céline la séductrice ne peut s’accrocher à ses fils qui la surprennent dans sa vulnérabilité et son désespoir. Ana-Maria devra renoncer à cet enfant qui ébranle le couple de Marta. 
Des moments où des femmes mutent, où leur vie n’est qu’illusion, que mauvais scénarios. Une solitude qui avale tout. Voilà ce qui se dessine à l’horizon de tous.
Cristina Montescu pratique un humour caustique qui fait souvent grincer des dents. Un arrêt sur l’amour, la maternité, la sexualité et le vieillissement, tout ce qui dans le quotidien nous éloigne de soi et nous emporte dans une tornade dont personne ne peut échapper. Trois histoires émouvantes. Ariana, la jeune caissière, arrivera peut-être à mieux vivre grâce à l’écriture. 
Un roman terrible de réalisme, de justesse et de désirs qui s’effritent. La vie devient intolérable quand les hommes s’y mettent et que les femmes écopent.

MONTESCU CRISTINA, La ballade des matrices solitaires, Éditions HASHTAG, 164 pages, 20,00 $.

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