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jeudi 28 octobre 2021

LA GRANDE AVENTURE DE CHARLES SAGALANE

JE L’ATTENDAIS CE Journal d’un bibliothécaire de survie de Charles Sagalane. Du moins, j’étais très curieux d’en savoir plus sur ce projet un peu étrange qui occupe l’écrivain qui s’est fait un devoir de disperser des livres à tout vent. En commençant par les îles qui bordent Saint-Gédéon, bien sûr. J’ai eu la chance d’aller à l’Île aux poires en raquettes avec des amis, suivant le guide qui avait organisé une rencontre, un repas autour du feu, un moment de partage et de fraternité. Avec un arrêt, près d’une bibliothèque de survie, un instant de recueillement devant la petite cabane en bois. Un refuge assez sommaire, semblable à ceux qui accueillent un nid d’oiseau, mais pour les livres. Une façon de mettre des ouvrages à la disposition de ceux et celles qui débarquent sur les îles de Saint-Gédéon en été comme en hiver. Le randonneur se retrouve face à une cache où il peut ouvrir un livre et lire quelques lignes. Une manière d’occuper le territoire en insérant la littérature dans ces sites sauvages. «Nommer un coin de pays par l’écriture, c’est faire reculer la barbarie», écrit Alain Gagnon, poète et romancier de Saint-Félicien. Peut-être que le fait de laisser des livres dans ces endroits peu fréquentés, en pleine nature, est une occasion de sortir les œuvres et les écrivains des lieux fermés et de leur permettre de s'aérer l'esprit.



L’idée est séduisante, un peu folle, comme je les aime. Une cabane en bois, un sac de plastique, peut-on s’en passer, et des livres ici et là sur les îles de Saint-Gédéon, dans le Bas-du-Fleuve ou dans l’Est du pays. Des livres et des visiteurs imprévus, des curieux qui s’attardent à quelques lignes, laissent un mot ou encore d’autres qui partent avec les ouvrages. Pire, il y a ceux qui utilisent la petite installation pour faire un feu. 

Le bibliothécaire doit s’attendre à tout. 

J’espère que beaucoup prennent la peine d’ouvrir un recueil de poésie que Sagalane a choisi avec soin en fonction du lieu, de la végétation et du décor. Une manière de dire que l’écriture est le paysage et que le paysage est une écriture qu’il faut déchiffrer. C’est aussi la permission de faire silence, de s’avancer en retenant son souffle dans l’univers d’un auteur, d’aborder son livre qui brave toutes les intempéries. Je n’ai pu que penser aux nomades innus qui migraient avec les saisons et laissaient, à certains endroits, des vives pour ravitailler les voyageurs quand les caribous se faisaient rares. C’étaient alors des relais ou comme on disait dans les chantiers, à la belle époque, un dépôt où on allait quérir vives et outils. 

La minuscule bibliothèque de survie se moule au relief de plusieurs îles de Saint-Gédéon. Des noms que j’ignorais. Îles aux petits atocas, des Béliers, du Capitaine, aux Poires, Île verte et l’Île aux fesses. Je n’ose imaginer ce que notre planteur de livres a pu laisser sur ce dernier site. 

 

AMORCE

 

Tout a commencé devant Saint-Gédéon, ces îles qui semblent se multiplier et convoquer les curieux et les aventuriers, des refuges avec leurs caractéristiques et leurs charmes particuliers, une certaine végétation, comme des avancées sur le lac Saint-Jean qui nous plongent dans un autre univers. 

 

Nous sommes en 2013. Je reviens du Japon. La campagne Sauvons les livres bat son plein, un mouvement né dans l’urgence de sauver notre bibliodiversité, de rescaper la librairie indépendante et de préserver la vitalité du livre québécois. Bientôt me viendra la pensée que ce sont les livres qui nous sauvent. (p.34)

 

 

Sagalane y a installé dix-sept bibliothèques avec son complice Diego Audet. Dix-sept pour évoquer les syllabes qui forment le haïku traditionnel japonais. Oui, ce petit poème de trois vers que l’écrivain affectionne particulièrement. 

Et le projet a lancé l’auteur sur les routes. C’est bien connu, la phrase n’a pas de frontières. Charles Sagalane a choisi des lieux où il rencontre des écrivains qui acceptent de devenir bibliothécaires de survie. J’aurais bien aimé recevoir un tel honneur. J’aurais pu faire de mon pavillon d’écriture, qui contient une partie de ma collection d’ouvrages littéraires, la plus grande bibliothèque de survie du réseau sagalanien.

Le semeur de livres se rendra aux États-Unis, retrouvant la trace des coureurs des bois, des explorateurs de la Nouvelle-France qui ont sillonné le territoire américain. Le monde s’ouvre au bibliothécaire en chef en créant des liens qui peuvent couvrir la planète.

 

RECONQUÊTE

 

Pourquoi pas la reconquête de l’Amérique avec des livres qui nous disent, nous décrivent, nous ancrent dans un territoire donné. Le frère Marie-Victorin répétait que l’on ne connaît pas un lieu en ignorant tout des plantes qui y prolifèrent. J’ajoute que l’on ne peut connaître un pays si on ne sait rien de ses écrivains et de leurs œuvres. Son histoire aussi. Sagalane tend la main aux explorateurs qui ont apprivoisé le continent en suivant les grandes rivières et les fleuves, construit des postes de traites qui sont devenus des villes importantes comme Détroit et Chicago. 

Dans ses voyageries, le bibliothécaire se faufile dans l’univers d’un écrivain, discute avec lui de son projet et visite son lieu de travail. Certains sont un peu sceptiques et d’autres sont emballés par l’idée, surtout par le fait de devenir un maillon de la chaîne. Le «truchement» comme on disait autrefois se fait alors. On parle de traduction maintenant, mais «truchement» veut dire beaucoup plus. C’est faire se rencontrer deux civilisations, deux manières de voir le monde et la vie. J’utilise ces mots sciemment parce que Sagalane ne parle jamais de son journal, mais de «relations», faisant référence aux écrits des Jésuites en particulier. À l’origine, ce sont des lettres que les religieux échangeaient pour raconter leurs missions et leurs contacts avec les peuples d’Amérique. Ces récits sont devenus, avec le temps, un regard précieux sur les nations autochtones et une narration précise de la rencontre de deux civilisations. Des textes recherchés par les lecteurs avides de sensations, de surprises et d’aventures. Sagalane parsème son récit de notions d’histoire, décrit l’endroit et son importance, s’attarde bellement par exemple au lieu de travail de la poète et écrivaine France Cayouette dans son incursion en Gaspésie.

 

Une grande fenêtre donne sur les champs. Cet espace sobre et vivifiant abrite bon nombre de livres — j’aimerais découvrir lesquels, mais nous poursuivons vers le jardin. Des vers y sont inscrits sur des pierres. Les mots d’un de mes comparses de survie, Michel Pleau, se dorent au soleil. Près des champs, une table baigne dans l’ombre des peupliers de Lombardie. (p.68)

 

Et voilà que nous sommes dans la vaillante Subaru de notre explorateur pour nous abandonner au bonheur de la route, faire escale dans un endroit particulier pour y installer une bibliothèque adaptée au coin, avec des livres minutieusement choisis, cela va de soi. 

Son aventure le poussera vers les terres de Louis Riel et de Gabrielle Roy. Il devra revenir sur ses pas cependant, faute de financement. Bien sûr, des errances du genre exigent des sous et de la patience. 

Tout devient possible même si le voyageur se bute à certains obstacles. Les responsables des parcs ne tolèrent pas l’envahisseur sur la montagne de Montréal. Les employés municipaux enlèveront l’installation. Il faut une autorisation maintenant. Maisonneuve avait-il un permis lorsqu’il a planté sa croix sur la montagne? Autre temps, autres mœurs. Certains aussi détruisent les livres et les bibliothèques. Les ignares sont partout et pas seulement dans la nature. On l’a vu récemment quand on a brûlé des livres au nom d’une certaine réconciliation en Ontario. Obélix jeté aux flammes avec Lucky Luke.

 

LE JAPON

 

Bien sûr, Sagalane s’attarde à certains écrivains japonais et à Basho en particulier, le maître voyageur du haïku qui devient l’ancêtre du bibliothécaire de survie. Ses petits poèmes rédigés lors de ses nombreux déplacements sont peut-être aussi des textes de survie qui évoquent toujours des rencontres étonnantes. 

J’ai lu Journal d’un bibliothécaire de survie avec grand plaisir, vivant les périples de cet étrange semeur de mots qu’est Charles Sagalane, l’homme qui échappe aux frontières et aux contraintes, s’abandonne à la route, flânant ici et là, écoutant, discutant avant de repartir pour voir l’autre versant de l’horizon, y laisser un recueil de poésie ou un roman pour marquer son passage, faire en sorte que la littérature francophone soit présente partout. 

J’ai bien hâte de le suivre en Amérique du Sud où il ne manquera pas d’aller, dans les îles des Caraïbes et en Europe, même dans la lointaine Russie pour retrouver les traces de Tourgueniev et, je l’espère, au Japon, pour saluer ses maîtres. La preuve que les livres et la littérature se moquent de tous les obstacles, de toutes les intempéries et peuvent s’installer là où on ne les attend pas. Une aventure comme il ne s’en fait plus, une manière de s’approprier le territoire qui reste toujours à explorer.

 

J’ai écrit en suivant l’alphabet de la Nature, au sortir du canot, étourdi par les vagues. J’ai écrit, stationnant la Subaru, attiré par un aigle qui plane, ébahi d’une borne kilométrique, envahi par la brume couvrant une baie… J’ai écrit comme un humain témoigne de son insatiable envie de vivre — c’était ma boussole. J’ai écrit, riant et pleurant. Jamais déçu de la vie sauvage. Ni du Livre. (p.397-398)

 

SAGALANE CHARLESJournal d’un bibliothécaire de survie, Éditions LA PEUPLADE, Saguenay, 2021, 26,95 $.

https://lapeuplade.com/archives/livres/journal-dun-bibliothecaire-de-survie

jeudi 21 avril 2016

La grande aventure du vêtement avec Charles Sagalane

JE NE REGARDE PLUS ma garde-robe de la même façon depuis que j’ai lu 73 armoire aux costumes de Charles Sagalane. Le poète m’a fait comprendre que les vêtements ont une histoire, une origine et qu’ils ont marqué plusieurs moments de ma vie. Plus, les habits ont beau couvrir le moi, ils ont aussi un soi. Ce sont des artéfacts qui témoignent de ces instants qui font l’histoire d’une vie humaine. Dans ce cinquième recueil, le poète s’attarde à ses costumes comme il dit, ceux qui l’ont accompagné pendant un temps avant de rendre l’âme ou de finir au fond d’une valise, quand ce n’est pas dans une remise. Aborder le vêtement, c’est toucher l’histoire du monde, les migrations, les explorations et bien des guerres. La grande histoire du vêtement, mais aussi celle de l’individu et de ses proches. Des tenues pour les grandes circonstances ou encore pour le quotidien. Il y a aussi tous les uniformes qui marquent la fonction ou le rang social. Plus, les voyages permettent de découvrir des vêtements peu familiers, des textures et des couleurs qui étonnent.

L’idée peut sembler étrange, mais elle est fort intéressante. Charles Sagalane a décidé de faire un musée du moi, ou du soi qui passe par les costumes qui ont marqué sa vie. Il a même eu l’audace de présenter une exposition à Alma où différents uniformes étaient exposés. Des bottes de marche, un sarong rapporté de l’un de ses périples, des chemises et d’autres vêtements pour aller en forêt ou sous la pluie. Tout cela avec la rigueur qu’on lui connaît, sa façon de présenter le vêtement en s’inspirant des techniques muséales.
Et plus on fouine dans l’armoire de Sagalane, plus on trouve des directions à prendre. En fait, il aurait pu rédiger une véritable encyclopédie du moi. « On est nés nus » chante Damien Robitaille, mais, dès les premiers instants de sa vie, on nous passe des vêtements. Et ces tenues marqueront les grands virages de la vie, les déplacements, les aventures et les moments charnières.
Je pense aux couleurs que l’on assigne aux garçons et aux filles... Et combien de fois j’ai pesté contre les fameuses culottes courtes et les bas longs qui refoulaient même quand nous avions la prétention de nous aventurer vers le monde adulte. C’était notre tenue d’enfant. Personne n’y échappait.
Après, nous avons eu droit au pantalon long, signe que nous étions en bonne voie de devenir des hommes. Il y a eu l’incontournable blazer et le pantalon gris à l’École secondaire de Saint-Félicien. Et comment échapper à la cravate ? Les filles aussi avaient leur uniforme pour le couvent.
Ça fait sourire maintenant, mais dans mon enfance, il était mal vu de voir une fille en pantalon. Je me souviens d’un sermon du curé Gaudiose un dimanche. Il avait vu une fille traverser le village sur sa bicyclette. Une apparition, la rondeur d’un genou peut-être ou le début de la cuisse. La pauvre fille avait dû sentir les feux de l’enfer et du confessionnal. Surtout qu’elle pensait bien faire en portant sa jupe plissée.

PRÉSENTATION

Charles Sagalane a retenu quelques vêtements importants, certains objets comme la machine à coudre qui est indispensable à l’art de l’habillement. Il y a ce magnifique sarong qui faisait partie de son exposition d’Alma, des couleurs chatoyantes et un tissu bon pour les doigts.

J’ai réuni ces pièces d’outre-moi. Dans une boutique de Tawang où on propose aux touristes des drapeaux de prières et des chandelles, j’ai voulu me procurer l’une des robes pourpres et piquantes, d’un seul morceau, qui patientaient en vitrine. « C’est pour les bonzes, monsieur. » Mon insistance a fait qu’on m’a ouvert le présentoir, confié ce cylindre rugueux, montré comment l’enfiler et le nouer aux reins, avant de consentir à me le vendre. (p.39)

Le tout dans un espace limité dans le temps pour ne pas s’égarer. Le chiffre 73 permet au poète de rêver, de fantasmer, mais aussi de circonscrire son travail. Une année, un numéro, une époque, des odeurs et des musiques.
Le dossard 73 de Nadia Comanecci, l’athlète parfaite des Jeux olympiques de Montréal en 1976. Ou encore les habits de personnages de la télévision qui ont séduit l’enfant. Des accoutrements qui donnent une identité, collent à des héros. Sol et Franfreluche par exemple, Spiderman et son uniforme. Certains ont tellement personnalisé leur déguisement qu’il ne viendrait à l’idée de personne de les reprendre. Les habits des ordres religieux, les uniformes militaires. Qui oserait s’afficher avec la tenue d’un soldat nazi maintenant ?

FAMILLE

Des habits personnels, mais aussi ceux de sa famille qu’il évoque, ceux que l’on réservait pour le chalet ou la forêt. Les métiers des adultes sont souvent liés à un uniforme particulier. Le médecin ne s’habille pas comme un éboueur. Et le vêtement dans la littérature, dans certains textes, dans la poésie prend toute son importance. Toutes les avenues s’ouvrent.
J’ai tout de suite pensé aux voiles de Sheherazade ou encore celui qui efface le corps et le visage. On en a fait un enjeu aux dernières élections fédérales. Comment ne pas penser au fameux foulard de Zelda, la compagne de Scott Fitzgerald ? On pourrait s’égarer en fouinant dans les coffres bombés ou les garde-robes oubliées. Combien d’œuvres littéraires nous entraînent dans une penderie, un monde de douceur et d’odeurs, de glissements et de désirs ? Et des moments surgissent, des histoires de famille, d’hommes et de femmes disparus.

La mère de l’extrapetit est catégorique, c’est grand-maman qui t’avait cousu ça. Quand tu partais à Chambord, on te mettait quelques biscuits dedans, avec deux couches et une bouteille de lait. Elle confirme que l’extrapetit ne s’en servait plus en 73. Il y aurait long à dire sur cet objet dont la confection a eu lieu au 173 De Quen. (p.43)


Voilà un recueil un peu étrange qui permet de voyager dans l’univers de ce poète, de savoir où il est allé dans ses exils, de comprendre sa fascination pour les textures, les couleurs et aussi l’immense tendresse qui l’unit à son milieu et aux siens.
Ah ces bottes de mille lieux qui ont porté l’écrivain sur les routes du monde et fait en sorte qu’il mute dans sa façon de voir et de présenter les choses. Il y aurait bien à dire encore sur ces vêtements que l’on passe une seule fois. La robe de mariée et l’habit des noces. Je me souviens des dimanches et de ces vêtements pour la messe. Nous devenions autres dans ces uniformes qui faisaient de nous des enfants graves et sérieux. Des vêtements que nous devions enlever au retour pour ne pas les abîmer dans nos jeux.

y a-t-il du beau sans le vêtement ?
y-a-t-il du beau au premier fil ?
du beau que récolterait l’aiguille ?
Y a-t-il du beau pour qu’on le porte ? (p.125)

Un art qui se perd peut-être avec les usines où tout est formaté et fabriqué par des machines. La conquête du monde par le fameux jeans d’origine américaine est un bel exemple et a marqué toute une jeunesse et un certain esprit de contestation.
Charles Sagalane a dû faire de nombreux choix, parce que comme il l’a dit lors du lancement de l’ouvrage à Saguenay, ce projet aurait pu l’occuper toute la vie. Ce musée du moi reflète une époque, des manières de voir, d’agir, de vivre ses loisirs et d’affronter le quotidien, de rappeler des grands-parents, des oncles et des tantes. Le vêtement est un témoin qui permet de tisser l’histoire.
Et des moments, comme une broderie, un point recherché.

C’est un vêtement ample que déploie le silence. On ne sait si c’est lui qui nous enfile ou si on l’enfile. (p.25)

J’ai beaucoup aimé cet ouvrage. Je ne m’attarde pas souvent à la poésie parce que je trouve que le genre a perdu ses lettres de noblesse. Pourtant, il y eut une époque où j’étais un lecteur impénitent de poésie. Faut pas oublier que je suis entré en littérature avec L’octobre des Indiens, un recueil de poèmes. Maintenant, le texte poétique témoigne d’une émotion. Un éclair et puis un autre. Une pensée disparate et souvent hagarde. Plusieurs oublient que la poésie est une déconstruction de la pensée et du langage qui permet de s’avancer dans une autre dimension.
Charles Sagalane a un regard, une démarche et explore le monde que nous percevons par nos sens, en nous adaptant aux saisons ou en se déguisant de façon obligatoire pour exercer un métier. Il m’a poussé dans des directions et des moments importants de ma vie, des tournants même. Il fait prendre conscience de ces compagnons de route que l’on néglige souvent. L’armoire aux costumes nous pousse dans la vie, celle d’une famille, d’une époque et des moments qui font la grande histoire, celle que l’on veut emprisonner dans de gros livres.

73 armoire aux costumes de CHARLES SAGALANE est paru à LA PEUPLADE, 194 pages, 23,95 $.

PROCHAINE CHRONIQUE : Tam-Tam de Pierre Gariépy publié chez XYZ Éditeur.

dimanche 15 avril 2007

Des images comme un mantra ou une prière

Charles Sagalane a voyagé aux Indes et en a ramené des carnets bourrés de notes. «Quand j’ouvre le vingt-neuvième de mes carnets, un carnet bleu à la couverture meurtrie, aux marges pleines, chaos de traits et de notes, c’est pour retrouver une recette, un exercice de yoga, un dessin ou une adresse.» (p.8)
Il reste bien peu de «ce chaos» à la lecture de «29 Carnets des Indes». Le voyage initiatique bondit en une seule et même phrase on dirait qui essaime sur plus de deux cents pages en suggérant le mouvement ou la quête.
Des images scandées comme un mantra ou une prière, des regards aussi, des questions où Sagalane cherche une direction à la vie et une manière de respirer dans le fouillis des jours. Rabindranath Tagore surgit ici et là, tel un maître ou un guide qui montre la direction, suggère un arrêt ou une réflexion. L’ensemble pourtant reste un peu difficile pour celui qui, comme moi, n’a jamais mis les pieds dans ce pays singulier.
Écrire en se dépouillant de ses vêtements et de sa culture, s’avère particulièrement difficile. Parfois, l’auteur oublie ses hantises et se laisse porter par une impression ou la couleur du jour. C’est le plus heureux du carnet ces moments où j’ai eu l’impression d’entendre une comptine.
«Sabots du chameau/dans la dune vont sautant/bottines d’enfant» (p.48)
Une efficacité de haïku et une certaine naïveté fort intéressante. Le meilleur de ces «Carnets des Indes».
«Là, il n’y a ni corps ni esprit,/et où serait l’endroit qui étanche la soif de l’âme» (p.150)
Après plusieurs lectures, je cherche encore où les pas de Charles Sagalane le portent dans ces pays fascinants. L’aventure voudrait que l’on s’égare en soi pour retrouver, peut-être, le fil de l’événementiel. Des textes hermétiques qu’il n’est pas facile de percer, comme si le poète avait lancé quelques mots sur les pages et qu’il laissait au lecteur le soin de reconstituer un univers.

«29 carnets des Indes» de Charles Sagalane est paru aux Éditions La Peuplade.