Un jeune policier, Francis Leahy, est chargé de dénouer ce meurtre qui risque d’éclabousser la bonne société de Québec.
Le journal «Le Soleil» venait tout juste de naître en septembre 1898. Les périodiques à l’époque étaient lancés et disparaissaient comme la lune derrière les nuages. Ils sont la propriété d’une formation politique ou opèrent sous la férule du clergé. Les journalistes marchent sur la corde raide et les autorités n’hésitent pas à intervenir quand certaines frontières sont franchies. Même que des rédacteurs se retrouvent en prison après la publication de certains articles. Ernest Pacaud, le directeur du «Soleil» en sait quelque chose. Il doit ménager la chèvre et le chou.
«- Ses fonctions? Pacaud leva les bras. Ce n’étaient pas des fonctions, c’était une mission! C’est comme cela qu’il voyait son travail, comme une mission. Il s’était fait l’ennemi de toutes les hypocrisies et de tous les mensonges. Les faux idéaux politiques ou religieux, l’exploitation de la crédulité ou de la misère. Tout ce qui asservit l’homme au lieu de le libérer. Il tirait sur tout ce qui bouge. Même ses amis trouvaient qu’il exagérait parfois…» (p.27)
Les publications ne cachaient pas qu’elles étaient au service d’un parti politique. Les scribes de l’époque défendaient des idées politiques et sociales tranchées, mettaient leur plume au service d’une cause. Certains comme Henri Bourassa, Armand Lavergne, Olivar Asselin ou Arthur Buies sont passés à l’histoire. Être conservateur ou libéral, alors, signifiait vraiment quelque chose et les idées que véhiculaient les formations politiques étaient impossibles à réconcilier.
Une époque
Antoine Yaccarini mélange habilement la fiction et la réalité, s’appuie sur des articles de journaux de l’époque, des personnages réels, tout en laissant courir son imagination. Le processus est habile et nous tentons, par les yeux de ce jeune détective d’origine irlandaise, de découvrir qui a tué ce polémiste et pourquoi. Les regards se tournent vers André Fournier, un collègue, ou un négociateur du clergé, Elzéar Berthelot, la tête de Turc préférée de l’éditorialiste. Pas facile de faire la lumière dans cette histoire nébuleuse. Tout le monde devient suspect. Serait-ce un règlement de compte des francs-maçons?
L’auteur nous tient en haleine jusqu’à la dernière ligne, la révélation finale. Le romancier sait mêler les cartes, nous lancer sur de fausses pistes. À partir de la page cent, j’étais convaincu que c’était Lucille, la fille de Berthelot, la coupable… Tous les éléments de la preuve convergeaient vers elle et seul le détective Leahy ne voyait rien, obnubilé par la beauté de la jeune femme. Il faut le dire, l’auteur m’a mené par le bout du nez pendant toute l’enquête. Je ferais un mauvais limier.
Fond historique
Roman policier sur fond historique, «Meurtre au Soleil» permet de découvrir la ville de Québec, à la fin du XIXe siècle, une époque qu’Antoine Yaccarini décrit avec minutie. Les courts portraits de la ville, des Irlandais qui se retrouvent dans un pub pour discuter et fêter montrent les tensions sociales. Il s’attarde aux transports en commun et l’apparition des premières automobiles. Tout cela est décrit avec précision. Le rôle du clergé, le travail des journalistes aussi qui signaient des textes sous deux ou trois pseudonymes et lançaient des anathèmes, faisant de certains personnages politiques de véritables boucs-émissaires.
Une bonne histoire d’amour, une enquête policière menée avec tact, un portrait d’une société, d’immigrants qui ont pris du temps à s’intégrer à la société québécoise. Des propos actuels, des idées qui ont parcouru le siècle dernier et mené vers ce que l’on a nommé la Révolution tranquille.
Un style vivant, beaucoup de dialogues, des lieux connus, des rues et les activités de la population nous plongent dans l’époque. Impossible de résister.
«Meurtre au soleil» d’Antoine Yaccarini est publié chez VLB Éditeur.