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lundi 30 mars 2020

LE SOURIRE DE CHRISTINE EDDIE

MAGNIFIQUE ROMAN D’ESPOIR que celui de Christine Eddie malgré les obstacles que la vie se plaît à placer devant les humains, Un beau désastre nous entraîne dans un quartier populaire, une ville semblable à toutes les cités industrielles. Des familles y vivent au jour le jour, dans des maisons qui s’effritent peu à peu par manque d’entretiens. Célia et M.-J. gardent la tête hors de l’eau malgré tout et se débrouillent. Elle, éternelle optimiste, et lui, malgré son jeune âge, conscient des catastrophes qui menacent la planète.

Christine Eddie est une conteuse remarquable et ses histoires à multiples facettes nous emportent dans les spirales du quotidien de Célia et de son neveu M.-J., un garçon que sa sœur lui a laissé avant de disparaître en Inde pour méditer sur les aléas de l’amour. Un enfant taciturne, introverti et solitaire. Tout le contraire de Célia qui trouve toujours le beau côté des choses et une solution aux grands et petits problèmes de la vie. Son travail d’astrologue ou de tireuse de cartes lui fournit l’occasion de calmer les angoisses de ses clients et amis. 
Sur un ton léger, Christine Eddie nous pousse imperceptiblement devant les catastrophes qui menacent la planète. Les changements climatiques, la misère et la pollution, les spéculations qui permettent à des individus sans scrupules de s’enrichir sur le dos des démunis, les migrations et les difficultés des réfugiés à vivre une existence normale dans leur ville d’adoption.
Célia, malgré des amours sans issues, ne se laisse jamais abattre. M.-J. baisse la tête, un peu fataliste devant la Terre qui étouffe, les océans qui n’arrivent plus à digérer le plastique. Il ne manque qu’une pandémie, un virus à bouche chercheuse, pour animer le tout.

Quelque quinze mille personnes vivaient dans le Vieux-Faubourg, un enclos créé à proximité d’usines qui produisent surtout de la laideur et à l’intérieur duquel on avait construit des logements de brique, tous à peu près identiques. Aucun espace vert, pas un carré d’herbe, malgré le discours des élus qui, avant chaque élection, promettaient un parc. Pas de fontaine ou de bâtiment signé par un architecte de renom. Même l’église, unique monument d’envergure à s’élever au-dessus des toits, se fanait depuis que le clergé lui en avait préféré une autre, moins grandiose, plus rentable. (p.36)

Autant prendre une grande respiration avec Célia, fermer les yeux et se dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Les humains ont toujours trouvé une façon de triompher des pires épreuves. M.-J. souffre certainement de cette maladie récente que l’on nomme « l’angoisse climatique ». Certains croient que Greta Thunberg est atteinte par ce virus. Un mal qui touche les jeunes en particulier qui n’arrivent plus à imaginer comment ils peuvent avoir un avenir avec les catastrophes environnementales qui frappent partout, les guerres qui n’en finissent jamais.

TALENT

M.-J. possède un talent pour le dessin. Il y trouve sa manière de respirer, d’oublier sa solitude, la peur qui lui colle à la peau. Un voisin, pour faire plaisir à sa femme, lui demande de peindre une murale sur la devanture de sa résidence déglinguée. Une petite galerie, de la verdure, de quoi imaginer qu’ils vivent dans la plus coquette des maisons du quartier. Il ne faut pas oublier le banc. C’est bon de croire qu’ils peuvent s’y asseoir et piquer une jasette avec un passant. Du lierre aussi pour masquer la laideur et la décrépitude de la brique.

Rien, donc, n’indiquait que l’horizon de M.-J. eût quelque chance de s’élargir quand, à deux rues de la clôture de pivoines, un homme dont la femme avait toujours rêvé d’un balcon et d’une boîte à fleurs dans laquelle elle arroserait des géraniums demanda à rencontrer l’artiste. Célia ne laissa surtout pas passer l’occasion et força M.-J. à s’asseoir avec monsieur Nadon à la table de la cuisinette, où le vieil homme qui sentait la pipe expliqua son projet. Monsieur Nadon célébrait son cinquantième anniversaire de mariage le 13 mai. Il voulait offrir à sa femme une balustrade en fer forgé, un lierre qui grimperait sur le mur de brique, un auvent à rayures et des géraniums roses. (p.90)

M.-J. s’exécute et son talent fait des miracles. Tous veulent transformer leur taudis, masquer la laideur. Le jeune homme change le quartier. Pas seulement les devantures des maisons, mais surtout le regard des femmes et des hommes qui découvrent la beauté, un art de vivre, l’entraide. La couleur et les dessins métamorphosent les jours de tout le monde. Le Vieux-Faubourg devient un espace où il fait bon respirer. Bien sûr, les autorités ne pensent pas comme ça. Les élus décident d’appliquer la loi. Propriété privée, dommages au bien d’autrui, on connaît la chanson. Tout doit disparaître. 
Christine Eddie nous emporte dans un véritable tourbillon où elle confronte les pires côtés des humains comme les meilleurs.
L’art, la peinture, l’amour peuvent tout changer malgré des événements qui auront presque la peau de M.-J.
Madame Eddie est une magicienne qui aborde les sujets les plus inquiétants avec une petite moue et une étincelle dans les yeux. Une écriture, un sourire dans la phrase, un regard réconfortant. Une fée qui, avec son coffre à mots, transforme la réalité même si elle demeure consciente que le mal ronge la planète, que les humains sont doués pour la violence et les pires exactions. 
Un roman qui fait du bien et qui vous rend heureux en cette époque de confinement et de méditation. De quoi faire oublier tous les virus de la Terre qui voyagent depuis le commencement des temps et qui resteront à l’affût même quand l’été sera venu n’en déplaise au grand Donald des États-Unis.

EDDIE CHRISTINE, Un beau désastre, Éditions ALTO, 192 pages, 23,95 $.
https://editionsalto.com/catalogue/un-beau-desastre/

dimanche 19 juin 2011

Christine Eddie est une véritable magicienne

Certains romans étonnent dès les premières lignes. Une question d’écriture, de rythme qui souffle tout. Le lecteur n’a de repos qu’après en avoir exploré toutes les pages. Ces œuvres deviennent de véritables obsessions.
«Parapluies» de Christine Eddie est ce genre d’ouvrage. Ce roman m’a aspiré. L’histoire se construit et se défait au fur et à mesure, devient une spirale qui permet de cerner un personnage et celles qui gravitent dans son espace.
«La plupart du temps, je me réfugiais chez moi où il se passait des choses terribles, comme la guerre au Darfour et des glissements de terrain en Chine et le Groenland qui fond un peu plus chaque semaine. Pour tenir le coup, je m’astreignais à des activités qui ne m’avaient jamais intéressée auparavant. Enlever les marques de doigts sur le chrome du robinet, border d’abord le pied du lit avant de faire les coins, tout ça. Je pouvais ainsi détourner mon esprit vers des sujets plus fondamentaux que les déserteurs de domiciles conjugaux.» (p.11)
L’histoire est là. Matteo est sorti un soir et Béatrice ne le reverra plus. Disparu. Parti. Elle se désespère, imagine une aventure amoureuse.
«Puis, sous le lit de notre chambre, l’appareil s’est étouffé. Je me suis penchée pour voir ce qui n’allait pas. Une petite culotte. Avec de la dentelle rose pâle. Trop délicate pour moi, mais trop grande pour le goulot de l’aspirateur. Je me suis assise sur le lit avec le froufrou poussiéreux pendant que l’aspirateur continuait à rugir. Je me souviens que mes jambes refusaient de bouger et qu’un boa constrictor s’est installé dans ma poitrine. Après, c’est le trou noir. Je sais que j’ai pris mes cinq jours de vacances, mais je n’ai aucun souvenir d’être allée en Sicile et d’avoir admiré la Méditerranée.» (p.23)
Matteo a tout simplement été agressé et tué dans le parc voisin.

Attente

Béatrice quitte son emploi, s’occupe de la mère de ce dernier, une Italienne qui a suivi son fils à Montréal et qui survit en s’accrochant à la télévision.
«Je m’observais du coin de l’œil et je m’apercevais à côté du lit, à côté de l’évier, à côté de la table, de ma carte de crédit, du pilulier. Dédoublée. Je flottais sur ma vie depuis plus de trois semaines. Dans la boîte aux lettres, où je me ruais chaque matin avec l’application d’un cambrioleur, j’avais enfin trouvée une enveloppe adressée à Matteo qui ne soit pas envoyée par Amnistie Internationale, l’Unicef ou la Croix-Rouge. Autre chose qu’un monsieur le professeur et cher collègue, il me fait plaisir de, nous serions ravis que, veillez agréer.» (p.62)
«Parapluies» est peut-être l’histoire des amours impossibles. Béatrice aime Matteo qui ne pouvait s’empêcher de charmer et de séduire. Il était obsédé par Catherine, la mère de Thalie, une jeune noire qui cherche un père en Barak Obama. Cette étudiante au doctorat rappelait vaguement un premier amour à Matteo. Il y a aussi Daphnée, une étudiante subjuguée par le professeur, une passionnée de poésie russe, travaillait comme son assistante.

Connaissances

Toutes celles qui ont gravité autour de Matteo finissent par se croiser et sympathiser. Un roman plein d’humour, d’originalité qui témoigne de l’incroyable solitude des femmes. Toutes cherchent à s’en tirer individuellement sans y parvenir. Il reste la solidarité et l’entraide. Les enfants deviennent le lien qui permet à ces adultes de se reconnaître.
Il faudra qu’une fête d’anniversaire change tout. Toutes les invitées deviennent des réfugiées dans l’immeuble de Thalie et Catherine. La ville est inondée et l’avenir devient possible. Béatrice trouve une fille en Thalie. Catherine rencontre des amies et l’avenir devient plus acceptable pour Francesca qui se crée une nouvelle famille.  Daphnée aura une sœur et des amies. Toutes ces femmes ont gravité autour de Matteo sans jamais à l’atteindre et le retenir. Il faut une fillette pour arrêter la dérive et donner du sens à l’existence.
Christine Eddie a l’art d’effleurer les plus grands drames en ayant l’air de ne pas y toucher. Tout est simplement dit dans un style éblouissant. Son humour permet de triompher des pires drames et son écriture est un piège dont le lecteur n’échappe pas.

« Parapluies » de Christine Eddie est publié aux Éditions Alto. 
http://www.editionsalto.com/catalogue/parapluies/