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mardi 7 août 2012

L’entreprise de Simon Girard bat de l’aile


«Ca va être là»… mettre la réalité sur les pages. Je peux comprendre, c’est pour ça que j’écris… au moins en partie. Mais je doute que ce soit LA raison de Michel, je sens qu’il y a autre chose.» (p.133)

Voilà la proposition du récit biographique de Simon Girard. L’auteur nous entraîne à Percé, dans le monde d’un homme ordinaire. Une camaraderie s’installe entre l’auteur et Michel Bourget qui raconte ses histoires en buvant de la bière. Les deux bricolent le matin et à quatorze heures, la caisse de houblon glisse sous la table. On trouve de tout dans ce récit : des histoires de chasse, d’ours que Michel a surpris dans les forêts. Nous sommes cependant loin de la magie de Samuel Archibald.
Michel l’avoue à la toute fin, il se confie pour rejoindre ses enfants qu’il n’a pas vu grandir. Le conflit avec la mère était trop virulent. Et la DPJ a mis bien des bâtons dans les roues.
«Vivre un an et demi en une heure… ces affaires-là, c’est un peu en dehors de la coche. Tu fais des enfants, et la Loi voudrait qu’ils deviennent comme des étrangers par rapport à toi. Un moment donné, mes bébés vont être assez grands pour décider par eux-mêmes de me voir et … le livre, ça pourra leur faire une introduction un peu plus plaisante.» (p.187)
Michel tend une perche vers ses enfants. Simon écrit pour faire un livre, dire les choses comme elles sont.

Confidences

Les histoires se croisent et sont souvent racontées par deux ou trois personnes différentes. Ce qui donne un effet de répétition et surtout n’apporte rien de particulier. Des amours à peine effleurés, un navire que l’on sauve pendant une tempête, un incendie, un massage cardiaque qui permet à un homme de survivre et un séjour en prison qui se perd dans les dédales de l’administration. Des voyages aussi. L’un au Portugal en particulier pour retrouver une amoureuse enceinte qui n’a de regards que pour son professeur de Tai Chi. Simon écoute, cale sa bière, va pisser et recommence.
Le tout tient à la fois du journal et du témoignage que l’on transcrit après enregistrement. Il faut compter aussi sur les fuites de Simon qui prend les nerfs facilement, vit sa vie d’écrivain, publie un premier livre, participe à des expériences médicales tout en recevant son chèque d’aide sociale. Une histoire de bons gars capables de donner un coup de poing quand il le faut, qui n’hésitent jamais à venir en aide même si le « sauvé » ne veut pas le reconnaître.
«Un humain qui sauve la vie à d’autres humains ? Pas intéressés. Si c’est eux autres que j’avais sauvés, ils auraient peut-être réagi comme Hubert… Hubert qui restait dans un des appartements dans la cour… il comprenait plus trop ce qui se passait quand je l’ai trouvé…» (p.145)
Malgré tout ça, le livre ne lève guère. L’anecdote prend toute la place et on oublie les événements signifiants. Un langage près de l’oralité, avec des petites percées réflexives sur la vie, le voyage, l’humanité, les amours et les enfants.
C’est sympathique mais il en aurait fallu plus pour que l’on embarque dans cette aventure. Le réel, il faut l’arranger sinon on risque d’ennuyer. Le sujet était là mais Simon Girard n’a pas fait son travail d’écrivain.

«Michel Bourget, sauver des vies» de Simon Girard est paru aux Éditions Les 400 coups.

mercredi 15 avril 2009

Nadia Plourde découvre le Nord du Québec

Nadia Plourde, en 2005-2006, décroche un poste d'enseignante au Nunavik. Elle enseignera à l'école Arsanik de Kangiqsujuaq, un village d'environ 400 habitants, situé sur les rives du détroit d'Hudson. Une aventure spectaculaire, un dépaysement total.
Le Nord du Québec est un autre pays. Nadia Plourde le démontre dans ces chroniques qui s’attardent aux hauts et aux bas d'une institutrice décontenancée par ses élèves. Les enfants refusent toute forme d'autorité et leurs comportements, considérés comme déviants dans le Sud, sont la norme au pays des aurores boréales. Ils travaillent quand ils veulent, se présentent en classe selon leurs humeurs.
«Ces enfants font exactement ce qu'ils veulent. L'école, une prof ouioui en plus, l'idée de réussir ou de ne pas réussir une année, tout ça n'a aucune importance pour eux. Je pense qu'ils acceptent de travailler, pour passer le temps. Alors, autant remplir des pages, répéter des phrases ou faire des calculs. Peut-être que ma vision va changer et que je vais découvrir une certaine utilité au travail que je fais, mais j'ai de moins en moins d'illusions.» (p.78)
Ils peuvent aussi basculer dans des colères terribles, sans avertissement. Cinq minutes plus tard, ils sont les enfants les plus doux du monde. De quoi dérouter la plus intrépide des pédagogues. Sans compter une situation linguistique particulière. Le français, l'anglais et l'inuktitut se chevauchent dans la vie quotidienne.

Adaptation

Nadia Plourde s'adapte. Heureusement, elle possède un bon sens de l'humour et tombe en amour avec cette terre de grands vents et de lumière. C'est le coup de foudre, même si sa classe ne cesse de la bousculer.
Pour survivre peut-être, l'institutrice envoie une forme de synthèse de la semaine à une soixantaine de correspondants. Le miracle de l'Internet. Nous vivons quasi en direct dans cette classe du Grand nord.
«La gloire de mes élèves» raconte au jour le jour la vie de ces enfants, leurs difficultés, leurs situations et leurs façons de se comporter. Elle semble avoir eu peu de contacts avec les adultes, ou elle a choisi de rester fort discrète.
On en voudrait plus, on aimerait avoir un portrait qui échappe un peu à la banalité du quotidien et aux matières scolaires. Nous sommes loin des magnifiques ouvrages de Jean Désy qui nous plonge dans la poésie du Nord, dans ses contradictions, sa grandeur et sa violence.

«La gloire de mes élèves» de Nadia Plourde est édité par les Éditions Les 400 coups.

http://www.editions400coups.com/livres/la-gloire-de-mes-eleves

vendredi 15 avril 2005

Montréal décrite par cinq écrivains

Plongeons dans un monde d’odeurs et de bruits. Le Montréal un peu étrange et sordide que l’on découvre en se perdant dans les rues et les ruelles. La contrainte était intéressante pour les cinq écrivains de ce collectif.  Unité de lieu. Montréal. Mais aussi une couleur: le noir.
François Barcelo dans ses textes courts est excellent. Il sait ménager ses effets, utiliser à bon escient son humour et son cynisme. Je n’ai pas tout lu cet auteur mais assez pour savoir qu’il est capable du pire et du meilleur. Il a souvent tendance à se fatiguer de son sujet dans ses romans plus ambitieux. «Tant pis», un roman fort bien lancé, tourne à vide. Par contre «J’enterre mon lapin» est un petit bijou.
Dans «Blanc comme neige», il sait être cinglant, imaginatif, sordide et cruel. Barcelo joue des contrastes et je l’ai suivi dans les situations les plus invraisemblables. Je n’en demandais rien de moins.

Marie-Claire Blais

Marie-Claire Blais, même dans un texte relativement court, déstabilise. La vie n’est pas linéaire. Pour aller d’un point à un autre, que de détours, de virages et de retours. Il y a aussi les autres. Chaque individu est une cellule de l’humanité. L’auteure de «Soifs» témoigne en reprenant la «simultanéité» si chère à Virginia Woolf. Plus, elle fait de cette «simultanéité» la trame ou la manière de son récit. Tout ce confond, se lie dans une poussée qui va et vient.
Nous accompagnons toute une jeunesse perdue et à la dérive. Nous sommes à Montréal mais aussi au Cambodge et ailleurs. Il y a ce lieu, un espace mais peut-être le temps s’est-il défait.
«…Nous venons tous de loin et d’ailleurs, et de tous les coins de ce pays si vaste, chacune, chacun arrive ici tous les jours, Pierro dit qu’il y en a trop de ces filles qui cherchent du travail, mais il ne refuse personne, c’est lui qui prend d’abord l’argent derrière son bar, le Diamant de Nuit, il nous remet ensuite ce qu’il nous faut pour vivre, ce n’est jamais assez mais Pierro tient à payer nos vêtements court qu’il choisit lui-même…» (p.43-44 )
Une écriture comme un long ruban sans fin qui égare le lecteur, le reprend, le bouscule et le ramène. Une vague qui monte, descend et repart. Il faut oublier les balises et s’abandonner à ce regard qui fait songer aux grands courants marins qui ceinturent la planète.
Passons sur André Truand et «sa petite âme». Banal, long et ennuyeux.
Chrystine Brouillet rapplique avec Maud Graham. L’histoire est bonne en ce temps de verglas, précise, étrange mais l’écriture ne lève jamais. Le verglas a peut-être tout figé. L’étrange impression de plonger dans les pages d’un journal par moment. Des dialogues plaqués et artificiels. Peut-être Chrystine Brouillet a trop écrit pour la jeunesse. Elle dit tout, explique tout et cela devient fort agaçant. Le lecteur a aussi droit à son espace pour rêver le texte.
«La situation était bien pire qu’il ne l’avait imaginée. Pour leur sécurité, des milliers de personnes devaient quitter leur maison, se regrouper dans des gymnases et des centres d’accueil. Certaines refusaient de quitter leur demeure et devraient être expulsées pour leur bien. Les policiers de Montréal, inquiets, épuisés, dépassés par ce désastre imprévisible, étaient tous mobilisés. On attendait maintenant l’intervention de l’armée canadienne. Des camions sillonneraient bientôt les rues, transportant des hommes, de sacs de couchage, des couvertures pour équiper les sinistrés.» (p.102)

Pellerin

Gilles Pellerin termine l’aventure. Visite d’une maison un peu étrange. Le décors et après les personnages. Nous sommes souvent déroutés. Nous devons user de tous nos sens pour nous y reconnaître, revenir en arrière, recommencer la lecture. Une véritable aventure sensorielle.
Gilles Pellerin tisse sa toile et à la toute fin, c’est le lecteur qui est attaché sur la chaise et qui fait face à un obsédé. Étrange et dérangeant. Et quelle écriture !
«Montréal: le ciel américain (très bas, pas métaphysique pour deux sous); une ruelle qui cherche le nord en se faufilant entre les hangars; la poussière; les tempêtes de pollen; l’assemblée spontanée de citoyens chevauchant des chaises pliantes sur le trottoir, devant le bloc de béton qui tient lieu de seuil; des pizzerias, des vitrines surchargées de bocaux de poivrons rouges marinés; le simple mot smoked meat; le combat contre les portes du métro quand l’air chaud se précipite dans l’hiver comme dans la mort au moment où vous cherchez à entrer.» (p.129)
Trois très bons textes sur cinq, c’est beaucoup

«Montréal noir» de François Barcelo, Marie-Claire Blais, Chrystine Brouillet, Gilles Pellerin et André Truand, est paru aux Éditions 400 coups.