«Ca va être là»… mettre la réalité sur les pages. Je peux comprendre, c’est pour ça que j’écris… au moins en partie. Mais je doute que ce soit LA raison de Michel, je sens qu’il y a autre chose.» (p.133)
Voilà la proposition du récit
biographique de Simon Girard. L’auteur nous entraîne à Percé, dans le monde d’un
homme ordinaire. Une camaraderie s’installe entre l’auteur et Michel Bourget qui
raconte ses histoires en buvant de la bière. Les deux bricolent le matin et à
quatorze heures, la caisse de houblon glisse sous la table. On trouve de tout
dans ce récit : des histoires de chasse, d’ours que Michel a surpris dans les
forêts. Nous sommes cependant loin de la magie de Samuel Archibald.
Michel l’avoue à la toute
fin, il se confie pour rejoindre ses enfants qu’il n’a pas vu grandir. Le conflit
avec la mère était trop virulent. Et la DPJ a mis bien des bâtons dans les
roues.
«Vivre un an et demi en une
heure… ces affaires-là, c’est un peu en dehors de la coche. Tu fais des
enfants, et la Loi voudrait qu’ils deviennent comme des étrangers par rapport à
toi. Un moment donné, mes bébés vont être assez grands pour décider par eux-mêmes
de me voir et … le livre, ça pourra leur faire une introduction un peu plus
plaisante.» (p.187)
Michel tend une perche vers
ses enfants. Simon écrit pour faire un livre, dire les choses comme elles sont.
Confidences
Les histoires se croisent et sont
souvent racontées par deux ou trois personnes différentes. Ce qui donne un
effet de répétition et surtout n’apporte rien de particulier. Des amours à
peine effleurés, un navire que l’on sauve pendant une tempête, un incendie, un
massage cardiaque qui permet à un homme de survivre et un séjour en prison qui
se perd dans les dédales de l’administration. Des voyages aussi. L’un au
Portugal en particulier pour retrouver une amoureuse enceinte qui n’a de
regards que pour son professeur de Tai Chi. Simon écoute, cale sa bière, va
pisser et recommence.
Le tout tient à la fois du
journal et du témoignage que l’on transcrit après enregistrement. Il faut
compter aussi sur les fuites de Simon qui prend les nerfs facilement, vit sa
vie d’écrivain, publie un premier livre, participe à des expériences médicales
tout en recevant son chèque d’aide sociale. Une histoire de bons gars capables
de donner un coup de poing quand il le faut, qui n’hésitent jamais à venir en
aide même si le « sauvé » ne veut pas le reconnaître.
«Un humain qui sauve la vie à
d’autres humains ? Pas intéressés. Si c’est eux autres que j’avais sauvés, ils
auraient peut-être réagi comme Hubert… Hubert qui restait dans un des
appartements dans la cour… il comprenait plus trop ce qui se passait quand je
l’ai trouvé…» (p.145)
Malgré tout ça, le livre ne
lève guère. L’anecdote prend toute la place et on oublie les événements signifiants.
Un langage près de l’oralité, avec des petites percées réflexives sur la vie, le
voyage, l’humanité, les amours et les enfants.
C’est sympathique mais il en aurait
fallu plus pour que l’on embarque dans cette aventure. Le réel, il faut l’arranger
sinon on risque d’ennuyer. Le sujet était là mais Simon Girard n’a pas fait son
travail d’écrivain.
«Michel Bourget, sauver des vies» de Simon Girard est
paru aux Éditions Les 400 coups.