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vendredi 25 avril 2008

Québec a toujours inspiré conteurs et écrivains

Beaucoup de publications marqueront le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec et de la Nouvelle-France. Les Éditions Trois-Pistoles soulignent cette date importante en ajoutant un tome à la très belle collection qu’inaugurait Bertrand Bergeron, en 2004, avec «Contes, légendes et récits du Saguenay-Lac-Saint-Jean».
Victor-Lévy Beaulieu a confié la tâche cette fois à Aurélien Boivin, un spécialiste de la littérature québécoise associé à l’Université Laval et au «Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec» depuis les débuts. Ce professeur émérite, originaire de Normandin, a publié nombre d’anthologies et s’est particulièrement attardé à Louis Hémon pour en faire connaître les ouvrages. Il était tout désigné pour mener à bien cette entreprise colossale.
Parce qu’il a fallu trier, discuter et certainement faire des choix déchirants pour arriver à cerner l’imaginaire qui entoure Québec, la ville, mais aussi la côte de Beaupré, l’île d’Orléans et ce fleuve qui déchire le continent. Des lieux qui ont marqué les premiers arrivants, les écrivains et les conteurs au cours des siècles. Tout comme ils inspirent Monique Proulx, Esther Croft, Chrystine Brouillet, Jacques Poulin et Pierre Morency de nos jours. On pourrait aussi y ajouter les noms d’Aimée Laberge, Marie Laberge, Stanley Péan et Alain Beaulieu.

Grand voyage

Aurélien Boivin a eu la fameuse idée de faire fi des époques pour permettre au lecteur de naviguer entre les récits fondateurs, les contes et les légendes en plus de s’attarder à certains écrits de contemporains. Nous allons d’un horizon à l’autre avec bonheur, ne perdant jamais de vue la ville de Québec et ses environs, la grande île d’Orléans qui semble avoir été un refuge pour tous les sorciers et les démons à une certaine époque. Du moins dans l’imaginaire.
Bien sûr, les premiers récits devaient lancer cet ouvrage imposant. Jacques Cartier raconte son contact avec le nouveau continent et les Hurons. C’est comme si nous étions des témoins. Une description pointilleuse permet de revivre ce moment qui devait changer la face du monde. Et quel bonheur de retrouver la langue française d’il y a 400 ans.
«Le VIIe jour dudit moys (septembre 1435) jour Notre Dame apres avoir ouy la messe nous partismes de ladite ysle pour aller amont ledit fleuve et vinsmes à quatorze ysles qui estoient distantes de ladite ysle es Couldres de sept à huict lieus qui est le commencement de la terre de prouvynce de Canada desquelles y en a une grande qui a envyron dix lieus de long et cinq de laize…» (p.3)
Une musique à lire à haute voix. Comme quoi la langue écrite n’a cessé de se modifier avant de se conformer à des règles qui ne cessent jamais de bouger.

Moments et figures

La bataille des plaines d’Abraham hante beaucoup d’écrivains. Pierre Villemure en donne une version plutôt étonnante. Une date qui marque l’imaginaire du Québec, même si certains contemporains tentent d’occulter ce fait historique. Les écrivains au cours des siècles sont souvent revenus sur cette guerre qui oppose Anglais et Français, cet été sanglant où les villages qui longent le Saint-Laurent ont été incendiés et pillés avant la chute de Québec.
Le lecteur glissera avec bonheur du côté des légendes, des contes et des récits, suivra des originaux comme Drapeau et Grelot. La figure de Marie-Josephte Corriveau sort de l’ombre on s’en doute. Le tout ne serait pas complet, sans une incursion dans le fantastique. Les loups-garous, les feux follets, les sorcières, les bandits de cap Rouge ont aussi leur place dans cette fresque impressionnante.
Cette lecture permet de retrouver les sources de l’imaginaire québécois, d’en explorer les avenues et de nous amarrer à la littérature qui se fait maintenant. Une magnifique expédition, un grand voyage, une occasion unique de relire des textes du frère Marie-Victorin, Louis Fréchette, Philippe Aubert de Gaspé, Amédée Papineau, Louis Hémon, Faucher de Saint-Maurice, Maurice Barbeau et des dizaines d’autres.
Il faut remercier Aurélien Boivin, Victor-Lévy Beaulieu et les Éditions Trois-Pistoles pour cet ouvrage magnifique, habité de fort belles illustrations qui font découvrir les pays du Québec, explorer un imaginaire qui survit malgré les dédales d’Internet et toutes les charges médiatiques. Un véritable délice que cette brique de plus de 700 pages qui se lit comme un thriller.

«Contes, légendes et récits de la région de Québec» d’Aurélien Boivin est publié aux Éditions Trois-Pistoles.