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lundi 7 mars 2011

Diane Labrecque ébranle drôlement son lecteur

«Je mourrai pas zombie» de Diane Labrecque présente une jeune femme dans la trentaine. En aidant sa mère à déménager, elle retrouve ses carnets d’adolescence, une période qu’elle croyait révolue. Il suffit de tourner quelques pages pour que resurgissent ces années où elle flirtait avec la mort.
Dib, un nom imaginé, n’a jamais quitté cette époque où elle était en révolte contre l’univers et elle-même. Adolescente anorexique, elle se mutilait avec un couteau de cuisine pour trouver un certain apaisement dans la douleur.
À l’école, elle croise Hubert et François, deux inséparables qui s’intéressaient à celle qui se confondait avec les murs. Une belle amitié s’était installée, une forme d’amour, d’idéal qui n’arrivait jamais à se concrétiser. Une situation assez trouble baignait les rapports du trio. Dib était absolue, intransigeante et obsessive. Les garçons avaient des petites amies pour expérimenter certains jeux sexuels.
«J’aimais Hubert. Il m’aimait. J’aimais François. Il m’aimait. C’était tout et c’était facile. Je ne voulais pas de mal à Jeanne. Mais les choses toutes simples, comme l’amour, tournent toujours en choses compliquées et c’est pourquoi je suis tout le temps fâchée avec la vie. C’était trop tard. Pour Hubert et pour François. Trop tard pour eux. Trop tôt pour moi. C’était la fin. Mais pourquoi cela avait-il même commencé ? Toute cette douce violence.» (p.12)

Triangle

Hubert et François ont récupéré cette rejetée sans l’arracher à une forme de dépression où elle se complaisait. Impossible non plus de vivre l’amour quand on se déteste. L'ivresse physique est une reconnaissance et une acceptation du corps.
L’adolescente résistait, s’efforçait d’avoir le moins de contact possible avec ses parents, s’enfermait dans sa chambre et se noyait dans des lectures. Elle trouvait une âme sœur dans la Bérénice de Réjean Ducharme. C’est peut-être ce qui l’a sauvée: savoir qu’elle n’était pas seule à ressentir un mal terrible de vivre, un malaise du corps et de l’esprit.
«Pour laver l’humiliation des larmes et oublier ma prison, je me suis enfermée dans ma chambre et je me suis ouvert doucement le bras gauche avec un couteau de cuisine. Et quand enfin le sang s’est mis à couler vers le creux de mon coude, ma tête est devenue légère comme un ballon et je me suis envolée vers le ciel si bleu, si bleu.» (p.27)
Dib a beau avoir une fille qu’elle adore, une adolescente sage et équilibrée, son passé la hante. La lecture des carnets la conduit à vouloir retracer ses amis de l’école secondaire pour vivre peut-être ce qu’elle n’a pas osé à l’époque.

Retrouvailles

Hubert a réussi. Il a des enfants et une femme. Ils habitent le plus beau quartier de Montréal. François semble fuir au bout du monde pour ne pas trop réfléchir à ce qu’est sa vie. Le temps leur a joué un vilain tour.
Comment raccommoder sa vie? Peut-on changer ce que l’on a raté à une certaine époque? Que sont devenus les idéaux? Il est peut-être périlleux aussi de vouloir plonger dans son passé pour ressasser de vieilles blessures. Dib va l’apprendre en basculant dans les excès qui ont failli la tuer.
«La violence des trois shooters de rhum qu’elle s’envoya au comptoir avant de s’asseoir auprès d’eux n’atténua en rien celle de voir François et Hubert réunis devant elle, pour elle, après dix-huit ans d’absence, elle, leur lien.» (p.169)
La jeune femme retrouve son vieil ennemi l’alcool au grand désespoir de sa fille.
Le lecteur est souvent ébranlé par cette adolescente qui se retourne contre elle et qui possède une incroyable capacité de tout gâcher. Malgré elle, Dib sera sauvée d’une certaine façon par les deux garçons.
Il faudra qu’elle touche le fond du baril une fois de plus pour revenir vers sa fille, sa seule raison d’être, son équilibre.
Un roman truffé de références littéraires, porté par une colère et une rage bouleversante. L’écriture de Diane Labrecque se tient en équilibre sur un fil qui menace à tout moment de se rompre. Le lecteur retient son souffle.

« Je ne mourrai pas zombie », de Diane Labrecque est publié aux Édiditions Hurtubise.