Marc Vaillancourt est peut-être l’écrivain le plus étrange et le plus déroutant du Québec. Ce Chicoutimien a étudié le latin comme beaucoup de Québécois et il ne s’en est jamais remis. Cette langue est la clef du savoir et de la connaissance pour lui. Hors du latin, tout n’est qu’ignorance et bêtise.
Il publie régulièrement depuis 1992. Poèmes, essais, récits, roman marqués par ce savoir et cette langue qui sont de véritables hantises.
Je dois être l’un des rares au Québec à posséder l’ensemble de ses ouvrages et à suivre son parcours qui échappe à toutes les normes. Je ne sais pourquoi je m’entête à voir où il en est, quelle direction il va prendre. Force est de constater qu’il piétine et se répète de livre en livre.
Ses essais sont des monstres de mauvaise foi, de certitudes, de mépris, de misogynie et de sexisme. J’ai lu «Les ailes de la sibylle» et ses aphorismes où il charge aveuglément tout ceux qui publient et écrivent au Québec. Les femmes surtout ont droit à sa hargne. Les écrivains au Québec, selon notre latiniste retardé, sont des ignares, des béotiens et des imposteurs. On croirait surprendre Mordecaï Richler quand il perdait les pédales dans les journaux américains.
Le propos est tellement grossier qu’il est impossible de le prendre au sérieux malgré ses sparages, sa rhétorique, les citations d’auteurs oubliés et son écriture nourrie à la cortisone.
Je me suis lassé rapidement de son roman «Un travelo nommé Daisy» malgré un bon départ. Un clin d’œil au dramaturge Tennessee Williams, vous vous en doutez. Une véritable hérésie si on se fie à la logique de notre latiniste fondamentaliste. Un bon début, quelques dizaines de pages et le fiel se répand sur toutes les pages.
Il revient avec le «La cour des contes», un titre qu’il a chipé à la poétesse Louise de Vilmorin. Il l’avoue.
Je croyais que Marc Vaillancourt avait compris, du moins dans les premiers récits. De bons textes. Voici que je suis du côté des crétins qui le louangent ou qui lui administrent des baffes. Les journalistes et les critiques sont des paltoquets et des rustres dans l’esprit de notre intégriste. «Note me tangere», In extremis ou le dernier Noël de Yann Moreault» tout comme «La Chine m’inquiète» sont agréables malgré cette volonté de toujours tout compliquer. Un humour se dégage, un monde, un univers qui peut séduire.
Rapidement pourtant, il retrouve ses obsessions et ses jugements à l’emporte-pièce. Il traîne tout le monde dans la fange et la boue.
Pourquoi alors lire Marc Vaillancourt? Il est rare de rencontrer un homme d’une autre époque, quelqu’un qui s’est réfugié dans ce Québec qui se complaisait dans les versions latines et les déclinaisons.
Pourtant quand il oublie ses obsessions et sa volonté de faire comme si, il peut être attachant et étonnant. Il y a ici et là, des phrases qui sont des embellies dans une sacristie couverte de poussière. C’est peut-être pour cela que je continue à le suivre tout en gardant mes distances de peur d’être contaminé par ses obsessions. Dommage! Marc Vaillancourt gaspille un talent immense dans une recherche frénétique d’attention. La littérature peut aussi mener à une sorte d’obsession qui fait que l’on coupe tous les ponts avec ses contemporains et même avec sa propre culture. Voilà peut-être la plus terrible des aliénations.
«La cour des contes» de Marc Vaillancourt est paru aux Éditions Triptyque.