Arnaud Bermane est retrouvé mort sur la grève. Dans son sac à dos, des carnets et un passeport. Rien d’autre ! Catherine reconnaît son père dans l’entrefilet du journal.
Ces carnets racontent les voyages d’Arnaud, s’attardent à ses réflexions et ses errances. Par l’écriture, il questionne sa vie et son passé. C’est peut-être la seule voix qui le berçait quand il s’arrêtait après une journée de marche ou de travail. Celle qui s’imposait quand il inventait des mondes à partir de ses figurines.
«L’idée me vint de compulser des encyclopédies, des mémoires, des brochures jaunies, de vieux catalogues de mode, des cartes géographiques, de constituer des dossiers, puis d’ébaucher des récits. Je rapprochais, appariais, risquais des assemblages, composais des familles, des lignées.» (p.15)
C’est ainsi qu’Arnaud part à la recherche de ses ancêtres. Son père Charles, producteur de vin, Odile, sa mère, qui a tourné le dos à toutes ses aspirations. Son frère Marc-Antoine, un idéaliste qui souhaite changer le monde. Un oncle explorateur, des religieux qui ont consacré leur vie aux plus démunis. Il y a aussi le grand-père Théo, un paysan têtu qui ne vit que pour sa terre. Jusqu’à la fin. Et ces secrets de famille qui hantent le petit garçon et qui ont été emportés dans la mort. Les guerres aussi, ces grands délires humains.
Gens ordinaires
Roland Bourneuf s’attarde dans des régions peu connues de la France, des agglomérations qui gardent un pied dans le passé tout en se tournant vers la modernité.
Arnaud observe, écoute, tente de vivre l’ici maintenant. Il connaît des amours éphémères, se questionne sur cette lignée qui a fait ce qu’il est. Parce que l’humain, chez cet écrivain, est le fruit à la fois du passé et du présent.
Il a connu l’amour avec Olivia. Elle s’est enfuie alors qu’elle était enceinte. Ils ne se sont jamais revus. Lui, après une vie discrète, part sur les routes. Il vit d’expédients, effectue de menus travaux, va d’un pays à l’autre pour surprendre les gens dans leur vie et leurs amours. C’est surtout une façon de s’inventer une histoire, un passé et de tolérer le présent. Le lecteur devine qu’il séjourne dans les pays nordiques et en Amérique centrale. Son lieu de prédilection demeure l’Europe cependant.
Roland Bourneuf décrit l’univers des paysans, des petits commerçants pour qui chaque geste marque les jours, les tâches qui usent le corps et finissent par étouffer les rêves.
L’écrivain ramène à la vie ces oubliés de l’histoire. Un monde qui ne peut survivre que dans la mémoire et les souvenirs.
À la lecture de «L’ammonite», j’ai souvent pensé à Marie Rouanet, cette écrivaine admirable qui a su si bien cultiver l’art de la mémoire. Signalons surtout son magnifique «Quatre temps du silence». Roland Bourneuf est de cette belle lignée.
«L’ammonite» de Roland Bourneuf est paru aux Éditions L’instant même.