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dimanche 5 janvier 2014

Le temps de la dernière chronique est venu


Jamais je n’ai pensé que ce moment viendrait si rapidement. La décision est tombée. Fini les chroniques au Progrès-Dimanche. Situation économique oblige. La raison universelle de justifier les bonnes et les mauvaises décisions. La dernière chronique, la 605e, celle qui met fin à l’aventure d’une vie. Un document de 1815 pages. Je souhaitais me rendre à la 1000e bien sûr. Difficile d’imaginer que le contact ne se fera plus dans ce journal où j’ai été présent pendant quarante ans.

La littérature du Québec, avec ses grandes figures, ses inconnus et surtout les écrivains et écrivaines du Saguenay-Lac-Saint-Jean, a donné un sens à ma vie. Les écrivains d’ici, ceux qui ont changé le théâtre au Québec : Michel Marc Bouchard, Larry Tremblay, Daniel Danis et Jean-Rock Gaudreault m’accompagnent depuis tant de temps. Des noms connus dans le monde, méconnus dans leur milieu. Des modèles qu’on voit rarement à la télévision.
Et tous les autres, les Alain Gagnon, Guy Lalancette, Hervé Bouchard, Élisabeth Vonarburg, Lise Tremblay, Pascale Bourassa, Marjolaine Bouchard, Dany Tremblay, Jean-Pierre Vidal. La liste pourrait s’allonger. Plus de 155 chroniques, plus de 25 pour cent des textes, mettent en valeur ces écrivains qui disent la région. Pour plusieurs, c’est le seul écho après une publication.

Blogue

Je leur ai offert une plate-forme mondiale en 2010 avec le blogue http://yvonpare.blogspot.ca. Soixante pour cent des visiteurs proviennent du Québec et du Canada. Les autres sont des États-Unis, d’Allemagne, de Russie, de Pologne, de la Belgique, de la France et des  pays du Moyen-Orient. Une fréquentation en constante progression, une diffusion faite uniquement sur les médias sociaux. J’ai la prétention de croire que quelques auteurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Québec sont lus dans le monde grâce à ce blogue. La preuve que l’écrivain, peu importe son lieu de résidence, parle à la planète. Il n’y a pas de littérature régionale, mais une seule et belle et grande littérature du Québec.


Économie

La littérature au Québec a généré des revenus de près de 700 millions $ en 2012. Des milliers d’emplois dépendent de ce secteur. Le cinéma, dont on parle avec raison, traîne loin derrière avec des recettes de 170 millions $. Quatre fois moins de revenus et pourtant cent fois plus de visibilité que les écrivains. J’ai répété ces faits pendant des décennies aux élus, aux patrons, aux lecteurs. Comment expliquer le succès du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec ses 20 000 fidèles? Un taux de fréquentation enviable. Par comparaison, il faudrait que le Salon du livre de Montréal accueille près de 300 000 visiteurs pour présenter des statistiques comparables à celles du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, alors qu’il attire 120 000 visiteurs bon an mal an. Il y a des lecteurs ici comme ailleurs, n’en déplaise aux alarmistes qui agitent la cloche de l’analphabétisme.



Un roman, une nouvelle, un essai bousculent la société, la dérangent, la montrent sous un angle souvent peu favorable. Nous ne sommes pas dans les publicités où tout est parfait. Nous plongeons dans la fissure, la blessure, ce qui fait que la société va de travers parce que la plupart des gens n’arrivent pas à s’identifier aux gagnants, aux vedettes interchangeables, aux rois du rire et de la blague vermoulue. Nous ne sommes pas dans la consommation, l’étourdissement, l’instinct. Nous scrutons l’être, l’âme humaine.





La littérature demeure un refuge pour la pensée, la réflexion en cette époque qui glisse imperceptiblement vers un autre Moyen-Âge où la mémoire et le savoir-faire disparaissent dans le trou noir d’un disque dur qui avale tout. L’expulsion de la pensée et de la réflexion des universités et des médias est inquiétante. Reste le culte du je, du moi dilatable, l’émotion, le vécu dans ce qu’il a de plus réducteur, l’opinion jetable à la radio, à la télévision, dans les journaux. Opinion qui tue la pensée, relève du bavardage, de la perte de temps, de l’humeur et des pulsions.



Le blogue

Certains suggèrent de continuer sur le blogue, «bénévolement». J’ai toujours défendu l’écrivain pour qu’il soit reconnu comme un professionnel et qu’il soit rémunéré pour ses interventions publiques. J’aime la littérature, le livre, mais pas au point de renier la démarche d’une vie.
Des dizaines de personnes ont écrit des lettres de protestations aux dirigeants du Quotidien et du Progrès-Dimanche. De quoi m’ébranler. Je ne pensais pas que c’était possible.



Vous avez été merveilleux, incroyables. J’en garderai un souvenir précieux. Merci de m’avoir lu, de me l’avoir dit si souvent. Merci de lire envers et contre tous. La littérature québécoise a besoin de vous.

Cette 605e chronique est la dernière à paraître
dans le Progrès-Dimanche.

lundi 23 décembre 2013

Rachel Leclerc réussit à nous envoûter

Qui n’a pas rêvé de remonter le temps, de retrouver un grand-père méconnu ou une grand-mère dont on parle à mots couverts? Nos ancêtres ont marqué leur époque et ont fait que nous sommes ce que nous sommes. Rachel Leclerc tente l’aventure dans Le chien d’ombre. Une nuit où Richard Levasseur peut discuter avec son ancêtre qu’il a peu connu, une légende dans la famille. Il y apprend des choses étonnantes, découvre les amours de son aïeul et aussi, peut-être, pourquoi il s’est un peu égaré dans sa vie. On le sait, la fiction permet tout ce que la vie aime nous refuser.
Un cimetière, au milieu de la nuit, la première tempête de neige de l’année. Une nuit magique où le froid n’a pas d’importance, où la peur et l’angoisse s’évanouissent. Et les heures qui s’étirent, comme l’éternité, pour discuter avec un grand-père décédé il y a des années. Voilà le roman de Rachel Leclerc.

Mais je me souviens de cette nuit-là et de ce qui m’y fut raconté. Je me souviens surtout de celui qui me la raconta et de ce qui se dessina entre nous, une complicité ou même davantage, un espoir de nous sauver l’un et l’autre. Lui serait sauvé de la mort ou, pire, de l’oubli et du ridicule, et moi de quelque chose que je ne sais pas nommer encore, peut-être simplement de l’insignifiance d’une vie— et ce serait déjà beaucoup. (p.17)

Joachim révèle ce que personne ne sait dans la famille. L’ancêtre a vécu des amours, avec sa femme Marie Lévesque, la grand-mère de Richard, mais aussi une passion avec Dorothée qu’il a croisée dans une auberge, au cours de ses nombreux voyages. Un amour illicite, défendu par les bien-pensants de l’époque. Une nuit unique, inoubliable.

Être le premier homme à toucher une pareille femme alors que j’étais marié avec ta grand-mère, alors que l’époque et toute la société interdisaient à Dorothée de m’approcher sous peine d’excommunication, c’était comme si Dieu et le diable avaient décidé de me faire un cadeau empoisonné. Nous avons passé la nuit ensemble, et je te jure que je me suis soûlé de sa chair tant que j’ai pu. Des années plus tard, il m’arrivait de sentir sur moi sa peau brûlante. (p.45)

Un fils est né de cette rencontre. Richard ne savait pas qu’il avait un demi-frère. Sa famille non plus. Amours interdites, fils bâtard qui se retrouve à l’orphelinat et qu’une religieuse aime comme son propre enfant.
L’aïeul et le petit-fils se comprennent au-delà du temps, deviennent des égaux dans cette neige qui recouvre tout. La vie, peu importe les époques, est faite d’intrigues, de passion, d’épreuves, de douleurs existentielles et de manœuvres de salopards qui ne cherchent qu’à assouvir leurs instincts.

Découverte

Richard comprend en écoutant son grand-père pourquoi certaines choses inexpliquées et inexplicables ont marqué sa vie et celle de sa famille. La réalité n’est jamais celle que l’on pense savoir.

Tu te souviens de tant de choses, Richard, mais pourquoi la plupart de ces choses sont-elles si noires? N’y a-t-il pas de beaux moments dans ta tête? Bien sûr qu’il y en a, mais beaucoup sont venus plus tard, ils ne sont pas de la même époque. Le temps a fini par t’apporter ce qu’il accorde aux survivants: un peu d’abondance et quelques amis venus du hasard, auprès desquels tu as appris l’amour et la liberté. (p.205)


Ces confidences deviennent passionnantes et j’ai rapidement oublié le temps, le lieu insolite, l’invraisemblance même de ce tête-à-tête. Rachel Leclerc a su si bien m’entraîner dans son roman que j’ai sursauté à la fin, me demandant comment je n’avais pas vu de quoi il retournait. L’écrivaine place des indices pourtant. Captivé par le récit, emporté par la vie de Joachim et de son fils Georges, j’ai lu en aveugle.
Et à la toute fin, à la dernière page, nous comprenons que pour arriver à dialoguer avec les morts, il faut peut-être… Je n’en dis pas plus. Il faudra parcourir Le chien d’ombre de Rachel Leclerc pour comprendre. Un roman complexe, beau de vie et de sensualité, de chaleur et d’amour. Une écriture qui vous soulève et vous emporte loin, très loin.

Le chien d’ombre de Rachel Leclerc est paru aux Éditions du Boréal.

lundi 16 décembre 2013

Catherine Leroux : une finesse rare

Notre siècle est marqué par l’effacement des frontières, la science qui permet le clonage ou encore de remplacer certains organes défectueux chez les humains. La vie se prolonge maintenant au-delà de la mort. L’identité devient de plus en plus floue avec les migrations, la multiplication des contacts, le refoulement des cultures nationales au rang de folklore. Une langue s’impose, une culture de masse décrète ses diktats dans les médias. Le «moi» devient multiple, vaseux, incertain et difficile à cerner. Catherine Leroux, dans Le mur mitoyen, malmène quelques tabous et questionne ce que nous pouvons nommer le «soi».

Des jumeaux, un garçon et une fille, séparés à la naissance, se retrouvent à l’âge adulte. Ils ne savent rien de leur origine, s’aiment, deviennent des inséparables, des amants et des époux. Marie et Ariel sont promis à un bel avenir. Ils peuvent changer le monde. Ils apprennent qu’ils sont frère et sœur. Imaginons le choc, le drame dans leur vie personnelle et publique.
Madeleine a un fils. Il doit subir une transplantation d’un rein. Au cours de tests, elle apprend qu’elle n’est pas la mère avant sa naissance. Non, ce n’est pas une tricherie ou une infidélité. Ce serait trop simple. Madeleine avait un jumeau ou une jumelle et l’un et l’autre se sont amalgamés dans le sein de sa mère. Deux embryons qui ont fini par n’en faire qu’un. Comme s’il y avait deux êtres en elle. Comme si elle était elle et l’autre avec deux codes d’ADN. Un moi confondu dans l’autre.
Et que dire des femmes et des hommes qui reçoivent un rein, un foie, des yeux ou un cœur? Qui sont les donneurs? Comment sont-ils morts? Que ressentirait un greffé s’il apprenait qu’il a reçu le rein d’une personne assassinée, qu’il a le foie d’une femme violée, battue et sauvagement étranglée? Il doit sa vie à un fou, un tueur. De quoi avaler de travers.

Questionnement

Les personnages de Catherine Leroux vivent des situations singulières, tentent de s’accommoder avec des énigmes bouleversantes. Que vont décider Marie et Ariel qui s’aiment à en avoir mal?
«À les voir, on ne se doute de rien. Le tremblement qui les secoue de l’intérieur est invisible. Ils se parlent peu, ne se touchent pas, se regardent à peine. Trop dangereux. À l’instar de Tristan et Iseult, il leur faut une épée, une lame qui les empêche de tomber l’un sur l’autre comme les particules d’une étoile qui s’effondre sur elle-même.» (p.114)
Des tabous que la société ne tolère pas. Des questions existentielles se faufilent entre les mailles de ces histoires, remettent tout en question, transforment la vie. L’ignorance serait-elle préférable? Simon et Carmen veulent savoir à tout prix qui est leur père. Ils se livrent à une quête obsessionnelle. Ne rien savoir peut aussi être dévastateur.
«Le monde est un endroit injuste où les bons deviennent mauvais de n’être jamais récompensés, où les véritables méchants ne sont que rarement châtiés et où la plupart des hommes zigzaguent entre les deux extrêmes, ne saints ni démons, louvoyant entre les peines et les bonheurs, les doigts croisés, touchant du bois. Chaque être divisé en deux, chacun avec sa faille autour de laquelle s’agitent le bien et le mal.» (p.210)

Attraction

Les personnages de Catherine Leroux ressemblent à des corps qui dérivent dans le temps et l’espace, s’attirent et se repoussent comme les planètes. Ils se rapprochent imperceptiblement pour se blesser et se perdre peut-être. Il m’a fallu du temps pourtant avant de saisir les liens qui unissent ces femmes et ces hommes qui vivent ici et là sur le continent américain. L’impression, pendant une bonne moitié du roman, d’être largué par la narratrice, de bondir d’une histoire à une autre sans voir les ponts. Et puis il y a des rencontres, des hasards et la lumière se fait.
Juste, intrigant, troublant et mené de façon très habile. Une toile d’araignée se développe à laquelle il est impossible d’échapper. Des personnages convaincants, bousculés par une fatalité qui les dépasse et va les briser. Que dire de plus sinon que Le mur mitoyen est un roman particulièrement fascinant. Catherine Leroux aime bousculer le lecteur, lui demander des efforts. Une finesse rare et une narration brillante qui confirme le talent que l’écrivaine déployait dans La marche en forêt.

Le mur mitoyen de Catherine Leroux est paru aux Éditions ALTO.

lundi 9 décembre 2013

Philippe Porée-Kurrer scrute notre avenir

Les technologies de maintenant permettent de communiquer avec tout le monde, partout, en tout temps, de chercher de l’information sur des appareils de plus en plus sophistiqués et efficaces. Il est possible de savoir où vous êtes, ce que vous faites, avec qui vous avez des contacts à partir de vos communications, de suivre vos moindres déplacements. J’ai même eu la surprise de voir un drone surgir devant mes fenêtres, il n’y a pas si longtemps. Un homme s’amusait à filmer, dans la maison, inconscient qu’il violait ma vie privée. Où situer alors la frontière entre l’espace public et le privé? La question s’impose avec ces gadgets que nous adoptons avec enthousiasme et une folle insouciance.

«La révélation de Stockholm», le nouveau roman de Philippe Porée-Kurrer, nous plonge dans une réalité que nous connaissons mal. Imaginez un chercheur qui aurait réussi à créer une intelligence artificielle, un cerveau comme celui des humains, possédant une puissance décuplée. Un être presque, proche de nous, éprouvant certains sentiments et des émotions.
«Cette entité, appelons là ainsi, est partout sur Internet. Elle occupe tout le réseau. Il doit cependant y avoir, quelque part, un système nerveux central qu’il s’agit de localiser pour le museler… …C’est du reste assez intéressant si l’on considère que, sinon cette exception majeure, rien de ce qui est électronique ou numérisé d’une manière ou d’une autre ne peut leur échapper, aucune conversation téléphonique, aucun document, aucune décision transmise d’une façon ou d’une autre, aucune émission radio ou télé, rien!» (p.52)
Cette formidable intelligence permettra à ceux qui la contrôlent de diriger la planète. Un nouveau Big Brother d’une efficacité inimaginable. Il manque un élément aux Chaco, les financiers, pour avoir le champ libre. Ils commencent par supprimer Magnus Solberg, l’inventeur. Il était devenu dangereux et inutile. Sa fille Selma a peut être la réponse qui manque. Elle prend la fuite pour échapper au foyer d’accueil. Une simple fugue devient une aventure passionnante.
Magnus Solberg a créé un double de cette intelligence. Pour contrer peut-être les intentions maléfiques. Deux entités de même puissance qui ne savent rien l’une de l’autre. Ygg au service des forces du mal et Vara du côté du bien. Les deux sphères d’un cerveau qui se complètent d’une certaine manière, s’attirent et pourraient se comprendre. L’un plutôt masculin et l’autre féminin. La confrontation du bien et du mal comme dans les westerns. Ces «êtres» possèdent leurs façons de communiquer, des langages mathématiques et poétiques qui échappent à l’entendement humain. À côté de ces «intelligences», l’homme et la femme sont désuets et d’une autre époque.

Poursuite

Une course folle s’engage pour retrouver Selma. Elle navigue sur le voilier de la famille. Un jeu d’enfant de la retracer grâce au GPS. La fille est futée, sait brouiller les pistes, souhaite aller en Suède, le pays d’origine de son père, rejoindre une tante qui pourra l’aider à comprendre ce qui est arrivé.
Porée-Kurrer nous étonne par l’étendue de ses connaissances, la richesse de son imagination, la puissance de ses évocations et les événements qui se succèdent. Nous voyageons aux quatre coins de la planète. Dubaï, Mexique, Fécamp en France, le lieu de naissance de l’écrivain, un village de Colombie-Britannique, Sunne en Islande, une ville mise en évidence par le formidable écrivain Göran Tunström. Le monde de maintenant n’a plus de frontières, de centre ou de périphérie. Tout est dans tout. Tout est partout.
Selma a entraîné Clovis dans l’aventure, un orphelin en fuite comme elle. Les deux affrontent les vagues et les vents, les manœuvres de Luzangela et de Leon Chaco, des êtres sans âme, capables de toutes les férocités pour arriver à leurs fins. Heureusement, la jeune fille peut compter sur des alliés qui veillent, dont le double de Ygg, Vara. Ainsi les chances sont plus équilibrées.

Aventure étonnante

Une fiction avant-gardiste, une manière de secouer des certitudes et de nous faire vivre une quête qui ne cesse de surprendre et de dérouter. Surtout, il ouvre une fenêtre sur une réalité que nous saisissons mal. L’écrivain pose ici les premiers jalons d’une fresque étonnante par sa pertinence et son ampleur. Le projet s’étendra sur sept romans. Une fiction solidement documentée et des personnages humains et attachants. Du Porée-Kurrer à son meilleur, une formidable aventure, une belle manière de faire réfléchir à ce que nous faisons et vers quoi nous allons.

Les gardiens de l’onirisphère, La révélation de Stockholm de Philippe Porée-Kurrer est paru aux Éditions JCL.

lundi 2 décembre 2013

Samuel Archibald bouscule sa génération

Il est rare qu’un raconteur d’histoires se lance dans une réflexion où il tente de cerner la réalité et nos façons de vivre. Que dire de la famille, de l’avenir et de l’héritage légué par les parents? Secouer nos valeurs, nos obsessions et peut-être aussi le futur de moins en moins certain qui est réservé à nos enfants? Nous vivons un déclin, semble-t-il, une crise des valeurs, un effritement de la société de consommation et des profits gonflables. Samuel Archibald , l'auteur d’Arvida tente de voir clair dans ce fouillis.

Samuel Archibald est né à Arvida, on le sait. Ses grands-pères ont travaillé en usine et ont réussi à gravir les échelons en besognant comme des forcenés et à bien vivre. Mieux que leurs parents. Sa famille a connu des hauts et des bas, sans se démarquer particulièrement.
«Je suis né gosse de riche dans une famille d’extraction ouvrière. Juste à temps pour mon adolescence, ma famille en est redevenue une de classe moyenne, mais de classe moyenne très inférieure. Et monoparentale.» (p.18)
Une strate sociale qui se faufile entre les très riches et les indigents. Une partie de la population qui a pris de l’expansion à partir des années soixante-dix en misant sur l’éducation, le militantisme syndical et la formation continue pour améliorer son sort. Des volontaires qui pensaient surtout aux conditions de vie qu’auraient leurs enfants.
«Au Québec, on l’a vu, la classe moyenne s’est formée hors d’une dynamique spécifique de classes. Elle a emprunté ses valeurs aux groupes qui lui ont prêté ses effectifs. Elle est une classe ouvrière qui a réussi. Et qui entretient jalousement l’humilité de ses ancêtres cultivateurs.» (p.28)

Réalité

Résultat : une génération ayant des capacités financières plus grandes que celles des générations précédentes, mais aussi particulièrement endettée. Surtout. Des couples qui consomment pour consommer, se donner du prestige peut-être, sans pouvoir se raisonner. Une génération impulsive, à l’affût des dernières tendances et des nouveaux gadgets. Influençable donc, la cible des spécialistes en marketing. Ces gens votent, paient des taxes et les gouvernements pensent à eux quand ils prennent des mesures fiscales ou formulent des projets de loi. Ils peuvent faire et défaire les gouvernements. Ce qui n’empêche pas ces agités de la consommation de ressentir un malaise devant leurs façons de faire. Souvent, ils cherchent un sens à leur vie tout en continuant à s’étourdir.
«La classe moyenne a une double personnalité, il me semble. Elle travaille fort, quoi qu’on en dise. Mais je pense qu’elle s’ennuie. Elle passe son temps au centre d’achats. Elle achète des affaires sans arrêt et se console en se comparant avec d’autres qui sont plus dépensiers qu’elle.» (p.44)
Des hommes et des femmes qui pensaient trouver le bonheur dans l’achat d’une maison, d’un chalet, de deux ou trois autos et de tous les jouets qui permettent de gazouiller et communiquer. Une consommation frénétique qui ne satisfait pas et qui les pousse vers des recommencements et les mêmes déceptions. Une génération qui a peut-être inventé la dépression et le burn-out. Il en est ainsi de l’amour et de la vie de couple. Le ou la partenaire devenant interchangeable.

Danger

Une société qui a peut-être conscience aussi que sa gloutonnerie insatiable a mis la planète en danger. Que faire alors?  Tout ce sur quoi ils ont misé leur glisse entre les doigts avec la mondialisation, la maximisation des profits, la production qui se déplace vers l’Asie. Les États-Unis vivent sous respirateur artificiel, l’Europe vacille. Ce qui peut expliquer la fascination pour les films à catastrophes. Peut-être que nous avons là la clef du succès de La route de Cormac McCarthy où l’humanité retourne à la barbarie après un drame nucléaire.
«Peut-être que ces étranges divertissements apocalyptiques sont une façon pour la classe moyenne d’apprivoiser, sur le mode du feu d’artifice, son extinction annoncée.» (p.72)
Samuel Archibald y va de nombreux exemples qu’il puise dans son expérience, sa vie à Arvida et sa famille. Sans être une réflexion qui étourdit avec des chiffres et des statistiques, ce court pamphlet dresse un portrait juste de la société de maintenant. L’écrivain lance des pistes de discussions fort pertinentes. Peut-être qu’il y a là l’amorce d’un changement qui a connu une forme d’embellie dans la contestation étudiante et le mouvement des carrés rouges le printemps dernier. Un témoignage qui se lit comme un récit.

Le sel de la terre de Samuel Archibald est paru aux Éditions Atelier 10.

lundi 25 novembre 2013

La traversée du continent de Guay-Poliquin


Christian Guay-Poliquin, dans Le fil des kilomètres, réussit bellement son entrée dans le monde de la littérature. Quel univers angoissant! Panne d’électricité partout, plus de contacts. Rien. Le pays est en attente. Les ordinateurs, les gadgets qui nous branchent avec la planète sont morts. Plus de messages ou de galopades sur Facebook. Imaginez! Les téléviseurs sont éteints. Les radios. Les téléphones intelligents. Que feriez-vous si un matin tout s’arrêtait, que la neige s’installait dans un silence de fin du monde? Ce roman «apocalyptique», comme dirait Samuel Archibald, nous pousse tout doucement vers le gouffre.

Les usines sont réduites au silence. Les gens attendent, se demandent que faire de ce corps qui leur est redonné. La mécanique de la société s’est enrayée. Pourquoi? Nous ne le saurons jamais.
«Dehors, pas un son hormis celui de la pluie. Même le vrombissement insatiable de la raffinerie a cessé. Autour, aucun bâtiment ne semble plus avoir d’électricité. À l’avant de chacun d’eux, on voit des silhouettes en bleu de travail s’amasser et scruter les environs tout en restant à l’abri. Blottie dans l’entrée du garage, notre équipe n’échappe pas à la règle.» (p.18)
Le narrateur décrit son milieu sans trop de fioritures ou d’images. Pas de maquillage! Mécanicien, le monde, il pouvait le démonter et le reconstruire quand tout allait normalement. Il vivait pour les automobiles. Des mécaniques faites pour tomber en panne et qui exigeaient des soins attentifs.
Il est seul maintenant. Sa compagne est partie après une tentative de suicide. Il n’a pas su la retenir, incapable de trouver les mots. Il n’est qu’un corps qui bouge, vide une bière après l’autre jusqu’au bout de la nuit. Les mots le fuient et il se méfie des phrases.

Départ

Un appel de son père, un peu avant la panne. Pertes de mémoire. Paranoïa. Il décide de rentrer avant qu’il ne soit trop tard. Il devra traverser le continent pour revoir son village, son père qui a perdu sa femme dans un accident d’auto. Il ne s’en est jamais remis. Peut-être que lui non plus.
Une course folle de 4736 kilomètres. Il roule jour et nuit dans des pays de poussière. Des vallées de sable. Les populations se sont évanouies. Les villes et les villages sont des décors de cinéma. Des camions, des tracteurs attendent dans les champs. Les denrées deviennent rares et l’essence se négocie à prix d’or. Les profiteurs veillent, surtout en temps de catastrophe.
La vieille auto tient le coup. Le narrateur fume, fixe la route, jongle avec des épisodes de sa vie, parle avec son chat enfermé dans une boîte. Tout est partout pareil. Nous voici dans le monde de l’après. Ce n’est pas sans rappeler La route de Cormac McCarthy, mais en moins apocalyptique. Tout s’est figé. À bout d’énergie. Épuisé peut-être. Peut-être aussi une attaque terroriste qui a tout détraqué. Il reste l’animal en soi pour survivre, continuer, revenir aux sources, près du père et remettre tout à l’endroit.
Une ombre, une fille au bord de la route. Un arrêt, un coup de tête. Elle s’installe à sa droite et voilà une compagne pour le voyage. Il ne sait rien d’elle, elle ne veut rien de lui. Il suffit de rouler, de s’accrocher au ruban blanc au milieu de la route, foncer dans la nuit ou les éclaboussures du soleil. Question de vie ou de mort!
Partout des bandes s’organisent, rationnent l’essence et les vivres. Le monde devient plus sauvage que d’habitude. Les villes sont dangereuses, barbares.
«De là-haut, la queue de véhicules semble interminable. Elle s’enfonce jusqu’au cœur de cette ville livrée à ses fantômes. L’écho de trois coups de feu parvient jusqu’à nous. Cela ressemble plutôt aux derniers coups de tonnerre d’un orage qui s’éloigne. Hormis l’errance de silhouettes lointaines dans ces rues méconnaissables, on dirait que toute l’activité humaine a été suspendue. Des sacs poubelles jonchent les trottoirs. Les premiers étages des immeubles sont barricadés. Les cheminées des usines pointent le ciel sans écumer quoi que ce soit.» (p.187)
Christian Guay-Poliquin nous aspire avec cette histoire où manger et boire devient une aventure. Un monde de plus en plus menaçant. Je suis devenu fébrile avec les kilomètres qui s’accumulaient. Jusqu’au dénouement plutôt inattendu. Ce romancier possède un sens formidable de l’action. Il m’a subjugué en disant peu, quasi rien. Cela doit s’appeler du talent.

Le fil des kilomètres de Christian Guay-Poliquin est paru aux Éditions de la Peuplade.

dimanche 17 novembre 2013

Robert Lalonde plus touchant que jamais

Robert Lalonde a porté ce récit pendant toute sa vie. Il aura fallu peut-être que sa mère lui laisse le champ libre pour réussir à y mettre le point final. «Pis oublie pas, c’est le cœur qui meurt en dernier, mon petit gars, le cœur, pas la tête. C’est par ces mots que j’avais commencé, il y a plus de quarante ans, dans l’île de Crète, que tu n’as jamais vue, à l’ombre d’un mur millénaire, sous un soleil impitoyable, le récit que j’achève aujourd’hui.» (p.164)

Ces phrases lançaient les confidences, il y a quatre décennies. Elles le terminent maintenant. Le livre s’est retourné, la vie s’est dilatée pour permettre aux événements de prendre leur place, de passer de la colère à la fascination. La résilience est affaire de temps, de patience et d’abandon, de renoncement surtout.
La vie n’est guère facile pour un garçon quand il doit vivre avec une mère extravagante, émotive, en guerre contre les obligations du quotidien. Aussi imprévisible que le jour et la couleur du temps, elle ne peut que marquer ses proches. Elle rêvait une autre vie, un ailleurs où tout serait plus facile. Comment ne pas heurter le garçon sensible qu’était son fils.
« — Imagine ! Si j’étais née ailleurs, dans un autre temps, un autre village, une autre famille, avec un autre corps, plus mince, plus élancé, un visage à la Greta Garbo. Si j’étais née dans une autre maison, avec des parterres de fleurs tout autour, pas un château, exagérons pas, mais une belle maison, à trois étages, ma chambre avec un édredon de satin, des grandes fenêtres encadrées de jalousies bleu ciel, une écurie avec de beaux chevaux blancs qu’on peut faire atteler pour des promenades dans les vergers, après la messe…» (p.58)
Elle maniait les mots comme des sabres, possédait l’art de tout retourner à son avantage, de déstabiliser son interlocuteur, d’avoir raison contre le monde entier. Le jeune garçon était fasciné et en même temps révolté.

Désordre

Des souvenirs, des moments qui refont surface. Des photos. La voilà au bout de sa vie, un peu perdue, mais encore capable de pourfendre la réalité avec son verbe incisif. Ou encore en épouse capricieuse qui ne sait quelle robe choisir pour un repas de famille. Ses stances, ses récriminations devant les tâches familiales, sa révolte contre sa condition de «torcheuse, épousetteuse, décrotteuse», son plaisir quand tout était à sa place.
«On ne pouvait rien t’offrir. Recevoir t’humiliait, t’offensait. Tu n’as jamais accepté — et encore, de mauvaise grâce—  que ce que tu avais voulu, demandé, exigé. Ni papa ni moi ne faisions partie de ce que tu avais voulu, demandé, exigé.» (p.107)
Capable de pleurer les malheurs de tout le village, capable aussi d’une cruauté sans nom avec sa soeur aux prises avec la maladie d’Alzheimer. En bataille contre la vie, son mari et son fils qui ne savent jamais sur quel pied danser, elle suscite la colère et la révolte. L’adolescent a l’impression que le monde le rejette et que sa mère va finir par l’étouffer.
«Je laissais comme ça le temps passer, le méchant désir de parler s’estomper. Et puis je me remettais à te donner la réplique, dans ta chronique du tragique et bouffon jour le jour qui, pour sûr, ne manquait pas de catastrophes, chicanes, paroles apparemment lancées en l’air, mais qui avaient sournoisement raison de la raison et pouvaient conduire au pire.» (p.102)
Une vie de paroles, des monologues mille fois recommencés, de phrases qui étourdissent et assomment. Pas étonnant que Robert Lalonde soit devenu comédien et écrivain. L’art de fuir en jouant, en devenant un autre et les tentatives de tout dire dans ses romans et des histoires cent fois reprises.

Réconciliation

Quelle manière formidable de présenter une femme qui aurait voulu échapper à sa vie et à son époque. Fascinante, fantasque, étourdissante, haïssable, elle basculait dans les pires excès, ne savait plus comment refaire surface, vivait des dépressions en refusant de l’admettre. Elle pouvait disparaître aussi pour mettre un peu d’ordre dans sa tête. Une ratoureuse qui a réussi à dissimuler pendant presque toute sa vie son analphabétisme. Elle n’a pu lire les livres de son fils qu’à la fin de sa vie. Robert Lalonde lui montrant à lire alors qu’elle avait plus de quatre-vingts ans.
Il faut du courage pour se lancer dans une telle aventure. L’auteur m’a touché particulièrement, parce que sa mère n’est pas sans me rappeler certains côtés de ma propre mère. Il a touché quelque chose que j’ai abordé dans La mort d’Alexandre et Les Oiseaux de glace. La mère dans la littérature québécoise, n’est pas près de se retirer dans les coulisses. Un portrait d’une beauté époustouflante qui permet à l’écrivain de refermer une porte. Peut-être…

C’est le cœur qui meurt en dernier de Robert Lalonde est paru aux Éditions du Boréal.

lundi 11 novembre 2013

Les Québécois ne connaissent pas leur pays


Bonne idée que de questionner des hommes (une seule femme?) de différents horizons et de leur demander de quoi le Québec a besoin pour s’affirmer dans le concert des nations, sortir d’une morosité qui le paralyse depuis des décennies. Les participants, malgré des vies différentes et des parcours singuliers, en arrivent à un même constat. Les Québécois connaissent peu ou mal leur pays, ses frontières floues et son histoire.

«Voici un livre écrit en chaussures de marche, le nez dans le vent, avec boussole et GPS. Un livre pour rouler, survoler, connaître. Un incitatif à s’enfoncer dans les villes ou les épinettes noires. Parce que la géographie, c’est le berceau d’un pays», explique Marie-France Bazzo dans une courte préface. Les Québécois sont vraiment en manque de connaissances géographiques. Leurs lacunes cognitives en ce qui concerne le territoire ne cessent de s’accumuler.
Le Nord, l’exemple le plus frappant. Les trois quarts du territoire du Québec restent inconnus et mystérieux. Cet espace mythique, sauvage, propice aux fantasmes miniers et hydro-électriques, devient un lieu d’exil temporaire, le temps de faire «la passe» et d’accumuler un pactole avant de revenir vers la civilisation.
«Les Canadiens et les Québécois ont bien évolué dans le sens de peupler les régions les plus tempérées, les plus au Sud, les plus liées à la richesse du sol et aux réseaux de communications, mais ces réseaux ne sont jamais allés, jamais, vers le Nord. Ils vont vers le Sud, ou vers l’Europe.» (p.18)
Une grande majorité de la population québécoise vit dans la vallée du Saint-Laurent et les territoires bordant certains affluents. Après Chibougamau, c’est l’inconnu, les vents, les épinettes, la toundra qui attire les plus braves…
«Non. Je pense que nous n’avons jamais eu conscience du territoire. Le Nord, pour nous, est une absence. Fondamentalement et historiquement, ce sont les Autochtones qui l’habitent.» (p.94)
Pourtant, ceux qui ont arpenté ce pays sont devenus des amoureux du Nord. Pensons à Jean Désy, Louis-Edmond Hamelin et Serge Bouchard. On pourrait aussi s’attarder au territoire fantasmé d’Yves Thériault qui en a fait le lieu de toutes les sauvageries et des pulsions.

Passé

Les Québécois ignorent leur histoire, encore plus celle des autochtones, leur mythologie, leur conception du pays, les rapports avec la nature et la vie. Nous sommes affligés d’une amnésie qui nous empêche de prendre les bonnes décisions.
«On l’a bradé, notre territoire. On l’a donné. On l’a mauvaisement prêté à des gens. Loué, vendu même: le fond des rivières, certains droits de coupe, le sous-sol, le pétrole, certains métaux. Toujours uniquement sous des auspices et des justifications économiques. Parce que malheureusement c’est seulement là, dans l’économique, que l’on dresse des bilans.» (p.130)
Les gouvernements ressassent des idées peu adaptées à l’époque contemporaine et à sa géographie. L’idée même des régions ressources empêche le développement intelligent des territoires périphériques et du Nord. Un concept venu du colonialisme peut-être qui fait que l’on pille les ressources de ces contrées au profit des habitants du Sud et des villes. Cette vision bancale ne peut que donner des interventions néfastes. L’exploitation de la forêt, des mines dans les régions est un véritable gâchis que beaucoup refusent de voir. L’erreur boréale de Richard Desjardins, par exemple, a montré une réalité que nombre de décideurs et de commentateurs ont refusé d’accepter. Ils ont préféré pourfendre «le poète».
De quoi le territoire du Québec a-t-il besoin? amorce une réflexion qui mérite d’être poursuivie et étoffée. Ces témoignages font prendre conscience des lacunes, des trous de mémoire qui peuvent expliquer nos flous identitaires, notre incapacité à se définir et à s’affirmer. Ce brouillard on le retrouverait autant du côté de la culture, de la littérature en particulier, que l’on ne fréquente guère, que l’on ne diffuse pas et que l’on oublie d’enseigner.
Les politiciens devraient lire et relire ce collectif, les enseignants devraient le mettre dans les mains de leurs étudiants dans les cégeps et les universités. Un incontournable pour ceux et celles qui s’intéressent à la vie d’ici, au territoire immense du Québec réel et à inventer.
Enfin des textes qui font appel à la lucidité et à l’intelligence. C’est quand même rare dans une époque où être, c’est devenir consommateur. Une entreprise nécessaire.

De quoi le territoire du Québec a-t-il besoin? de Marie-France Bazzo, Camil Bouchard, René-Daniel Dubois et Vincent Marissal est paru aux Éditions Leméac.