«À l’aube du 29 février 1704, Jean-Baptiste Hertel de Rouville attaquait Deerfield, petit village frontalier du Massachusetts. Plus d’une centaine de colons anglais étaient alors capturés et amenés en Nouvelle-France pour y être vendus, rançonnés ou adoptés. C’est une partie de leur histoire qui est racontée dans ce roman». (p.7)
Histoire guerrière
L’histoire de la Nouvelle-France est guerrière. Les Français, avec la complicité des Amérindiens, sillonnaient l’Amérique du Nord. Les explorateurs avaient suivi les rivières et des fleuves, gardaient plus ou moins le contrôle du continent en élevant des forts aux endroits stratégiques.
Les Français étaient alors imbattables dans les escarmouches où ils avaient appris la manière indienne de faire la guerre. Des méthodes qualifiées de barbares par les biens pensants de l’époque et indignes des hommes civilisés.
Les colons anglais subissaient attaques et vendettas à la frontière, n’hésitaient pas non plus à massacrer des villages autochtones, y semant des haines héréditaires.
Pourtant la vie sauvage fascinait les Européens et attirait les aventuriers qui coupaient presque avec leur éducation. Même que certains écrivains ont vu dans «une approche commune», le métissage du Blanc et de l’Autochtone, l’idéal de l’homme futur. On retrouve cette idée dans les œuvres du romancier américain Fenimore Cooper, particulièrement dans «Le dernier des Mohicans».
Histoire
Nous sommes à Deerfield, bourgade située à l’ouest de Boston. Au nord, le lac Champlain permet d’aboutir chez les Canadiens. Alice Morton, jeune Anglaise peu sûre d’elle, attend que son fiancé se manifeste tout près du fleuve Connecticut.
L’attaque des Canadiens et des Abénaquis, qu’on n’attendait plus, a lieu. Elle est brutale. La jeune femme est capturée avec des membres de sa famille, obligée à marcher dans la neige et le froid. Nous sommes au cœur de l’hiver. Les plus faibles succombent ou sont abandonnés en chemin. Alice résiste avec ses neveux et croit que sa vie vient de basculer dans un trou noir.
Au cours de cette marche forcée qui la mènera au Canada, Alice découvre des forces inconnues en elle, apprend à voir ces sauvages, ces démons tant décriés dans son ancienne vie. Ils se transforment en hommes au fil des jours.
«L’homme a ouvert son manteau et Alice distingue le lin blanc sous la laine brute. C’est, après tout, un être humain qu’elle a devant elle. Pas seulement un Sauvage. Il ne craint ni l’arrivée des Anglais ni la fuite de sa prisonnière. Pas davantage que la pluie ou le froid. Il ne fait qu’apprécier le moment et le bien-être se lit sur son visage.» (p.175)
Alice devient amoureuse de Mamôtkas, le chef qui fait preuve d’une grandeur d’âme peu commune, apprend à vivre sans les corsets de la civilisation. Elle épousera l’Abénaquis et vivra à l’Indienne au grand désespoir de son fiancé qui a pourcouru le continent pour la ramener à la vie civilisée. Alice découvre une liberté de corps et d’esprit qu’elle n’a jamais éprouvée dans son village si réglementé. Les carcans et les sangles de la religion s’évanouissent. Elle ne peut imaginer retourner à son ancienne vie. Tout se terminera dans une fin digne de Tristan et Yseult.
Une belle manière de raviver une légende et un pan d’histoire. Il y a là matière à un film qui montrerait des valeurs essentielles et combattrait les préjugés. Un roman tout simple mais passionnant.
«1704» de Mylène Gilbert-Dumas est publié chez VLB Éditeur.