Je rencontrais Hélène Pedneault pour son tout dernier livre «Mon enfance et autres tragédies politiques», mais elle voulait écouter Louise Beaudoin à la radio. L'ancienne ministre du gouvernement péquiste commentait le scandale des commandites à Ottawa à l'émission de Marie-France Bazzo.
J'ai dû attendre que Madame Beaudoin en finisse avec ce fonctionnaire qui notait au jour le jour tout ce qu'il trouvait suspect autour d’un programme que personne ne connaissait. Après, nous avons pu parler de son dernier livre, une réédition de ses chroniques écrites entre 1983 et 2004. Vingt ans
de vie, d'humeurs, de «montées de lait» comme dit Hélène Pedneault. Elle est comme ça. Toujours à l'affût d'un bout d'information et après, elle pousse les hauts cris ou se réjouit.
Hélène Pedneault, malgré les détours de sa vie, demeure une journaliste, totalement dans sa façon de voir et de regarder les soubresauts du mondepolitique et artistique. Une journaliste qui ne se contente pas de regarderle train s'éloigner avec fracas. C'est plus fort qu'elle. Elle a besoin d'action, d'une cause. Impossible pour elle de jouer à l'indifférente. Elle n'a jamais su résister à l'envie de bondir dans la mêlée pour dire ce qu'elle pense ou pour secouer un événement.
«J'ai besoin d'écrire pour comprendre ce qui arrive et ce qui se passe en moi. C'est ma manière de me centrer, d'avoir une cohérence», explique-t-elle en allumant sa cigarette. Elle fume. Partout, tout le temps. C'est comme ça. Il faut la prendre avec ou sans.
Filiation
Hélène Pedneault par sa façon de faire reste fidèle à ces journalistes qui épousaient une cause et fondaient un journal pour défendre des idées. Elle cite Olivar Asselin et Arthur Buies pour trouver une cheville ou un point d'ancrage.
Elle est de cette race. Exigeante pour elle et pour le métier, sans compromis, toujours prête à s'indigner et à pourfendre la bêtise. Elle ne fait jamais de quartier. «Je n'ai pas tellement dévié de ma trajectoire si on peut dire. Je l'ai constaté à la relecture de mes chroniques. Je regarde et je crois encore profondément à ce que j'écrivais il y a vingt ans», dit-elle.
Et s'il y a une constance chez elle, il faut se tourner du côté du féminisme. Elle est devenue militante spontanément il y a des années tout à en gardant sa voix singulière. On lui ramène souvent ses «chroniques délinquantes» de «La vie en rose», un magasine qui revendiquait les droits des femmes et montrait à grands traits les travers des hommes. Hélène Pedneault n'y faisait pas de compromis, se moquant même des travers du féminisme. Elle a le regard d'un aigle et sait trouver le grain de sable dans l'engrenage.
«Je suis peut-être plus exigeante pour l'écriture mais c'est normal. J'utilisais des expressions un peu excessives alors j'ai calmé mes ardeurs avant la réédition. Je parlais de génocide culturel par exemple. J'ai changé cela. C'est fort le mot génocide.»
Hélène Pedneault allume une autre cigarette et gesticule. Elle a choisi des chroniques de «La vie en rose», du magasine «Guide ressources», des textes lus à Radio-Canada et envoyés au magazine «Voir». Un mélange qui illustre bien sa constance. Oui, Hélène Pedneault a changé souvent de véhicules. «Je ne fais jamais fait de compromis, jamais. J'ai quitté parce que ce sont eux en quelque sorte qui me quittaient. Il y a des principes que je ne peux renier.»
Elle parle de ses textes avec passion, dit qu'elle aimerait aller vers la fiction maintenant. Elle a même écrit un polar pour la jeunesse, une autre de ses grandes passions de lectrice boulimique. Il y a encore un roman. «Toutes les formes d'écriture m'intéressent», dit-elle. Hélène Pedneault a touché à tout cela dans ses chroniques. Elle s'amuse, rigole comme à une fête entre amis, répète qu'il faut croire à l'avenir. «Devenir un pitt-bull quand on croit et ne jamais lâcher», lance-t-elle dans un grand rire. Elle est capable de nous faire croire en demain malgré toutes les menaces.
Le livre
Hélène Pedneault a regroupé une centaine de chroniques pour constituer un livre où le lecteur y trouvera des questions aussi sérieuses que l'indépendance du Québec mais aussi des constats sur la vie des femmes et des hommes, leur évolution au cours des vingt dernières années au Québec. Nous ne sommes jamais loin de la vie d'Hélène Pedneault non plus. Nous la suivons dans son petit domaine de Saint-Zénon, près du lac Sébastien, qui deviendra le sujet d'un livre de réflexions et de méditation presque. Elle ne rate jamais une occasion de retourner dans son enfance à Jonquière. Elle parle de son père avec tendresse, trace un portrait de sa mère. On y apprend le plaisir qu'elle a eu à découvrir le monde et à tout savoir. Les livres ont toujours été au centre de sa vie.
«Je n'ai jamais été capable de tenir un journal au jour le jour et je me suis aperçu en relisant mes chroniques que je racontais ma vie, que je la fouillais pour la comprendre à travers les événements politiques.»
Elle y explique sa passion pour la chanteuse Barbara, sa découverte des écrits de Simone de Beauvoir qui vont bouleverser sa vie. «Il faut parler de soi pour parler des autres», ajoute-t-elle. Oui elle bouscule, heurte, dérange et nous fait avaler souvent de travers. Elle n'a pas son pareil pour nous montrer nos travers, des habitudes, des façons de faire qui font que la planète se sent mal, qu'il y a des guerres à répétions.
« Plusieurs des textes que j'ai fait pour l'émission de Bazzo, je les ai repris en monologue sur scène et les gens qui écoutent croulent de rire à chaque fois. Ça passe très bien. C'était fait pour être dit.
Il faut lire ce gros bouquin plein de dénonciations, de charges et de réflexions pertinentes. Prendre son temps, laisser mijoter certaines chroniques pour bien les savourer. Il faut écouter Hélène Pedneault quand elle parle des analphabètes au Québec, sa hantise. On ne rit plus. C'est aussi cela la manière d'Hélène Pedneault. On l’aime avec ses élans, ses colères, ses «montées de lait», ses charges. Une grande humaniste.
«Mon enfance et autres tragédies politiques», journal intime et politique d’Hélène Pedneault est paru chez Lanctôt Éditeur.