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jeudi 4 mai 2006

John Saul livre une réflexion essentielle

John Saul, particulièrement depuis «Les Bâtards de Voltaire», questionne la société occidentale, défait des mythes et des fausses croyances. Dans les «Bâtards», il démontrait clairement que les postulats qui ont justifié les actions des Jésuites menaient aux pires extravagances. La raison et la logique masquent souvent une «irrationalité» terrifiante. Cette pensée tant glorifiée en Occident glisse sur des dogmes qui poussent vers les catastrophes.Saul continue son questionnement dans «Mort de la globalisation». Il s’attarde cette fois à la pensée économique qui a marqué les trente dernières années. C’est peu trente ans dans l’histoire des sociétés, mais assez pour provoquer des ravages terribles.
À partir des années 70, la  plupart des gestionnaires et des économistes ont cru que des échanges commerciaux «affranchis» des États, des frontières et des barrières tarifaires apporteraient richesse, liberté, démocratie, paix et recul de la pauvreté. Nous avions enfin la clef de l’Age d‘or. Les échanges commerciaux se sont multipliés à un rythme étourdissant et la spéculation est devenue un sport pour les nuls. Cette croyance a justifié les fusions, les intégrations et les entreprises sont devenues monstrueuses, échappant aux pays et à toutes les lois. «Great is beautiful» pour parodier Schumacher.
Trente ans plus tard, la privatisation, la productivité, l’excellence et la compétitivité ont fait en sorte que les pauvres sont de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches. Des entreprises «éléphantesques» ne paient plus d‘impôts et se cannibalisent. La spéculation devenant un véritable cancer.

Nouvelle-Zélande

John Saul fouille, questionne, cite des exemples, jongle avec ces chiffres dont nous sommes si friands. La Nouvelle-Zélande, que la Banque mondiale du commerce citait en exemple, demeure un cas troublant. Le gouvernement a liquidé et privatisé plus de quarante entreprises d’État. Le commerce et l’entreprise privée règleraient tous les problèmes sociaux et économiques, croyait-on. Résultats : pauvreté accrue, recul des salaires et dette extérieure doublée. Les élus ont fait marche arrière pour réglementer. L’Argentine, après avoir privatisé sa société nationale du pétrole, crée une nouvelle entreprise d’État.
La Malaisie s’en tire et la Chine connaît un essor économique formidable parce qu’ils ont refusé les diktats de la Banque mondiale du commerce. Ces états dictent les manières de faire et encadrent le commerce.
Les ténors qui réclament la privatisation de la Société des alcools du Québec ou d‘Hydro-Québec devraient lire John Saul. Les gourous de la productivité, telle la présidente de la Chambre de commerce de Montréal, qui répète que la mondialisation est inévitable, auraient avantage à se tourner la langue. Les traités se font à sens unique, nous l’avons vu dans le conflit du bois-d’oeuvre entre le Canada et les États-Unis. Est-ce encore du libre-échange quand il faut payer un milliard pour vendre son bois?
«Et les mécanismes de production et de commerce ont changé parce qu’un dollar faible signifiait que les Américains, du fait du boom de leur économie, ont pu s’emparer d’entreprises canadiennes avec une décote de trente pour cent et convertir l’accord bilatéral en stratégie fiscale.» (p.139)

Retour de l‘état

John Saul démontre que le commerce doit être au service de la société et non l‘inverse. Le bien commun des citoyens doit prédominer et c’est ainsi que l’on combat la pauvreté, les distorsions entre les régions et les continents.
L’essayiste, également romancier, prévoit la résurgence des états-nations. Les économistes qui réclamaient l’abolition de toutes les frontières et la non-intervention des gouvernements devront ajuster leurs discours. Il faut revenir aussi à des dimensions plus humaines et reprendre une économie abandonnée aux méga-entreprises.
«Le défi aujourd’hui est à la fois plus complexe et plus intéressant. Il se pourrait que nous soyons désormais non seulement à la fin de la période globaliste, mais aussi à la fin de la période rationaliste occidentale et de son obsession des structures claires et nettes dans tous les domaines.» (p.373)
Une réflexion essentielle pour ceux et celles qui commentent l’actualité. Et n’en déplaise aux «jovialisants» de la région et d’ailleurs, l’humanité devra se tourner vers l‘écologie et le développement durable si elle veut un avenir. Les Organismes non gouvernementaux (ONG) et les «verdoyants» dessinent le futur de la planète. «Mort de la globalisation» est un plaisir d’intelligence et de lucidité.

«Mort de la globalisation» de John Saul est paru chez Payot.