Nicole Houde, dans «Bancs publics», présente Pierrot le chat, Jean-Eudes, un ami trop tôt parti, Paul-Émile, l’inventeur de «la machine à réconforter» et sa mère qui a atteint «le bout de son âge».
L’écrivaine jongle avec la théorie de l’évolution des espèces, certaines idées de Karl Marx, la théorie du Big Bang et s’infiltre dans le jardin d’Éden où les pommiers «du Bien et du Mal, de la Connaissance et de la Putréfaction», trahissent les secrets. Madame Houde convoque sa Majesté le vent et les chats volants, les fées et les mages. Il n’en faut pas plus pour croire à la révolution ou l’évolution...
L’imaginaire oui, mais il cède devant la réflexion. Un banc au Jardin botanique de Montréal, un arbre perdu dans ses fleurs, un étang, des papillons et il est alors possible d’oublier la respiration difficile et le pas plus lourd.
Le lecteur qui fréquente l’oeuvre de cette écrivaine reconnaît des thèmes qui marquent une oeuvre romanesque très dense. Le passé surgit entre deux gestes, deux mots, un sourire ou un éclat de rire. Les disparus tournent sur la pointe des pieds et chuchotent à l’oreille des vivants.
«À cet instant, tu n’es plus seule sur la route. Tu sens sa présence. Il arrive parfois que des cailloux nous racontent une histoire et dépose le souffle chaud d’une ombre au creux de nos mains.» (p.124)
Gravité
Même en s’amusant, Nicole Houde ne s’éloigne guère de la gravité qui leste ses ouvrages.
«La mort, la vie et tous ces liens ténus qui nous rattachent aux autres ; il s’agit parfois d’un chapeau, d’une rose, d’un chat ou d’une rivière. Variations d’une partition musicale puisque le langage est, parmi ces liens, le plus fondamental.» (p.46)
Des surprises comme toujours, des bonheurs à lire et relire.
«La terre demeure l’ultime interlocutrice de nos conversations. Nous faisons semblant de ne pas l’entendre. Elle réplique en nous donnant de la neige, du soleil, des ancolies et des épervières. Quand nous l’avons suffisamment rendue abstraite, la terre nous regarde avec les yeux d’un homme ou ceux d’un chat.» (p.17)
Il suffit d’une phrase et Madame Houde fait prendre conscience que respirer est un miracle.
«Comme chaque être humain, je suis une histoire contenant beaucoup d’hiers et une foule de personnages ; les miens se frottent l’âme contre l’épais pelage d’un chat musicien. Il s’appelle Pierrot à cause des clairs de lune. Je lui parle de mon père, né et mort d’une soif sans bon sens, je lui parle de ma mère couchée dans une nuit dont elle ne reviendra pas.» (p.32)
Nicole Houde a l’art d’aborder les choses les plus amusantes et les plus graves avec des images qui figent. Il suffit de s’abandonner entre les rires et la réflexion pour saisir une autre facette de cette écrivaine incomparable. Un bonheur.
«Bancs publics» de Nicole Houde est paru aux Éditions de La Pleine lune.