Nombre total de pages vues

Aucun message portant le libellé Marcel Jean. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Marcel Jean. Afficher tous les messages

samedi 12 avril 2003

Le pays idéal et parfait existe-t-il?

Jean Marcel a adopté la Thaïlande il y a une dizaine d’années. Il nous avait fait le plaisir de nous redonner les grands mythes fondateurs de ce pays dans «Sous le signe du singe» en 2001. Cette fois, par des lettres, il nous présente la Thaïlande qui l’a subjugué au moment où il mettait les pieds dans l’aéroport de Bangkok. Le «pays des hommes libres» si on se fie à sa traduction.
Jean Marcel, dans huit missives, aborde différents sujets. Comment il a découvert la Thaïlande, ses caractéristiques, la religion, la langue, la cuisine, le système politique et les préjugés que les Occidentaux entretiennent devant ce monde si différent.
C’est presque trop beau. On hésite un peu, méfiant. Et si Jean Marcel exagérait et décrivait un monde qui n’existe pas? Des millions de gens souriants et calmes, des pacifistes mais aussi des individualistes indomptables qui préfèrent la fuite à l’affrontement. Est-ce possible?
«Ce sourire n’était pas de simple politesse à l’égard d’un étranger que l’on accueille, il révélait le fond du puits de l’âme, pas seulement de l’âme de la personne qui l’émettait, mais de tout un peuple qui l’affiche à tout moment, à tout propos, à tout venant. C’est un univers entier, en effet, qui sourit dans chaque Thaï : c’est le fondement de la culture thaïe, et si on ne l’a pas compris, on ne comprendra rien à rien.» (p.25)
Le lecteur s’abandonne rapidement à ce guide enthousiaste. Il s’ébahit avec Jean Marcel et partage sa joie. Un pays où les hommes se font moine plutôt que militaire ne peut qu’étonner.

Pays idéal

Il existe peut-être le pays idéal et Jean Marcel le décrit. Un petit livre qui fait rêver et espérer. La Thaïlande est un état moderne dont il faut s’inspirer. Oui, un pays pacifiste a sa place dans ce monde d’échanges planétaires. Il faut croire que le modèle occidental fait d’affrontements, de guerres et de violences peut être cassé. Il serait peut-être possible de changer les hommes et les femmes…
«On comprend dès lors qu’un culte fondé sur la connaissance ( de ces quatre vérités ) tienne pour le mal absolu l’ignorance ( dont Marx plus tard dira aussi, comme le Bouddha, qu’elle est la source de tout mal ), et que de l’ignorance naisse l’incompréhension du monde qui engendre la colère… mal absolu dans la société thaïe.» (p.53)
La connaissance peut tout changer. Le mal absolu se nourrit de l’ignorance. Nous n’avons qu’à suivre l’actualité pour nous en convaincre.

«Lettres du Siam» de Jean Marcel est paru aux Éditions de L’Hexagone.

mercredi 14 août 2002

L’imaginaire existe depuis toujours

Certains écrivains, ici comme ailleurs, éprouvent le besoin de revenir aux textes fondateurs, à des poèmes et des épopées qui sont considérés comme les assises de l'imaginaire des grandes cultures de la planète.
Michel Garneau et Alain Gagnon ont aussi trouvé le temps de fréquenter «Gilgamesh» pour notre plus grand bonheur.
Jean Marcel, dans «Sous le signe du singe», renoue avec un texte qui remonte à mille ans avant notre ère. Un récit mythique du Ramakien qui met en scène Hanouman qui aurait inventé l'écriture. Un long poème où les cultures du Sud-Est asiatique prennent racines.
Ce récit foisonnant et luxuriant fait défiler des centaines de personnages, m’a entraîné dans le monde aérien, au fond des mers ou descendre dans les entrailles de la terre. Un univers où les géants gardent les montagnes, où des singes sèment la guerre et s'unissent aux humains pour engendrer des êtres à la fois humain et animal. Tout est possible dans un tel récit. Comme si les dieux n'avaient pas complété leur oeuvre et que, un peu fatigués, ils avaient abandonné le chantier. Un monde grouillant, suintant, étonnant, toujours en train de muter et où les humains n'hésitent jamais à se mêler des affaires des dieux.
Jean Marcel témoigne bien de ces glissements dans sa poésie, son style contenu qui nous pousse dans la démesure de ces grandes guerres qui ont, semble-t-il, été de tout temps.

Abandon

Le lecteur doit oublier ses références et braver un monde magique, un monde que la Renaissance a définitivement ligoté en Occident. Ici, un singe blanc culbute une armée d'un souffle, plonge toute une cité dans un profond sommeil, se change en femme pour séduire un guerrier, utilise toutes les ruses pour parvenir à ses fins. On se fait la guerre comme on fait l'amour, on se tue pour les yeux d'une femme ou encore par goût tout simplement. Les grandes confrontations seront celles où s'opposent les magies qui tiennent lieu d'armes. Une mythologie grouillante, folle, pleine de trouvailles et d'inventions que bien des cinéastes ont retrouve et fait revivre.
Je n’ai même pas sourcillé quand quand je me suis retrouvé devant un géant à plusieurs têtes et un guerrier à sept bras. Dans cette dimension tout est possible, tout se transforme. Il est possible de construire un pont sur l'océan, de culbuter une montagne d'un revers de la main. Le merveilleux flirte avec la réalité, l'immortalité toujours possible.
«Aucun poète ne saurait chanter les mille beautés de cette fée, fille de Monto ; Rama en fut plus qu'aucun autre ébloui. Son visage brille en plein jour comme mille étoiles la nuit, ses yeux ont la modestie du daim, sous des sourcils aussi clairs que les horizons du monde ; sa chevelure est un bouquet de fleurs odorantes en même temps qu'un buisson de flammes ardentes ; tout son corps luit dans la lumière comme un fruit de la saison. Lorsqu'il leva enfin les yeux sur elle, Rama l'aima. Et Sita, comme si elle le connaissait depuis toujours, l'aima à son tour.» (p.55)
Il faut s'abandonner au plaisir et se laisser bercer par des images qui glissent l'une dans l'autre et nous décrivent une terre en gestation, un monde où le visible et l'invisible se confondent. Comme si nous étions à la naissance de l'invention et que tous les devenirs étaient là en friche.
Une lecture de ressourcement et un baume sur notre imaginaire qui est si bien ligoté dans les genres et les formes maintenant. Jean Marcel a le grand mérite de nous rappeler que l'art et l'écriture étaient, au commencement, une porte qui donnait sur un vaste espace de découvertes. Aucunes barrières, aucune limite! Nous retrouvons là le sens premier de la création qui a permis que l'Univers soit.

«Sous le signe du singe» de Jean Marcel est paru aux Éditions de L'Hexagone.