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mercredi 20 avril 2005

Élisabeth Vonarburg a eu du mal à se retrouver

Élisabeth Vonarburg, en 1980, entrait en écriture. Elle ne cesse d'étonner depuis avec des romans, des nouvelles et des traductions. Elle demeure une dynamo en construisant une oeuvre solide, fascinante et originale.
Et voilà «La Reine de Mémoire», une histoire qui a pris des proportions imprévues, qui donnera quatre romans et plus de 2000 pages. Le projet a pris une telle ampleur que l'éditeur a dû retarder la parution du premier tome à quelques reprises.
«Trois fois j'ai repoussé la publication et mes lecteurs s'impatientaient. J'ai reçu des courriels», raconte Élisabeth Vonarburg dans son refuge de la rue Belleau à Chicoutimi. Un chat tacheté passe, indifférent à nos propos.
L'impression de vivre une scène du roman «La Maison d'Oubli». «Vous m'avez complètement contaminé», lance l'écrivaine en parlant des membres de l'Association professionnelle des écrivains de la Sagamie. Mme Vonarburg fait référence aux écrivains qui se laissent porter par leur histoire, des personnages qu'il faut suivre.
«Je n'ai jamais fait cela. Je travaille sur la fresque où tout est prévu et contrôlé. Je n'improvise pas. Je planifie à quatre-vingt pour cent. Et là, ce fut le contraire. Tout était prévu dans Tyranaël mais là... »

Expérience

Élisabeth Vonarburg se frotte la tête et semble revenir d'une expérience un peu douloureuse.
«Je prévoyais un gros roman, mais tout m'a échappé. Des heures de remue méninge et de discussions. Mon copain Denis et moi inventions des mondes, des situations et explorions des pistes», dit-elle. Comme s'il fallait trouver un terrain où installer son histoire et faire vivre ses personnages.
«Tout est parti d'un rêve. Il y avait une grande carte magique qui nous transportait ailleurs quand on la perçait. C'était là, la tour et le saut dans le vide. Les rêves de Pierrino et Senso dans le roman. Un rêve que j'ai fait après la mort de ma mère», raconte-t-elle.  Élisabeth Vonarburg demeure attentive aux rêves, les questionne, les pousse dans tous les recoins pour tenter d'y trouver un sens. «À ce moment-là, j'étais convaincue qu'en n'ayant plus de parents, je ne pourrais plus écrire. Et j'ai fait ce rêve. Une carte immense qui avait la texture d'une peau. C'est l'origine du roman qui passe dans quatre tomes», explique Mme Vonarburg.
Comme si cette histoire était venue la rejoindre par l'inconscient.
«Le sujet et l'époque se sont imposés. Tout de suite! Cette fois, je ne pouvais me permettre de tout inventer comme avant. Je devais respecter des faits historiques. J'ai fait un appel à tous par Internet et j'ai reçu des livres qui racontent l'histoire de Lyon. C'était en plein cela. L'histoire officielle mais des poussées pour faire place à mon imaginaire. Jésus et Sophia par exemple, les jumeaux. Les catholiques ou les christiens ont toujours eu du mal avec le corps et je voulais explorer autre chose. La dualité des jumeaux me fascine. J'ai refait le monde tout en gardant des aspects familiers pour que le lecteur ne s'égare pas trop», dit-elle encore.
Le roman est devenu un véritable jardin sauvage, à l'image des pins mungo qui bouchent tout l'avant de sa maison. «Ce fut difficile parce que je ne travaille pas comme cela. J'ai retardé la publication pour écrire tout l'ensemble. Ce n'est pas complet, mais je sais où je m'en vais. Surtout que c'est mon roman le plus autobiographie, le plus personnel», ajoute-t-elle.

«Reine de Mémoire, La Maison de l’Oubli» d’Élisabeth Vonarburg est paru aux Éditions Alire.

Élisabeth Vonarburg s’inspire de son enfance

«La Maison d'Oubli» d'Élisabeth Vonarburg, premier tome de la série «Reine de Mémoire», touche d'une façon particulière.
Le lecteur ne sera jamais dépaysé même si l'écrivaine l'entraîne dans une «fantaisie historique». L'histoire s'amorce en 1780 en France, dans une petite ville près de Toulouse. Les personnages vivent du commerce ou en travaillant la terre. Les Mages, ceux qui ont des talents et peuvent utiliser différentes formes de magie, dirigent une communauté plutôt paisible. Plus au nord, les christiens ont un lien direct avec les catholiques que nous connaissons mieux. Une guerre vient de prendre fin. Voilà l'aspect géographique et historique du roman.
«J'ai beaucoup puisé dans mon histoire, celle de ma grand-mère qui est d'origine asiatique. Mes demi-soeurs vont lire ce roman d'une façon particulière», explique l'écrivaine qui a toujours fait des efforts pour maquiller ces aspects dans ses romans antérieurs. «J'ai toujours puiser dans mon environnement ou mon histoire mais pas autant que dans «La Maison d'Oubli»», précise-t-elle.

Processus

«Je travaille toujours avec des lecteurs. Des hommes au départ. Certains parlaient de l'histoire, d'autres des personnages. Quand j'ai fait le même exercice avec des lectrices, elles me suivaient avec enthousiasme», explique la romancière en préparant le café.
Le gros chat impassible circule lentement, avec application, sans un regard.
«Je lance des perches, mais cela ne veut pas dire que je prends toutes les suggestions. Certains  demandaient des éclaircissements, des précisions mais pas de transformations importantes», explique la romancière en mentionnant qu'elle vient d'acquérir un tout nouvel ordinateur. «Et c'est la première fois que j'ai une file de lecteurs au salon du livre de Québec. Je suis arrivée et ils m'attendaient avec mon roman sous le bras», dit-elle en s'amusant de la scène.
L'ordinateur, elle l'apprivoise lentement. Nous revenons à son roman et à l'histoire.

Des enfants

«Mes personnages principaux sont des enfants parce que cela nous permet de tout découvrir en même temps qu'eux. C'est un vieux truc. Les enfants posent des questions comme les lecteurs en fait», dit elle.
Un langage aussi, on y revient toujours quand on discute avec un écrivain.
«Je voulais respecter l'époque. Je me suis beaucoup inspiré de mon vieux «Lagarde et Michard» pour la langue et évoquer l'époque. Une belle bataille avec la correctrice mais comme elle me suit depuis des années, on finit toujours par s'entendre», raconte la romancière. Une manière de constater comme Élisabeth Vonarburg aime tout maîtriser quand elle se lance dans l'écriture.
Un roman où tout arrive imperceptiblement. «C'est la manière Vonarburg et les lecteurs doivent s'habituer. Je pense que j'ai une écriture très cinématographique. Ce sont des blocs qui avancent, des descriptions qui en font rager certains mais je suis comme cela», tranche-t-elle.
Le second volet est déjà quasi terminé. Deux romans par année pendant deux ans. «As-tu hâte de lire la suite?», lance-t-elle, un peu espiègle. Bien sûr. Les jumeaux Pierrino et Senso, et surtout la jeune Jiliane, la troisième pointe du triangle, sont de bons guides. Vivement la suite! Mais je devrai attendre jusqu'en novembre.

«Reine de Mémoire, La Maison de l’Oubli» d’Élisabeth Vonarburg est paru aux Éditions Alire.