Défi
Paul M. Marchand fait la guerre à sa manière, défie les tireurs, fonce à toute vitesse dans Beyrouth pour se sentir invulnérable et plus vivant que vivant. Il ira même jusqu'à narguer les tireurs, s'offrant comme cible, pendant toute une chanson de Mike Jagger. Défi, étourderie d'adolescent qui, par fanfaronnade, tente le diable jusqu'à ce qu'une balle lui rappelle qu'il est humain. Rien d'autre.
«Il y eut un éclair brisant. Aveuglant soleil blanc comme un flash gavé de magnésium, acéré et suramplifié d'une luminescence intempérée. L'intérieur de la voiture s'étira pour résorber sa constellation prisonnière. Dans la lumière magnifiée, une explosion mate, assourdie, précocement éventée, sécréta des ondulations spasmodiques en rumeurs de dégâts fulgurants. Calquée sur l'éblouissement, la détonation fut incisive, inédite. Des myriades de fissures étincelantes grêlèrent ma vue et griffaient mes rétines.» (pp.79-80)
Le livre n'est pas sans intérêt. Parfois, au détour d'une rue, derrière un tas de gravats, le lecteur est ébloui. Une complicité se dégage au coeur même de l'enfer. On s'attendrit sur ce guerrier solitaire qui, tout en visant tout ce qu'il y a de vivant devant lui, récite de la poésie. Bouffée surréaliste. Que dire aussi de ce «Cimetière au lion» qui, de véritable havre de verdure qu'il était, devient charnier envahi par les morts qui s'entassent et s'empilent.
Image choc de la guerre.
Quelques réflexions sur le travail du journaliste, sur le sens de l'histoire, quelques confidences sur sa vie mais surtout des pages et des pages où Paul M. Marchand étale sa suffisance, son mépris et son dédain pour l'humanité. Il est de la caste des élus et les militaires, les fonctionnaires, les journalistes qui s'agitent autour de lui ne sont que des minables. Personne n'échappe à la vindicte de Paul M. Marchand. Il a la gâchette rapide et rate rarement sa cible.
«Ces pitoyables comiques, formatés pour orbiter comme des mollusques autour des porte-parole officiels et recracher en petits télégraphistes domestiqués leurs divers comptes rendus institutionnalisés, lorsqu'ils réintègrent leurs rédactions après leur visite guidée.» (p.68)
Écriture
Récit publié dans la collection J'ai Lu |
«J'arpentais en équilibre ébréché des sentiers explosifs entre les foules solitaires de maisons orphelines. Les émincés de charpentes, de murs, de balcons, de proches, suggéraient une logique de passions, une logique de périls. Toutes les ruines étaient arrêtées, mais les effrois passés toujours tourbillonnants, épouvantés de leur propre immortalité.» (p.21)
La modération aurait bien meilleur goût dans un tel récit. Pour quelques moments de grâce, nous devons subir cette écriture gavée aux stéroïdes. Et de grâce, qu'on ne compare pas Paul. M. Marchand à Ernest Hemingway. S'il vous plaît...
«Sympathie pour le diable II, Morituri te salutant» de Paul M. Marchand est paru chez Lanctôt Éditeur.