Claire Varin, dans «La Mort de Peter Pan», revient sur un amour de jeunesse. Malcolm Wendell Walker est mort à trente ans. Né de père irlandais et d’une jeune anglophone de Montréal, le jeune homme a péri dans l’incendie d’un appartement. Alcoolique, il buvait jusqu’à s’écrouler sur le trottoir, devenant une véritable épave. Un comportement propre à Jim Morrison des Doors et André Mathieu le compositeur et musicien québécois décédé prématurément, tout comme Jimi Hendrix, Janis Joplin, Bukowsky, Sylvia Plath et Émilie Brontë. Et comment ne pas penser à Jack Kerouac! Des étoiles filantes qui ont marqué l’imaginaire de plusieurs générations.
Claire Varin a aimé cet homme et garde de lui une image qu’elle n’arrive pas à oublier.
«Qu’avais-tu de si extraordinaire pour que, après une vingtaine d’années, je décide d’écrire sur toi, à partir de toi, vers toi, si beau et authentique ? Peut-être que de tous ceux qui ont touché mon cœur, tu es le seul à m’avoir aimée follement tout en m’acceptant comme un être libre. Il fallait que notre arbre grandisse avant que ses fruits ne se détachent de leurs branches.» (p.10)
Malcolm allait de conquête en conquête, se saoulait avec une application quasi religieuse. Un obsédé aux instincts suicidaires. Ce «désir d’anéantissement», Nicole Houde dans «Je pense à toi», son plus récent roman, l’a parfaitement décrit. Une sorte de jubilation accompagne ces plongées qui poussent à la limite du possible. Comme un voyage hors de soi.
Enquête
Est-il possible de «revivre» un amour perdu, d’en préciser les contours et les couleurs? Claire Varin se lance dans cette folle entreprise, rencontre la mère de Malcolm, retrouve des femmes avec qui il a eu des aventures, des amis et des connaissances. Elle remonte dans son enfance, son court séjour à la crèche, questionne sa mère Myrtie, visite des lieux pour retrouver l’ambiance de l’époque, invente un mythe autour d’un alcoolique plutôt difficile à suivre dans ses extravagances. Elle ira jusqu’à tenter de retrouver le père qui n’a jamais été là.
«Je suis la fascinée de la mort, ravie par la vie. Je ne veux pas raconter une histoire pour divertir, mais pour approfondir mon propre mystère. Qui est aussi le tien. « Celui qui meurt est celui qui reste » ; d’accord avec l’auteur anonyme de cet aphorisme. On dit que les morts ne reviennent pas, mais ils reviennent. Toi et moi convenons de l’exactitude de cette assertion notée à mon réveil.» (p.118)
Sa quête entraîne la romancière vers l’ésotérique, des médiums qui savent communiquer avec les disparus, semble-t-il.
La mort
Claire Varin tente de cerner cet homme qui s’est consumé comme une météorite. Elle s’attarde à des cérémonies funéraires à travers différentes époques, se penche sur l’Égypte pour étudier la préparation des momies. Mais comment percer les secrets de la mort qui hantent l’humanité sans se retourner vers soi pour se surprendre dans le miroir?
«Toi, tu es mort à trente ans et ton film se déroule dans ma tête. J’en suis notamment la recherchiste, la scénariste, la réalisatrice et l’une des actrices, celle pour qui le protagoniste s’embrase au point de lui léguer sa vie, sa mort en fait, sur un plateau d’argent.» (p.198)
Roman étrange, réflexion fort intéressante sur l’écriture, les souvenirs qui s’accrochent à la mémoire. Peut-être que les hommes et les femmes ne peuvent s’empêcher d’inventer des fictions en explorant leurs souvenirs pour les protéger comme des momies.
«La Mort de Peter Pan», malgré ses aspects ésotériques, fascine. Une écriture maîtrisée et un regard sur l’art de vivre et d’écrire qui échappe à la banalité. Claire Varin nous laisse sur une question. «Tout ce temps où je t’ai écrit, Malcolm, suis-je allée vers ta souffrance? Toi, tu m’as accompagnée vers la mienne.» (p.213)
Pouvait-il en être autrement?
«La Mort de Peter Pan» de Claire Varin est paru aux Éditions Québec Amérique.