L’auteur nous transporte à Philadelphie, Paris, Québec, Montréal, Boston, Nantes et Versailles. Des bonds dans l’espace qui oscillent entre avril 1775 et septembre 1783, le temps de suivre des personnages réels et imaginaires qui décident de l’aventure américaine. Les Bostonnais ne décolèrent pas devant les mesures imposées, par le roi Georges III d’Angleterre, qui étouffent les ambitions commerciales de la colonie. Plusieurs escarmouches éclatent ici et là, dont le «Boston Tea Party».
«Dès que la nouvelle arrive en Amérique, l’indignation est générale chez les commerçants qui encouragent le boycott du thé. Des bateaux de la Compagnie des Indes orientales chargés de thé se rendent dans différents ports coloniaux. À New York, les navires sont obligés de faire demi-tour en raison de l’hostilité de la population. À Boston, cinquante hommes déguisés en Amérindiens se glissent à l’intérieur de trois bateaux dans la nuit du 16 décembre 1773 et jettent par-dessus bord trois cent quarante caisses de thé. C’est le Boston Tea Party.» (p.14)
Les révoltés entendent bien voler de leurs propres ailes malgré les embûches et la répression. L’affrontement armé devient inévitable.
Défaite de 1760
Pendant ce temps au Canada, nul n’a oublié la défaite de 1760. Plusieurs sont retournés en France plutôt que de subir le joug anglais. La famille de François Hébert de Courvais, les héros de «Quand tombe le lys», a vécu la fin du régime français et été durement éprouvée. Alexandre, le frère de François, est mort en héros sur les plaines d’Abraham. Sa sœur Catherine a été violée et tuée par les habits rouges. Jean et Alice étaient des enfants lors de ces événements.
Jean voit dans la révolution américaine une chance de refaire sa vie. Criblé de dettes, il doit fuir la France. Alice travaille comme espionne à Philadelphie, usant de ses charmes pour connaître les décisions du Congrès et les intentions des rebelles.
«Comme espionne du roi, elle avait misé énormément sur ces atouts afin de s’élever et enfin devenir l’un des meilleurs agents de Louis XVI. Par sa beauté, sa grâce et son charisme, elle avait réussi à ensorceler plusieurs hommes. Henry, un médecin de Philadelphie et espion pour le compte de l’Angleterre, était le dernier de sa liste et il venait de payer le prix de ses manœuvres.» (p.20)
Plusieurs francophones du Canada voient dans le soulèvement des Américains la chance de prendre leur revanche et de bouter l’Anglais hors du pays, même si le clergé et la petite bourgeoisie restent fidèles à la couronne britannique. Une première invasion des Américains en décembre 1775 échoue. Les Canadiens sont déçus par l’attitude hautaine et méprisante des envahisseurs. Ils ne laissent guère de bons souvenirs dans la population de Montréal et une seconde tentative reste à l’état de rumeur.
Alice et Jean vivent le grand rêve de conquérir le Canada pour affaiblir l’Angleterre et rétablir l’hégémonie de la France. Ils deviennent les yeux et les oreilles de Louis XVI et du général Washington dans la colonie du Nord. Dans la clandestinité, ils subissent la répression impitoyable du colonel Stephen Downer, un tortionnaire. Ils risquent leur vie pendant que le roi de France ne joue pas franc jeu, n’ayant nullement l’intention de reconquérir le Canada. La fin du roman est particulièrement émouvante.
Un thriller
Yves Dupéré fait intervenir des personnages comme Georges Washington ou Benjamin Franklin avec justesse. Des intrigues amoureuses, des trahisons et des rebondissements inattendus tiennent le lecteur en haleine. Il ne peut que s’attacher à Alice et Jean, des héros modernes et fascinants.
L’écriture sans artifices va droit au but cette fois. Un véritable thriller. Une belle manière de présenter une période trouble de ce passé dont on ne parle guère dans les institutions scolaires.
«Un vent de révolte» d’Yves Dupéré est publié aux Éditions JCL.