Barthélémy Courmont a fait de sa vie un voyage et continuera ses
explorations avec sa conjointe. Une manière d’être, de voir, de comprendre
les humains dans leurs singularités et leurs extravagances. Un art de vivre
aussi que de partir ainsi sur les routes du monde pour plonger dans des
histoires qui font la Grande histoire de la race humaine. Il raconte l’un de
ses périples dans Avant Éden, Sur les
routes d’Europe et d’Asie.
Le couple s’aventure d’abord
dans l’envers et l’endroit d’une Europe un peu en marge. Des séjours en
Croatie, en Serbie, au Kosovo et les nouveaux pays de l’Estonie et de la
Lituanie. Jusqu’à la Russie, ce pays inaccessible avec ses tracasseries
administratives. Un bond et voilà la Chine, les pays de la Chine plutôt, avant la
rentrée à Taïwan.
Toujours avec beaucoup de
lenteur, pour prendre le temps de voir, de sentir, d’écouter les femmes et les
hommes, s’attarder à l’histoire de lieux millénaires et peut-être faire éclater
le temps.
Je voyage en bus parce que je n’aime pas les décalages horaires, qui
établissent de manière trop arbitraire des distances si fortes entre nous et le
monde qu’on se résout à ne jamais les franchir, par crainte de ne pouvoir s’en
remettre. Je voyage en bus parce que je n’aime pas les langues étrangères, qui
nous séparent et créent des identités trop souvent superficielles, et qui pour
ajouter au lot nous sont imposées de manière tout aussi arbitraire. (p.11)
Une observation fine des
populations, des conflits qui durent et perdurent, des guerres qui ont balafré
la Bosnie et le Kosovo. Ces tensions toujours là et la population qui cache mal
sa nervosité. Le couple admire aussi le courage des gens qui parviennent à se
redresser après les catastrophes pour reconstruire des cités où la vie reste si
douce, où le temps ne semble avoir aucune emprise.
Plus on explore des lieux merveilleux, plus l’envie d’en découvrir
d’autres se fait pressante, et plus le besoin de retrouver les sensations de la
première fois grandit. Sans doute est-ce la raison pour laquelle certains
estiment que le voyage est une drogue. (p.35)
Des souvenirs douloureux à Auschwitz
avec les camps nazis et la mort de millions de Juifs. L’impensable devenu
réalité. La logique froide de la bêtise.
La Chine
Et la Chine que nous
connaissons mal, si peu. Ce continent garde ses mystères et réserve bien des
surprises aux audacieux. Une nation qui peut maintenant regarder le monde droit
dans les yeux avec une incroyable activité économique.
L’activité règne de façon frénétique ici, sept jours par semaine, jour
et nuit. Comme toutes les villes chinoises, Mongla donne l’impression de ne
jamais s’arrêter, au point de fatiguer les observateurs effarés. Et la fatigue
n’est pas que celle des yeux, mais également des oreilles. Les gens parlent
fort ici. Beaucoup plus fort qu’au Laos. (p.175)
Des habitudes qui peuvent
dégoûter les maniaques de la propreté que sont les Occidentaux.
Il s’agit d’offrir au monde une image de la Chine plus civilisée, pas
celle d’une bande de cracheurs… Mais à Mongla, de telles préoccupations ne sont
pas encore d’actualité. Ici, les cracheurs ont encore de beaux jours devant
eux, les âmes sensibles sont prévenues ! (p.177)
Des populations qui protègent
leurs traditions, des cultures, des villes qui changent d’heure en heure,
semblent toujours se faire et se défaire. La Chine est un pays étonnant, diversifié. Comme ce village où il n'y a que des gens âgés et des enfants. Tous les autres sont partis à l'extérieur pour travailler. Les voyageurs vont de surprise en
surprise avant de se retrouver en Corée du Sud, un territoire qui semble en
perpétuelle transformation.
J’aime le regard lucide et
aimant de Barthélémy Courmont qui
tente de faire tomber les frontières, les différences et les méfiances. Une avancée
dans le temps pour mieux apprécier la diversité humaine de la planète, les façons
de vivre le réel, de chercher le bonheur peut-être. Avant Éden témoigne de la beauté du monde et de sa diversité
malgré l’horreur des conflits, des affrontements où les tueries ne règlent
jamais rien.
Avant Éden, Sur les routes d’Europe et
d’Asie, de Barthélémy Courmont est paru aux Éditions du
Septentrion, 24,95 $.
Ce qu’il a
dit :
Le temps s’est déplacé un peu plus vers l’Est,
laissant derrière lui des mondes de plus en plus uniformes, au bénéfice du plus
grand nombre sans aucun doute, mais au grand dam d’une poignée de rêveurs un
tantinet égoïstes qui se souviennent de leurs aventures épiques dans cette
Europe alors si différente. (p.27)
…
À Auschwitz, il ne peut pas faire beau. Le soleil n’a
rien à faire dans un tel lieu. Il préfère s’arrêter de briller, par respect
sans doute. Difficile d’Imaginer un endroit plus terrible que celui-ci. On peut
chercher loin, argumenter, débattre, mais au bout du compte rien ne peut
rivaliser avec Auschwitz au registre de l’horreur. Une horreur comptable
d’abord : 1,5 million de personnes entrées dans les deux camps, et qui
n’en sont jamais ressorties. (p.75)
…
Toutes les routes du Laos se ressemblent, et celles
au nord du pays, dans les régions difficilement accessibles où le relief est
presque un défi, sont les plus pittoresques, mais aussi les plus difficiles.
Chaque voyage d’une ville à l’autre est une véritable épopée, dont on se
demande à chaque virage comment elle prendra fin. (p.167)
…
Comme dans
tous les villages de Chine, qu’ils soient ou non peuplés de minorités, les
vieux sont en surnombre, exode oblige. Ce sont eux qui prennent soin des plus
jeunes, et assurent leur éducation quand les parents ne sont pas là, pour ne
pas dire en permanence. (p.223)
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