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lundi 17 octobre 2011

Pierre Gobeil atteint un sommet

Peter a dix ans et fonce vers la catastrophe. Plus rien ne va à l’école. Les diagnostics tombent comme des couperets.
«Mon fils de Port-au-Prince. Diagnostiqué dyslexique et dysorthographique avec déficit d’attention dès sa maternelle, il a toujours des difficultés à suivre un programme scolaire et, parti comme ça, il devra sûrement reprendre sa cinquième année.» (p.22)
Pierre Gobeil, l’écrivain que l’on connaît, et son fils s’exilent aux États-Unis, vers Hyannis. Pendant l’hiver, ils vont tenter de reprendre le temps perdu. Les parents se sentent un peu coupable devant ce gâchis scolaire. Que faire? Comment s’y prendre pour que le garçon retrouve sa place dans la société des études?
«Non, à nos yeux, ce ne sont pas l’absence de performances scolaires ou la perte d’un diplôme qui importe, mais le fait que, dans le cas de Peter, il est maintenant malheureux. Pas très malheureux ou encore pas malheureux comme peut l’être quelqu’un qui perd tout espoir, mais assez conscient de ce qui se passe pour nous sembler chaque jour un peu plus triste que la veille et, qu’à seulement dix ans, ça lui arrive de broyer du noir comme ça arrive le jour où l’on commence à réaliser que la vie ne nous apportera jamais tout ce qu’on veut sur un plateau.» (p.23)
De quoi ressasser bien des idées.

Séjour

Ils louent une grande maison où ils vivront à trois. Ils ont apporté Nouky, une petite chienne, un jeune animal qui ne pense qu’à faire la vie difficile à ses maîtres. Tout est calme pendant cette période de l’année. La plupart des résidents sont partis pour le Sud. Les traversiers font la navette entre Martha’s Vineyard et Nantucket. Je connais bien le secteur pour y avoir passé des jours. Des navires réguliers comme les aiguilles d’une horloge.
Français, mathématiques et géographie. Il faut secouer ces matières dont Peter se détache de plus en plus.
«On révise le programme officiel. En tout cas, on se dit qu’on va réviser tout ce qui a déjà été vu en classe, mais je ne suis pas long à me rendre compte qu’on part de très loin et c’est une absence quasi totale de connaissance qui me saute aux yeux lorsque je tente d’élaborer avec mon fils une feuille de route pour les mois à venir.» (p.25)
À peine si le fils peut lire et compter. Il faut tout reprendre, répéter et expliquer. Il l’a suivi pendant des années pourtant. De quoi se questionner sur la société, l’école et tout ce que l’on exige des enfants de maintenant. Impossible non plus de ne pas se retourner pour comprendre l’enfant que l’écrivain était au même âge.
Avant et maintenant. Gobeil note dans son carnet, ne sait où il va avec son texte. Tout se déglingue dans cet hiver de bord de mer, de pluie et de nuages.
C’était mieux ou c’était pire avant. Le père tente de faire progresser le fils qui est de plus en plus «scotché» au téléviseur. Petit à petit, on en apprend un peu sur ce qu’est la littérature pour Gobeil, les sources de certains romans importants, surtout «La mort de Marlon Brando» et «Dessins et cartes du territoire». Et il y a l’histoire de Richard Ford, «Independance» qui le hante. La littérature se profile dans le récit. Le journal de Jean-Pierre Guay que Gobeil apprécie plus que tout.

Progrès
Le moindre progrès devient un exploit. Peter suit des cours de musique, se sent de plus en plus seul dans ce monde en attente. Et les parents de l’auteur vont de plus en plus mal dans ce Saguenay mythique. Le père surtout. L’âge. La vieillesse. Des réflexions sur la vie, la mort, la paternité, l’école, la société, l’écriture parsèment le carnet.
Tout est si fragile. Tout vacille. Si toute société était en déficit d’attention. Si tout était en train de s’effriter. Si on tentait d’en faire trop avec ces enfants.
Rarement Pierre Gobeil n’a atteint une telle émotion dans ses écrits. Avec l’art qu’on lui connaît de s’attarder aux glissements des saisons, des nuages, du temps qui passe et emporte tout, il fascine. Des pages senties et émouvantes. Un récit touchant et juste, vrai, discret aussi. On comprend. Le sujet est délicat. Une magnifique réussite.

«L’hiver à Cape Cod» de Pierre Gobeil est paru aux Éditions du Septentrion.

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