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dimanche 13 juin 2010

Dominique Fortier travaille en archéologue

J’ai eu l’impression de suivre des météorites en m’aventurant dans «Les larmes de saint Laurent» de Dominique Fortier. Me perdre aussi dans le temps et l’espace.
 La trame narrative repose sur des événements historiques et des questionnements scientifiques. La Terre est vivante et raconte la marche de l’univers et des humains. Certains événements sont marquants, l’éruption du volcan Pelée par exemple qui a soufflé la population de Saint-Pierre, sauf Baptiste Cyparis, un miraculé. Augustus Edward Hugh Love cherche à saisir le monde avec des formules mathématiques. Il est fasciné par l’élasticité de la matière. Garance, la musicienne, peut entendre le chant de l’univers. À vrai dire, il est plutôt inutile de chercher à résumer l’intrigue de ce roman polyphonique. Il suffit de se laisser emporter par les grandes lézardes qui s’ouvrent devant soi quand la vie s’y met.
«Ils se marièrent à l’automne, par une journée ensoleillée. La voyant s’avancer vers lui, blanche et rose dans sa robe bleu myosotis, Edward eut l’impression que les planètes et les astres dont sa jeune épouse jurait entendre les secrets entonnaient pour eux une céleste marche nuptiale. Cette intuition se confirma le soir même, quand, échappant à leurs invités, ils sortirent par une porte dérobée pour se trouver seuls dans le parc du manoir, au milieu des arbres qui leur faisaient des témoins silencieux. Levant les yeux, ils découvrirent que le ciel était parcouru de couleurs chatoyantes, comme si un magicien sortait un à un des mouchoirs de soie de la manche noire de la nuit.» (p.155)

Témoin

Les protagonistes captent les flux de l’univers et les soubresauts de l’histoire. C’est que chacun de nous est un émetteur et un récepteur à la fois. Dominique Fortier suit des originaux qui tentent de percer le sens des choses. Il y a aussi des hasards et des circonstances qui font qu’un individu devient un témoin pour le meilleur et le pire. L’écrivaine mélange des personnages historiques et la fiction pour semer le doute dans l’esprit du lecteur.
La réalité est mouvance et changement. La Terre est un palimpseste qui recèle l’histoire des populations et des individus. Il faut seulement écouter pour comprendre. On peut s’attarder à Pompéi par exemple qui a été rayée de la carte par une éruption volcanique pour faire un bond dans le temps. La planète est un musée et témoigne de l’évolution de l’humanité pour qui sait chercher. Des lieux sont de véritables bibliothèques. L’art et la science sont les outils qui permettent toutes les découvertes.

Mémoire

La mémoire permet de dire ce que nous avons été et ce que nous sommes. Rose et William sont les fruits d’une évolution et d’une série d’événements. Ils se retrouvent dans une crypte funéraire du cimetière. Parce que la mort porte la vie et aussi l’inverse.
«Ils sont restés des heures dans le mausolée, la bougie réchauffant les ténèbres. Elle s’est réveillée peu avant l’aube et l’a regardé dormir encore, à moitié dévêtu, sur leurs vêtements roulés en boule. Yeux clos, bouche entrouverte, il ressemblait à une statue. Ses joues s’étaient couvertes pendant la nuit d’une jeune barbe qui piquait un peu. Elle a poussé la porte. La pluie avait cessé, et sur chaque brin d’herbe perlaient des gouttes rondes et tremblantes. Une odeur verte montait de la terre, le ciel à l’est imperceptiblement pâlissait alors que les étoiles réapparues pendant la nuit s’étiolaient une à une dans la clarté naissante. Partout autour d’elle les morts dormaient tandis que dans la ville les vivants lentement s’éveillaient.» (p.329)
Dominique Fortier travaille à la manière d’une archéologue et démontre que la vie est plus que la vie, que le visible masque souvent l’invisible, que le présent trouve ses racines dans le passé.
Un roman étonnant, déroutant parfois mais envoûtant. Une formidable aventure de lecture qui fait valser entre l’histoire, la science et la plus belle des fictions. Un souffle qui emporte le lecteur.

«Les larmes de saint Laurent» de Dominique Fortier est paru aux Éditions Alto. 
http://www.editionsalto.com/catalogue/larmes/  

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