Le récit s’étire sur une
période de sept ans, assez pour qu’Émile, le petit-fils, découvre le monde, s’habitue
à sa sœur Élise et vive le divorce de ses parents. Il y a aussi les
déménagements de sa grand-mère qui louvoie dans des amours qui s’étiolent avec
l’homme invisible et tout ce passé qui l’attend à Cacouna, dans la maison
héritée de sa mère.
Si au départ, j’ai craint de m’aventurer
dans un récit où une grand-mère s’extasie devant son petit-fils, la dernière
merveille du monde, je le sais pour être grand-père, j’ai vite été détrompé.
Découverte
Francine Noël raconte les
grands moments de la vie du jeune Émile qui découvre les mots, les joies de la locomotion
et du nomadisme, les jeux et les histoires. Elle ne lui cache rien. Pas même la
guerre en Afghanistan, Ben Laden le fugitif impossible à trouver, la
contestation étudiante où elle va secouer sa casserole à l’occasion.
«Je t’avais caché ça jusqu’à
présent, mais à quoi bon, tu le sauras tôt ou tard : nous sommes en
guerre. Avec nos voisins, les Uessiens, et d’autres pays copains, nous avons envahi
une contrée montagneuse appelée Afghanistan. Nous y pourfendons le Taliban, un
énergumène barbu qui déteste la musique, le dessin, les livres, le rire, la
danse, les animaux domestiques et les cerfs-volants. Entre autres. Le mot
sinistre semble avoir été inventé spécialement pour lui. Est-ce une raison pour
envahir le pays qu’il terrorise?» (p.16)
«Quand nous jouons avec notre
ménagerie et que tu traces sur le tapis des clôtures et des routes fluviales à
coups de dominos, je pense toujours au grand-père Aimé. Les dominos sont à lui,
je les lui ai chipés lors du partage de nos biens. Il a été mon amoureux après
l’époque du grand-père espagnol et avant celle de la solitude. C’est avec lui
que j’ai rêvé et fait bâtir la maison de Maricourt. Chaque année, au temps des
fêtes, il vient avec la tante Mélissa t’apporter des cadeaux, cette année, il y
en aura aussi pour Élise.» (p.35)
Un récit magnifique, intelligent,
vrai, sensible que j’ai savouré du début à la fin. Et quelle écriture! Comme
quoi il est possible de parler de l’enfance sans s’enfarger dans les clichés et
les lieux communs. Un texte qui parle d’amour avec lucidité et un bonheur
singulier. Une offrande aussi de la grand-mère qui guide doucement ces jeunes humains
dans la fragilité du monde.
«Le jardin
de ton enfance» de Francine Noël est paru aux Éditions Leméac.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire