samedi 18 mai 2013

Francine Noël pratique l’art d’être grand-mère


Francine Noël, après avoir renoué avec sa mère dans «La femme de ma vie», se tourne du côté de ses petits-enfants dans «Le jardin de ton enfance». On le sait, la famille tient une place importante dans l’œuvre de cette écrivaine. Nous avons là le cœur de ses romans et de son oeuvre.

Le récit s’étire sur une période de sept ans, assez pour qu’Émile, le petit-fils, découvre le monde, s’habitue à sa sœur Élise et vive le divorce de ses parents. Il y a aussi les déménagements de sa grand-mère qui louvoie dans des amours qui s’étiolent avec l’homme invisible et tout ce passé qui l’attend à Cacouna, dans la maison héritée de sa mère.
Si au départ, j’ai craint de m’aventurer dans un récit où une grand-mère s’extasie devant son petit-fils, la dernière merveille du monde, je le sais pour être grand-père, j’ai vite été détrompé.

Découverte

Francine Noël raconte les grands moments de la vie du jeune Émile qui découvre les mots, les joies de la locomotion et du nomadisme, les jeux et les histoires. Elle ne lui cache rien. Pas même la guerre en Afghanistan, Ben Laden le fugitif impossible à trouver, la contestation étudiante où elle va secouer sa casserole à l’occasion.
«Je t’avais caché ça jusqu’à présent, mais à quoi bon, tu le sauras tôt ou tard : nous sommes en guerre. Avec nos voisins, les Uessiens, et d’autres pays copains, nous avons envahi une contrée montagneuse appelée Afghanistan. Nous y pourfendons le Taliban, un énergumène barbu qui déteste la musique, le dessin, les livres, le rire, la danse, les animaux domestiques et les cerfs-volants. Entre autres. Le mot sinistre semble avoir été inventé spécialement pour lui. Est-ce une raison pour envahir le pays qu’il terrorise?» (p.16)
Il y a aussi les pièces de théâtre qu’elle fréquente avec son amie Céline, les contes qu’elle transforme, la vie qui bouscule tout le monde, les jours où la grand-mère est «hors d’usage». Francine Noël profite de la chance qu’elle a de revivre des moments qui sont passés trop rapidement.
«Quand nous jouons avec notre ménagerie et que tu traces sur le tapis des clôtures et des routes fluviales à coups de dominos, je pense toujours au grand-père Aimé. Les dominos sont à lui, je les lui ai chipés lors du partage de nos biens. Il a été mon amoureux après l’époque du grand-père espagnol et avant celle de la solitude. C’est avec lui que j’ai rêvé et fait bâtir la maison de Maricourt. Chaque année, au temps des fêtes, il vient avec la tante Mélissa t’apporter des cadeaux, cette année, il y en aura aussi pour Élise.» (p.35)
Un récit magnifique, intelligent, vrai, sensible que j’ai savouré du début à la fin. Et quelle écriture! Comme quoi il est possible de parler de l’enfance sans s’enfarger dans les clichés et les lieux communs. Un texte qui parle d’amour avec lucidité et un bonheur singulier. Une offrande aussi de la grand-mère qui guide doucement ces jeunes humains dans la fragilité du monde.

«Le jardin de ton enfance» de Francine Noël est paru aux Éditions Leméac.

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