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jeudi 4 septembre 2025

MARIE-SISSI LABRÈCHE SURVIT AU PIRE

MARIE-SISSI LABRÈCHE est courageuse. Il le faut pour écrire «Ne pas aimer les hommes», un récit inqualifiable et terrible. Marie-Sissi… Labrèche. J’allais retenir juste son prénom parce que j’ai l’impression de la connaître intimement après quelques pages. Comme si elle était quelqu’un de ma parenté. Donc, Marie-Sissi Labrèche aime les hommes, peut-être un peu trop même. Elle a puisé ce titre dans les sentences que lui répétait sa grand-mère quand il était question de la sexualité ou de l’amour. «Ma grand-mère m’a appris à ne pas aimer les hommes. Elle me disait toujours de me méfier d’eux, que c’étaient des profiteurs, des batteurs de femmes en puissance, des violeurs en série, des maniaques, des pédophiles, des fifis, des sans-cœur qui gaspillaient tout l’argent de la famille à boire comme des trous dans les tavernes…» Des propos que plusieurs de mes tantes auraient pu ressasser parce que, dans ma famille, plusieurs oncles étaient des violents et des agresseurs. Toutes se contentaient de murmurer en serrant les dents : «Les maudits hommes». Ça voulait tout dire, tout ce que la grand-mère de Marie-Sissi répétait à cœur de jour. Voilà, je la tutoie maintenant.

 

Marie-Sissi ne l’a pas eu facile avec un héritage de maladies mentales qui se transmettaient d’une génération à l’autre. La pauvreté des taudis, les coquerelles, les vêtements trouvés ici et là. Pourtant, la fillette réussissait à s’imposer à l’école et à se tenir parmi les plus brillantes ou les plus douées.

Un vrai miracle.

Dans ce récit, l’écrivaine revient sur son enfance, ses ancêtres venus en ville comme des milliers de campagnards québécois pour connaître la plus terrible des misères. Son arrière-grand-père était un déchaîné qui cognait sur tout le monde autour de lui. Il a rendu sa femme sourde à force de la frapper à la tête avant de disparaître un matin pour ne jamais ressurgir, abandonnant sa femme et ses dix-huit enfants. Vous avez bien lu : dix-huit enfants. 

 

«Sa mère se met donc à quêter de porte en porte pour remplir les petits ventres affamés, car il n’y a pas d’aide sociale au début du 20e siècle, elle doit compter sur la bonté de son prochain et le travail de ses plus vieux à l’usine, dont ma grand-mère qui, à quinze-seize ans, doit faire une croix sur son rêve de devenir maîtresse d’école, comme elle disait quand elle était choquée noir : Maudit câlisse de tabarnak!» (p.16)

 

Sa mère, une très belle femme, sera marquée par cette misère et des troubles mentaux. Des dépressions, des tentatives de suicide, l’omniprésence de sa grand-mère qui la protège et la couve parce qu’elle la sait effarouchée du monde et vulnérable.

 

«Ma grand-mère mène maintenant la danse. C’est elle qui a l’énergie et ma grand-mère, c’est un monstre d’énergie. C’est elle le boss. Je pense qu’elle vit sa meilleure vie à ce moment-là. Elle s’occupe du logement, le grand-père en pantoufles avec son plateau-repas sur tréteaux en métal scotché devant la télé la laisse tranquille et elle a ma mère pour lui tenir compagnie, ma mère, sa grande fille adorée qui ne travaille pas, n’étudie pas, sa grande fille à la santé mentale fragile, qui voit des sorcières marcher dans les couloirs depuis sa préadolescence, qui ne sort pas beaucoup, qui reste toujours collée sur papa-maman à dormir, manger du sucre, dormir encore, une espèce de Belle au bois dormant schizo.» (p.21)

 

Malgré tout, la jeune femme, à 22 ans, rencontre son prince charmant. Cette Belle au bois dormant donnera naissance à Marie-Sissi, qui aura un terrible héritage à porter. Il y aura un second père que Marie-Sissi aimera bien, même si sa grand-mère déteste tous les hommes autour d’elle.

 

S’ÉCHAPPER

 

La fillette veut de toutes ses forces s’évader ou échapper à cette fatalité, s’éloigner de cette misère et de la maladie mentale qui peut l’avaler. Il n’y a qu’un chemin à prendre, celui des études pour devenir quelqu’un, pour conquérir son autonomie, avoir toutes les chances de s’affirmer, ce dont les femmes de sa famille ont été privées. 

Elle fait sa vie dans cette famille dysfonctionnelle comme on dit maintenant, rencontre des amies, expérimente des jeux sexuels, les premiers baisers, même si sa grand-mère ne cesse de lui répéter qu’elle doit se méfier et garder les garçons à distance. Elle s’impose dans le sport (une véritable kamikaze au ballon-chasseur) et dans à peu près toutes les matières scolaires. Elle le sait, elle le sent, elle le désire de toutes ses forces : elle va écrire. Elle sera écrivaine, rien d’autre. 

 

«J’ai beau venir d’un milieu de coquerelles, sans culture, remplie de folie, je m’accroche à l’école, je veux devenir quelqu’un, voire quelqu’un d’autre. Je veux quelque chose de mieux pour moi, je veux plus. En tout cas, le gars qui, en plus, arbore une coupe Longueuil, a l’air de m’aimer puisqu’il veut même me fiancer. Je le quitte.» (p.65)

 

C’est ce qui la sauvera. Ne jamais se laisser prendre dans les filets de l’amour, partir, s’éloigner, protéger sa liberté même si le cœur veut lui éclater. Elle fera l’université, deviendra l’écrivaine qui surprend, étonne et envoûte avec son rire et sa façon unique de décrire les pires situations et les plus terribles misères. Le Québec l’adoptera rapidement dès son premier ouvrage : «Borderline», paru en 2000.

 

AMOURS

 

Il y a des professeurs qui lui collent aux fesses et qui ont presque réussi à écraser son envie de bousculer le monde et de s’en tirer par l’écriture. Des obsédés souvent, des contrôlants, des excessifs, des possessifs. Marie-Sissi a l’art d’attirer les hommes un peu détraqués, les bizarres qui cherchent de toutes les façons possibles d’en faire leur chose comme si elle était un bijou ou un objet précieux. 

 

«On a beau se cacher derrière les livres, les jolies fringues, les belles manières, les sofas Roche Bobois, ou Mariette Clermont, quand on a autant d’estime de soi qu’un pot de mayonnaise, on repère et on se fait repérer rapidement par ceux qui nous ressemblent. Les relations se passent d’inconscient à inconscient, les prédateurs sentent leur proie de loin. C’est peut-être cela qui nous a attirés, notre désamour envers nous-mêmes, je dirais bien notre haine, mais ce serait pousser dans mon cas, car je nourris toujours l’espoir de devenir quelque chose de mieux.» (p.140)

 

Un parcours terrible qu’elle raconte à sa façon, avec des rires dans son écriture pour chasser les larmes, pour ne jamais s’apitoyer sur une existence qui ne lui fait jamais de cadeaux. Sans doute qu’elle ne pourra jamais s’éloigner de cette enfance «pas comme les autres» pour s’inventer un passé. Impossible : elle est marquée au cœur et à l’âme. Elle fait avec son héritage, regarde autour d’elle et compose avec ses mots pour se rassurer et respirer. C’est que Marie-Sissi est une rescapée qui a échappé à la misère et à la folie, à tous les pièges de l’amour pour s’installer dans une vie normale, même s’il y aura toujours «un poulet à mettre au four». Un récit saisissant, émouvant et inoubliable. La vie dans ses pires excès, mais aussi dans des coulées lumineuses qui envoûtent.

 

MARIE-SISSI LABRÈCHE : «Ne pas aimer les hommes», Éditions Québec Amérique, Montréal, 152 pages, 22,95 $

https://www.quebec-amerique.com/collections/adulte/litterature/iii/ne-pas-aimer-les-hommes-10801

 

mardi 2 septembre 2025

POUR SALUER VICTOR-LÉVY BEAULIEU

J’AI EU L’HONNEUR d’être présent à l’hommage que tout le Québec a rendu à Victor-Lévy Beaulieu, le samedi 30 août, à Trois-Pistoles. La grande église, qui se donne des allures de cathédrale, était bondée pour les circonstances. J’étais parmi la quarantaine d’artistes, de comédiens et comédiennes, de proches et d’intimes qui ont lu des extraits des livres de Victor ou encore chanté et joué de la musique. J’étais là en tant qu’ami (Je le connaissais depuis 1970) et l’un des écrivains qu’il a publiés aux Éditions du Jour, aux Éditions VLB et enfin aux Éditions Trois-Pistoles. Ce fut deux heures de grâce, des instants comme nous en vivons peu dans la vie. Un moment précieux et unique. Je vous transmets le texte que j’ai fait «s’envoler» dans le chœur de la magnifique église qui était devenu le lieu de tous les possibles et de tous les miracles pour Victor-Lévy Beaulieu.   

 

«1970. Une voix que je n’oublierai jamais au téléphone. 

— Ici, Victor-Lévy Beaulieu des Éditions du Jour. Je vous appelle pour votre manuscrit. Nous l’acceptons.

Silence.

— Monsieur Beaulieu… Je n’ai jamais envoyé de manuscrit aux Éditions du Jour. 

— Vous êtes Yvon Paré… Vous êtes l’auteur de “L’octobre des Indiens”. Nous publierons votre manuscrit.»

— Très bien, merci…

C’est comme ça que je suis devenu écrivain.

J’ai su après que Gilbert Langevin, qui avait emprunté mon manuscrit, l’avait déposé aux Éditions du Jour sans m’en parler.

Et je me suis retrouvé quelques jours plus tard dans le bureau de Victor, rue Saint-Denis, pour signer mon contrat.

Raoul Duguay était à mes côtés pour son nouveau livre «Lapokalipso». J’étais prêt à signer n’importe quoi. Le poète et chanteur s’est mis à discuter les articles, s’attardant à une virgule, un point, une obligation ou une omission. 

La lecture du contrat a duré… longtemps.

Là, j’ai découvert l’immense bienveillance de Victor-Lévy Beaulieu avec les écrivains, leurs manies ou leurs obsessions. Il avait répondu à Duguay en souriant, rallumant sa pipe qui s’éteignait à chacune de ses objections. Il était comme ça avec ses auteurs. Patient, aidant, allant jusqu’à réécrire les contes d’Yves Thériault qu’il a publié chez VLB Éditeur. Des contes écrits rapidement pour la radio par Thériault. 

Et cette fois au Salon du livre de Montréal? J’étais là pour mon roman «La mort d’Alexandre». Le poète Denis Vanier arrive et se met à protester. Ses livres ne sont pas à la bonne place. Il hurle et saccage le stand. Victor-Lévy le calme et ramasse les livres lentement. 

— Ça va attirer les lecteurs, m’a-t-il soufflé en repoussant son chapeau.

Il aimait les écrivains, les poqués, les originaux, les migrants qui venaient des régions comme lui. Il m’a répété souvent qu’il espérait que je serais assez fou pour écrire toute ma vie sur mon village de La Doré, au Lac-Saint-Jean. 

Et bien, je l’ai écouté.

Il n’aimait pas visiter les amis, mais aimait recevoir. Je passais chez lui presque tous les étés, même s’il ne répondait jamais aux appels téléphoniques ou aux courriels. Des nuits, Danielle et moi, à l’écouter parler de ses écrivains, d’anecdotes, de lectures et de textes oubliés. Des personnages qui s’échappaient de son téléroman «L’Héritage» pour venir le hanter et camper sur sa galerie. 

Victor et sa fabuleuse mémoire. 

Je pense à nos tournées dans sa grande Cadillac «aux ailerons lumineux» sur les lieux de tournage de «L’héritage» ou de «Bouscotte». J’avais l’impression d’accompagner un seigneur qui descendait parmi ses sujets. C’est ce qu’était mon ami Victor, un seigneur parmi les écrivains, la mémoire du Québec et la passion de dire «ce pays qui n’est toujours pas un pays», selon sa belle trouvaille.

Allez, bonne route, mon ami! Que Dieu te blesse, comme chante Richard Desjardins.»



jeudi 28 août 2025

FRANCINE CHICOINE S’OUVRE LES YEUX

LE CARNET est certainement une forme littéraire que les écrivains et les écrivaines apprivoisent à mesure que le temps file. Monsieur Archambault pratique la courte nouvelle ou la confidence pour se rapprocher de la méditation, même s’il flirte encore et toujours avec la fiction. Alain Gagnon l’a fait bellement dans «Le chien de Dieu» et je l’ai imité avec «L’enfant qui ne voulait pas dormir». Je pense aussi à Reine-Aimée Côté, à son magnifique «Eux, ces instants d’arrière-cour», et à Rita Lapierre, qui, dans «Territoires habités, territoires imaginés» et «L’infini du regard», a trouvé dans le carnet sa voie d’expression. Francine Chicoine offre depuis quelques semaines un carnet au titre intriguant : «Même si on oublie tout le reste». Ce qui suggère que l’on peut escamoter bien des choses de son parcours, mais que respirer est fascinant et qu’il est toujours temps, dans les soubresauts du quotidien, de faire de grandes découvertes. 

 

Francine Chicoine se plie aux caprices de l’existence comme tout le monde et ce carnet témoigne d’une femme qui connaît des moments difficiles (début de surdité et douleurs aux mains), mais qui demeure aux aguets, s’arrête pour mieux voir son entourage, certains phénomènes qui embellissent la vie malgré les petits inconvénients qui viennent secouer son corps et son esprit. Elle persiste dans ses habitudes, écrit en se demandant pourquoi elle continue de s’acharner parce que ce n’est pas plus facile qu’il y a vingt ans. Et il y a cet espace entre le projet et sa réalisation, le texte qui ne semble jamais à la hauteur, le temps qu’il faut pour sculpter une phrase qui devient un fragment. 

«Je ne cherche pas à m’évader, j’essaie plutôt de m’envahir.» C’est là le propos de Francine Chicoine, qui, dans son coin de pays de la Côte-Nord, s’arrête pour écouter la voix du monde et s’enivrer des grands bouleversements des saisons. Elle oublie les gestes répétés machinalement et regarde pour de vrai, surprend, pendant quelques secondes, un miracle qui se produit dans sa cour et celle du voisin.

 

«Les feuilles tombent tantôt en vrille, tantôt à la verticale, mais toujours dans la clarté du soleil. Plus loin, dans l’érable du voisin, un phénomène semblable. Des feuilles en chute libre du côté éclairé, mais aucune du côté ombragé. J’ouvre la porte pour voir comment se comportent les érables, à l’est de la maison. La même danse paisible du jaune dans la lumière. Le givre est plus léger que l’eau. Réchauffées par le soleil, les feuilles s’alourdissent et tombent.» (p.31)

 

Un moment unique, une sorte de jubilation devant ce phénomène qui se présente comme une épiphanie, là, tout près, dans l’arbre du voisin et le sien. Pendant un court instant, l’écrivaine contemple une danse dans l’œil du jour. 

Ce sont ces moments que Francine Chicoine veut saisir en faisant taire la voix qui tourne dans sa tête. Comment être une conscience qui s’étonne de la beauté du monde, de la seconde qui se déboutonne comme une gloire du matin qui ne dure que quelques heures

S’arrêter, regarder et goûter le présent ou encore un éclat du passé qui s’impose. Un temps rare, celui que Yvon Rivard définit ainsi dans «La mort, la vie toujours recommencée». «… tous mes chats, morts et vivants, qui m’apprennent à communiquer même en étant silencieux, comme si notre rencontre avait lieu dans un autre temps, à être immobile même en me déplaçant, comme si l’espace s’ouvrait et se répandait à l’infini autour de moi.» 

 

MÈRE

 

Sa mère la précède dans l’aventure du vieillissement, elle qui a toujours été une volontaire qui se méfie des mirages du passé et de l’apitoiement qui fait oublier le présent. Une femme qui a des réparties étonnantes.

 

«Maman détestait le verbiage, le placotage et ces conversations où l’on ne parle que de malheurs, de maladie et du passé. Elle habitait la maison du silence. Elle aimait cependant qu’on lui parle, qu’on l’informe de ce qui nous arrivait. Elle ne jugeait jamais ses enfants, peu importe ce qu’ils avaient fait : elle prenait acte, mais n’émettait pas d’opinion. Elle était fière de ses enfants.» (p.27)

 

 «Elle habitait la maison du silence», écrit Francine Chicoine, qui semble suivre ses traces pour mieux goûter le moment présent, pour être tout entière dans son corps et sa tête. Peut-être aussi pour devenir une conscience, un regard et parvenir, pendant quelques minutes, à être un tout petit éclat d’éternité.

 

ARRÊT

 

Pas facile de se centrer quand tout autour de vous incite au divertissement et à l’oubli de soi avec les médias qui nous envahissent. Il faut des efforts pour s’aventurer dans le silence et la contemplation, un endroit calme d’abord, de grands espaces de temps. Et surtout ne pas se laisser emporter par des obligations et des tâches qui sont comme l’eau d’une rivière qui va toujours de l’avant, qui capte vos énergies et vous attire hors de soi. Voilà une forme d’ascèse qui permet à Francine Chicoine de devenir celle qui voit, qui respire et qui s’ouvre à la vie. Un arbre qui perd ses feuilles, les corneilles si bavardes, le chat Tango qui ne cesse de la surprendre et de lui montrer le chemin peut-être. C’est au cœur de ces instants que la véritable sensation d’être tout entière se produit. 

 

«Maintenant, j’ai l’impression d’avoir exprimé ce qui, en moi, réclamait un droit de parole. J’entre, dirait-on, dans la poétique des mille petits bonheurs. Rien de majuscule, rien de flamboyant, oh non! Le grandiose étourdit, désoriente, fait perdre la voie. Et quand on perd la voie, on risque aussi de perdre la voix.» (p.34)

 

C’est peut-être pourquoi nous avons décidé, Danielle et moi, de vendre notre havre au bord du grand lac, notre coin de paradis comme nous disons. Les édens, nous le savons, sont exigeants et demandent beaucoup de soins et d’attention. Se délester des tâches et des corvées, d’un lieu qui finit par vous posséder. Il est temps pour nous de nous mettre à l’apprentissage de l’être, d’occuper toutes les frontières de nos corps et de nos esprits. 

Francine Chicoine en est là dans son parcours. 

Le chat Tango lui donne des leçons et la surprend par ses désirs de félin. Il sera la source du seul haïku de ce carnet.

 

«le ronron du chat

   mes mains peuvent l’entendre

  mais mains seulement» (p.98)

 

C’est ce qui arrive quand on entend moins. Les mains prennent le relais et il y a toujours les yeux. 

 

ABOUTISSEMENT

 

La mort finit toujours par la rejoindre. Celle de ses proches, de son père et de sa mère, de sa sœur qui a recours à l’aide médicale à mourir qui choisit de partir de la plus belle des façons, dans son jardin, dans une sorte de fête où la vie éclate de partout. 

Sa mère lui avait demandé de répandre ses cendres et celles de son mari dans le fleuve. Francine n’est pas du genre à se défiler devant une obligation. Elle longe le «fleuve aux grandes eaux», comme disait Frédéric Back pour dénicher l’endroit idéal où accomplir cette dernière volonté. Après bien des arrêts, elle trouve le lieu où les cendres pourront s’éloigner vers le large dans des barquettes, sans être repoussées sur la berge ou se fracasser sur les rochers. Ce sera là où la petite rivière Godbout se jette dans le fleuve. Elle dépose les urnes dans ses barques et les voilà qui dansent vers la ligne de l’horizon, peut-être pour se faufiler dans l’au-delà.

 

«J’ai très bien vu : deux petites barques blanches qui, par je ne sais quel prodige, voguent l’une à côté de l’autre. Les cendres de ma mère et celles de mon père, ensemble, en direction du large.» (p.116)

 

Ce carnet, je l’ai parcouru tout doucement, pour suivre la démarche de l’écrivaine, m’arrêtant sur une phrase, une histoire, une réflexion ou encore un mot de sa mère. Et je me suis senti là, tout près de Francine Chicoine, comme un témoin ou un proche qui se laisse guider vers la grâce et des instants où la vie nous éclabousse. 

Francine Chicoine nous entraîne dans le vrai, l’authentique, la vie pleine et toute simple qui se présente dans un regard, un geste de la main, un sourire ou un souvenir qui devient autre avec la patine du temps. L’écrivaine sait donner tout leur poids et leur importance aux mots. Tout dans l’être et le présent. Pour saisir la vie à bras le corps et la savourer goulûment. 

Quels beaux moments et quelle leçon de vie! «Même si on oublie tout le reste» permet de s’attarder dans le jour, de faire marche arrière, de fermer les yeux et de faire le tour d’une phrase pour en surprendre toutes les rondeurs. Un ouvrage magnifique, un chemin que je vais emprunter certainement après toutes les turbulences qui ne cessent de me bousculer actuellement. Francine Chicoine pourra alors être l’un de mes guides. 

 

CHICOINE FRANCINE : «Même si on oublie tout le reste», Éditions David, Ottawa, 2025, 144 pages, 19,95 $. 

https://editionsdavid.com/livres/fiche-livre/?titre=meme-si-on-oublie-tout-le-reste&ISBN=9782898660467

vendredi 22 août 2025

LA FABULEUSE AVENTURE D’INTERNET

J’AMORCE CETTE chronique sur la pointe des pieds, comme si j’avais peur de m’enfoncer dans un gouffre. «Load», de Carl. Bessette, fais plus de 400 pages et se présente comme un bloc monolithique. Pas de paragraphes ni de chapitres. Un texte dense donnant l’impression de tâtonner dans une nuit noire. C’est peut-être pour illustrer les étapes qui ont mené à Internet, à ces appareils devenus indispensables et que nous utilisons sans connaître leur origine, que Bessette voulait faire ressentir. Cette aventure fabuleuse passe d’abord par les machines à calculer et le métier à tisser Jacquard qui fonctionnait grâce à des cartes perforées. L’écrivain dresse le portrait de chercheurs et de chercheuses qui ont changé nos manières de faire avec leur imagination et un travail acharné la plupart du temps. 

 

L’histoire de l’humanité est marquée par des découvertes qui ont remplacé la main humaine, source de tout, pour chiffrer plus efficacement et rapidement le temps et les distances, pour fabriquer des objets, pour avoir une meilleure vision de l’univers qui nous entoure et de la place que nous occupons dans le cosmos.

 

«Que ce soit par exemple la cuisine, l’économie, la langue, la survie en forêt, la médecine, l’histoire, n’importe quel sujet, n’attendez jamais qu’on décide de vous l’enseigner; cherchez toujours à devancer le rythme normal d’apprentissage. Si vous faites cela et que votre corps meurt finalement à l’âge de quatre-vingt-dix ans, vous aurez peut-être effectivement connu, dans votre tête, dans votre âme et dans votre cœur, la vie d’une personne de cent dix ans. Il faut vivre dans le futur, toujours. C’est le seul moyen à notre disposition pour accroître le nombre de jours que nous passerons sur cette terre.» (p.21)

 

Peut-être que c’est simplement une tentative de secouer la monotonie de l’existence, d’échapper à la répétition de gestes et de tâches qui exigent toutes nos énergies, ne laissant plus de place à la réflexion. Tout cela en cherchant d’autres manières d’appréhender la matière, d’occuper l’espace et de mieux vivre. Ces prophètes ont bousculé nos quotidiens.

Certains sont devenus des personnages qui transcendent le temps et leur époque. Léonard de Vinci, Isaac Newton, Albert Einstein ou encore Marie Currie sont de ceux-là. Des êtres exceptionnels qui ont marqué l’imaginaire par leur originalité et leurs découvertes. Plusieurs de ces «faiseurs de monde» sont restés dans l’ombre, inconnus du public. 

Tous ont changé nos façons d’être et de voir pourtant. Henry Ford a produit des objets (l’auto) en fragmentant le travail et en faisant de l’homme un rouage d’une grande machine de plus en plus efficace. 

Le téléphone et la radio ont transformé nos liens et nos communications. Toutes ces inventions ont eu comme conséquences de rapprocher le lointain et de le maintenir pour ainsi dire à portée de la main. 

 

TOURNANT

 

L’arrivée de l’imprimerie a été un tournant de notre évolution, transformant l’apprentissage, la conservation des connaissances et la diffusion des idées et des réflexions partout dans le monde. Ce fut un élément incontournable qui a permis la venue de la démocratie, l’égalité entre les hommes et les femmes. 

Que d’expériences et de recherches avant de se retrouver devant l’ordinateur qui est apparu dans ma vie alors que j’étais journaliste débutant. Une machine étrange qui soulevait la méfiance de mes collègues, mais que nous avons adoptée rapidement pour ne plus pouvoir nous en passer. Et après, les réseaux de transmissions de plus en plus efficaces ont fait que le lointain faisait partie de notre jardin. Comme journaliste, je pouvais communiquer avec mes lecteurs dans la journée même. 

Une véritable révolution.

Il suffit de cliquer maintenant pour savoir ce qui retient l’attention à Tokyo ou encore si la pluie et les orages vont perturber nos vacances. Voir partout sur la planète et fracturer le temps pour jeter un regard sur l’avenir, se sensibiliser à l’autre et aux dangers que nous courons. 

Toutes ces inventions viennent des machines à calculer que des penseurs ont transformées, du télégraphe qui a fait en sorte que la voix humaine voyage dans un fil et a pu être entendue dans un lieu plus ou moins lointain. Quelle prouesse que ces communications quasi en direct avec les astronautes qui ont débarqué sur la Lune en 1969! Toutes ces trouvailles ont permis d’accumuler des savoirs et d’avoir plus d’informations sur nos sociétés et nos manières de nous comporter et d’agir avec les autres. 

 

SAVOIR

 

Les recensements permettent d’accumuler une foule de données sur les individus pour savoir leurs besoins, leur origine afin d’adapter les lois et des manières de faire pour améliorer le bien-être de tous. Il fallait dix ans pour effectuer ce travail aux États-Unis avant l’invention de calculatrices performantes. Cela peut sembler banal maintenant, mais à l’époque c’était de la haute voltige.

 

«Hollerith loua 56 machines au Bureau de recensement, qui fonctionnèrent 24 heures par jour afin d’économiser sur la location. Les machines furent livrées en juin 1890, et les premières données furent comptabilisées en juillet. Le 30 août 1890, de splendides images des tabulatrices en action firent la première page du Scientific American. Le décompte de la population (qui s’élevait à près de 63 millions, plus précisément 62979766 habitants), à la surprise générale, fut bouclé en quelques mois,» (p.193)

 

Tout cela grâce à ces machines que l’on améliore et que l’on rend plus performantes et qui finissent par être capables de réaliser de véritables exploits. Il a fallu des essais et erreurs pour parvenir à transmettre des messages de l’Amérique vers l’Europe, ou encore pour inventer les premiers avions. Tout cela pour arriver à s’échapper de l’atmosphère terrestre et à marcher sur la Lune.

 

PERSONNAGES

 

Carl Bessette nous présente des personnages fascinants. Ada Lovelace, pionnière de l’informatique, Nikola Tesla l’inventeur du premier moteur électrique, Alan Turing, qui a fabriqué une machine pouvant décrypter les messages des Allemands pendant la dernière guerre. Sans lui, ce conflit se serait éternisé. Il est considéré comme le père de l’intelligence artificielle.

 

«Dans cet article qui est sans le moindre doute un des papiers fondateurs de l’intelligence artificielle, Turing débutait en posant une question simple : les machines peuvent-elles penser? Il s’employa à répondre à cette question en la divisant en deux sous-questions : qu’est-ce qu’une “machine”? Et qu’est-ce que “penser”?» (p.360)

 

Dans cet ouvrage bien documenté, Carl Bessette fait revivre des épopées mal connues, même si nous utilisons des ordinateurs, des tablettes et des téléphones sans savoir qui a eu l’idée de les créer et surtout de les rendre accessibles à tous. 

«Load» raconte une aventure fabuleuse parsemée d’une foule d’intrigues, d’avancées, d’échecs et de drames.

Des figures fascinantes, des gens qui voulaient un monde meilleur et qui ont frémi en voyant la puissance de la bombe atomique. Tout comme nous hésitons devant l’intelligence artificielle, qui prend de plus en plus de place dans nos activités. 

Enfin, ce désir d’améliorer la vie de tous et de faciliter nos existences a connu de terribles ratés avec la pollution grandissante, des matières impossibles à recycler, les changements climatiques et le réchauffement de la planète. Il reste peut-être, pour nous rassurer, que l’informatique et les ordinateurs sont des alliés indispensables pour contrer les menaces qui pèsent sur la Terre. 

Carl Bessette promet une suite à cette formidable aventure. Je serai certainement l’un de ses premiers lecteurs et j’ai hâte de parcourir les nouveaux chemins qu’il va nous faire explorer. L’évolution de la science et les découvertes qu’elle a permises sont la plus fascinante des histoires.

 

CARL BESSETTE : «Load», Éditions Mains libres, Montréal, 2025, 486 pages, 37,95 $.

 https://editionsmainslibres.com/livres/carl-bessette/load-une-histoire-d-internet-tome-1-les-geants.html

vendredi 15 août 2025

LA PAROLE URGENTE DE NAOMI FONTAINE

J’AVAIS HÂTE de plonger dans le nouveau roman de Naomi Fontaine, cette Innue qui fait son chemin dans le petit monde de la littérature au Québec. Ses livres ont été adaptés au cinéma et au théâtre, ce qui est assez exceptionnel. «Eka Ashate ne flanche pas» nous entraîne dans le quotidien des Innus de la Côte-Nord, qui sont tiraillés entre la vie traditionnelle, les longs séjours dans les territoires de chasse, le Nitassinan, et la vie contemporaine, la société de consommation qui est la nôtre. Déchirés en plus entre leur langue et le français qui s’est imposé avec l’arrivée des Français depuis des siècles. L’écrivaine trouve un écho dans ce récit à ses craintes et à ses angoisses en écoutant ceux et celles qui se souviennent des temps d’avant, des oncles et ses tantes, des gens inspirants, comme sa mère, une femme exceptionnelle, qui lui a montré le chemin en prenant des décisions courageuses.  

 

Naomi Fontaine est née à Uashat et a suivi sa mère quand cette dernière a choisi de quitter la réserve pour s’installer à Québec, où elle pensait avoir une meilleure vie pour elle et ses enfants. Une femme seule qui s’est occupée des siens et qui a fait des études universitaires un peu plus tard. Les enfants ont abandonné l’innu pour le français dans la ville de Québec. Pourtant, sa mère parlait et continue toujours de parler innu à la maison pour leur rappeler leur origine et ce qu’ils sont vraiment, au fond d’eux-mêmes.

 

«Adolescente, je ne saisissais pas l’importance de parler ma langue. Elle me semblait désuète, fragile à l’extrême, en état d’extinction. Pour ne rien arranger, j’étais excellente en français. La meilleure de ma classe jusqu’à la fin de mon secondaire. Mais lorsqu’il s’agissait de bien accorder mes verbes en innu-aimun, de prononcer correctement, c’était de travers que j’y parvenais. Je me faisais reprendre sans arrêt. Je me sentais diminuée… … Ce que je ne savais pas, c’est qu’une langue est plus qu’une langue quand elle est maternelle. Elle offre une vision du monde, au-delà de ce que nos sens peuvent percevoir. En français, on appelle ça la poésie. En innu, c’est nikamun, notre chant.» (p. 129-130)

 

Un roman étonnant où l’on voit l’écrivaine se donner des yeux et des oreilles pour mieux comprendre les membres de sa famille et de son clan; de se rapprocher des aînés qui lui permettent de se réapproprier une histoire et un passé quasi disparus, de ressentir aussi les blessures qui ont marqué la génération de ses parents.

 

ÉCOUTER

 

Se dire en écoutant les gens de son entourage, des amis et des proches, ceux et celles qui ont vécu la terrible tragédie des pensionnats, de ces familles qui se sont brisées sous l’action des dirigeants qui ont littéralement kidnappé les enfants de la forêt pour les enfermer dans les prisons qu’étaient ces collèges. Là, ils devaient renier leur langue, leur culture et tout ce qui faisait leur imaginaire et leur regard sur le monde. Un drame qui a disloqué la communauté innue. Et dire que l’on assiste encore de nos jours à des actes similaires. Les Russes, profitant de l’envahissement de l’Ukraine, ont enlevé plus de 20000 enfants pour les «russifier» et leur faire oublier leur origine. 

 

«Il n’y a pas une journée où nous n’avons pas pleuré en pensant à eux. Ils nous manquaient. Terriblement. Leur absence a creusé un vide dans nos cœurs de mères, dans nos bras de pères, que rien, jamais, n’a pu combler. Ni le travail incessant. Ni les chèques du gouvernement. Ni les journées moins chargées qui nous ont amenés à l’oisiveté. L’oisiveté au désœuvrement. Ni les litres et les litres d’alcool qui nous engourdissaient l’ennui. Nous étions des parents sans enfant. S’il avait été possible que nos cœurs cessent de battre par chagrin, c’est à ce moment précis qu’ils auraient flanché.» (p.161)

 

Naomi Fontaine ressent profondément les propos de ces hommes et de ces femmes blessés dans leur esprit et leur âme, privés de leur pays et de leur art de vivre, de leur progéniture même. 

 

PROBLÈMES


Bien sûr, il y a les problèmes résurgents de l’alcool et des drogues dans la réserve et même quand on tente d’y échapper en s’exilant. On pourrait croire que l’écrivaine est immunisée en connaissant le succès, mais, dans les moments difficiles, des peines qui lui semblent des montagnes infranchissables, des réflexes refont surface. 

 

«Ma mère est revenue de Sherbrooke au mois de février. Quatre mois plus tôt qu’elle ne l’avait prévu. Un soir, je l’ai appelée parce que je n’allais pas bien. Je lui ai dit que je ne savais plus comment m’en sortir. Je ne voyais plus la lumière. L’alcool m’avait enfermée dans l’obscurité. Une fois encore. J’avais mal, donc je buvais pour oublier que j’avais mal. J’avais honte d’avoir bu. Et la douleur revenait. Constante. Plus intense. Je ne lui ai pas demandé de revenir à Ushuat. Je n’ai pas eu besoin de le faire. Elle m’a dit :

Veux-tu que je vienne, ma fille?

Et le simple fait de l’entendre m’appeler ma fille m’a mis les larmes aux yeux. 

J’ai dit :

Oui maman, j’ai besoin de toi.

Elle est arrivée une semaine après.» (p. 155)

 

Tous sont touchés dans leur corps et leur âme en vivant la dépossession. Comment se sentent les Palestiniens actuellement, condamnés à errer dans des ruines?

 

INTERDITS

 

Le Nishimut est interdit, leurs terres ancestrales usurpées par les envahisseurs. Autrement dit, on leur a arraché la raison de leur existence. Et surtout leur façon d’être, des traditions et des rituels répétés depuis des générations qui perdent de leur importance. La chasse, la pêche, la vie en forêt qui devient impossible. Et les plaies du pensionnat encore là, obsédantes et douloureuses. Des hommes et des femmes sans recours bien souvent, mais aussi des figures admirables, comme la mère de l’écrivaine qui ne se laisse jamais abattre et qui a réussi à se faire une petite place dans le monde de maintenant. 

 

«Tout au long de ma vie, j’ai reçu ce qui, selon moi, est essentiel pour créer : de l’espace dans la tête, dans le cœur, dans mes journées. Un espace sûr, plein d’amour, de rires. La sécurité que ma mère m’a offerte m’a permis d’aller au-delà des limites que je croyais possibles. Et dans cet au-delà, dans la création, moi aussi, j’ai trouvé ma voie.» (p.175)

 

Un roman précieux, un récit senti, vrai, humain, émouvant, puisé à même une réalité que les Innus ont vécu et vivent depuis des siècles, avec toutes les Premières Nations de l’Amérique. Je ne peux m’empêcher de songer à ce terrible témoignage, à l’essai «Le génocide des Amériques» de Noema Viezzer et Marcel Grondin qui raconte une histoire d’horreur qui a commencé avec l’arrivée de Christophe Colomb sur une île des Bahamas. 

 

PERSONNE

 

Noami Fontaine se heurte au sentiment de n’être personne, de ne pas avoir de droits, de parler une langue désuète et d’être rejetée par le monde des francophones, où tout est décidé et pensé. Il y a des moments de son histoire qui la hantent.

 

«Ils apprenaient à lire et à écrire avec des crayons et des feuilles de papier blanc. Ils suivaient l’horaire chargé des classes, des repas, des couchers. Ils allaient à la messe tous les jours. Ils récitaient des prières apprises par cœur. Ils ne faisaient rien de ce qu’ils avaient toujours fait dans la forêt. Rien de ce que leur avaient appris leurs parents. Rien de ce qu’ils les avaient vus faire tous les hivers, tous les étés. Mais ils étaient encore méprisés. Ils ont compris que ce qui était méprisable ne devait pas être quelque chose qu’ils faisaient. Ce devait être quelque chose qu’ils étaient. Ils devaient être fondamentalement mauvais. Ils ont commencé à se mépriser les uns les autres. À se mépriser eux-mêmes. À mépriser leurs parents qui les avaient conçus ainsi. Ils ont maudit Dieu qui les avait créés.» (p.33)

 

Tout passe par les mots qui disent la peur, le mépris et le courage qui esquisse une voie vers l’avenir et un futur apaisé. 

La tragédie des peuples autochtones, c’est aussi notre drame, celui des aveuglements et des certitudes qui permettent de nier l’autre parce qu’il est différent. Toutes les horreurs qui marquent l’histoire de l’humanité quand on oublie le partage et le respect se retrouvent dans ce récit troublant. 

L’heure est venue de se dessiller les yeux pour constater l’avidité, la cupidité, la bêtise et la conviction de posséder la vérité des conquérants qui ont tout gâché. L’aventure du Nouveau Monde aurait pu être un tournant et peut-être une manière d’inventer une vie plus harmonieuse avec l’environnement. Je crois qu’il est temps plus que jamais de se taire et d’écouter Noami Fontaine et toutes les voix autochtones qui nous interpellent, de tendre la main à ces opprimés pour apprendre qui ils étaient et surtout ce que nos ancêtres ont fait. Essayer de réparer pour que tous se sentent acceptés et chez eux sur notre bout d’Amérique. Un roman nécessaire qui touche l’âme et l’esprit. 

 

FONTAINE, NAOMI, «Eka ashate ne flanche pas», Éditions Mémoire d’encrier, Montréal, 2025, 192 p., 24,85 $.

https://memoiredencrier.com/catalogue/eka-ashate-ne-flanche-pas/