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mercredi 28 mai 2025

MARIE LABERGE TOUCHE À L’ESSENTIEL

LA VIE fait de bien drôles de choses parfois. Après avoir terminé la lecture de «Ce que murmure ton silence», le récit de Nadia Capolla qui raconte la longue agonie de sa mère, je me suis lancé dans «dix jours» de Marie Laberge, un court roman qui suit une femme qui a recours à l’aide médicale à mourir. Atteinte d’un cancer incurable, il ne lui reste que quelques semaines, au mieux quelques mois. Les grandes souffrances se pointent et la narratrice refuse de s’acharner. Elle a choisi son heure et ses filles, Isabelle et Monica, acceptent plus ou moins bien cette décision. Elle a encore un peu de temps pour contacter des proches qu’elle a perdus de vue, pour vivre intensément avec ses filles et ses petits-enfants, pour laisser la maison en ordre, comme on dit. C’est aussi le moment de jeter un regard dans le rétroviseur, de faire le point sur ses amitiés avec le plus de lucidité possible, de réfléchir au parcours qui a été le sien.

 

Marie Laberge nous entraîne dans le sillage de cette femme pour qui l’amour et la famille auront été la grande préoccupation. Le quotidien avec un mari qui l’a quittée au moment où elle ne s’y attendait guère et des amants, surtout l’un, qui a transformé sa vie. Elle a appris de ses faux pas, de ses deux filles qui sont l’envers l’une de l’autre. Le travail, la profession ou la carrière perdent alors de l’importance devant la mort.

Une femme de tête, un peu rebelle, qui s’imposait et qui pouvait impressionner son milieu. Elle se reconnaît dans sa fille Isabelle, une contrôlante qui accepte difficilement de se remettre en question et qui a la fâcheuse habitude de fuir au lieu de faire face à ses problèmes. Tout le contraire de Monica, un être doux qui cherche l’entente avec tout le monde, à l’image de son père. 

Que faire, que dire après avoir choisi le moment et l’heure du grand départ? La narratrice ne pense pas à une plongée dans l’au-delà, à une forme de récompense auprès d’un dieu qui l’a laissée indifférente. Elle écrit un journal (qu’elle va détruire, répète-t-elle et que personne ne va lire) pour réfléchir à son parcours qui a été plutôt satisfaisant, pour faire la paix avec soi et ses proches. La peur de la souffrance, une longue agonie, la perte d’autonomie justifient amplement sa décision. Elle ne veut pas dépendre des autres, surtout pour ses besoins essentiels. 

On peut appeler ça de la fierté.

Cette déchéance physique et cognitive, personne ne pouvait y échapper avant l’adoption par l’Assemblée nationale du Québec de la loi sur l’aide médicale à mourir il y a dix ans à peine. Un recours qui s’est glissé rapidement dans nos vies. Les statistiques révèlent que 5717 Québécois ont choisi cette manière de mettre fin à leurs jours en 2023-2024.

 

RÉFLEXE

 

Après avoir pris sa décision, choisi la date fatidique, la narratrice regarde autour d’elle, se demande ce qu’a été sa vie et si elle a fait ce qu’elle souhaitait à vingt ans. Elle se penche avec le plus de lucidité possible sur un cheminement qu’elle ne peut changer. Les dés sont jetés pour ainsi dire. Des questions reviennent, bien sûr, s’imposent, des choses toutes simples, des rencontres, des conflits et surtout de beaux moments. Elle ne tente pas de philosopher ou de trouver une dimension métaphysique à ses pensées, de nous étourdir avec des réflexions qui coupent le souffle.

Elle profite du peu de temps qui lui reste pour faire la paix avec ses proches. Elle connaît aussi son besoin de contrôler et de savoir que tout est en place avant le saut sans parachute. Un désir de faciliter la vie à ses filles parce que c’est toujours compliqué de mourir. L’époque veut que l’on soit responsable de ses gestes et de ses décisions. La mort devient une affaire que l’on règle comme un déménagement ou un voyage sans retour. Et pourquoi souffrir pendant des semaines malgré les médicaments qui ne changeront rien?

 

«J’ai assisté aux longues heures d’agonie de ma mère. À cette interminable fin qui, comme à l’opéra, n’en finit plus de finir. C’est tellement long, mourir. Tellement d’heures de demi-sommeil où le corps s’entraîne à disparaître, puis réapparaît, hébété, surpris d’y être encore et, pour ce qui était de maman, implorant pour une pause de la douleur, la vraie, la physique qui pue la décrépitude.» (p.21)

 

Un récit direct, senti et surtout une femme qui fait preuve d’une belle franchise. L’agonie n’a rien d’une partie de plaisir, elle le sait. 

J’ai accompagné ma mère, des frères et ma sœur dans leurs derniers moments. Des heures où j’ai eu l’impression que tout s’arrêtait et que je ne pouvais qu’attendre. J’étais réduit à l’état de témoin impuissant.

Qu’écrire en pensant qu’il n’y a que quelques jours devant soi? Décrire un quotidien où il n’arrive plus rien, réfléchir à ses réussites plus ou moins connues, à des rencontres avec des hommes et des femmes qui ont changé sa vie, ses amours et peut-être aussi certaines déceptions. Comment s’empêcher de fouiller dans la grande armoire de son passé, de parler des gens qui ont été importants et de ceux qui vous ont écorché?

Certains de mes proches ont eu recours à l’aide médicale à mourir. Je pense surtout à ce neveu atteint d’un cancer du foie qui a décidé, avec sa famille, d’abréger ses souffrances. Ses enfants et son épouse étaient à l’aise avec ce choix et ils étaient tous là en ce début d’après-midi, quand tout s’est arrêté. Tous sereins et en paix lors des funérailles. C’est un peu étrange d’écrire ça. Les témoignages de ses fils étaient touchants, sentis, pleins d’amour et de sourires malgré les larmes. Un moment de grâce certainement. Mon neveu Dominique a prit la bonne décision.

 

RÉALITÉ

 

La narratrice de Marie Laberge nous entraîne dans ses amours, nous parle de ses filles si différentes, se tourne enfin vers des amis indéfectibles. Elle va mourir sans regret, certaine d’avoir fait son temps et satisfaite d’éviter les douleurs et la décrépitude. 


«Quand on a connu les joies de la chimio, c’est-à-dire l’effondrement de l’énergie vitale qui devrait servir à forcer le recul du cancer, quand on s’est vu clouée au lit, incapable de remuer sans geindre ou de seulement réclamer son calmant, une petite journée, c’est une journée ralentie, appesantie, mais pas une tragédie.» (p.31)

 

Tout ce qui a été important est effleuré par la narratrice. Elle s’attarde sur des choses concrètes, sur ses expériences, et regarde les ecchymoses qu’il faut pour devenir un être humain capable d’empathie, de compréhension et de lucidité. 

Dans les «dix étapes» de ce roman, Marie Laberge m’a fait réfléchir à ce qui reste quand on est libéré de ses obligations sociales, de ses ambitions, et qu’on se retrouve devant une fenêtre où le monde s’agite sans nous, dans un corps qui n’en peut plus de durer.

La narratrice tente de se dépouiller de tout pour arriver devant la mort nue en quelque sorte.

 

«Mourir se fait seul. Comme naître. Totalement, absolument seul, peu importe le nombre de mains qui se tendent, le pas se fait seul.» (p.70)

 

Beaucoup de ces assertions ont arrêté mon élan de lecteur. Un mot qui vous fait lever la tête et vous force à prendre une grande inspiration, à être là dans toutes les dimensions de son être, à la chance que l’on a d’entendre battre son cœur. 

 

«Comme c’est long, apprendre à bien vivre, avec ses excès et ses manques. Comme c’est court, la vie, pour le temps que l’on met à la saisir dans toute sa force, sa profondeur et sa beauté.» (p.82)

 

Marie Laberge nous donne l’occasion de réfléchir à la folle aventure de la vie, de naviguer dans un corps que l’on doit apprivoiser et aimer pour trouver sa place. Ce corps que l’on a cru immortel à certains moments et qui décide d’abandonner. L’écrivaine bouscule des clichés que l’on répète machinalement et nous offre des moments émouvants, des petits bonheurs qui passent comme des étoiles filantes. 

 

DÉCOMPTE

 

Et il y a ce décompte qui pousse la narratrice vers le dernier matin, cette heure précise où tout va s’arrêter. Elle peut encore changer d’idée, s’accorder un délai de quelques semaines pour profiter de la joie d’être, se donner la plus extraordinaire des chances d’être là. 

 

«Quel débat, ce matin! Quel déchirement et quelle impasse. J’ai l’impression d’avoir joué la mauvaise carte. Pourquoi mourir a-t-il toujours cet air de défaite? De fuite et de renoncement. Alors que c’est un sort commun. Comment sommes-nous parvenus à l’ignorer au point où ça devient une désagréable surprise quand ça survient? Une sorte de mauvais coup du sort.» (p.153)

 

Comment ne pas s’identifier au personnage de Marie Laberge, à cette femme sans nom? L’écrivaine l’a voulu, certainement parce qu’elle désire que ce soit nous les lecteurs et les lectrices qui vivent ces hésitations, ces peurs et ces craintes pendant les «dix jours» de sursis. Nous devenons peu à peu la narratrice de Marie Laberge et c’est ce qui fait la force de ce roman.

L’écriture simple est venue me faire prendre conscience du temps qui va, qui se répète et qui vous abandonne un jour ou l’autre. Que ce soit après les plus terribles souffrances ou encore parce que vous avez choisi votre heure et la journée du grand saut. 

Et, même quand tout va s’arrêter, à l’heure précise, juste avant le repas du midi, j’ai eu l’impression que l’on ne peut s’empêcher de se raconter des histoires, de s’inventer des petites fictions pour apaiser ses craintes et ses angoisses. Marie Laberge se tourne vers Nancy Huston, qui affirme, dans «L’espèce fabulatrice», que l’humain est avant tout un fabricant d’histoires. Je crois qu’elle a raison et, même si nous pouvons décider du moment de notre mort, nous ne pouvons nous empêcher d’en faire une histoire émouvante et tragique. C’est peut-être le plus grand des privilèges.

 

LABERGE MARIE : dix jours, Éditions du Boréal, Montréal, 168 pages, 21,95 $. 

https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/dix-jours-4058.html

mardi 20 mai 2025

NADIA CAPOLLA M’A TOUCHÉ AU CŒUR

NADIA CAPOLLA aborde un sujet incontournable, soit le décès de sa mère, le long et lent cheminement qui mène à la mort. Dans son récit «Ce que murmure ton silence», elle nous entraîne dans une période où tout semble s’immobiliser quand le corps d'un proche arrive au bout de sa trajectoire, quand le cœur s’arrête après une course qui aura duré un siècle dans certains cas. L’auteure m’a rappelé ces heures où l’on revient sur des étapes de son parcours, devant une femme qui vit ses derniers moments. Le temps s’étire, devient attente. Comment trouver la paix avec soi-même et celle qui parvient au terme de son existence? Un espace pour effacer les malentendus et les différends qui perdent tout leur poids face à la mort annoncée.

 

Je n’ai pu que penser à ma mère, aux jours et aux nuits qui ont mené à son décès en 1997. Des heures qui n’en finissaient plus, où je n’avais qu’à être là, devant une femme qui n’était plus celle qui avait pris tant de place dans ma vie. Même quand elle était consciente, Aline était ailleurs et c’était difficile d’attirer son attention. Comment oublier ce début de nuit où elle parlait à voix basse? Je croyais qu’elle avait des choses à dire sur l’un de mes frères. Il était question de tâches qui remplissaient ses jours et ses semaines. Les corvées toutes simples qui l’occupaient du matin au soir avec un moment de répit ici et là, pas trop souvent, pour souffler sur un thé qu’elle prenait dans sa chaise berçante. 

J’étais seul avec elle dans la chambre d’hôpital où je passerais la nuit. Les médicaments avaient des effets étranges chez elle. Les calmants qu’on lui administrait la stimulaient et la gardaient éveillée. Et il y avait son regard un peu fixe. Elle voyait des choses que je ne pouvais qu’imaginer. Elle parlait et, de temps en temps, je posais une question qui restait sans réponse. Je le faisais peut-être pour prouver que j’étais là et que je la suivais dans les méandres de son histoire. Et elle a dit un mot. «Écriture». J’ai compris. Elle parlait de moi et j’avais cru que c’était quelqu’un d’autre.

Aline me fixait et je la fixais comme si nous étions face à face sur un fil tendu entre deux vies. J’étais un étranger qu’elle décrivait et que je ne reconnaissais pas. 

Ses yeux bleus. 

Ils n’étaient plus les mêmes. Ses yeux d’un bleu si clair d’habitude étaient plus foncés, presque noirs. Elle avait soupiré et repris son monologue. Cette fois, j’avais la fillette devant moi qui me parlait de sa mère et de la maison où elle était née en 1906 dans le rang Saint-Eugène à La Doré. Elle allait aux petites fraises dans les champs, attendait le début des classes avec impatience. «Que c’était donc plaisant», répétait-elle!

 

SIMILITUDES

 

Nadia Capolla se remémore des instants similaires avec cette mère qu’elle retrouve et qui est encore peu bavarde. Là, sans trop savoir quoi faire ou dire, se demandant si c’est nécessaire d’être tout le temps présent. Pour qui fait-on cet accompagnement? Pour soi ou pour sa mère, qui reste muette ou qui vous emporte dans une histoire que vous avez du mal à suivre.

 

«Tes yeux expriment toujours l’impasse dans laquelle tu te trouves. Le disque dur dans ta tête est égratigné par endroits, il saute et rejoue à répétition le même sillon. On dit que c’est l’effet aléatoire de la démence qui s’installe. Je présume que c’est aussi la conséquence d’avoir vécu, toute petite, un régime de terreur t’interdisant la moindre expression vraie, où ta survie dépendait de la capacité à protéger ton monde intérieur d’un environnement hostile.» (p.15)

 

Le curé avait décidé d’envoyer sa mère et son frère chez les religieuses. La maison était devenue trop étroite et la famille devait prendre de l’expansion selon les vouloirs de l’église.

 

«De 4 à 10 ans, tu as été placée à l’orphelinat d’Youville, éduquée par les Sœurs de la Charité de Québec.» (p.14)

 

C’était comme ça à l’époque. Le curé effectuait sa tournée annuelle et voyait à ce que les nouveau-nés se présentent rapidement à la cérémonie du baptême. Il fallait de grosses familles pour peupler le territoire. Et ce, jusqu’à l’épuisement des femmes. Ça faisait rager, Aline, ma mère. Les filles de ma génération avaient la pilule pour limiter le nombre d’enfants. La malédiction des naissances obligatoires n’existait plus. «C’est injuste», répétait-elle. Pas qu’elle aurait souhaité que ces femmes soient soumises aux mêmes diktats qu’elle. Non! Elle déplorait surtout ce qu’elle avait connu, ce que le curé l’avait forcée à vivre. Elle aurait certainement aimé avoir le choix quand elle s’est retrouvée mariée à 18 ans et mère un an plus tard. 

 

TRAUMATISME

 

La mère de Nadia Capolla a été traumatisée par ce séjour chez les religieuses, tout comme son frère. Six ans de violences et d’enfermement. Tous les deux forcés d’obéir à des directives déraisonnables, sans compter les sévices physiques et mentaux. 

 

«Tu n’as jamais pu parler de toi directement, hormis le fait que les sœurs t’obligeaient à réingurgiter ton vomi lorsque tu étais malade, sous prétexte que gaspiller de la nourriture était péché.» (p.29)

 

L’horreur que bien des enfants ont vécue à une époque pas si lointaine. C’est pourquoi la mère de l’écrivaine est demeurée un peu rigide, sévère, refoulant ses émotions. Heureusement, le père était un homme aimant et chaleureux. 

Tout le contraire d’Aline, qui écoulait ses journées à ressasser ses frustrations et qui peaufinait ses récriminations pour les aiguiser comme des couteaux. Et tout ce qui la révoltait dans la vie, dans les manières et les comportements des voisins et des gens de la paroisse y passaient. J’ai bien tenté pendant ces nuits de la faire parler de son enfance, de son adolescence, de mon père qu’elle avait connu à la petite école. J’aurais voulu qu’elle raconte ses amours, mais Aline ne m’entendait pas, perdue dans les volutes d’une époque qui m’était bien étrangère. 

 

LE TEMPS

 

Nadia Capolla accompagne sa mère pendant des semaines et des mois, a tout le temps de songer à sa prime jeunesse, à son parcours professionnel, tout ce qui fait ce qu’elle est avec ses qualités et ses douleurs. De son père aussi, qui était comme l’envers de sa mère. 

Pendant ces jours, nous vivons une sorte de retraite, comme si on se retirait de notre quotidien pour faire le point. Que faire d’autre? Je n’ai jamais osé ouvrir un livre pendant ces heures et ces nuits, même quand elle dormait profondément. Elle n’aimait pas que je lise pendant qu’elle vaquait à ses tâches et que je me concentre sur un gros roman. Ma mère comprenait alors que je prenais la fuite et que je ne l’entendais plus. 

Tout ce temps pour parcourir son enfance, s’attarder à des moments marquants, traumatisants ou encore à des gestes qui ont provoqué une révolte et décidé de votre avenir. Et ce, jusqu’à l’heure attendue et crainte, à l’aube souvent, où tout s’arrête dans une seconde qui s’affaisse.

 

«Un matin, tu cesses tout simplement d’accepter la nourriture. Un peu plus tard, les liquides ne passent plus. Tu demeures immobile pendant des jours, les yeux grands ouverts, comme si tu percevais un autre monde au-delà des murs de ta chambre. Une profonde tranquillité règne dans la pièce. Tu nous quittes, le regard plongé dans l’indescriptible.» (p.109)

 

Ma mère aussi a cessé de manger et de boire. Ce qui ne l’a pas empêchée de survivre pendant des jours. «Votre mère n’était pas malade, elle a seulement arrêté de manger», nous a expliqué le médecin. Son corps avait décidé que c’était assez.

Et il y a ce matin, devant la porte de sa chambre. L’infirmière est sortie et m’a pris les mains. «Ça vient d’arriver» qu’elle a murmuré. Ma mère avait rendu son dernier souffle sans m’attendre. Elle était là, les yeux ouverts, le regard perdu dans un univers qu’elle avait voulu rejoindre de toutes ses forces. Combien de fois elle s’était plainte de ne plus reconnaître personne dans son entourage? Comme si elle avait été oubliée dans un monde que tous avaient déserté. 

 

RETOUR

 

Le récit de Nadia Capolla a remué bien des choses en moi. Comme si je revenais dans ces semaines de l’année 1997. Elle m’a permis de ranimer toute une période, des instants intenses avec des images et des gestes gravés dans mon esprit. Ces jours où on devient le témoin, un regard, avec quelques mots, pour montrer qu’on est toujours là, qu’on est vivant, qu’on ne la lâche pas, qu’elle n’est pas oubliée, qu’on se prépare à ce moment où nous nous retrouverons dans le lit, perdus, seuls, malgré la compassion de nos proches. 

Nous devons tous y arriver. 

L’écrivaine nous raconte ce temps qui s’apaise avec une justesse et une retenue remarquable, une attention magnifique envers cette mère qui était et est demeurée une étrangère. Une femme à qui elle s’est opposée toute jeune avant de faire sa vie tout en gardant ses distances. Un récit senti, humain et nécessaire. Parce qu’il faut voir la mort approcher à un moment ou à un autre pour l’apprivoiser et chasser ses craintes. Oui, le silence murmure pendant ces heures où deux êtres se séparent tout doucement. Voir mourir sa mère ou son père, c’est franchir une étape et devenir un adulte, un être qui doit se familiariser avec sa solitude et son silence.

 

CAPOLLA NADIA : Ce que murmure ton silence, Éditions de La Pleine Lune, Montréal, 112 pages, 22,95 $.

https://www.pleinelune.qc.ca/titre/715/ce-que-murmure-ton-silence

vendredi 16 mai 2025

TÉA MUTONJI NOUS RACONTE SA MIGRATION

JE LIS au moins un essai, un roman, des nouvelles ou encore de la poésie chaque semaine, pour alimenter mon blogue. Bien sûr, je parcours plus qu’un ouvrage pendant ce laps de temps et rédige un premier jet de ce qui peut devenir une chronique. Certains brouillons restent des brouillons pour des raisons difficiles à cerner. L’actualité impose un écrivain que j’ai toujours lu et un livre qui devait faire l’objet d’une chronique est abandonné sur le rayon des volumes lus. En ce moment, une cinquantaine de bouquins sont relégués «dans les limbes», comme on disait dans mon enfance. C’est le cas de ce roman traduit par Mélissa Verreault que j’ai lu en août de l’année dernière. Le titre peut sembler un peu étrange : «Ta gueule t’es belle», de Téa Mutonji. Voilà un récit important, encore d’actualité, qui s’attarde aux difficultés que les nouveaux arrivés rencontrent lorsqu’ils s’installent au pays. 

 

Quand j’ai parcouru ce livre, il y a presque un an, les immigrants étaient au cœur de la campagne électorale aux États-Unis. Donald le fanfaron les accusait de tous les maux et tous devenaient les responsables du déclin du pays et de la violence qui caractérise la société américaine. 

Au Québec, plusieurs de «ces indésirables» ont fait leur marque dans le monde de la littérature. Des femmes et des hommes qui ont imposé une voix dont nous avions besoin. Dany Laferrière, Abla Farhoud, Sergio Kokis, Daniel Castillo Durante, Katia Belkhodja, Dimitri Nasrellah et Kim Thuy. La liste pourrait s’allonger avec Caroline Dawson, Élisabeth Rosso et Edem Awumey.

Mélissa Verreault a eu la bonne idée d’aller fouiner du côté du Canada anglais pour traduire les nouvelles de Téa Mutonji, une écrivaine d’origine congolaise.  

«Ta gueule t’es belle» m’a un peu étonné. Je suis allé voir le titre anglais, parfois la traduction est malheureuse. Rien à redire : «Shut Up You’re Pretty». Une invective qui signifie que l’auteure ou le personnage de ces textes n’a pas à se plaindre parce qu’elle est jolie, comme si la beauté physique arrangeait tout, même l’horreur et les sévices. 

 

ARRIVÉE

 

Loli arrive au Canada avec ses parents et s’apprête à découvrir leur nouvelle maison dans un quartier populaire de Toronto. Une petite voisine les accueille et deviendra la guide de la jeune fille dans l’aventure de cette famille qui veut se faire une autre vie. 

Malgré son anglais hésitant, Loli trouve sa place, ne demande qu’à suivre Jolie et parvient à effleurer, peut-être, le rêve des siens et de ceux qui ont choisi le chemin de l’exil.

Jolie est frondeuse et lui permettra de se faire une place rapidement, comme si cette petite fille avait la tâche de lui faciliter les choses ou de les compliquer, ça dépend des circonstances

 

«Assise sur le pas de notre porte, Jolie guettait notre arrivée, comme pour vérifier que les nouveaux venus n’étaient pas des bizarres. Elle a levé les pouces en direction d’une bande d’enfants qui observaient depuis l’autre côté du rond-point, où se trouvait une seconde série de maisons basses en rangées, à la peinture brune écaillée, identiques aux nôtres. Les pouces en l’air signifiaient qu’on satisfaisait aux exigences, qu’on avait passé un genre de test de street cred secret, et Jolie était à la fois l’organisatrice et l’autrice dudit test. Elle s’est présentée pendant qu’on déchargeait les valises du taxi. C’est tout ce qu’on avait. Des valises.» (p.8)

 

Loli raconte les jeux des fillettes et nous suivons le parcours de la jeune migrante qui s’attaque à la terrible tâche de se faire une place dans cet autre environnement. Le récit relate des événements et les difficultés qu’elle doit surmonter jusqu’à la vingtaine. Une sorte d’entrée dans une nouvelle vie et la découverte d’un pays avec ses beautés et ses laideurs. 

 

ACCUEIL

 


La jeune congolaise garde un lien avec les études et l’école, ce qui n’est pas le cas de Jolie. Elle aime écrire aussi et c’est ce qui lui donne l’occasion de faire le point et de triompher des embûches qu’elle doit surmonter. Rien ne sera simple, on s’en doute, même pas pour Jolie qui semblait avoir réponse à tout. Loli fait preuve de courage, de ténacité et fait tout pour conserver la tête hors de l’eau. Elle aurait pu facilement s’abandonner au mouvement. Son goût de la lecture et de la fiction lui permettra de s’approcher de son rêve, même si elle joue souvent avec le feu. 

 

«Alors M. Parfait est parti me chercher une nouvelle jupe et des shorts d’éduc qui me serviraient de sous-vêtements. Je ne sais pas pourquoi il était toujours aussi gentil avec moi. J’ignorais si c’était sincère ou sexuel. J’essayais de ne pas tout ramener au sexe, tous les actes de bonté, de bienveillance, tous les bonjours. Mais en avançant dans la vie, on se fait toucher, en avançant dans la vie, on se fait regarder, en avançant dans la vie, on reçoit des commentaires d’un mononcle sur nos seins ou on se fait donner un condom par l’ami de notre frère — qui va ensuite le nier — pour notre anniversaire, en avançant dans la vie, on se fait traiter de salope dans les transports en commun, en avançant dans la vie, on se fait suivre à minuit, en avançant dans la vie, on se faire dire qu’on est belle, t’es belle, t’es belle en crisse — ça devient compliqué.» (p.84)

 

Tout est difficile, surtout pour une fille. Un geste, un sourire peut être considéré comme une invitation. Loli apprendra rapidement à se méfier et à être sur ses gardes. Il le faut parce que plusieurs autour d’elle ne parviennent pas à déjouer les manœuvres des hommes. Ces jeunes femmes mettent leur avenir et leur corps en jeu en se lançant dans la quête d’une place dans la vie. 

 

LUTTE

 

La jeune fille fait face à tous les problèmes que les jeunes affrontent. Drogue, alcool, prostitution, sans compter les épreuves qui frappent les membres de sa famille. Des amis qui vont trop loin dans leurs excès, le suicide du père qui n’en peut plus, son corps qu’elle utilise pour l’argent qui lui permet de continuer ses études. Ça, elle y tient plus que tout. 

 

«Je n’avais jamais vraiment eu de chum. Je n’avais jamais vraiment eu de qui que ce soit, en fait. L’homme ne m’a pas révélé son vrai nom. Il voulait que je l’appelle Éclair noir. En échange, je lui ai dit de m’appeler Bébé. Il m’a demandé la totale, et j’ai dit non. Il m’a demandé une pipe sans condom, et j’ai refusé. Je me sentais à la fois fragilisée et puissante. Je lui ai offert un crosse-totons, et il est venu sur mes pieds.»  (p.132)

 

Un livre dur, cru, direct, qui m’a plongé dans une réalité que j’ai tendance à oublier. Heureusement, certains romanciers et romancières sont là pour me ramener à la cruauté de l’époque. Téa Mutonji décrit son univers sans maquillages ni cosmétiques. Un monde impitoyable qui ne fait pas de cadeaux, que seules les personnes les plus fortes et les plus déterminées peuvent dominer. La jeune femme garde la tête froide pour vivre son rêve. C’est souvent le cas des migrants qui doivent tout réinventer pour survivre. C’est ce qui fait que, tout naturellement, ils dénichent un emploi abrutissant et peu valorisant. Ils travaillent sans jamais lever les yeux, effectuent des tâches que nous ne désirons plus faire. Ils ont un courage et une détermination admirables.

Loli cultive ses rêves même si on a l’impression qu’elle touche le fond du baril. Elle s’en sortira malgré toutes les brimades et les risques qu’elle prend, flirtant avec le diable. Elle garde espoir parce qu’il y a ce but à atteindre, une vie qu’elle veut pour elle et qu’elle aura choisie. Surtout, il y aura toujours quelqu’un quelque part qui est prêt à lui tendre la main et à lui venir en aide. 

Un récit juste, beau de tendresse qui nous fait emboîter le pas à des hommes et des femmes qui passent par toutes les épreuves avant de trouver leur place. Une vingtaine de nouvelles lumineuses, même si au cours de la lecture, j’ai eu souvent l’impression que la narratrice ne pourrait jamais s’en sortir. C’est dur, terrible, mais Loli possède un courage et une détermination à toute épreuve.

Une écriture haletante, envoûtante. Un chant ou un refrain que l’écrivaine répète comme une comptine pour se réconforter et, peut-être, pour oublier sa peur, ses craintes et ses faiblesses. Les fragments deviennent vite ensorcelants et je prolongeais mes séances pour savoir si la petite Loli allait faire son chemin et finir par caresser son rêve : avoir son nom sur la couverture d’un livre. 

 

MUTONJI TÉA : Ta gueule t’es belle, Éditions Tête première, collection Tête dure, Montréal, 208 pages, 19,95 $.

https://tetepremiere.com/auteur/tea-mutonji/

 

vendredi 9 mai 2025

ANDRÉ MAJOR EST COMME UN FRÈRE

ANDRÉ MAJOR poursuit son exploration du quotidien avec un sixième carnet intitulé «Entre chien et loup», une expression qui désigne ce moment où la lumière, en fin de journée, ne permet plus de distinguer les objets. Il fait allusion à son âge, bien sûr. Parce que le temps passe, que la vieillesse se pointe à l’aube de ses 80 ans, qu’elle rôde sans oser s’approcher. J’en sais quelque chose, Major me précède de quelques pas dans la grande aventure de respirer, de traquer les mots envers et contre tous. Il partage sa vie entre Montréal et son chalet des Laurentides. Là-bas, il peut bricoler, marcher dans la montagne, contempler le lac qui change avec les saisons, entretenir son petit domaine en surveillant les arbres, choyer sa famille et préparer de bons repas. Et écrire, noter ce qui lui vient à l’esprit au jour le jour et, surtout, revisiter des écrivains qui ont marqué son parcours et orienté sa pensée. Son carnet couvre sept années, soit de 2008 à 2014.

 

Je me sens proche d’André Major, même si nous ne nous fréquentons pas. On se connaît, bien sûr, parce que nos chemins se sont croisés à quelques reprises. Comment faire autrement dans notre petit milieu des lettres au Québec? J’aime surtout le lecteur qui éprouve le besoin de parler des écrivains qu’il affectionne et relit. Et il y a cette passion pour le journal personnel, le carnet que nous partageons. Je ne le mentionne pas souvent, mais je tiens un journal depuis des décennies et mes calepins noirs envahissent tout un rayon de ma bibliothèque. Je travaille à la main dans cette aventure, pour le plaisir du geste, pour une phrase sentie et physique. J’ai essayé à l’ordinateur, mais ça ne marchait pas. Je ne sais rien des rituels d’écriture de Major. 

 

ÉCRIVAINS

 

«Entre chien et loup» fait une belle place aux écrivains et à certains ouvrages. Il a ses familiers qu’il prend plaisir à relire, à mieux connaître en plongeant dans des biographies et des textes qui concernent ses favoris. Kafka revient souvent dans ce palmarès, Thomas Bernhard, Thomas Mann, Anton Tchekhov, qui reste le phare qui a illuminé sa vie. Tolstoï, Robert Walser, Virginia Woolf, et bien d’autres. 

 

«En lisant Flaubert, on a la sensation d’être emporté par un souffle puissant, même lorsqu’il étreint la banalité de l’existence, sans doute parce que chez lui le style embrasse la matière comme la marée avale le sable. Et cette sensation, on l’éprouve autant dans sa correspondance que dans ses œuvres.» (p.18)

 

Il y a les travaux au chalet, son havre dans les Laurentides et ses passages dans la ville où il se réfugie dans le parc le plus proche pour respirer, parler certainement aux arbres qui veillent sur lui. En tout cas, tôt le matin, je ne manque jamais de saluer les pins qui cernent la maison et qui réagissent aux humeurs du temps, aux caprices du vent, surtout, qui souffle souvent sur le lac Saint-Jean. Nous avons tous les deux la passion de construire, de réparer ce qui se brise, de tailler les arbres, de prendre soin des arbustes dont la floraison est la plus belle des récompenses. Ces petits gestes occupent tous nos étés. 

 

ÉCRIRE

 

Bien sûr, l’écriture prend une grande place dans la vie de Major comme dans la mienne. C’est notre manière d’être, une façon de se tenir et d’avancer dans le monde qui s’offre autant qu’il se dérobe. Comment écrire, pourquoi écrire, que dire dans un carnet qui rejoindra quelques fidèles quand il deviendra un volume.

 

«La pure joie d’exister, il m’arrive de la ressentir à l’aube ou quand le soleil se couche. Je me contente de voir les choses vivre autour de moi. Et je me sens alors accordé à la vie, prêt à replonger dans le train-train quotidien. Ce qui n’arrive pas si fréquemment, surtout en ville où règne une certaine effervescence, dans les rues et même dans le ciel si on a la malchance de vivre sous les lignes aériennes. On a besoin d’espace autant que de silence pour bien voir en soi ou autour de soi.» (p.39)

 

Bien sûr, le réel le rattrape de temps en temps. Les moteurs hurlent l’été sur le lac, ces motomarines qui me font rager pendant les vacances de la construction, ces engins qui tourbillonnent du matin au soir sur le lac Saint-Jean. La pollution à l’état pur et une mécanique parfaitement inutile et superflue. 

Je partage cette détestation avec lui. 

Heureusement, ce n’est pas ce qui domine. Je pense à lui ce matin, en tendant l’oreille pour entendre les confidences des arbres, l’appel du huard, ou encore la symphonie des outardes qui me saluent lors de leur migration.

 

«Je me sens parfois si déserté intérieurement qu’il me fait ouvrir un des livres qui se trouvent à ma portée pour sentir le flux vital m’irriguer à nouveau l’esprit. C’est comme si j’émergeais d’une sorte d’absence ou d’égarement. Et alors, pour paraphraser Robert Walser, je peux écouter, m’arrêter et ne plus bouger, “divinement touché par de toutes petites choses”» (p.85)

 

André Major écrivait ce texte le premier mai 2009. Je me suis demandé ce que je pouvais avoir rédigé à la même date. J’ai fouillé dans mes carnets pour remonter le temps, ce que je ne fais jamais. Je m’attarde à un extrait, à ma calligraphie de fourmi que j’ai parfois du mal à décrypter.

 

«J’ai eu droit à un concert ce matin en allant chercher le journal. Bruants et crécerelles s’en donnaient à cœur joie. Parulines et sittelles si discrètes d’habitude, me semblaient plutôt joyeuses avec le retour du soleil. C’était un bonheur de chants et d’appels. Je respirais à m’en faire éclater la poitrine et c’était comme si je me berçais dans les cris des outardes qui ont passé la nuit dans la baie. Dans ce matin frais et calme, je me sentais là où je devais être.»

 

Et que penser des cauchemars d’enfermements et d’égarements de Major? Combien de fois me suis-je retrouvé dans une ville étrangère, ayant perdu mes clefs et l’adresse de l’hôtel où j’étais descendu? Incapable de parler, errant sur les trottoirs comme une âme en peine. Ou encore ces moments où j’étouffe au milieu de la nuit. Il faut me lever alors, bouger, ouvrir un livre pour m’apaiser. Bizarre de faire les mêmes cauchemars. Y a-t-il des rêves réservés aux écrivains?

 

RETOUR

 


Et je me répète souvent qu’il serait temps de revenir sur mes pas, de me pencher sur des auteurs qui ont ouvert des portes et des fenêtres, ceux et celles qui m’ont montré la façon de dire qui j’étais et ce que je voulais devenir. Je pense à Marie-Claire Blais, Gabrielle Roy, Victor-Lévy Beaulieu, Jean Giono, William Faulkner, Erskine Caldwell, Gabriel Garcia-Marquez et Louis-Ferdinand Céline. Et oui, André Major, j’ai aussi fréquenté Thomas Mann, il y a bien des années, avec Herman Hesse et Malaparte, tout comme Gômez-Arcos. Il fut une époque où je ne jurais que par Tolstoï, Dostoïevski et Tchekhov. 

Nous avons souvent emprunté les mêmes sentiers. C’est pourquoi je me permets de croire que tu es un ami, un proche. Nous ne nous ferons aucun geste pour changer cela, étant tous les deux un peu sauvages et capables de nous accommoder de la solitude pendant de longues périodes.

«Entre chien et loup» m’a encore une fois procuré de beaux moments de vie. Depuis que j’ai terminé ma lecture, je garde le livre sur mon bureau, l’effleurant du bout des doigts pour me rassurer et ne pas oublier. C’est certainement pourquoi je rédige des chroniques, pour répondre aux mots par les mots. Et je l’ouvre au hasard pour cueillir une phrase qui va m’aider à traverser la journée.

 

«Telle une vieille grange, je grisonne, mais je reste debout — pour combien de temps, ça reste à voir.» (p.213)

 

Le carnettiste m’a accordé le privilège, une fois de plus, de l’accompagner et de jeter un regard sur ma propre aventure, de constater l’importance qu’a pour nous la phrase juste qui va comme une musique qui touche l’âme. Quelle chance de pénétrer dans l’univers intellectuel d’un écrivain, d’un lecteur qui cherche du sens à la vie! André Major parvient surtout à créer de la beauté dans son quotidien et à trouver des éclaircies dans la morosité de l’époque. 

 

MAJOR ANDRÉ : «Entre chien et loup», Éditions du Boréal, Montréal, 232 pages, 27,95 $.

https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/entre-chien-loup-4094.html