«Visions de Macao» de Jean
Perron arrive comme le second tome d’une trilogie amorcée avec «Les fiancés du
29 février».
J’ai beaucoup aimé le premier
volet, le monde irréel et fascinant de Venise, les personnages qui s’évanouissent
pour ressurgir et vous hanter. Le tout reposant sur un film qui ajoute au flou
et à la confusion.
Le cinéaste est de retour. Il
revient amnésique de Macao. Invité dans la capitale du jeu, une sorte de
pendant de Las Vegas, il a été drogué et rapatrié. Il était l’hôte d’un casino
qui se distingue en invitant des artistes peu connus. Le roman est la longue
reconstitution de ce séjour en Asie.
«Macao est devenue la
capitale mondiale du jeu, avec des recettes qui dépassent maintenant celles de
Las Vegas. La compétition y est féroce pour s’assurer d’une part de marché. Comme
d’autres maisons de jeu, le Sonho Casino veut se donner une dimension artistique.
Mais au lieu de miser sur les spectacles à grand déploiement avec des noms
célèbres à l’affiche, il a décidé de faire appel à des disciplines plus
«alternatives» comme le microcinéma.» (p.14)
Que s’est-il passé?
Le narrateur retrouve sa
mémoire à l’aide de notes dispersées dans un carnet. Un travail qui ressemble à
la mise en forme de ses films.
«Mes films ne sont pas
narratifs. L’art n’est pas pour moi un moyen de conter ma vie, mais un voyage
au cœur des perceptions possibles de la réalité. Le décor est le personnage
central de mes films.» (p.15)
Peu à peu il se souvient. Au
Sonho, il a retrouvé un ami d’enfance qu’il croyait mort. Barry Lalonde. Un
obsédé qui se retrouve là pour assouvir sa passion du jeu en misant sa vie. Un
risque tout capable du pire comme du meilleur.
Il y a surtout un personnage
étrange qui fascine le cinéaste.
«Et cet homme qui buvait du
cognac à côté de moi, il se faisait appeler Fernando et ressemblait comme un
sosie à Fernando Pessoa, du moins aux images de ce grand et mystérieux poète
portugais qui ont traversé le temps et l’anonymat dans lequel il a vécu jusqu’à sa mort, à 47 ans, en 1935:
lunettes et moustache dans un visage aux traits acérés; regard à la fois
lointain et concentré; feutre à large bord; complet-veston sombre et cravate
assortie; l’allure d’un rond-de-cuir intemporel.» (p.20)
Cet homme aurait conçu la
plus grande escroquerie de tous les temps avec le bogue de l’an 2000, Bien
plus, la guerre au terrorisme et les attentats du 11 septembre 2001 seraient le
fruit de son imagination. Tout était pensé et planifié sauf qu’on a oublié le
scénario original pour se tourner vers l’Afghanistan.
Casino
Il y a aussi la directrice du
casino, une ancienne chanteuse populaire et sa fille Fortune Cookie, une
escorte rebelle qui devient l’amante du cinéaste. Et dans l’ombre, un
mystérieux personnage qui tire les ficelles et contrôle tout. On murmure qu’il
pourrait s’agir de Pol Pot, le fameux tyran. Est-il mort ou est-il vivant?
L’étau se resserre autour de
Barry et du narrateur. On les menace plus ou moins ouvertement sans trop savoir
ce que l’on peut leur reprocher.
Un monde étrange, factice où
tout devient possible.
«Quand on ne sait pas jouer,
l’analyse ne résiste pas à la peur en situation de danger. Pour rester maître
de jeu, le joueur, lui, sait manipuler les pensées et les émotions aussi bien
que les cartes. Dans ce monde d’illusion, de stratégie et de bluff, rien n’est
sûr.» (p.136)
Cette histoire est-elle
réelle ou une invention? Barry Lalonde et Fortune Cookie sont-ils de vrais
personnages? Le lecteur ne saura jamais sur quel pied danser.
Un roman formidable où l’écrivain
risque tout. Comme si on se retrouvait autour d’une table de jeu et que les
secondes qui viennent nous réservent le pire ou le meilleur. Jean Perron a
l’art de nous tenir sur la corde raide pour se faufiler entre le réel et
l’imaginaire. On doit lui faire confiance pour s’aventurer dans un monde à la
fois rêvé et fantasmé. Cet écrivain échappe aux normes et aime prendre des
risques. Je le trouve particulièrement rafraîchissant.
«Visions de Macao» de Jean Perron est paru chez XYZ
Éditeur.
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