Tout doit être édité, sans sélection, sans censure, proclament certains écrivains en devenir. Il faut se libérer des éditeurs et au lecteur de choisir.
Ces adeptes de la diffusion tout azimut trouvent un véhicule de choix avec Internet. Il suffit de placer un texte sur un site et les visiteurs peuvent le télécharger pour un prix raisonnable. Une présentation racoleuse et un nouvel écrivain vient de naître.
Jean-Luc Doumont a trouvé une niche dans un site ou une maison d’édition qui ignore le sens des mots «sélection» et «rigueur». Un semblant d’éditeur qui fait penser à un village cinématographique constitué uniquement de façades.
«Petits hasards de la vie, une saga Made in Québec», un pavé de plus de quatre cents pages, se présente comme un récit où un certain Serge Simoneau raconte les malheurs qui ne cessent de l’accabler. Mort du père, du meilleur ami, de son demi-frère, fausse-couche de sa femme, dépression et alcoolisme. Le tout s’égare dans de longues digressions où notre gestionnaire dans une société d’État écorche tout le monde, mélangeant réalité et fiction. Tous des incompétents, des menteurs et des manipulateurs. Les politiciens, les médecins, les infirmières, les fonctionnaires, les journalistes et les éditeurs. Tous des profiteurs. Tous des salauds, des opportunistes qui contemplent leur nombril. Impossible de se fier à quiconque dans ce monde du pour soi et de la réussite à tout prix.
Heureusement, notre Simoneau aime sa femme. Il ne cesse de le répéter même si cette Hélène est à peu près absente du récit. Après un acte de contrition chez les Alcooliques anonymes, notre fils en manque de géniteur se refait une virginité grâce à l’écriture d’une biographie de Simoneau père. L’homme aurait joué un rôle important lors de la Révolution tranquille au Québec.
Chaos
Un manuscrit jonché de fautes grammaticales, de non-sens, de grossièretés, d’idioties qui font sursauter à chaque page. On en vient à éprouver un plaisir malsain à poursuivre cette lecture pour voir quelles tortures l’auteur va infliger à la langue française.
«À peine vingt-quatre heures après son départ, j’ai reçu un message sur mon répondeur. Je l’ai pris lorsque je suis revenu d’avoir été me promener dehors pour changer d’air. » (p.91)
Si seulement Jean-Luc Doumont mettait en pratique les conseils de son maître en écriture Marc Fisher. À le lire, on croirait qu’il a appris le français dans une grammaire rédigée par Jean Chrétien.
«Elle doit être comme le vin, plus mature elle devient, plus meilleure elle devient.» (p.134)
Jean-Luc Doumont démontre par l’absurde le rôle de l’éditeur et sa nécessité. «Petits hasards de la vie, une Saga made in Québec» illustre les pires facettes de l’écriture et de l’édition. Aucune mise en page, toutes les règles bafouées dans une langue atroce.
«Aujourd’hui, les pages se transforment en page internet, l’interactivité est de mise. Les égocentricités de l’écriture s’exhibent sur la toile internet sous différents surnoms et bien souvent sous un mauvais visage. Les quelques indices que l’on décèle dans les écrits, sont pour prendre une responsabilité sociale. Foutaise!» (p.74)
Jean-Luc Doumont est l’exemple de cette «égocentricité» et de ce «mauvais visage». Heureusement, Internet permet de balancer le tout à la poubelle en un clic.
«Petits hasards de la vie, une saga Made in Québec» de Jean-Luc Doumont est paru aux Éditions Atelier de presse.
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