Marie-Paule Villeneuve ne cesse d’explorer le monde
du travail et les grandes questions sociales qui secouent notre société. L’exploitation,
les luttes syndicales, les grandes manœuvres des capitalistes sont au menu de
cette écrivaine. Je signale en particulier «L’Enfant cigarier» et «Les
demoiselles aux allumettes» qui plongent le lecteur dans des univers que peu
d’écrivains osent visiter.
Avec
«Salut mon oncle», madame Villeneuve surprend par son humour caustique et son
regard sans complaisance sur le monde contemporain.
Edgar, célibataire par
conviction, ancré dans ses habitudes et ses manies, vit au milieu des orchidées
et se gave des cotes de la bourse et de biscuits au chocolat. Il spécule,
contribue à faire dérailler le système économique, semble-t-il. Un parasite qui
ne crée aucune richesse, mais gonfle son bas de laine.
L’arrivée de son neveu change
tout. Le garçon a vécu une peine d’amour, sombré dans la drogue au Saguenay et
veut refaire sa vie après une cure de désintoxication.
Ménage
Edgar doit faire le ménage de
son appartement pour accueillir ce jeune indésirable et secouer sa vie et ses
manies. Véritable capharnaüm, il n’y arrivera pas et l’ours décide de faire appel
à des «techniciennes sanitaires». Ces femmes vivent d’aide sociale et arrondissent
leur fin de mois en travaillant au noir.
«De simple, calme et facile,
la vie d’Edgar était devenue compliquée, bousculée et préoccupante en l’espace
de quelques heures. Il n’aurait pas dû, non, il n’aurait pas dû dire oui. Mais
il fallait quand même le faire, le maudit ménage.» (p.21)
Tout se précipite. La vie à
deux et la bourse qui semble prise de vertige. Notre spéculateur voit son magot
fondre à vue d’oeil. Il se résout à travailler comme spécialiste en placements
après avoir «arrangé un peu beaucoup» son curriculum vitae. Le neveu entre à
l’Université de Montréal, travaille dans un restaurant, aime la cuisine et les hommes.
Un neveu homosexuel et un irascible macho. Beau couple!
La vie quotidienne donne lieu
à des scènes cocasses quand elles ne sont pas hilarantes.
«Le lendemain, le réveil fut
brutal pour Nicolas, encore dopé au Seroquel, le médicament qui devait chasser
l’effet du cystal meth. La tête lourde, il reprit ses esprits en laissant
couleur longtemps sur lui une eau fraîche, libératrice. Il garda un silence de
moine devant son oncle muet, qui attendait devant la porte de la salle de bain,
visiblement contrarié par sa présence.
— Je croyais que c’était un
voleur, marmonna Edgar, peu habitué à partager ses matins.» (p.24)
Un début de socialisation pour le tripoteur de
chiffres, un dépaysement pour le jeune garçon protégé par sa mère. J’ai rigolé
à m’en décrocher les mâchoires quand Edgar décide de secouer son corps en
faisant du jogging et qu’il affronte le propriétaire d’une BMW. À se tordre!
Quête
L’oncle s’adoucit et même s’il
ne l’avouera jamais, apprécie la présence de Nicolas, ce jeune homme délicat et
plein d’attention. Le fils peut-être qu’il n’a jamais eu. Le neveu apprivoise le
loup en lui préparant des plats. Un grincheux au ventre plein est déjà beaucoup
moins irritable.
Un roman plein de tendresse,
de bonheur malgré le ton ironique et sarcastique de Marie-Paule Villeneuve. Oui,
je me suis amusé et l’écrivaine n’a pas son pareil pour décrire les travers des
hommes et des femmes, leurs obsessions, leurs manies et leurs frustrations. Leur
appétit pour le bonheur aussi.
Un roman plein d’humour, de
situations rocambolesques parfois, de personnages sympathiques qui ont du mal à
se faire une place dans un monde contemporain où les gadgets pullulent, où
chacun ne pense qu’à soi.
Edgar est un tendre qui adore
les orchidées, la musique et la lecture. Il ne lui en faut pas plus pour être
heureux. Si, des profits à la bourse et la présence d’une femme. Il se laisse
prendre aux jeux de l’amour avec Margo sans que le hasard se manifeste. Quant à
Nicolas, il réussira à s’inventer une nouvelle famille.
Un roman sain, plein de
rebondissements. J’ai eu un plaisir fou à lire Marie-Paule Villeneuve qui
traite de graves questions en s’amusant. Une belle manière de pointer la
violence faite aux femmes, l’exploitation des travailleurs affectés au
débroussaillage, les intrigues et les luttes de pouvoir dans un milieu de
travail, l’itinérance et la discrimination. Une écriture drôlement efficace.
«Salut mon oncle» de Marie-Paule Villeneuve est paru aux
Éditions Triptyque.
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