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jeudi 16 mai 2024

DANIELLE DUSSAULT POURSUIT SA QUÊTE

«D’UNE CERTAINE manière L’expérience Milena répond à ce qui se profile déjà dans une des œuvres de Danielle Dussault, Libera me (une correspondance problématique entre une femme et un homme) et dans Les ponts de Prague (la lettre brûlée et le motif du pont comme métaphore globale). Résultat : quelque chose essaie de se déposer, même si ce n’est pas toujours possible, car tout est affaire de mouvement, d’actions et de heurts entre des forces contradictoires : désir et peur; réalité présumée et réalité inventée, fantasmée; attraction et répulsion; ici et ailleurs; autrefois et maintenant. Devant, c’est derrière; derrière, c’est devant. Ainsi le récit avance comme une vis sans fin, en ramenant les individus à des figures, presque des archétypes : père, mari, homme. Ce livre appartient au lot de ce qui nous déjoue et nous échappe.»


— Gilles PellerinLa fenêtre en soi

 

Ce texte de Gilles Pellerin présente magnifiquement bien la démarche de Danielle Dussault dans L’aventure Milena, un essai-fiction. Encore une fois, après Les ponts de Prague, l’écrivaine revient dans cette ville pour tenter de retrouver des traces de Milena Jesenskà, une journaliste qui a aimé follement Frantz Kafka et qui a traduit plusieurs nouvelles de l’écrivain en tchèque. Cette passion devait mener ces êtres si différents à un échange épistolaire assez unique. Les missives de Milena ont été brûlées par on ne sait qui, mais celles de Kafka ont été préservées et publiées. Pourquoi? Qui a détruit ces lettres? Milena? Ou quelqu’un dans l’entourage de Kafka?

Le mystère demeure. 

Danielle Dussault revient sur ses pas, ranime des élans de sa jeunesse en tentant de retrouver celle qui était dévorée par le feu du désir qui étourdit et secoue l’âme. L’écrivaine, encore étudiante, était amoureuse, obsédée par un de ses professeurs, le suivant à la trace presque, le surveillant dans les couloirs de l’université. Ils ont échangé des missives qu’elle a détruites pour biffer ces moments de sa vie peut-être, oublier ces heures si bouleversantes et éprouvantes. C’est peut-être ce qui a poussé Milena à faire la même chose avec ses lettres, on ne le saura jamais. 

 

PARADOXE

 

Dans l’aventure de Danielle Dussault et de Milena Jesenskà, on se bute à un paradoxe fascinant. Pourquoi une écrivaine revient sur des moments de sa vie pour les transformer en récits littéraires?

Pourquoi?

Danielle Dussault jongle avec cette question en tentant de refaire le parcours de Milena Jesenskà dans Prague, scrutant les articles qu’elle a publiés dans différents journaux, les lettres que Kafka lui a adressées, bien sûr. Et c’est aussi ce geste, celui qu’elle a posé il y a longtemps, qu’elle veut comprendre. Pourquoi elle a tout biffé de cet amour qui l’a happée alors qu’elle était étudiante et qui a laissé un vide terrible en elle?

 

«Je me suis risquée dans ce récit, peut-être à corps perdu, sans doute parce que je reconnais, dans la tendance à la disparition, une posture propre à certaines femmes qui écrivent. J’ai voulu interroger le rapport d’écriture qu’entretenait Milena avec les êtres et les choses. J’ai aussi regardé le fond de l’absence, le manque que j’éprouve parfois.» (p.16)

 

Et la voilà dans les rues de Prague, avec les mots de Kafka dans son sac, entendant peut-être la voix de Milena qui sillonnait la ville sans relâche. La journaliste était une marcheuse infatigable. Elle croit la surprendre dans un tramway ou encore devant la fenêtre où elle s’installait pour écrire ses missives. Une sorte de mirador où elle pouvait surveiller les femmes et les hommes qui allaient et venaient dans leur vie et dans leurs amours. 

Kafka, isolé dans sa chambre, dans son refuge ou sa cellule, recroquevillé dans ses phrases, tout le contraire de cette femme dans la cité, cherchant de toutes les fibres de son être à sauver ce grand corps malade par ses lettres et ses attentions. Kafka replié dans son écriture pour calmer ses angoisses et elle la journaliste pleine d’énergie, la passante, l’ombre qui file sur les trottoirs dans la lumière des réverbères. Lui confiné, tout intérieur et effarouché, elle dans les cafés, la vie grouillante et bouillonnante, toute dans la passion du moment et de l’amour.

 

LETTRES

 

Heureusement, il reste les lettres de Kafka, ces missives rédigées dans une belle frénésie. Passionnément. Des mots, des phrases où ils se confiaient, se touchaient presque pour surprendre le souffle de l’autre. Lui si loin et elle si près. Un effort désespéré pour se rejoindre, se protéger de tout ce qui avale et peut détruire. Qui sait ce que l’on veut saisir dans les élans du désir et de l’amour, ce grand frémissement qui empoigne l’être et aspire le corps, le transforme en une flamme incandescente qui consume tout en soi. Cette passion et cette énergie effaroucheront Kafka qui tente de tout contrôler autour de soi pour que ses jours soient lisses et toujours les mêmes.

 

«Il m’a semblé que ce récit devait s’inscrire de manière intime sous la plume de celle qui cherche. J’ai donc entrepris un dialogue avec Milena. Je souhaitais l’interroger en espérant recevoir quelques confessions. Ma quête allait me laisser avec plus de questions que de réponses et un amour jamais parfaitement oublié.» (p.22)

 

Un amour impossible que celui de Milena et Kafka, Danielle Dussault le sait très bien, tout comme elle devinait que sa ferveur pour ce professeur ne pouvait aller nulle part. Malheureusement, il n’y aura toujours que les lettres de Kafka, ses mots à lui, ses phrases pour évoquer cette amoureuse. Tout le volet lumineux et passionné de la jeune femme ne sera jamais là pour donner l’autre versant des propos du grand écrivain si mal dans son corps et son être. Il reste des chroniques que Milena publiait dans les revues. Danielle Dussault a l’impression que la journaliste s’adressait à Kafka alors, qu’elle se confiait à lui.

Deux destins qui s’aspirent et ne peuvent jamais se croiser. 

Lui, fragile des poumons, angoissé au point de ne jamais sortir de sa chambre presque, farouche et méfiant de tout ce qui s’agite et bouge. Elle vivante, exploratrice, curieuse de tout, si bien dans la foule et les rires. Ils se verront deux fois et c’est pour le moins des occasions ratées. Leur amour ne pouvait se concrétiser dans le rapprochement des corps et l’aventure des jours à deux. 

Nous ne pouvons que les imaginer, ces lettres, ou les rédiger en fantasmant. Certains s’y risqueront et inventeront une Milena à partir des écrits de l’auteur de La métamorphose.

 

QUÊTE

 


La quête de Danielle Dussault reste envoûtante. Elle s’y aventure avec toutes les fibres de son être pour devenir l’ombre de Milena, l’imaginer dans les rues de Prague, s’accrocher à ses pas, chercher son souffle en la suivant. Parce que la journaliste semble toujours si pressée. Et quand elle parvient à l’approcher, qu’elle effleure son manteau, juste à la hauteur de l’épaule, elle l’entend murmurer des phrases peut-être. Elle lui parlait certainement dans ses pérégrinations frénétiques, des propos qu’elle transcrivait dans ses missives un peu plus tard. Danielle Dussault suivra la jeune amoureuse dans le camp où Milena a été emprisonnée et où elle finira sa vie de manière atroce.  


«Toute la question de l’écriture revêt pour Milena une importance capitale. Même lorsqu’elle était enfermée au camp de Ravensbück, elle a continué à écrire de façon compulsive. Cependant, elle faisait disparaître ses écrits au fur et à mesure… … Elle quitte dont ce monde en laissant derrière elle tout un passé d’écriture qui continue de me hanter et d’interroger en particulier les femmes qui écrivent.» (p.173)

 

Danielle Dussault devient le double de Milena, de cette femme tout feu tout flamme, s’accroche à son ombre pour ressentir les remous qui la bouleversaient et qui la replongent dans ces jours lointains, cette passion qui l’aveuglait et l’entraînait dans les couloirs de l’université, la poussait sans cesse devant cette porte qu’elle fixait pendant des heures. Elle savait que celui qu’elle aimait plus que tout s’y trouvait, qu’il respirait là, qu’il lisait et amorçait, peut-être, une lettre qu’elle recevrait plus tard. 

Un récit vrai, qui cherche la vérité et un nécessaire absolu comme le fait chaque fois, madame Dussault, quand elle se lance dans un projet d’écriture. Un souffle et une poussée qui effleurent l’être, ce qui est tangible, palpable et humain dans les obsessions et les passions. Parce que toute l’œuvre de Dussault est une quête où elle tente de mettre la main sur une certitude et de vivre dans toutes ses dimensions. Ses romans et essais sont forts, touchants et bouleversants. Toujours, l’auteure s’aventure sur une corde raide, et son écriture est un élan où elle risque le tout pour le tout. Une écrivaine magnifique qui fait son chemin de façon particulière et unique au Québec sans jamais recevoir l’attention qu’elle mérite. 

 

DUSSAULT DANIELLE : L’expérience Milena, Éditions Hashtag, Montréal, 184 pages. 

https://editionshashtag.com/product/lexperience-milena/

 

 

  

lundi 13 mai 2024

RETROUVER LA ROUTE DE LA RÉFLEXION

«LA GRANDE question de l’existence est celle des rapports entre le dedans et le dehors. C’est à se demander pourquoi tout le monde, tout le temps, ne parle pas de ça. De ça qui a l’air de rien et qui, pourtant, est tout. La “vie” n’est que ce rapport. Les relations ne sont que ce rapport. L’économie n’est que ce rapport. Aussi la santé. Et l’environnement. Et les identités assénées ou revendiquées. Et le sexe (à moins que là, comme le veut Lacan, il n’y ait pas de rapport). Que plus ou moins tout — à commencer par la naissance — se rapporte à ce rapport fait-il de cette circulation plus ou moins entravée ou fluide des éléments entre dehors et dedans une évidence si évidente qu’elle mérite d’être passée sous silence? Chercher les mots pour dire ça, cette généralité trop générale pour être dicible.» (p.10)

 

Dans Chimères, un bref essai publié dans la collection Miniatures de Nota Bene, Frédérique Bernier s’attarde au réel qui nous entoure et qui fait partie intégrante de notre existence. Cet environnement permet la pensée et un certain regard sur le monde, l’amour, le désir et des malaises qui touchent le corps et aussi l’âme. Enfin tout ce qui bouscule un être humain à un moment ou un autre pendant le formidable parcours qui va de la naissance au dernier souffle. 

Un petit livre intelligent, une véritable bouffée d’air frais, que l’on peut emporter partout (il se glisse tout naturellement dans la poche d’un veston) et qui exige une lecture lente, patiente, attentive parce que chaque phrase trouve sa place et pèse de tout son poids! Il m’a donné l’envie de revenir sur différentes phases de mon existence, ces arrêts qui nous obligent à changer de direction. Toujours ce balancement de soi vers le monde extérieur avec un retour comme pour tout engranger et comprendre. Une vague qui ne cesse de monter et de se retirer en râpant le sol.

Un texte que l’on visite tout doucement, une image à la fois, en prenant de longues inspirations et en secouant les mots pour les surprendre dans ce qu’ils sont. 

La réflexion exige une belle lenteur, beaucoup d’arrêts avec, peu souvent, des illuminations fulgurantes. La pensée n’aime guère la précipitation, le bruit et les étourdissements des lieux publics ou la frénésie des réseaux sociaux. 

Pour me rassurer, j’ai recommencé ma lecture après une première traversée, m’attardant cette fois aux passages que je souligne toujours en lisant. Oui, je parcours un livre avec un marqueur jaune à la main. «Mes arrêts», comme je dis. Et je pourrais repartir dans Chimères en me tenant en équilibre sur une phrase, pour secouer les propos de l’auteure et pour aller encore plus loin dans ma propre réflexion.

L’entretien de Gérald Gaudet avec madame Bernier dans Nos lieux de rencontres m’avait bien disposé envers la démarche et les questionnements de cette essayiste que je ne connaissais pas.

Comme quoi, qu’on le veuille ou non, un ouvrage pousse toujours vers un autre livre. Un écrivain nous fait découvrir le travail d’un autre et permet de nous situer dans la belle et folle aventure de la pensée. Oui, la lecture donne la chance de se surprendre avec des yeux différents. Un essai, un roman peut tout changer. Je signale L’homme unidimensionnel d’Herbert Marcuse qui a viré ma vie à l’envers. 

 

CITATIONS


 

Ce carnet de Frédérique Bernier (je pense que l’on peut le qualifier de cette épithète) est constitué de courts textes qui s’amorcent par une citation. Une trentaine d’extraits en tout d’écrivains et d’écrivaines que je connais et d’autres dont je vois le nom pour la première fois. Juste s’attarder à ces extraits est une aventure. 

Lecture d’abord pour madame Bernier, et réflexion qui l’entraîne vers un ailleurs proche et différent. Un bel exemple de ces phrases qui vous figent et vous poussent vers une forme de questionnement. 

 

«Le rêve ferme la boucle d’un certain temps de notre vie pour en ouvrir un autre. Le rêve est le signe que quelque chose arrive.

                                                         Anne Dufourmantelle.» (p.34)

 

Et madame Bernier répond d’une certaine façon à l’affirmation de l’écrivain ou de l’écrivaine qui la capte et la retient avec ses propos et sa manière de dire. Une occasion d’aller plus loin, de prendre pied dans le réel et l’aventure de respirer et de penser.

 

«Et l’autre que je suis pour moi ne m’est jamais apparu de façon aussi stupéfiante que les fois où j’ai fini par comprendre que la dérobade inadmissible de celui que j’avais devant moi était, à bien y regarder, le miroir — où le masque — de ma propre fuite.» (p.33)

 

Toujours cette poussée du dehors vers le dedans ou le contraire qui permet de nous définir et de trouver un espace bien à nous dans l’univers. La pensée et le questionnement ne peuvent emprunter d’autres chemins. Texte devant soi (au-dehors), observation élaborée dans des mots avec un retour à soi (au-dedans) pour réfléchir et porter une idée un peu plus loin.

 

«Une voix en elle, mais pas d’elle. Voilà qu’elle entendait des voix, comme on dit. Cette voix pas d’elle lui parlait d’elle, comme du dehors ou d’un dedans si lointain qu’il était plus étranger que tout dehors. “C’est la scène de ta naissance”, avait dit cette voix la transformant, l’espace d’une nuit, en schizo mystique.» (p.57)

 

La vie est ce mouvement avec la naissance et la plongée dans un monde souvent hostile. Le lieu utérin et après les espaces infinis de l’univers qui risquent de vous happer et de vous dissoudre. 

 

«… le fait d’accoucher : devenir cet amas de chair vrillée de douleur, déchirée par le passage d’une créature aliène qui voit soudain le jour en s’extirpant de ce trou qui bée entre les jambes d’une femme.» (p.84)

 

Bien plus, une femme en donnant naissance à un enfant dans la souffrance et les cris se perd dans un autre qui exige toute son attention et ses énergies. Nous sommes également les autres, ceux qui nous précèdent et qui nous suivent. Nous sommes un repli sur soi, mais aussi une pensée exploratrice qui trouve son reflet dans ses proches. Respirer, s’exprimer dans une langue et des mots pour traduire ce qui s’agite en soi et hors de soi, devenir un «truchement» comme on disait naguère, parler pour soi et pour l’autre, pour saisir la quintessence du monde réel et être pleinement vivant et conscient. Toutes ces pensées qui se bousculent dans notre espace et nous cernent en nous menaçant d’une certaine façon. 

 

QUESTION

 

Qu’est-ce que vivre? Que dire des pulsions qui nous poussent vers nos semblables ou encore qui nous en éloignent? Cet élan si difficile à expliquer et à comprendre qui fait que l’on se retrouve dans le regard de l’autre, à chercher à sortir de soi pour s’installer dans l’environnement d’un être aimé, dans sa gestuelle pour trouver un nous. 

 

«Le désir trône parmi ces affaires immenses qui traversent nos vies et dont on saisit mal la part de hasard et de nécessité. Ce qui appelle son émergence, l’attise, le fait circuler, l’emballe follement, l’étiole ou l’étouffe est à ce point impondérable et mystérieux, imprévisible et injuste, contradictoire et impérieux, qu’on préfère le plus souvent en dénier la puissance.» (p.31)

 

Voilà un carnet qui s’attarde à nos pulsions, nos fantasmes, des rencontres avec l’autre, soit physiquement ou intellectuellement. Et pareil pour les gens qui nous entourent et nous portent, bien sûr. Comment devenir une conscience dans le monde vivant, dans une société qui nous enferme dans des devoirs et des tâches qui avalent tout de notre temps et qui laisse si peu de place à l’esprit et à la réflexion. 

J’aime que Frédérique Bernier ne s’égare jamais dans la théorie et les concepts. Elle témoigne, raconte des expériences et n’hésite pas à se lancer dans certaines allégories qui décrivent peut-être mieux le réel inquiétant qu’une idée abstraite et hors de soi. Il faut toujours voir de l’intérieur pour comprendre.

Le rêve esquisse peut-être ou laisse pressentir ce que nous sommes en train de devenir ou ce que nous serons si nous avons assez de temps pour s’installer dans la durée. La rêverie, mais aussi la maladie qui nous repousse en soi et nous garde prisonniers d’un corps et nous prive de la pensée des autres. Un arrêt peut-être pour mieux nous dessiller les yeux. 

 

PULSIONS

 

Un livre fort important qui nous permet de nous attarder à des gestes, des préoccupations, des désirs et des pulsions qui peuvent étourdir comme nous conduire vers cet autre que nous pouvons être. Un arrêt sur l’amour, la vie avec ses proches, la violence qui se manifeste partout et la perte de soi dans une société où le privé est aspiré par les médias sociaux. Toute cette frénésie qui nous pousse hors de la pensée pour nous jeter dans l’agitation, à l’extérieur de ce voyage en soi nécessaire pour mieux expliquer son environnement physique et humain. 

Chacune des pages de Chimères met le doigt sur une réflexion et aussi une manière d’être et de respirer. Frédérique Bernier marche au milieu des phrases comme dans un jardin, s’arrêtant ici et là pour nous faire comprendre l’aventure de l’être. 

 

«Je fais partie de ces personnes pour qui les questions par plusieurs jugées abstraites et nébuleuses semblent les plus proches, les plus exaltantes.» (p.9)

 

Heureusement, il y a encore des écrivains comme elle qui aiment les sentiers peu fréquentés et qui tentent d’empoigner des vérités qui peuvent être autant de leurres et de faussetés. Le voyage de l’intérieur à l’extérieur n’a jamais rien de certain et tous les possibles sont à envisager. C’est que tout peut devenir flou et intangible quand on secoue l’être et que l’on cherche à effleurer la vie du bout du doigt dans une société si violente et désespérante. Chimères est un livre précieux qui va m’accompagner longtemps. 

 

BERNIER FRÉDÉRIQUE : Chimères, Éditions Nota Bene, 96 pages.

https://www.groupenotabene.com/auteur/bernier-frédérique-0

 

 

mardi 7 mai 2024

UN HYMNE À LA VIE AU CŒUR DU DÉSASTRE

VIRGINIE DECHAMPLAIN publie un deuxième roman qui risque d’en secouer plusieurs. Avant de brûler nous plonge dans un monde apocalyptique inquiétant où les bouleversements climatiques et les catastrophes se succèdent. Montées des eaux, déluges, tremblements de terre, sécheresse et chaleur intense avec des feux qui rasent tout. La planète est détraquée et les jours ne sont plus fiables. Reste une certaine cohésion sociale à l’intérieur du pays, sur les hauteurs, où un couple a trouvé refuge. La vie continue dans la maison isolée du bout d’un rang, près de la forêt où les bêtes semblent avoir disparu sauf une biche qui rôde pour questionner les humains on dirait, chercher à comprendre ce qui lui arrive. La dernière de son espèce. Et une meute de loups, jamais très loin, va et vient en quête de nourriture. Tout se bouscule pourtant avec l’apparition de Farah, une femme et ses trois enfants, dont un tout jeune bébé, un poupon. 

 

Un roman d'une étrange beauté malgré la mort toujours là, en attente derrière un arbre. Le regard devient tellement important dans cette fiction. Question de survie pour glisser dans le lendemain avec un peu de confiance. Madame DeChamplain se tient bien droite dans l’oralité, pour montrer qu’il faut une parole pour s’ancrer dans le fil de son présent. Il suffit d’un carnet pour noter la course du temps, s’accrocher peut-être à de petites choses et s’inventer une histoire. La narratrice jongle, parle. C’est nécessaire pour habiter ses jours et son territoire. 

J'ai été emporté par ce récit, happé par ces longues randonnées dans la forêt, ces deux femmes venues d'un monde si différent qui trouvent des mots pour se dire et aller dans une même direction. Marco solide comme un roc. C’est spectaculaire de réussir ça. Juste la survivance, un splendide flou, des rescapés surgis de nulle part, avec quelques informations sur leur passé. C’est peut-être ce qui se produit quand on doit assurer le manger et son lendemain en regardant l’horizon qui peut s’ouvrir et vous avaler. Un texte magnifique, une écriture pleine d’odeurs et de miroitements dans la lumière du matin. Un hymne à la vie au cœur du désastre.

 

FIN D’UN MONDE

 

La vie que l’on connaissait dans les villes auparavant ou au bord des cours d’eau n’est plus possible. Tout s’est détraqué et les gens ont fui à l’intérieur des terres, au creux des montagnes pour échapper aux inondations. La survie s’organise et c’est un retour dans le temps, avant la télévision et la radio, le téléphone intelligent omniprésent, les réseaux sociaux et les déplacements fous sur des autoroutes sans fin. Il faut trouver à manger. La nourriture est là cependant. Ce n’est pas la famine, tous se débrouillent. Les bouleversements climatiques que l’on ignorait, il n’y a pas si longtemps, frappent à gauche et à droite. Tout peut arriver. Les gens doivent continuer comme ils peuvent. Les femmes sillonnent la forêt, deviennent cueilleuses quand Marco a de quoi s’occuper au village. 

 

«Tout ce que je possédais, tout ce que j’aimais venait de partir dans le déluge et les berges de mon enfance existaient plus, arrachées par la puissance effrayante des vagues.

                                                                            Gaspésie fin des terres.

J’avais le ventre vide, la tête vide, le corps vide, les yeux brûlants d’eau salée, j’errais dans la tempête et je savais pas pourquoi j’étais encore là. Les secours pouvaient rien faire de plus et tout le monde devait regarder, impuissant, les maisons se détacher, s’enliser dans les flots.» (p.23)

 

Les zones côtières sont à risque et les gens se sont réfugiés dans les hautes terres. Les endroits désertés et abandonnés autrefois sont devenus des gîtes pour les survivants. L’eau a emporté tous les villages le long du fleuve. 

La Gaspésie n’est plus qu’un souvenir. 

Tous doivent trouver un lieu où s’installer, pour respirer dans un semblant de vie normale, en pensant à ceux et celles qui ont disparu. La paix règne même si rien n’est certain dans la beauté du pays qui ne cesse de surprendre. Après l’eau, il y a la chaleur, la sécheresse, le feu toujours possible. Tout est en attente dans cet univers fragilisé. On n’entend plus les oiseaux le matin, les cadavres s’entassent dans les éclaircies de la forêt. Il y a les outardes qui migrent étrangement, des champignons, quelques petits fruits que l’on cueille ici et là. Même les poissons de la rivière semblent avoir été emportés par les déluges et les grandes inondations qui ont tout lavé. Et il y a aussi, dans certaines villes, les bombes qui détruisent tout. Il reste la fuite pour Farah et ses enfants, la course devant soi, sans tourner la tête, pour survivre et s’installer dans un ailleurs. Je n’ai pu m’empêcher de penser à Gaza, à la mort qui vient du ciel chaque jour pour tant d’hommes et de femmes.

 

«Ma vie d’avant se rappelle à moi de temps en temps, par bribes, par vagues, en fragments courts et coupants comme des éclisses de bois. Peu importe où je regarde, peu importe où je me tiens, les années les millénaires arrivent pas à s’effacer. J’habite dans la vie d’aujourd’hui, peuplée de la vie d’autrefois. Les images et les sons des deux époques se superposent, leurs contours flous ondulant comme quand on lance une roche dans l’eau.» (p.109)

 

PAIX ÉTRANGE

 

Les gens s’entraident, se tendent la main et font tout pour faciliter la vie à un voisin, à une survenante qui ne parle pas la même langue et qui débarque du bout du monde comme ça, n’ayant aucune place où aller.

Souvent, dans les romans catastrophiques, les individus se replient dans leur clan, n’hésitent pas à tuer pour garder le peu qu’ils ont. Qu’on pense à La route de Cormac McCarthy ou à la trilogie de Christian Guay-Poliquin où l’autre reste toujours dangereux et inquiétant. Il faut s’en méfier et surtout se protéger par la manière forte. Il n’y a jamais cette violence dans l’ouvrage de Virginie DeChamplain. Tous s’adaptent, s’entraident et partagent le peu qu’ils ont sans hésiter et sans craindre pour le matin qui va certainement arriver. Mais comment tourner le dos à une partie de son histoire?

 

«C’est juste que je les vois tout le temps… ma mère… elle, surtout. Et tous les gens qu’il y avait avant, c’est comme s’ils voulaient pas partir… peu importe ce que je fais il y a toujours quelqu’un qui se pointe et ça me casse le cœur chaque fois, parce que j’oublie qu’ils existent plus, j’ai peur un jour que ça m’avale, qu’à un moment donné il reste plus rien de vrai, de présent.» (p.130)

 

Le passé ne disparaît pas en claquant des doigts ou encore dans un haussement des épaules. Tout est arrivé de façon soudaine et prévisible. Comme s’il fallait un cataclysme pour faire apparaître ce que l’on pressentait depuis si longtemps. Comment retrouver un équilibre, avancer dans cette nouvelle existence où tous les repères se sont effacés, vivre dans une certaine paix et surtout croire à un avenir à défendre et à imaginer? Surtout que la planète se donne peut-être un répit avant la fin du monde, qu’elle cherche son souffle avant de tout dévaster dans un dernier soubresaut. 

 

«Et je sais pas dans quelle mesure j’ai la réponse, mais d’une façon ou d’une autre tout sera à recommencer. Cette fois mieux, cette fois plus grand, cette fois ensemble. C’est la seule possibilité. Il faudra montrer à nos enfants comment prendre des chemins qui mènent ailleurs, quelque part où on pourra aspirer à autre chose qu’à se détruire encore. Farah et moi essuyons d’un même mouvement la couronne de cendres sur nos fronts et on se relève,

 

arpente les dégâts pour

retrouver le sentier,

chercher l’orée d’autrefois la forêt,

s’assurer qu’il y a un monde à refaire.» (p.202)

 

Continuer, désirer, penser mieux et se relever dans un terrible geste de courage et d’espoir. Se réinventer dans un futur improbable en se souvenant que l’on peut tout saccager. Ne pas oublier pour tracer de nouveaux sentiers et d’autres rêves… Est-ce seulement possible? L’histoire de l’humanité n’est guère rassurante. J’aime l’optimisme de Virginie DeChamplain. C’est peut-être le propre de l’humain de s’accrocher et de marcher vers un demain différent en tentant de donner un futur à ses enfants.

 

DECHAMPLAIN VIRGINIE : Avant de brûler, La Peuplade, Saguenay, 216 pages.

https://lapeuplade.com/archives/livres/avant-de-bruler


jeudi 2 mai 2024

LA FOLLE AVENTURE DE CATHERINE DORION

J’AI SUIVI l’aventure de Catherine Dorion en politique un peu comme tout le monde, j’imagine. Tout de suite après son élection dans la circonscription de Taschereau en 2018 pour Québec solidaire, la nouvelle députée a fait les manchettes pour des raisons inusitées. Sa tenue vestimentaire à l’Assemblée nationale a provoqué un véritable tsunami. Chacune de ses «apparitions» a été scrutée à la loupe par les médias. Ce n’est pas la première fois que l’on s’attarde aux vêtements d’une femme à l’Assemblée nationale. Pauline Marois a soulevé bien des commentaires avec ses «ensembles chics». Il y a aussi l’affaire des souliers de la ministre France-Élaine Duranceau tout récemment. Il semble que l’uniforme du politicien (il faut dire politicienne ici) est plus important que ses déclarations. J’ai suivi «les frasques» de madame Dorion, le sourire aux lèvres, parce que j’aime les rebelles qui refusent d’entrer dans le rang et qui rejettent les formules toutes faites.

 

Madame Dorion, dans Les têtes brûlées, carnets d’espoir punk, revient sur cette période qui a été éprouvante pour elle. Un passage dans un parti politique que l’on situe à gauche et qui devrait normalement être un refuge pour ceux et celles qui se démarquent par leur originalité. Pourtant, l’histoire nous prouve le contraire. Les formations de gauche sont terriblement conformistes et ne tolèrent guère la dissension et la parole libre. 

Le récit de madame Dorion nous permet de suivre la députée dans son aventure. Elle ne s’est pas représentée en 2022, en avait assez de ses démêlés avec les journalistes qui ont pris un malin plaisir à la traquer, à faire des manchettes avec sa tuque, un coton ouaté ou une salopette. Peu d’échos pourtant sur sa magnifique intervention concernant le poète Patrice Desbiens à l’Assemblée nationale. La meute des chroniqueurs (ils ont des idées sur tout et savent tout ce qu’un politicien doit faire et dire) s’est déchaînée. Le moindre geste, la petite déclaration, une vidéo, tout était scruté à la loupe. Ce qu’il y a de curieux, d’étrange même, c’est l’unanimité des médias envers Catherine Dorion et sa manière d’agir. Sa popularité a eu des conséquences dans sa vie privée, bien sûr. Nous en sommes là maintenant.

 

«Chaque explosion médiatique était suivie d’un second tir d’artillerie sur les réseaux sociaux. Des tsunamis s’abattaient sur chacune de mes boîtes de réception : Tu devrais disparaître, tu es une honte envers le peuple québécois / La conasse de Dorion / Complètement imbécile cette Dorion / Retourne te coucher / De toute façon tu auras ta leçon après les Fêtes et ça sera un dossier réglé / Suicidez-vous / Toi, mange de la câlisse de marde, charogne de vache à deux pattes de dopée.» (p.70)

 

L’Assemblée nationale possède des rites, ses protocoles et des usages qui viennent de loin et d’une autre époque. On a prêté serment à la Royauté britannique pendant des siècles jusqu’à ce que Paul Saint-Pierre Plamondon et les rescapés du Parti québécois refusent de le faire en 2022. La crise s’est réglée en douce. Les députés péquistes ont pu siéger sans ce simulacre et cette fausse comédie. 

Un protocole touche la tenue vestimentaire tout comme le vocabulaire. Jean-François Lysée signalait dans l’une de ses chroniques du journal Le Devoir que c’est au Québec où il y a le plus de mots qui sont interdits lors des débats. 

 

ATTENTION

 


Catherine Dorion fera l’actualité plus souvent qu’à son tour pendant la première année de son mandat, pas nécessairement à cause de son opposition au troisième lien du gouvernement caquiste. On papotera de sa tenue vestimentaire, de son vocabulaire, des images qui étonnaient dans ses vidéos. Le monde médiatique exultait et en redemandait. Denise Bombardier ira même jusqu’à comparer la députée solidaire à Donald Trump. La pire insulte qu’elle pouvait recevoir. 

 

«J’ignore encore que ce n’est qu’un petit avant-goût des critiques intenses qui me seront faites dans les médias au sujet de ma manière d’être, de ma façon de me vêtir, de parler, d’utiliser les réseaux sociaux, de mes façons tout court. Chaque fois que j’essaie de rédiger ici, pour le lecteur, le récit de ce chapelet de critiques, de raconter ce qui les a déclenchées et comment on les a égrenées dans le champ médiatique, chaque fois, une écoeurite aigüe s’empare de mon être et m’intime aussitôt de laisser là ce texte et d’aller me préparer un gin tonic. Par un étrange réflexe de ma psychologie, la platitude et la banalité de ces histoires d’école primaire me vident de ma force vitale dès que je les laisse remonter à ma mémoire.» (p.53)

 

Cette effervescence causera un malaise à l’intérieur de son parti. Elle prend trop de place et attire trop l’attention, laissant dans l’ombre les porte-parole de Québec solidaire. Surtout Gabriel Nadeau-Dubois qui n’aime pas se retrouver derrière sa députée.

 

«Personne ne s’intéresse aux discours à l’Assemblée nationale, je peux y raconter ce que je veux, ça n’a pas d’impact. Gabriel m’exprime très clairement le nœud du problème cet automne-là : “Tu as plus d’attention média que les porte-parole, ce n’est pas normal.” Comme on dit au théâtre : j’upstage. Ça ne se fait pas. Il faut que j’aie moins d’impact.» (p.133)

 

La situation ne pourra que s’envenimer avec le «vrai leader» de Québec solidaire. À bout de force, elle choisit de se faire discrète pour ne pas dire absente. Elle terminera son mandat sans soulever de vagues en s’occupant des gens de sa circonscription et en prenant un congé de maternité. Tout ça avant de revenir à sa vie d’antan, à son métier d’écrivaine et de comédienne. 

 

TÉMOIGNAGE

 

Voilà un témoignage extrêmement intéressant qui nous plonge dans les usages et les comportements d’une institution qui donne l’impression souvent de tourner à vide. Une machine où les attachés de presse prévoient la déclaration du jour qui retiendra l’attention des journalistes ou encore les médias qui imposent un sujet en s’accrochant à un mot ou un événement sans importance, mais que l’on répétera pendant vingt-quatre heures. La bête de l’information continue est insatiable. 

Les commissions parlementaires où les députés de l’Opposition ne sont guère écoutés et où tout se décide par le parti au pouvoir. Un appareil huilé qui ne tient pas compte des individus et où les élus ne répondent jamais pendant la période des questions. François Legault est un virtuose dans l’art d’éviter les sujets. Ça donne l’impression d’assister à une mauvaise pièce de théâtre que les comédiens répètent sans vraiment se soucier du public. 

Catherine Dorion entendait brasser la cage, travailler pour les citoyens, devenir celle qui parlait en leur nom et portait leurs revendications afin de créer une société plus juste et meilleure. Il semble qu’un député est muselé quand il se retrouve sur les banquettes à Québec et il doit suivre les lignes dictées par les spécialistes de la communication.

 

«Faire de la politique, au sens le plus noble, c’est mettre ses tripes et sa sensibilité sur la table à l’endroit précis où frappe le pouvoir, pour entrer enfin dans la bataille. La vraie. Ce sont les exemples de bravoure et de droiture — bien plus que l’image beigifiée d’un parti qui évite tout et son contraire pour ne pas perdre des votes — qui pourront générer chez les gens du désir pour leur peuple et pour les luttes à mener en son nom.» (p.136)

 

Catherine Dorion quittera la politique amochée malgré son enthousiasme, son audace, son optimisme et sa volonté de bousculer les choses. Personne ne peut résister à un ouragan médiatique. Tous les journalistes se sont jetés sur elle pour la curée, de la radio poubelle aux journaux plus traditionnels. 

Catherine Dorion quittera la politique amochée malgré son enthousiasme, son audace, son optimisme et sa volonté de bousculer les choses. Personne ne peut résister à un ouragan médiatique. Tous les journalistes se sont jetés sur elle pour la curée, de la radio poubelle aux journaux plus traditionnels. 

Un témoignage passionnant et percutant qui a encore plus de sens avec l’abandon d’Émilise Lessard-Therrien comme co-porte-parole de Québec solidaire. Elle répète dans sa lettre de démission les propos de Catherine Dorion quant au fonctionnement de son parti, du peu d’écoute qu’elle a reçu et des choix de la garde rapprochée de Gabriel Nadeau-Dubois. Un porte-parole qui décide tout malgré la structure bicéphale de cette formation politique qui se veut différente. 

J’ai parcouru le récit de Catherine Dorion comme un roman et j’ai tourné la dernière page en me retrouvant déprimé pour ne pas dire découragé. Dans le monde politique, les plus doués, les plus originaux, les plus audacieux sont broyés. Un témoignage que tous les électeurs devraient lire avant de voter pour celui ou celle qui promet de réinventer les choses et de sortir des sentiers battus. Catherine Dorion démontre que ce souhait relève de l’utopie. On peut répéter qu’il faut faire autrement, du bout des lèvres à l’Assemblée nationale, mais rien ne changera et toute une armée se déploie dans les corridors de cette vénérable institution pour faire en sorte que la machine tourne à vide. De quoi décourager bien des citoyens qui croient en la démocratie et à la parole qui s’exprime et se développe dans la plus joyeuse des libertés. De quoi rendre obsolète le très beau mot espoir.

 

DORION CATHERINE : Les têtes brûlées, carnets d’espoir punk. Éditions Lux, Montréal, 372 pages.

 https://luxediteur.com/catalogue/les-tetes-brulees/