Nombre total de pages vues

Aucun message portant le libellé Éditions Lévesque Éditeur. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé Éditions Lévesque Éditeur. Afficher tous les messages

lundi 19 août 2019

ATTENDRE ULYSSE, CROISER ALICE


ON AIME QU’IL FASSE chaud, que l'humidité colle à notre peau. On fait fi des râleurs et râleuses qui n'ont qu'une hâte, que la neige recouvre maisons, trottoirs, plantes et pelouses. Pour nous, la vie se peint en vert et non en blanc. On n'y peut rien, de nos gènes coule un soleil ardent signifié par le désert aux dunes mouvantes, aux pierres assoiffées, aux puits vivifiants cachés dans la verdure paisible d'une oasis. On commente le récit de Yvon Paré, L'enfant qui ne voulait plus dormir. 

La période estivale permet de déroger à certaines règles le moindrement élémentaires quand il s'agit du choix d'un livre, qui fera notre délice en nous délectant de la chaleur. On revient loin en arrière dans la pile qui encombre l'une de nos bibliothèques. On est étonnée de tirer de l'oubli un ouvrage qu'on aurait dû lire des mois auparavant. Que s'est-il passé pour l'avoir relégué dans le lot des fictions qu'on finira par donner ? La question s'est posée quand notre index a incliné vers nous le récit de Yvon Paré, tout de blanc vêtu, offert par un ami écrivain aujourd'hui décédé. Émue, on a feuilleté les pages dans le désordre, nous interrogeant sur ce carnet littéraire, comme si l'écrivain allait nous répondre. Ce qu'il a fait, affirmant que le genre est une sorte de repos de l'écriture de la fiction. Sa réponse nous ayant satisfaite et titillé notre curiosité, on a nourri notre lecture de la poésie d'un homme qui vit dans l'entité d'une région réputée du Québec. Le Saguenay. Accompagné de ses deux chattes, chaque matin est un miracle qu'il décrit avec une sobriété épistolaire remarquable, laissant de côté des événements journaliers, pas toujours agréables, qu'ils soient publics ou d'ordre privé. Et que de métaphores emplissent la narration ! Les loups ont la part belle dans ce déballage de sentiments intenses, d'une sensibilité rarement rassasiée, comme si écrire s'avérait le suprême antidote à l'angoisse d'un passé partagé, quelquefois égaré, entre famille et amis.

FAMILLE

Une mère et un père aimants, silencieux, des frères éparpillés sur le territoire inexploré d'un avenir incertain. Anecdotes familiales abordées sur un air de regret qu'absorbe la musique de Bach, la présence d'oiseaux racoleurs, les jardinières de fleurs égayant les alentours de la maison. « Il y a tellement d'oiseaux dans l'haleine du jour, de parfums, d'odeurs fortes. » Toujours, le dernier mot obligeant revient au témoin-écrivain, avant de passer à autre chose. Cette autre chose nous ramenant à Ulysse, le roman que plus tard, on savourera avec émerveillement, son auteur décryptant avec ferveur la nature de son coin de pays, là où la silhouette d'un cargo au large se profile, là où volatiles et enfants s'ébattent. Pendant que le narrateur et sa compagne, Danielle, parcourent à vélo des paysages grandioses où tous deux s'arrêtent pour mieux s'en imprégner, à Montréal les étudiants et Québécois battent le pavé pour justifier le droit de s'instruire gratuitement. Manifestations qui prendront de l'ampleur, ancrées sous le signe de battements intempestifs de cœurs sincères et ceux des casseroles. Le récit possède un repère concret que l'écrivain, pragmatique, dirigera courageusement jusqu'à la dernière page, un brin désenchanté du résultat. Des propositions de politiques n'apportant que de piètres changements socio-économiques. Inlassablement, l'histoire se répète, ressassement inépuisable dans la tête d'hommes subjugués par le pouvoir.

SOUVENIRS

Mais là où demeure Yvon Paré, les souvenirs affluent, la révélation de l'enfant qui, très tôt, décide qu'il deviendra écrivain. L'enfant qui, pour ne pas dormir, mettait de la colle blanche sur ses paupières, voulant garder les yeux ouverts sur le monde nocturne extérieur. Les fabulations qu'il crée derrière la vitre obscure, se transformant en bêtes partageant ses insomnies. Dieu, qu'il prie intensément, ne répondra jamais à ses appels, l'enfant exacerbé par le silence divin deviendra ainsi l'enfant qui ne voulait plus dormir. Loin des cauchemars juvéniles, le présent donne vie chaleureuse à un homme soucieux d'admirer les deux chattes complices, les arbres fruitiers, les pivoines, la tourterelle. Agitation bienveillante partagée entre les rencontres avec des écrivains régionaux, avec le petit-fils à qui il faut inventer des histoires à répétition. La vie ordinaire, transcendée par un œil terriblement observateur, par un poète qui, malgré d'amères déceptions livresques, ne cèdera jamais la place à l'indifférence méprisante de ceux qui ont dénigré son œuvre. Incompris parce qu'il se contente « d'être fidèle à la réalité, au vécu de [ sa ] famille, puisant dans les secrets que personne ne veut entendre. » Comme les pivoines échevelées qui nous attendrissent, le récit n'en devient que plus poignant, l'auteur mentionnant ses propres lectures, au rythme du vent qui « étrille les pins », des vagues qui « plantent leurs griffes dans le sable. »
Irréalité des paysages quand se mobilisent les arbres, les oiseaux, les fleurs, décrits du point de vue d'un homme qui sait dialoguer avec eux. Monde minéral, monde aquatique, monde fluvial, auquel nous devons nous adapter, citadins peu habitués que nous sommes à un tel épanchement irrationnel, vision illusionniste qui adoucit les conflits bruyants estudiantins se déroulant à Montréal, au rythme saccadé des voix fatiguées de toujours revendiquer pour obtenir justice et droits civiques. L'écrivain rassure notre scepticisme en évoquant régulièrement l'écriture d'Ulysse, chacun se déterminant dans son rôle, celui qui prend la parole, qui détourne le regard d'une télévision insipide. Cela n'est pas dit mais pour que le charme opère de jour et de nuit, nous devons pénétrer à pas discrets dans les intentions de l'écrivain qui, avec Danielle, regarde « les étoiles sur la terrasse, devant l'eau qui boit les dernières lumières. Chant de la terre de Gustav Mahler. » Plus tard, l'échappatoire apaisante de personnes aimées qui repartent vers la ville. L'écrivain doit faire face aux derniers chapitres de son roman, le rêve l'emporte pour échapper à l'angoisse, aux peurs, se questionnant sur son rapport incertain avec la vie, qu'a-t-il perdu en soufflant sur ses mots ?

QUESTION

Le récit s'avère un gigantesque point d'interrogation, comparable au destin étonnant de cet homme frappé par la foudre de la poésie qui l'a habité dès la naissance. Échevelé aussi ce questionnement sur soi-même à mesure que les années passent, que la présence des siens s'amenuise, que l'enfance s'assoupit, que l'existence tendrement se loge dans les dentelles de l'aube, dans la promesse du soleil derrière la dune. Il attend les chattes, il ouvre une porte, le jour l'immobilise face au Grand Lac sans fin ni commencement. Il faut tout reprendre, affirme Yvon Paré, alors qu'il le fait constamment pour notre infime plaisir. Participer à l'aventure grandiose d'Ulysse sur qui les loups veillent, accaparent avant sa finalité. Toute vie n'est-elle pas ainsi ? Un vagabondage entre les lignes tracées par une main mystérieusement guidée. Si tel l'écrivain, de la vie nous essayons d'en améliorer les retailles, nos propres fauves ne peuvent échapper au chaud d'une parcelle vitale avortée. Ce n'est pas pour rien, ni pour personne, que Yvon Paré a mentionné ses préférences, ses opinions, ses déceptions, sa tendresse, avec une franchise déconcertante, une humilité démodée, dressant des passerelles que nous devons franchir pour mériter d'écouter les secrets d'un monde qu'il susurre à notre oreille attentive. Souhaitant au fond de nous que jamais ce monde ne soit accessible à qui envisagerait de le blesser ou de le détruire. Ce serait mettre en lambeaux les rêves et cauchemars d'un enfant qui, devenu adulte, en a rassemblé les sources évocatrices et nourricières. A synthétisé l'importance d'une période nécessaire à la maturité d'un regard exceptionnel jeté sur un enfant ébaubi face au miroir du monde qu'il a su édifier, imitant en cela Alice, cherchant la sortie de son territoire habité d'un lapin démonstratif, en retard ou en avance à tous les rendez-vous où l'imaginaire s'alimente de nos expériences plus ou moins adaptées à nos convenances. Récit captivant, sans moralité aucune, à lire lentement, sous le couvert de se retrouver soi-même, d'éprouver nos peurs secrètes, de se dire qu'un écrivain-poète tient notre main, comme il l'a fait au long d'un parcours épineux, hors de sentiers conventionnels.


PARÉ YVON, L’ENFANT QUI NE VOULAIT PLUS DORMIR, une publication de LÉVESQUE ÉDITEUR, 2014, 126 pages.
Cette chronique est parue dans MA PAGE LITTÉRAIRE, le blogue de Dominique Blondeau, le 19 août 2019.



mercredi 17 avril 2019

CES BRÈCHES QUI MARQUENT LA VIE


« J’AVANCE EN SAUTILLANT pour éviter les fentes de trottoir sur le chemin périlleux de l’école. Je sens le froid sous les pieds quand je traverse les fissures qui filent et s’entrecroisent, ruisseau, fleuves, deltas lilliputiens. Il faut être habile pour ne pas marcher sur les brèches qui risquent de s’élargir. »

Charlotte Gingras n’a pas su éviter ces fissures qui se sont élargies sous ses pieds. Elle s’y enfonce dans un carnet troublant, une réflexion patiente, comme le jour qui s'étire du matin au soir. Elle bascule dans les trous de son enfance et cherche à comprendre pourquoi elle était si seule, toujours. Ses sœurs sont parties tôt avec les oiseaux migrateurs, ne sont pas revenues. Seule avec une mère absente et distante, un père musicien et professeur de piano qu’elle ne voyait jamais. Seule avec le souvenir de sa grande sœur bien-aimée, danseuse, disparue si jeune dans ce pays d’Europe.
Pas étonnant que Charlotte Gingras ait emprunté le chemin de l’écriture pour donner une direction à sa vie, à cette longue dérive que semble avoir été son existence. La petite dernière de la famille n’a pas eu droit aux rires, aux jeux et aux courses folles dans un parc avec des voisines pour secouer des secrets. Pas de belles amitiés non plus pour inventer le monde et ses environs. Elle savait peut-être, devinait qu’elle était un malentendu ou le fruit d’une conspiration étrange. Elle a compris très tôt qu’elle n’était pas la fille désirée de l’amour. Elle a été une sorte de médicament qui devait donner du poids aux jours de sa mère, lui faire oublier sa mélancolie et son refus d’emboîter le pas. Autrement dit, de se mouler à la norme et de suivre toutes celles qui s’occupaient des enfants, baissaient la tête devant un mari, un curé comme l’exigeait une certaine société.

Je les imagine, lui et le médecin, en train de réfléchir ensemble, évaluer les options, décider entre hommes du sort de cette femme qui souffre de son époque, l’époque de l’épouse obéissante à l’époux, au curé. Une femme impossible à vivre, disent-ils, frigide, parfois délirante, qui ne veut voir personne, déserte le lit conjugal, passe ses nuits avec sa machine à coudre, qui vient à peine d’avoir le droit de vote et qui ne vote pas du bon bord. Une femme, surtout, qui éteint toutes les lumières. Les décideurs tranchent. On lui fera un enfant. (p.121)

Le résultat, cette panacée plutôt étonnante, ce sera Charlotte. Un bébé pour occuper Irène, la rebelle, celle qui ne fait rien comme les autres et que son mari Roland a songé à faire interner. Il n’y a pas si longtemps, au Québec, les hommes avaient le droit d’envoyer leur femme à l’asile pour s’en débarrasser quand elle refusait d’obéir ou de se soumettre.
Alors, imaginons les jours de cette fillette, la lourdeur qui pesait sur elle, la solitude et surtout l’indifférence. Prisonnière, condamnée pour une faute qu’elle n’a jamais commise. Il fallait qu’elle marche sur la pointe des pieds, ne jamais trop respirer, jamais rire à tue-tête pour libérer la folie et découvrir le monde. Ne pas parler, se taire. Elle était méfiante, jamais à la bonne place, en marge à l’école où elle ne comprenait rien. Toujours en maque d’attention et d’affection, perdue dans des gestes qui ne sont jamais ceux que l’on exige d’elle.

Remonte la bile acide, je te crache dessus, tu m’as volé mon enfance, tu m’as fait avaler tes frayeurs comme une nourriture viciée, tu m’as attachée à toi de force, à ce jour mes poignets ne supportent pas la présence d’un bracelet. Tu t’offusquais du peu d’amour que je te témoignais. Tu me trouvais égoïste, sans-cœur, c’est vrai que je n’ai pas pleuré quand ta mère est morte parce que je ne la connaissais pas, ta sage-femme de mère, jamais tu n’as pensé qu’une grand-mère pouvait avoir de l’importance pour une enfant esseulée. (p.103)

CHEMIN

Après plusieurs publications, elle se sent coincée dans ses jours et comme ailleurs. Elle a inventé des histoires pour les jeunes, peut-être pour se bercer dans une enfance qu’elle n’a jamais eue, dans cette grisaille où elle n’avait que les livres pour oublier le monde et faire en sorte que personne ne puisse l’atteindre. Maintenant, c’est autre chose. Elle se surprend dans le reflet des miroirs et c’est douloureux. Les mots ne veulent plus dire la même chose.

La séduction a foutu le camp, envolés les héros et leurs actions entraînantes, par de merveilleux dialogues que j’aimais élaguer jusqu’au squelette. Reste la présence, la marche hésitante. Est-ce que, par cette écriture du rien, j’apprivoise la mort ? Et, par ricochet, le désir de vivre vivant ? (p.89)

Sa vie avec un compagnon n’a pas duré. Il lui reste des phrases qui font la sourde oreille, quelques plantes qu’elle fait pousser sur sa galerie et un carré près de la rue, un morceau de campagne au pied d’un arbre qu’elle entretient minutieusement pour la beauté dans le quartier, laisser sa marque peut-être dans son coin de ville.

SOLITUDE

Charlotte Gingras se demande si l’écriture peut l’avoir abandonnée ou si ce carnet peut répondre à ses questions. Ce texte, elle l’arrache en elle, mot après mot, comme elle le fait pour les mauvaises herbes dans son coin de beauté. Ça ne coule jamais, ça exige tant d’efforts et de patience. De l’obstination même.
Elle rêve encore et cherche une maison à la campagne, face au fleuve pour voir le plus loin possible, d’arbres partout et de fleurs qui s’ouvrent pour la saluer dans le commencement du jour. Toujours à visiter des sites sur le web pour trouver le refuge qui l’attend et qu’elle pourra faire respirer.
L’écriture, ce travail qui lui a permis d’avoir des balises, devient souffrance. Pourquoi passe-t-on des heures à arranger les phrases comme on le fait d’un potager ou d’un carré de verdure ? Pas étonnant que les écrivains soient souvent des jardiniers qui ne comptent pas les heures pour désherber et surveiller des plantes éphémères. J’ai l’impression en juillet, quand je m’occupe des pivoines et des rosiers, de secouer la Terre et de me brancher à l’univers. Je pense à Victor-Lévy Beaulieu qui rôde au milieu des plates-bandes et des arbres dans son immense domaine de Trois-Pistoles pendant tout un mois d’été avant de retrouver les chemins des mots dans son bureau qui s’ouvre sur le fleuve tout en bas, de l’autre côté de la voie ferrée, sur les montagnes du Saguenay plus loin encore, dans l’autre versant du monde.
Toujours là à surveiller son carré comme si c’était la chose la plus précieuse, à regarder les oiseaux qui s’en donnent à cœur joie dans le bain qu’elle nettoie, à tourner dans un appartement, à se chercher un peu partout.

Cette écriture-ci tient par le mouvement des jours, des éclats de mémoire, l’apprentissage sans fin du tai-chi, le temps que ça prend, écrire, la présence. (p.78)

Et il y a le tai-chi comme une musique ou un leitmotiv. Elle suit des cours pour savoir les mouvements, plonger dans les territoires de son corps. Toute dans un geste de la main, dans une façon de se tenir debout, dans une seconde ou quand elle déplie la jambe.
L’écrivaine cherche peut-être dans cette discipline à secouer une histoire qui colle à sa peau, à retrouver une présence qui a toujours été négligée. Non pas se défaire, parce qu’on n’y arrive jamais, mais se calmer, s’apprivoiser certainement et vivre en paix avec son passé. Repousser les jours tristes et s’ancrer dans l’instant pour respirer la largeur du fleuve dont elle rêve.

RECHERCHE

Toute une vie à chercher un lieu où ancrer son être, s’installer dans des habitudes, pour enfoncer ses racines dans la terre avec les fleurs et les tomates, appeler les oiseaux et s’émerveiller de leurs vols et de leurs excitations dans les arbres. Être chez soi en soi.
La plupart des écrivains parcourent le chemin des souvenirs et de l’enfance. On n’y échappe pas. Je suis retourné si souvent dans mon village pour tenter de comprendre pourquoi j’ai ressenti si tôt l’obligation de m’éloigner même si tout m’accrochait à ce pays où j’avais mes aises. Je savais. Je ne pourrais jamais marcher vers moi si je restais à hanter les forêts avec mes frères. Je devais partir, sortir de mon corps pour être un autre. Moi aussi j’ai fouillé les boîtes de photos pour m’imbiber du passé de ma famille, celle que je connais si mal. Tout ça pour bouger dans le présent et respirer large comme le lac Saint-Jean.
Et me voilà maintenant dans une maison du bord de l’eau avec des arbres qui se dressent dans les jours de vents ou de calme plât. Pas une demeure, mais un capteur de lumière où j’ai l’impression de toucher les mésanges en tendant le doigt ou ce Grand Pic qui sonde patiemment l’écorce des pins.
Charlotte Gingras dans Brèches est terrible de vérité et de franchise. Ses « brèches » m’ont souvent bouleversé. Je me suis tellement retrouvé dans cette quête, ce désir d’être dans les gestes les plus simples, dans certains regards, des rêves qui coulent dans le versant des mots et des phrases. Un carnet incroyable de justesse et de lucidité à lire avec précaution. Ça bouscule l’être, la vie dans ce qu’elle a d’essentiel et de nécessaire. Des mots qui touchent l'âme.


BRÈCHES, CARNET de CHARLOTTE GINGRAS publié chez LÉVESQUE ÉDITEUR, 2019, 138 pages, 18,00 $.


http://www.levesqueediteur.com/breches.php

jeudi 24 janvier 2019

LYNE RICHARD VOIT AUTREMENT

J’AIME LE TITRE de ce recueil de nouvelles de Lyne Richard qui évoque la vie de quartier dans ses gestes les plus simples. Les cordes à linge de la Basse-Ville permet de redécouvrir le quotidien dans ses grandeurs et aussi, peut-être, dans ses misères. Vingt-huit courts textes qui poussent le lecteur dans le quartier Saint-Sauveur, un secteur de la ville de Québec, de suivre des personnages qui vont et viennent du matin au soir. L’écrivaine sait voir le milieu qui l’entoure avec une précision singulière. Madame Richard décrit sa ville, un quartier où les gens se croisent, se saluent parfois, doivent combattre des peines et vivre bien des ruptures. Voilà une observatrice hors pair des hommes et des femmes, des enfants aussi, qui sont tous à la recherche d’un peu de bonheur et de paix.

J’aime qu’une écrivaine s’attarde aux occupations quotidiennes pour en surprendre la beauté et une forme de grandeur. Bien sûr, on se heurte à l’amour, la maladie, la mort, les chagrins et la peur qui traversent toutes les vies. Lyne Richard possède cependant ce don précieux de faire voir, comme si elle vous prêtait ses yeux. Le territoire familier devient alors un espace d’explorations et de découvertes.
Madame Richard consacre aussi son temps à la création d’œuvres visuelles, ce qui aiguise certainement sa manière de montrer le monde dans ses agitations. Et ce qui me touche plus que tout, c’est cette empathie que l’on ressent, disons le mot lourd de sens, cet amour pour les gens qui vaquent à leurs activités, jonglent avec des drames qu’il est impossible d’éviter.

C’est là, dans le sous-sol du bungalow de tante Charlotte, que j’ai pris un livre dans mes mains pour la première fois. Chez nous, il n’y avait pas de livres. Je l’ai ouvert et je l’ai senti. Ça sentait la vie rêvée, les voyages d’aventures, ça sentait l’inconnu. Je me suis dit que dans les livres, on pouvait avoir une mère heureuse et un père doux comme oncle Andrew. Ça m’a tout de suite émue, alors j’ai décidé de devenir écrivaine. (p.23)

Il faut retenir ce que dit ici la jeune narratrice. L’écriture permet de s’inventer une vie, de transformer les gens, de trouver le bonheur et d’oublier la cruauté ou les malheurs. Un roman peut changer les parents au contact des mots et des phrases. Peut-être est-ce là le rêve un peu naïf d’une enfant, mais en suivant Lyne Richard, on comprend qu’elle ne dévie pas tellement de ce credo.
J’aime que l’on délaisse les drames qui tapissent les activités des médias et déambuler dans une ville avec le sourire. Ce n’est pas facile le métier de lecteur quand les écrivains s’acharnent à ressasser la misère, la violence, l’exploitation sexuelle et psychologique. Que ça fait du bien de s’avancer dans une éclaircie, de sentir la chaleur du soleil sur sa peau et de s’abandonner au plaisir de vivre un beau matin d’été.

REGARD

Tout arrive à celui qui prend le temps d’observer les gens qu’il côtoie tous les jours. Tout peut s’imaginer quand on étudie la danse des cordes à linge dans le souffle du matin, les chemises, les pantalons qui se gonflent, mais aussi les dessous intimes. C’est terrible tout ce que cet étalage peut raconter sur ceux qui se livrent sans gêne aux regards des passants.

Étendre des sous-vêtements féminins tient du grand art qui consiste à révéler le corps qui ose s’afficher ainsi sur la corde. J’ai toujours pensé que celles qui le faisaient bien étaient des femmes très sensuelles, libres dans ce geste d’une grande beauté qui est de montrer le plus intime de toutes les brassées. (p.42)

Je n’y avais jamais réfléchi avant. Il y a un art de la corde à linge. Avec Lyne Richard, ce ne sont pas seulement des vêtements que l’on place les uns à côté des autres, mais un message que l’on envoie aux gens. C’est certainement ce que j’imaginais quand j’ai écrit La légende de Mémots en 1984, une sorte de conte pour le premier collectif de la nouvelle maison d’édition Sagamie-Québec que nous venions de fonder. Mon héros pratiquait le métier très envié d’accordeur de cordes à linge. Son art permettait de faire entendre une musique harmonieuse les jours de grandes agitations.
Rêver devant cet étalage de vêtements qui danse sous les applaudissements du vent, inventer des personnages, capter des signaux, créer un monde de fantasmes et de désirs peut-être.

VIE

L’art de la photographie permet à un personnage de Lyne Richard de voir bien des choses dans une ville qui semble ne receler aucune surprise quand on y vit depuis longtemps.

Je commence par la rue Arago et je descends jusqu’à la rivière Saint-Charles. Rue par rue. La Basse-Ville est magnifique le matin. Rue par rue le nez en l’air à regarder les corniches, les arbres et les oiseaux. Les vieilles portes aussi. Les jardinières et les perrons. J’ai une fascination pour les perrons, car l’été, quand j’étais petit, après le souper, mon père et moi allions nous asseoir sur le perron. Mon père fumait sa pipe et me racontait sa journée. Papa travaillait au cimetière Saint-Charles et il disait que c’était l’endroit le plus beau du quartier. Parce que, mon garçon, il s’y passe des choses vraies. (p.37)

L’art de voir autrement ce qui nous entoure et surtout de le montrer de manière juste et inspirante n’est pas fréquent. Ces balcons où les familles se retrouvent l’été, une jeune fille qui court dans le parc et qui ne peut retenir ses larmes. Un chien, patient comme tous les animaux, témoin de l’agitation humaine. Des enfants qui s’amusent, un sculpteur amoureux d’une femme qu’il a croisée une seule fois et qui ne peut s’empêcher de l’imaginer dans tout ce qu’il touche.
Impossible non plus d’éviter les cruautés de l’existence. Une jeune fille agressée sexuellement par son grand-père. L’horreur se faufile partout. La vie, même quand on se tourne vers le beau, possède son lot de laideurs. Et il y a ceux qui n’arrivent plus à rêver, qui glissent dans la déprime et qui ont la certitude de sombrer dans un grand trou sans fond. Certains textes m’ont rappelé l’approche de Marie Ouellet qui se livre au même patient travail d’observation dans son recueil Courtes scènes fugitives. Tout comme André Carpentier dans Ruelles, jours ouvrables.

LA VILLE

Ce que j’aime surtout, c’est cette vie communautaire où j’ai eu l’impression de plonger dans une fresque de Jérome Bosch. Ces toiles immenses où les petites histoires individuelles se nouent pour faire partie de la grande représentation. C’est vivant, grouillant, souvent émouvant. Le quartier vibre, comme si la ville respirait et poussait tout le monde dans une chorégraphie qui se fait et se défait selon les heures du jour.

Elle peint cet homme encore et toujours, depuis des semaines, elle peint cet homme qu’elle ne connaît pas. Toujours elle l’enferme dans des racines, elle ne sait pas peindre autre chose que son corps et des racines, même quand il se tient près d’un lac, on ne voit pas le lac sur la toile, on ne voit que l’homme et les racines. Elle, elle dit que le lac est dans ses yeux à lui, elle dit qu’il est le monde à lui seul. Tout un monde dans un corps seul. (p.60)

L’art de vivre dans la plus belle simplicité et dans sa grandeur émouvante. L’imaginaire aussi qui transforme tout.

ORFÈVRE

L’auteure trouve un rythme en ciselant sa phrase qui devient effilée comme un couteau à pain. Un travail d’orfèvre qui s’appuie sur la patience et ne prend fin que quand l’artiste a touché ce qu’elle imaginait avant de se lancer dans sa tâche.
La belle impression de circuler tout doucement dans une suite de tableaux qui m’ont rappelé mon ami Jean-Guy Barbeau qui savait si bien peindre la solitude des femmes, leurs craintes et leurs effarouchements. Combien de fois j’ai rêvé devant ces personnages qui cherchaient à échapper à leur vie étouffante ?
Lyne Richard pratique l’art du regard. Quel plaisir de l’accompagner dans son quartier, de s’attarder dans un parc les jours de soleil et de canicule, de marcher sur des trottoirs usés, de s’arrêter devant une corde à linge après avoir bifurqué dans une ruelle ! 
Une belle dose d’humanité que ce recueil. Une écriture qui tient du carnet, de l’aquarelle et peut-être tout simplement de la manière de prendre son temps pour voir un lieu habité dans toutes ses dimensions. Des textes qui font du bien à l’âme et réchauffent comme une tasse de café noir très tôt le matin, quand le jour n’est encore qu’une promesse.  


LES CORDES À LINGE DE LA BASSE-VILLE, nouvelles de LYNE RICHARD, publiées chez LÉVESQUE ÉDITEUR, 2018, 134 pages, 23,00 $.

  
http://www.levesqueediteur.com/les_cordes_a_linge_de_la_basse_ville.php

vendredi 7 décembre 2018

SERGIO KOKIS DÉRANGE ENCORE

JE FAIS TOUJOURS la même chose quand je reçois une nouvelle publication de Sergio Kokis. Je mets de côté tous mes projets de lecture et me penche sur le nouveau livre de cet écrivain que je lis depuis ses débuts en 1994. Désolé pour ceux qui doivent attendre leur tour. J’aime secouer de grandes questions ontologiques avec lui, discuter tout en dégustant une liqueur ambrée. Et je dois souvent arrêter ma lecture pour ne pas être « enfirouapé » par ce formidable conteur.

 Sergio Kokis est demeuré plutôt fidèle au genre romanesque depuis Le pavillon des miroirs, sa façon privilégiée d’aborder l’écriture après vingt-cinq publications. Bien sûr, il a fait des excursions du côté du récit où il s’est permis de raconter ses longues déambulations sur le chemin de Compostelle dans Le sortilège des chemins ou encore dans des nouvelles. Et voilà L’innocent, une autre publication qui vient toucher ceux et celles qui aiment les questionnements existentiels.
Mon ami Sergio Kokis ne rate que rarement son coup avec moi. J’écris ami, parce que je connais l’écrivain depuis presque sa première publication et pour l’avoir côtoyé à plusieurs reprises dans certaines manifestations littéraires. Même que j’ai eu le plaisir d’être son chauffeur lors de l’une de ses visites au Saguenay. Nous avons même dû affronter ensemble un certain matamore qui voulait nous « casser la gueule » parce que nous étions tous les deux dans le stand de XYZ Éditeur, au Salon du livre de Montréal et que nous occupions prétendument sa place.
Pas que nous nous fréquentions, non. C’est un ami au même titre que tous les écrivains que je lis depuis des années.
J’étais un compagnon de Gabriel Garcia Marquez et Günther Grass sans que jamais ils ne l’apprennent. Un lecteur se fait des amis partout dans le monde, et ce à toutes les époques. Je salue ces grands discrets à qui j’ai très peu parlé dans la vie. Monsieur Gilles Archambault, Jacques Poulin dont je me languis depuis un bon moment, Victor-Lévy Beaulieu qui m’a occupé pendant des mois avec les cathédrales que sont James Joyce, l’Irlande, le Québec, les mots ou 666 Friedrich Nietzsche. La liste pourrait s’allonger si je me tourne vers Dominique Fortier, Larry Tremblay, Christian Guay-Poliquin, Éric Dupont, Daniel Grenier et Daniel Canty.

AUDACE

Sergio Kokis ose ce que peu d’écrivains font de nos jours, soit jongler avec des questions philosophiques ou métaphysiques. Rares sont ceux maintenant qui osent s’aventurer dans les hautes sphères de la pensée. Kokis a même convoqué Dieu en personne dans Le maître de jeu.
Isidoro, frère apothicaire et Alberto, barbier-médecin, discutent et abordent de grandes questions qui pourraient les mener tout droit devant le tribunal de l’Inquisition si leurs propos étaient ébruités. Parce qu’ils vivent à une époque où la liberté d’expression n’existe guère. Il faut marcher droit et suivre les enseignements des supérieurs, se faire le plus discret possible pour avoir la paix. Ça ressemble à notre époque où les tribunaux de l’Inquisition se multiplient sur les réseaux sociaux et que la censure se sert de « l’appropriation culturelle ».

Et après la mort du frère Basilius, son confesseur et directeur de conscience, frère Isidoro était sans aucun recours pour l’aider à retrouver la paix. Comment pouvait-il continuer à croire en Dieu et à la sainte Église, s’il fallait passer d’abord par le démon ? Parce que sans la main du démon, ce miracle n’était qu’une vaste supercherie doublée affreuse cruauté. (p.14)

Toutes ces questions sont provoquées par l’arrivée d’un petit garçon au monastère, un jeune garçon abandonné qu’ils ont accueilli et qui se comporte de façon plutôt étrange. L’enfant est d’une très grande beauté physique et tout le monde veut le protéger pour de bonnes ou mauvaises raisons. Un bambin silencieux, plutôt perdu dans sa bulle et qui semble naviguer hors de la réalité du cloître. On dirait de nos jours qu’il est « autiste » ou « asperger ».
Le jeune démontre rapidement qu’il est capable de répéter tout ce qu’il entend. Il ferait fureur maintenant en devenant animateur à la radio et en jonglant avec les clichés et les formules à longueur de jour. Le jeune prodige répète tout ce qu’il entend en classe ou lors des services religieux.

Mais il parlait un peu, au grand soulagement du frère Isidoro. Qui plus est, le garçon se montra bientôt fort habile pour répéter de mémoire de longues séquences verbales entendues soit à la messe, soit aux cours de catéchèse. Évidemment, son jeune âge ne lui permettait pas de comprendre la teneur de ce qu’il répétait. Isidoro était cependant encouragé par cette mémoire d’allure prodigieuse qui, pensait-il, tôt ou tard serait au service d’une raison naissante et tout aussi remarquable. (p.44)

À l’époque où Sergio Kokis situe son histoire, en 1593, nous sommes au début de la Renaissance. La raison tente de s’opposer à la foi aveugle, aux délires et aux miracles que l’Église avait la fâcheuse habitude de dénicher un peu partout pour édifier des fidèles qui en redemandaient.
Isidoro et Alberto cherchent la vérité et ne se laissent pas emporter par leurs pulsions et les racontars. Cette quête de la vérité revient souvent dans les ouvrages de Kokis qui aime argumenter et développer de longues réflexions, montrer ainsi l’envers et l’endroit d’une situation ou d’une question philosophique. Il décrit ainsi son art de vivre où il aime aborder des sujets existentiels tout en faisant bonne chère.

MÉMOIRE

En 1593, la mémoire était considérée comme une manifestation du génie et tout l’enseignement reposait sur la faculté de répéter des formules. Il en fut ainsi jusqu’à une période récente. Je pense à mon enfance où il fallait mémoriser toutes les questions et réponses du petit catéchiste pour avoir son certificat d’adulte. Il était interdit de réfléchir à ce que l’on pouvait ânonner comme des perroquets. Tout le contraire de la réflexion et de l’intelligence.
Les livres étaient plutôt rares à l’époque d’Isidoro et seuls les maîtres pouvaient citer les textes des philosophes et les commenter. Tiago possède cette faculté de pouvoir répéter tout ce qu'il entend à la première occasion. Les deux amis se demandent si l’enfant est un prodige ou un idiot. Chose certaine, il ne comprend rien aux textes qu’il répète et semble avoir un don pour tout mélanger.

Il avait, certes, quelques qualités, dont en particulier une mémoire prodigieuse. Isidoro se rendit compte de cette aptitude un peu par hasard et non sans stupéfaction. Il surprit un jour l’enfant en train de réciter tout seul et en latin une série de psaumes. Même si cela paraissait extraordinaire, il dut se rendre à l’évidence que le petit avait appris les textes en l’écoutant marmonner à voix basse, comme c’était son habitude, durant ses moments de lecture ou de prière. De toute évidence, Tiago ne savait pas ce qu’il répétait, puisqu’il mélangeait de manière ludique les divers psaumes entre eux, cherchant plutôt à accentuer les passages rimés, comme s’il s’agissait de comptines. (p.59)

Sa grande beauté physique et son innocence aveuglent à peu près tout le monde, surtout le frère Ambrosio qui ne cache pas son amour des jeunes garçons et qui malgré ses vœux se tient plutôt loin de la chasteté. Tiago devient malgré lui l’objet de convoitises charnelles et un idéal de pureté et d’innocence.
Le jeune garçon est fasciné par les sonorités et le faste des cérémonies religieuses. Il adore le rituel de la messe et rêve de porter les habits de l’officiant en répétant des formules.
Attiré par des comédiens ambulants (toujours le spectacle) il n’hésite pas à les suivre et se fait initier à la sexualité de façon violente par un couple. Il confond la femme avec la Vierge, répète que Marie la mère du Christ l’a protégé dans son délire éthylique. Il n’en fallait pas plus. Les moines tiennent leur miracle.

Les visions qu’on attribuait à Tiago et ses évocations de la figure de Marie durant ces orgies étaient alors le simple délire d’un scélérat. Un délire en cours de luxure, mêlant de manière blasphématoire le saint corps de la mère du Christ à des pratiques lubriques. Comment donc, se demandait-il, les autorités de la Sainte Inquisition avaient-elles pu être aveugles face à cette question, au point de se laisser leurrer complètement et d’y voir un réel miracle ? (p.147)

Les religieux finissent par se rendre compte que Tiago délire et qu’il peut tout gâcher s’il parle devant les invités lors de la grande fête qu’ils organisent. Ils prennent les grands moyens pour le faire taire. Kokis décrit une scène d’une cruauté sans nom et le pauvre idiot est muré dans une tour où il est forcé de devenir un anachorète qui consacre sa vie à Dieu. Le pauvre innocent meurt de faim et de froid.

QUESTION

Encore une fois, Sergio Kokis se faufile derrière les déguisements pour secouer la réalité. Cette fois, il s’attarde à la fabrication d’une image ou d’une icône de sainteté. Un grand théâtre pour impressionner et manipuler la foule. Le marketing n’est pas né avec la télévision et la radio. De nos jours, les manipulateurs vivent dans le monde du cinéma et des communications où l’on crée de véritables vedettes qui se révèlent souvent de bien piètres humains quand la vérité finit par sortir.
Les conversations entre les deux amis sont fascinantes. Surtout que Kokis jongle avec tous les tabous de cette époque, aborde l’être, le savoir et le rôle de la science.
Le sujet reste très actuel parce que nous vivons dans un monde d’images, de slogans et que les mythes se multiplient. Cette approche permet d’élire des prestidigitateurs qui ne camouflent même plus leur cynisme, leur incompétence et leur ignorance. Sergio Kokis demeure plus pertinent que jamais en nous faisant faire un pas en arrière pour mieux évoquer le monde contemporain. L’histoire ne peut que se répéter, c’est du moins ce que cet écrivain démontre ici. Les gens aiment les icônes, les héros et nous sommes capables maintenant d’en créer à la douzaine avec les moyens de communication. Sergio Kokis reste lucide et j’imaginais son sourire chaque fois que je levais les yeux de la page ou que je retournais une question du frère Alberto. Quel rafraîchissement dans ce monde où « rire de tout » est devenu une obligation !


L’INNOCENT, roman de SERGIO KOKIS publié aux Éditions LÉVESQUE ÉDITEUR, 2018, 228 pages, 27,00 $.