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jeudi 27 avril 2006

Daniel Poliquin jongle avec ses obsessions

 Daniel Poliquin, écrivain et traducteur, publie depuis 1982. Traductions de Jack Kerouac, Matt Cohen, et Mordecai Richler que les Québécois ont aimé détester. Il a mis en français «L’Evangile selon Sabbitha» de David Homel, un autre que plusieurs ont conspué récemment pour ses propos sur la littérature québécoise. Ce Franco-Ontarien semble avoir un faible pour ceux qui prennent le Québec pour cible.
Daniel Poliquin a chargé le nationalisme québécois lors du référendum de 1995 sur la souveraineté. Dans «Le roman colonial», paru en 2000, il fustige tous les indépendantistes, surtout René Lévesque et Lucien Bouchard, fouille le passé de Lionel Groulx pour jongler avec des effluves d’antisémitisme. Beaucoup de mauvaise foi, même s’il soulève des aspects que je partage quand il parle des colonisés. Daniel Poliquin semble surtout avoir du mal à assumer son statut de francophone né hors Québec.

Grande noirceur

«La kermesse», son récent roman, plonge dans la «grande noirceur». Lusignan, fils de Canadien français, on disait cela à l’époque, s’en tire bien à la guerre de 14-18. Il ramasse les cadavres après les affrontements, raconte des histoires pour passer le temps. Son père est menuisier et charpentier comme le célèbre Joseph de la Bible, sa mère Marie, une mystique qu’on finira par enfermer. Lusignan a étudié juste assez pour être écrivain, journaliste, fonctionnaire, propagandiste de l’armée et imposteur. À son retour au pays, il s’approprie le titre de vétéran, se noie dans l’alcool et les hallucinations. Il sera itinérant à Hull et Ottawa, sauvé par Concorde, une rescapée du village de Nazareth, où l’on pratiquait l’inceste et le viol héréditairement.
«Quand mes trois petites sœurs sont mortes de la grippe espagnole, ma mère s’est tuée en se jetant dans le puits. C’est comme ça chez nous: les hommes se pendent dans la grange ou se pètent la cervelle d’un coup de fusil de chasse dans la bouche; les femmes se jettent dans le puits ou la rivière. Mais c’est moins compliqué de les repêcher dans le puits que dans la rivière. Mon père s’est pas suicidé. Il est mort du cancer du rectum; ça faisait trente ans qu’il était assis dessus, tu comprends… » (p.145)

Histoire

Daniel Poliquin réussit à rendre vivant ces personnages qui endossent des concepts qui ont secoué le Québec au cours de son histoire. La religiosité obsessive, la nostalgie de la France, les dérives étranges et l’«appel de la race». Le parcours de Lusignan épouse les soubresauts du Québec et ses idéologies marquantes. Misères à la petite semaine, migration aux États-Unis, participation à la guerre, retour et errance avant de rentrer au village pour rattraper les gestes d’un père quasi muet. À retenir la description de la belle société d’Ottawa, le monde d’Amanda Driscoll qui rêve de bals et de grandes épousailles.
Les personnages se noient dans leurs rêves, trichent, mentent, manipulent, usurpent des identités, perdent contact avec la réalité et finissent fous ou obsédés. Ils sont avalés par des tares héréditaires, rongés par une forme de cancer impossible à déjouer. Ses personnages illustrent les idées âpres et peu subtiles de Poliquin.
On peut sourire devant cette fresque si on ne connaît pas la hargne de Poliquin envers le nationalisme québécois. Étonnant que les médias négligent le côté acrimonieux de cet écrivain, préférant jongler avec des clichés et oublier les assises de ses romans.
Une charge qui passe grâce à l’écriture, une forme d’humour qui grince aux encoignures et grossit le trait comme dans «L’homme de paille». Le lecteur peut garder ses distances, mais cette prose laisse un goût un peu amer.
Malgré son amour pour les empoignades et les raccourcis, Daniel Poliquin demeure un formidable conteur. Je ne peux m’empêcher de croire qu’il dilapide un immense talent en se complaisant dans cette «rage antinationaliste» qu’il ravive de roman en roman.

«La Kermesse» de Daniel Poliquin est paru aux Éditions du Boréal.

samedi 15 avril 2006

Pour surprendre et voir son monde autrement

Francine Chicoine s’émerveille des oiseaux qui habitent le jardin, de la lumière qui retient le souffle au matin, des écureuils tapageurs, des mouches envahissantes et de cet univers qui vit près de soi. Un regard amoureux qui tient du haïku que fréquente cette écrivaine pour cerner de purs moments de contemplation et de méditation.
«Du rampant ou du grimpant, de la fleur ou de la feuille, du brin d’herbe ou du tronc d’arbre, du conifère ou du feuillu, on ne sait pas ce qui est le plus odoriférant. Ça vient de partout, de l’air et du sol, de l’eau et du sous-bois, ça vient d’en haut et ça descend, ça vient d’en bas et ça se répand, c’est tout mêlé, de cime en sol, d’humus en canopée, un parfum suave, capiteux qui flotte dans le pressoir d’odeurs de l’après-pluie. Un torrent d’odeurs dans un nez qui tantôt vaquait à l’air du mois d’août et qui maintenant l’évoque.» (p.72)
Printemps, été, automne, hiver se bousculent avec leurs enchantements. Tout naturellement, je me suis laissé glisser vers le printemps, ce monde qui se liquéfie et se régénère à une vitesse étourdissante en terre du Québec.

Le verdict

Et voilà que nous basculons dans le «Livre dernier». Un coup de massue! Le verdict résonne comme un glas. Aucune espérance de survie. La fidèle observatrice des jours devient la cible de ce tireur fou qu’est le cancer. Événement clinique, statistiques au ministère de la Santé et des Services sociaux, mais drame chez cette femme qui posait à peine la main sur la retraite et se promettait d’explorer les mots dans toutes leurs coutures. L’avenir s’avale et les horizons s’effacent.
«J’ai mal à mon territoire intérieur envahi par l’angoisse, là où j’essaie de me concentrer pour continuer d’exister, mais là où se retrouve la brèche. J’ai mal à mon absence d’avenir. J’ai mal à ma lucidité.» (p.119)

Les mots battent de l’aile devant la mort possible, les mots fuient. Comment oublier la douleur du corps qui emporte tout? La narratrice n’est plus le regard amoureux qui fait exister les choses. Elle s’efface, avalée par la maladie, ce printemps qui la saigne. La fin du monde se profile. Reste les gestes ultimes, la liquidation de tout ce qui faisait l’existence, la résignation. La vie est d’une fragilité qui fait mal.
«Il y a des mêlures dans ma tête, je ne sais plus où se trouve la réalité. Partout, sans doute. Je n’ai plus tellement envie de parler. N’en ai plus besoin, je pense. Est-il possible que j’en sois rendue plus loin que l’expression ? On dirait que j’habite le silence… et que le silence est plein». (p.140)
Les objets alors murmurent et témoignent. Ils ont tout vu. Ils savent depuis toujours. L’oreiller, un collier, des lunettes et les mésanges portent l’histoire de cette femme, comme la terre, dans ses strates, recèle la marche de l’humanité. Cet animisme permet de connaître cette femme secrète. L’observatrice, l’amoureuse du quotidien devient un sujet, un objet à la limite, des vibrations dans les à-coups du temps.
Surtout, cette amoureuse de la vie sait être juste, touchante et émouvante quand elle décrit ces moments anodins et essentiels, oublie son côté moralisateur. Des textes aussi qui auraient pu être poussés un peu plus loin.

«Carnets du minuscule» de Francine Chicoine est paru aux Éditions David.

Écrire et se dire en se mesurant au langage

Danielle Fournier a effectué un séjour au monastère de Saorge, dans les Alpes maritimes. Un moment de réclusion, de solitude pour confronter le langage et l’écriture.
Une cellule, un monastère du XVIIe siècle où les mots prennent du poids et de la densité. L’écrivaine s’abandonne à des réflexions qui débouchent sur des phrases et des images qui la hantent.
«Les souvenirs sont remontés et, avec eux, des moments de bonheur. Et, aussi, ceux de la désespérance.» (p.12)
Un abandon, mais, surtout, un retour sur soi. «J’ai été convoquée, de toute évidence, à entendre ce qui parle en moi.» (p.11) Des souvenirs emportent ces chants qui s’élèvent en spirales. «J’ai réuni mes vivants et mes morts, les ai retrouvés, égarés dans ma mémoire.» (p.15)
On peut imaginer des vagues qui ramènent obstinément les mêmes douleurs et ces questions impossible à cerner. «La poésie n’est pas un genre, mais une manière de vivre, d’être au monde.» (p.41)
Fournier s’abandonne à ces espaces qui la portent pour explorer, se livrer à cette non-écriture d’où va jaillir l’écriture. Et les mots, les sons, surtout dans un pays étranger, se gonflent de sens nouveaux. «Nous ne parlons qu’une seule langue, une langue qui contient toutes les autres.» (p.50)
Écrire, peu importe le lieu, devient une confrontation avec l’ange, un combat avec soi et un ancrage. «J’écris pour garder présents ceux et celles qui m’habitent et ont fait ce que je suis.» (p.50)

Profil de vie

Danielle Fournier secoue «les images de pierre issues de l’enfance, le rêve de la beauté et l’échappée des rondeurs d’automne.» (p.82) Elle se heurte à des visages et des blessures mal cicatrisées. Le corps est un terrible palimpseste. Son texte devient une saisie de l’âme. S’impose alors la complainte, le souffle qui déchire les apparences et révèle l’être dans sa quintessence. «... Cette mémoire fragmentée intérieure et affective que l’on se murmure dans les profils de l’ombre au creux d’un lit.» (p.95) «Je m’acharne à vouloir m’habiter. Dois-je faire appel à l’ombre des mots sur la page pour m’aider à trouver qui je suis?» (p.115)
Ces chants ramènent l’écriture à soi et hors de soi. L’un est l’autre. Un texte comme un continent qui bouge imperceptiblement sans jamais se transformer. «Je tente de marquer les heures de choses simples, de tendresses, de petites douceurs, d’une main posée volontiers sur l’autre pour imprimer l’appartenance au monde des vivants.»  (p.97)

Mutation

Le «je » mute en «elle» dans de petits textes qui jalonnent la réflexion. Une manière de se protéger et de s’apaiser. Peut-être, quand l’être prend eau, quand l’âme s’affole, il reste ces défenses pour résister et «… Réaménager son expérience au monde et son expérience du monde.» (p.27)
Danielle Fournier ne peut pousser plus loin le questionnement et la franchise. Un témoignage saisissant, un texte d’une vérité que l’on rencontre peu souvent sur sa route de lecteur. Une musique qui s’oublie difficilement. On traverse ces chants en caressant chaque phrase qui se retourne, devient une sentence qui s’impose et palpite hors du texte.
«Je suis vivante et ne comprends pas comment il se fait que je le sois encore, que je puisse rester debout, balayée par les vents intérieurs et les courants isolés tenus au plus près de la poitrine.» (p.145)

«Le chant unifié» de Danielle Fournier est paru aux Éditions Leméac.

Pas capable de rester en place un moment

Serge Patrice Thibodeau «ne semble pas capable de rester en place», vivant entre deux aéroports, deux pays et toutes les destinations imaginables. Ce poète, originaire de Rivière-Verte au Nouveau-Brusnwick, on le comprendra, ne refuse aucun embarquement.
«Lieux cachés» regroupe des récits publiés au cours des années, dans Le Sabord notamment. C’est ce qui explique la forme courte de ces récits. Jamais plus de quelques pages.
Il a vu Beyrouth, Israël, la Palestine et le racisme, Prague qu’il affectionne. Amsterdam aussi, Londres, Mexico et les environs. Montréal, la Provence et Rivière-Verte où vivent ses parents. Il nous entraîne ainsi dans le village de Santa Catarina Loxicha, un monde hors des routes du Mexique. Il fera le détour par le pays de ses ancêtres, Marans dans le Poitou. Le poète voulait voir d’où est parti son aïeul Pierre qui a tout abandonné pour s’installer en terre sauvage d’Amérique. Le voyage peut aussi devenir une plongée dans le temps.

Rencontres

Des profils d’écrivains surgissent ici et là. Thibodeau aime les sons que les écrivains portent comme s’ils étaient les seuls à «entendre leur pays». Il s’attarde à la musique, aux rencontres uniques et à des spectacles inoubliables pour le mélomane qu’il est. Villes aussi qu’il sent vibrer et palpiter.
«Le printemps de Prague a ses sautes d’humeur. Les couleurs du ciel passent brusquement du violet au noir, du gris à l’orangé. Des rafales de pluie durent quelques instants, puis le beau temps revient, le soleil réchauffe le visage. Je profite de l’après-midi pour me rendre à Smichov en tramway. Je n’ai pas mis les pieds dans ce quartier depuis 1990. Les façades écaillées, mornes et ternes, ont été ravalées, de nombreux commerces, multicolores flanquent maintenant les rues populeuses.» (p.48)
Surface

Le lecteur perçoit des odeurs, des couleurs et se heurte souvent à des ombres. Des portraits sympathiques qui tiennent de l’esquisse et du croquis. Je me suis un peu essoufflé pourtant à bondir ainsi d’une année à l’autre, à franchir toutes les frontières. Il devient difficile de «voir» ces pays brossés à grands coups de spatule.
Dommage! J’aurais aimé prolonger un peu les escales, m’attarder dans ces pays pour entendre et voir les gens. À lire ainsi cette valse à mille départs, on est pris de vertige. Tout comme l’écriture qui se relâche souvent, hélas. Une réécriture aurait permis de pousser plus loin ces textes sympathiques. Serge Patrice Thibodeau est demeuré trop près des chroniques et de la revue.

«Lieux cachés»  de Serge Patrice Thibodeau est paru aux Éditions Perce-Neige.

jeudi 13 avril 2006

Victor-Lévy Beaulieu: Dr Jekyll et Mr Hyde

Victor-Lévy Beaulieu, en près de trente ans d’écriture, a publié au moins deux livres par année. Romans, essais, théâtre, récits et poésie, mon ami Victor-Lévy touche à tout sans compter les dizaines de milliers de pages pour la télévision. Ses téléromans «L’Héritage» et «Bouscotte» sont devenus des références.
J’ai longtemps repoussé la lecture de «Je m’ennuie de Michèle Viroly» paru en février 2005. J’hésitais à plonger dans «la veine noire de la destinée» de l’écrivain de Trois-Pistoles. Son héros, Bowling Jack, a subi une fracture du crâne dans un accident de voiture. Invalide et délirant, entre deux crises d’épilepsie, il se gave d’émissions de télévision, côtoie sa sœur et son entraîneur du temps où il était champion de quilles. Une autre des passions de Victor-Lévy. Bowling Jack confond réalité et fantasmes.
Victor-Lévy l’a souvent répété, l’écrivain doit pouvoir dire et exprimer tout ce que l’on dissimule dans nos sociétés.  Avec pareil regard, la cloison est mince entre le retenu et le défoulement. Victor-Lévy s’aventure souvent sur cette démarcation en basculant d’un côté comme de l’autre. Voilà peut-être une façon de s’orienter dans cette œuvre gigantesque et touffue.

Dr Jekyll et Mr Hyde

Heureusement, dans plusieurs de ses livres, Victor-Lévy se laisse emporter par ses modèles d’écriture. «Dr Ferron», «Monsieur Melville», «Monsieur de Voltaire» ou «Jack Kérouac» sont des œuvres lumineuses où il montre son côté Dr Jekyll.
D’autres romans se vautrent dans la hargne et la méchanceté. Nous pataugeons alors dans «Don Quichotte de la Démanche», «Oh Miami Miami Miami» ou «Steven le Hérault». «Je m’ennuie de Michèle Viroly» pousse le lecteur dans l’étang fangeux de Victor-Lévy. Mr Hyde s’en donne à cœur joie, souille tout ce qu’il effleure dans ses pérégrinations.
«je suis naissu une journée que les américains sont pas allés dessus la lune, ni les rustres, ni les raéliens – je suis naissu un jour d’hui qu’un cadenas avait été mis dessus pour qu’il s’y passe rien…» (p.12)
Une sorte de fascination pour l’abjection qui donne envie de refermer ce livre qui bascule en bas de la ceinture. Bowling Jack est un être répugnant qui a réussi à violer sa sœur et mobilise toute la population contre lui. Victor-Lévy en fait un frère de Candide de Voltaire dans sa présentation. L’analogie est un peu osée. Candide avait un côté «saint» que Bowling Jack n’approche jamais.
«… que déferais-je pas pour la grosse bouche de michel jasmin, les lèvres hystériques de claire lamarche, la langue sale d’andré arthur, les dents de chèvre du docteur mailloux, la luette proéminente et cloridienne de jean-luc mongrain, la caverne d’ali-baba de dagobert gilet, la tête heureuse de paul arcand et la grosse main poilée de claude charron, mes héros de bandes télévisées, si pourvus de séduction ducale, frères et sœurs en christ tout le temps, dans l’aura maternelle de michèle richard déféquant en public, pour son public, avec grande publicité, digne du gémeau de l’immortelle à redessiner en forme d’étron sur fond d’écran géant!» (p.112)
Victor-Lévy multiplie les grimaces d’écriture et prend plaisir à se caricaturer. Le correcteur de mon ordinateur vire fou quand je cite une de ses phrases. Mr Hyde jubile, se complaît dans les excréments, la saleté, la haine et le mépris.

Épreuve

Le fidèle de Victor-Lévy, et j’en suis, doit renoncer à ses convictions pour parcourir cette coulée de 250 pages. C’est cru, vulgaire, macho et venimeux.
Ce n’est pas ce que j’aime chez Beaulieu. Je préfère son côté lumineux et solaire. Il devient unique dans sa manière de dire et de faire alors. Le tome II de «L’Héritage» est peut-être le plus bel ouvrage que j’ai lu sur l’hiver québécois. C’est ce côté étincelant qui en fait un écrivain unique et mythique. Heureusement, il y a une embellie du côté du «Bleu du ciel» paru à l’automne. Le diable s’est payé un bal dans «Michèle Viroly». Je crois que le public aurait oublié Victor-Lévy depuis fort longtemps s’il n’y avait que le profil de Mr Hyde chez lui.

«Je m’ennuie de Michèle Viroly» et «Le bleu du ciel» de Victor-Lévy Beaulieu sont parus aux Éditions Trois-Pistoles.

mercredi 12 avril 2006

Quand le plumage masque la maigreur du propos

Dans «Contes de braises et de frimas», Sylvain Rivière ramène les quêteux, les vagabonds qui sèment la parole et les histoires à dormir debout. Des personnages très nombreux dans son théâtre et dont le verbe est la seule richesse. Une entreprise de souvenance qui peut s’avérer fort sympathique.
Les femmes et les hommes de ces contes prédisent les tempêtes, apprennent à voler, forniquent comme ils respirent, cherchent un filon de pays et se transforment plus ou moins en véritable mythe.
Malheureusement, ces contes sont portés par une parodie de langue gaspésienne, une poutine plus ou moins indigeste. Certains ont déjà sorti l’encensoir en parlant de la langue forte et épicée de Sylvain Rivière. Voyons voir…
«À chaque fois, bien inutilement d’ailleurs, monseigneur Roy y allait d’un prône à son égard, question dans un premier temps de conserver son poste face aux autorités archevêchiennes de Gaspé, de voir protéger, dans un second temps, la vertu des filles-fleurs du pays, ces femmes-bonbons sucrées à souhait et collantes à l’excès, ne demandant qu’à fouler le foin aux tasseries des fanis orgasmiens d’un coup de rein bien placé, fleurant bon le mortel péché et le jus de cerises frelaté pour la circonstance, de petites vites en passage de sapin dans la diagonale de la fêlure de l’œuf cosmique en plein jour de fin de mois on ne peut plus critique.» (p.44-45) 
J’avoue, ce verbiage étourdit pour ne pas dire autre chose avec ses effets de jambes et un racolage un peu grossier. Des histoires de cul épicées d’un certain nationalisme, d’une ébauche de pays qui s’aplatit sous les charges langagières du conteur. Un peu triste et dépassé.

«Contes de braises et de frimas» de Sylvain Rivière est paru aux Éditions Humanitas.