lundi 31 octobre 2011

Pierre Nepveu présente Gaston Miron

Pierre Nepveu a réalisé un travail impressionnant en signant «Gaston Miron, La vie d’un homme». Une biographie de plus de 800 pages, des centaines de références, des photos pour illustrer les différentes époques de ce militant qui a marqué le Québec.
Pas facile de s’y retrouver. Miron a été de tous les combats, de tous les événements littéraires et ce autant à Montréal qu’en France où il a séjourné à de multiples reprises.
Pierre Nepveu, poète, romancier et professeur, a écrit plus que la vie d’un homme. Il a esquissé le portrait du milieu littéraire québécois à partir des années cinquante jusqu’à la mort de Miron en 1996. Il s’attarde à la longue démarche de cet éternel insatisfait qui reprenait sans cesse «L’homme rapaillé», à ses combats pour faire reconnaître notre littérature au Québec et à l’étranger. Il aura été une sorte d’ambassadeur infatigable qui ne ratait jamais une occasion d’intervenir, de convaincre et de s’expliquer. Un militant pour le français, la souveraineté à laquelle il est demeuré fidèle toute sa vie, y sacrifiant du temps d’écriture et bien souvent sa santé.

L’animateur

Miron était plus qu’un poète et un éditeur. Il était un animateur, un homme de convictions qui n’hésitait jamais à retrousser ses manches pour travailler à l’indépendance du Québec qui assurerait l’avenir de la langue française dans cette terre d’Amérique. Voilà le grand combat de sa vie. Il le répètera sur à peu près toutes les tribunes ici et en Europe.
Nepveu plonge dans l’intimité de Miron, le suit pas à pas sans jamais se transformer en voyeur. Il reste respectueux, même s’il n’hésite pas à montrer les contradictions et les hésitations de cet homme fidèle dans ses amitiés comme dans ses convictions.


Les poèmes

J’ai aimé sa façon de montrer la naissance des poèmes «La vie agonique» et «La marche à l’amour» pour ne nommer que ceux-là. Tout commençait par une image, une strophe qu’il retournait dans tous les sens et qui finissait par devenir le poème. Il reprenait chacun de ses vers qu’il considérait «en souffrance» pour les peaufiner et les sculpter. Et même là, son œuvre majeure qu’est «L’homme rapaillé» a toujours été en devenir, une forme de chantier. Il a apporté des correctifs et des modifications jusqu’à la toute fin.
En lisant la biographie de Nepveu, on voit le poème se transformer à chacune des étapes de sa vie et des publications. Les traductions aussi. Miron a été publié en anglais, italien, portugais et autres.
Il écrivait à son corps défendant et les éditeurs devaient faire preuve d’une patience terrible pour réussir à lui arracher un texte. Même qu’il fallait quasi le prendre en otage. Ce fut le cas pour certains textes importants. Il remettait la publication d’année en année, trouvait toujours autre chose à faire ou de plus important à réaliser.

Solitude

Gaston Miron malgré une vie sociale trépidante aura été un homme seul, souvent malheureux en amour, incapable d’approcher une femme ou le faisant avec une gaucherie et une maladresse étonnante. Même qu’il pouvait être parfois un peu grossier. Il aura réussi à exaspérer Marie-Andrée Beaudet lors d’une première rencontre, celle qui devait devenir sa compagne des dernières années.
Célébré partout comme «poète national du Québec», il se comportait souvent comme un adolescent qui tente de masquer sa timidité  en étant frondeur.
Heureusement tout s’apaisera vers la cinquantaine et il pourra couler des jours paisibles auprès de sa compagne.
Un homme tourmenté, angoissé, un peu hypocondriaque, peu sur de lui qui compensait pas une hyperactivité et une certaine gaucherie, pour ne pas dire effronterie.
La tâche était immense et Pierre Nepveu s’en sort magnifiquement bien. L’histoire d’un homme, oui, mais aussi celle de l’édition, de la poésie, de la littérature qui a connu un essor remarquable à partir des années soixante. De la pensée souverainiste aussi. Miron aura été l’un des grands diffuseurs de la littérature d’ici, un artisan de l’édition et un vulgarisateur unique. Il aura été l’auteur d’un livre qui touchera les Québécois et les citoyens du monde. C’est ainsi quand on demeure authentique. Un grand poète, il ne faut jamais l’oublier, un homme attachant, voir fascinant.

«Gaston Miron, La vie d’un homme» de Pierre Nepveu est paru aux Éditions du Boréal.