«Histoire de la littérature québécoise», de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, démontre que certaines questions, pendant presque 500 ans, ont fait l’objet de débats. Les écrivains doivent-ils s’adresser à un lecteur étranger ou à un concitoyen d’ici? Quelle langue utiliser? Quelles valeurs privilégier? Il faudra attendre «Les Anciens Canadiens» de Philippe-Aubert de Gaspé pour trouver un livre fondateur qui s’adresse au lecteur québécois. Le genre, boudé jusqu’alors, connaîtra un succès, devenant le premier best-seller de l’histoire littéraire.
«Après un premier tirage de deux mille exemplaires écoulés en quelques mois, «Les Anciens Canadiens» est aussitôt réédité, tiré cette fois à cinq mille exemplaires. Une traduction anglaise paraît dès 1864 (par Georgiana M. Pennée) sous le titre «Canadians of Old», suivie d’une deuxième en 1890, par Charles G. D. Roberts qui modifiera le titre en 1905 (Cameroun of Lochiel). (p.123)
Les journaux joueront aussi un rôle crucial pendant ces escarmouches portant sur la langue littéraire. Des partisans réclameront une expression typique quand d’autres se conformeront au modèle parisien. Olivar Asselin, Arthur Buies, Jules Fournier, Claude-Henri Grignon, Henri Bourassa et André Laurendeau attiseront la polémique. Comment s’étonner alors que la littérature emprunte le chemin de l’histoire. Signalons le travail de François-Xavier Garneau et de Lionel Groulx, deux figures marquantes. Louis Dantin, Edmond de Nevers et Jean-Charles Harvey contestent ou approuvent les diktats que l’Église veut imposer.
Louis Hémon
Au début du siècle dernier, «Maria Chapdelaine» de Louis Hémon causera une véritable commotion qui hantera Félix-Antoine Savard et presque tous les auteurs. Le «roman de la terre» mobilisera Damase Potvin, le premier écrivain du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Léo-Paul Desrosiers, Ringuet et Antoine Gérin-Lajoie. Plus près de nous, Alfred Desrochers donnera une autre dimension à ce conflit en écrivant dans une langue à la fois populaire et recherchée.
Le joual, selon le terme trouvé par Claude-Henri Grignon pour parler de la langue des Québécois, aboutira à Michel Tremblay et à la pièce de théâtre «Les belles-sœurs». Ce sera la fin d’une controverse qui aura coloré l’histoire de la littérature québécoise. Jean-Paul Desbiens, le «frère Untel», né à Métabetchouan, écrira même un best-seller en pourfendant les défenseurs du joual. Plus près de nous, Victor-Lévy Beaulieu continue de défendre cette idée de créer une langue d’ici.
À partir des années 60, la littérature s’impose avec Gaston Miron et le groupe de l’Hexagone, la publication des revues «Liberté», «Parti pris» et «La Barre du jour». Roland Giguère, Paul-Marie Lapointe, Anne Hébert, Gabrielle Roy et Marie-Claire Blais survolent l’époque. Trente ans plus tard, les écrivains de best-sellers Marie Laberge et Yves Beauchemin écriront une nouvelle page de notre littérature.
Littérature de la région
Notons cependant, que quelques écrivains seulement du Saguenay-Lac-Saint-Jean trouvent une niche dans cette histoire de la littérature. Si les poètes Paul-Marie Lapointe et Gilbert Langevin retiennent l’attention, Michel Marc Bouchard, Daniel Danis et Larry Tremblay sont à peine mentionnés dans le volet théâtre. Les romancières Lise Tremblay et Élisabeth Vonarburg sont les seules à attirer l’attention des trois auteurs.
«La ville de Québec où vit l’héroïne du roman est bien réelle, mais c’est aussi «celle des livres de Poulin», comme le précise la narratrice. Le personnage marche ainsi dans les rues de la vieille ville en traînant partout «Le Cœur de la baleine bleue»», écrivent les historiens à propos du premier roman de Lise Tremblay, «L’hiver de pluie». Rappelons qu’elle recevait le titre de «Découverte de l’année» du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec cet ouvrage paru en 1990.
«Histoire de la littérature québécoise» est un ouvrage exceptionnel, un manuel incontournable qui, il faut le souhaiter, deviendra une référence dans tous les cégeps et les universités du Québec. La littérature avait besoin de cette oeuvre remarquable pour montrer sa diversité et son immense richesse.
Il reste peut-être à explorer notre littérature en mettant l’accent sur les régions. Le lecteur découvrirait des «littératures» qui se développent et se caractérisent selon «les pays du Québec».
«Histoire de la littérature québécoise», de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge est paru chez Boréal Éditeur.