jeudi 12 juillet 2007

La mémoire reste le fondement d’une société

Les humains croient souvent qu’ils marqueront leur époque, laisseront des encoches sur les siècles et qu’on évoquera leurs noms bien longtemps après leur mort. Pour ce faire, ils s’obstinent à édifier des villes, des empires et des machines indispensables à «la progression de l’humanité». Et puis, après quelques décennies, la trouvaille du siècle dernier fait sourire et semble futile. Même les plus grandes civilisations ont plié devant la marche implacable du temps.
Les continents sont devenus des immenses jardins de vestiges. Tous les paysages, de la plaine à la montagne, portent les cicatrices des activités humaines. Même les océans n’ont pas été épargnés. Tous les pays sont de vastes palimpsestes que très peu de gens savent lire et interpréter.
Heureusement, des individus font oeuvre de mémoire. Les archéologues, les anthropologues et les historiens agissent en détrousseurs de vies. Les artistes, à leur manière, secouent la poussière de l’oubli et se faufilent dans la durée. Un effort, peut-être dérisoire pour contrer l'amnésie collective. Biographies, sagas historiques et certains romans tentent de réactualiser des exploits et des aventures qui ont constitué l’esprit les nations.

Grands distraits

Pourtant, les humains sont terriblement distraits. Ils oublient souvent de regarder l’environnement, de saluer les «témoins» qui ont été les architectes de leur monde. Une clôture affaissée, une maison ouverte aux vents et à la pluie, des champs abandonnés à la végétation sont les pages d’un livre qui s’efface peu à peu. Il suffit de circuler dans le parc de Pointe-Taillon, par exemple, pour buter sur des vestiges qui rappellent les humains qui ont défriché cette partie de territoire, il y a un siècle. Ce peut être les fondations d’une maison ou un massif de roses qui semble s’être égaré au milieu d’une pinière.
Dans «Les rescapés du Styx», Jane Urquhart, une romancière canadienne anglaise, entraîne le lecteur dans une fresque à la fois contemporaine et historique. Jérome, artiste, se passionne pour les ruines qui balafrent le paysage et sa propre vie, Sylvia reconstitue son environnement en fabriquant des cartes tactiles pour une amie aveugle. Andrew, une sorte de géographe, explore la saga de sa famille, remonte jusqu’à l’arrivée du premier Woodman en Amérique, l’époque des grandes entreprises forestières qui coupaient tout autour des Grands lacs, du flottage du bois sur le Saint-Laurent et des immenses radeaux qui flottaient jusqu’à Québec. À la fin de sa vie, il est aspiré par la maladie d’Alzheimer qui grignote peu à peu sa mémoire pour ne laisser qu’une immense page blanche. Il est à l’image des sociétés qui s’effacent et se reconstruisent sur des ruines.
«La convergence de la vie. Je pense que ça peut vouloir dire que, pendant que tu restes stable, tu dois aussi accepter que le monde va changer autour de toi, et que tu dois demeurer ouvert et conscient de ces changements bien que ça suggère aussi que ta vie converge avec celle de Dieu, ou quelque chose de cet ordre.» (p.164)

Écrire le paysage

Madame Urquhart fait renaître des figures oubliées, des hommes et des femmes fascinants. Elle permet de voir vraiment et de comprendre l’écriture du paysage. Sans quoi, nous marchons comme des aveugles qui effleurent les objets, trébuchent sur des signes sans savoir d’où ils viennent. Parce que le présent n’est que la couche la plus récente du passé. Une société ne peut demeurer vivante sans avoir conscience de ses grandes époques.
«C’est étrange, maintenant que j’y pense, qu’on accorde toujours autant d’attention à la construction, alors qu’en réalité le processus de désintégration est omniprésent, inévitable.» (p.336)
En ce siècle où l’on néglige d’enseigner l’histoire, où l’on confie à peu près tout aux ordinateurs, le roman de Jane Urquhart dévoile un siècle, ses folies commerciales, ses soifs de profits et de richesses. Une vision qui a mené à l’épuisement des ressources, à une pollution de plus en plus terrifiante et au réchauffement accéléré de la planète.
De quoi tirer des leçons et cesser de se comporter en ignorant. L’avenir n’est possible qu’en tenant compte de ceux qui nous ont précédés. Le pire fléau qui menace l’humanité est de croire que tout commence et se termine avec sa génération.

«Les rescapés du Styx» de Jane Urquhart est paru en traduction française aux Éditions Fides.
http://www.fides.qc.ca/livre.php?id=10

dimanche 8 juillet 2007

L’éolien: un véritable scandale au Québec

Lire «L’Éolien, pour qui souffle le vent», un collectif dirigé par Roméo Bouchard, nous fait retourner à l’époque de Duplessis. Le gouvernement Charest, il s’agit bien de lui, a improvisé des normes faites sur mesure pour céder l’énergie éolienne à des multinationales sans que cela ne fasse sourciller les partis d’opposition. Même qu’ils se font complices de cette aventure qui tourne à la tragédie. André Boisclair, pendant son court mandat comme chef du Parti québécois, a même refusé d’appliquer une résolution du conseil national de sa formation qui exigeait la nationalisation de cette ressource.

Improvisation

Roméo Bouchard et ses collaborateurs Jean-Louis Chaumel, Pierre Dubuc, Steeve Gendron, Paul Gipe, Gabriel Ste-Marie, Gaétan Ruest et Isabelle Thériaul cernent bien la question. À chaque page, on se demande pourquoi un gouvernement responsable, ayant à cœur les intérêts des Québécois, improvise des lois qui tiennent à l’écart et dans l’ignorance les petits producteurs et des populations qui s’intéressent à cette forme d’énergie. Pourquoi tout est fait pour favoriser les pétrolières qui ne savent quoi faire des milliards qu’elles engrangent depuis le début de la guerre en Irak. Le Québec se comporte encore comme un pays du Tiers-monde qui donne ses ressources naturelles.
Les gens de Cap-Chat, Baie-des-Sables, Saint-Léandre et Murdochville, en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, ont été laissés sans informations et sans ressources devant «des spécialistes» en communications venus vendre leurs projets. Ils ont fait naître l’espoir.
Quelques mois plus tard, ces mêmes citoyens sont cernés par des forêts d’éoliennes. Ils subiront bruit, pollution visuelle et autres inconvénients pendant vingt-cinq ans. Les MRC, avec les propriétaires des terrains, recevront des pinottes pour ces projets. Malgré les promesses, peu d’emplois ont été créés sinon une petite usine de montage. Les éoliennes sont fabriquées à l’étranger et les emplois se font attendre. Un scandale que la télévision de Radio-Canada a révélé.
Au Lac-Saint-Jean, dans la zone d’Hébertville, des gens tentent de se faufiler dans cette industrie, mais les obstacles sont difficiles à surmonter.
«Les municipalités, les groupes communautaires et les groupes autochtones peuvent y participer, mais ils ne sont guère avantagés dans la course par les règles établies. Les groupes locaux ne disposent toujours pas de quotas, ni de mesures de soutien technique et financier qui auraient pu compenser pour les moyens dont disposent de puissants promoteurs privés comme Trans-Canada ou SkyPower.»  (p.93)

Développement

L’éolien soulevait beaucoup d’espoir chez les régionaux. Ils ont maintenant le sentiment de s’être fait flouer par les grandes entreprises et le gouvernement.
Bien sûr, il est encore temps de proclamer un moratoire pour établir une véritable politique éolienne qui profitera à l’ensemble des Québécois. Cette ressource rapportera des milliards par année. Pourquoi l’offrir à des entreprises qui drainent les profits à l’extérieur?
«Il ne faut pas répéter avec l’éolien les erreurs passées qui  ont abouti au pillage et à la destruction de nos forêts, de nos réserves de poissons de fond, de nos mines, de nos sols et de nos rivières au profit d’entreprises étrangères, conduisant nos régions périphériques au bord de la ruine.» (p.12)
Le gouvernement de Jean Charest a démontré une incompétence et une insouciance révoltantes dans le secteur de l’éolien. Peut-on tolérer pareil aveuglement en 2007? 

Nationalisation

Hydro-Québec demeure l’entreprise idéale pour planifier l’exploitation de l’éolien. Québec peut devenir une puissance «du vent» comme elle l’est dans le domaine de l’énergie électrique.
 Il faudra cependant que les partis d’opposition demandent de nouvelles règles. Que les Trottier, Bédard, Côté et Gaudreault revendiquent une vraie politique pour les Québécois et la région. Il est plus que temps d’exiger du gouvernement qu’il respecte l’intérêt du Québec.
«Bernard Généreux exhortait le gouvernement à «ouvrir le débat sur la nationalisation» de l’énergie du vent. Avant que l’éolien ne se transforme en «filière rhodésienne» qui engraisse le «parc immobilier de Toronto», le gouvernement doit corriger le tir… «L’hydroélectricité est publique, pourquoi l’éolien nous échapperait?» (p.66)
Québec accordera de nouveaux contrats à l’automne. Les multinationales seront-elles les seules à profiter de cette manne à profits garantis? René Lévesque doit se retourner dans sa tombe.

«L’éolien, pour qui souffle le vent?», sous la direction de Roméo Bouchard a été  publié chez Écosociété.