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jeudi 26 juin 2008

Rendez-vous à Baie-Sainte-Catherine

«Miroirs aux alouettes» est réédité
aux Éditions le Chat qui louche
Dany Tremblay a publié des nouvelles dans plusieurs revues, dont «Un lac, un fjord, un fleuve», le collectif de l’Association professionnelle des écrivains de la Sagamie-Côte-Nord. Elle a aussi été présidente de cet organisme en plus de lancer, il y a quelques années, «Voies d’échanges», un événement littéraire qui se déroulait sur La Marjolaine et le Saguenay.
Dans «Miroirs aux alouettes», Martial Ouellet fait ses premières armes et nous décrit le Baie-Sainte-Catherine de son enfance. Dany Tremblay y amène ses personnages dans une dizaine de nouvelles. Le récit éclaire la fiction et l’ensemble donne l’envers et l’endroit d’un même monde. Les deux approches se croisent dans une danse fascinante.
Un pas et tout bascule chez Dany Tremblay. Une femme fuit, s’attarde à Baie-Sainte-Catherine auprès d’une vieille dame. Elle a tué son mari pour échapper à la violence. On la retrouvera plus tard dans une autre nouvelle. Ruth se fait violer après que sa nièce Coralie ait utilisé ses photos dans une correspondance érotique sur Internet. Raymond, celui que le destin a repoussé dans la marge, croise Clara, une compagne de la petite école. Le monde peut changer si l’un ou l’autre prononce le mot ou tend la main…
«Les dés sont jetés, Raymond, a-t-elle conclu de sa voix grave. Elle me souriait de son habituel sourire paisible et à ce moment je m’en suis voulu parce que malgré moi, j’ai comparé son sourire à celui de Clara dans la cour de la Coop. Elle avait raison, tellement raison. Ce soir-là, j’ai pleuré longtemps. Lisette a dit qu’il me fallait aller au fond des choses. Dans ma chambre, assis au bord du lit, j’ai sorti la photo de Clara de mon porte-monnaie. À l’endos, j’avais écrit son adresse et son téléphone en grosses lettres carrées. Je l’ai lu plusieurs fois. De nombreuses fois avant de me décider.» (p.64)
Julie veut en finir quand Coralie, plus belle, plus jeune, plus téméraire la supplante dans le groupe des petits truands. Christine a tout eu grâce à son art de la séduction, mais son univers s’écroule. Monsieur Santoni entend lui servir une terrible leçon.
Tous les personnages passent d’une nouvelle à l’autre et entretiennent des liens. Des événements les bousculent ou les brisent à jamais. Dany Tremblay nous pousse vers ces «passages» si chers à Paul Auster. Mais contrairement à l’auteur de «Moon Palace», elle ne s’aventure que rarement dans ces failles qui changent l’existence. Elle s’arrête quand tout arrive et laisse au lecteur le soin d imaginer le pire comme le meilleur.

Intermèdes

Martial Ouellet a grandi avec le fleuve sur la galerie et les vents du large qui secouaient les fenêtres. Il revient sur les étapes qui ont marqué son enfance, la pêche à la fascine, des jeux, l’appel de l’ailleurs, ces moments qui ont orienté les pas de l’adulte.
«J’ai été marqué sans le savoir par ces chasseurs, que Martin et moi avons rencontrés dans notre enfance. Ils m’ont appris que s’échouer le temps d’une marée, c’est le plus beau du voyage, un moment qui reste gravé et qui influence une vie… … Pourtant, il y a encore plein de choses à voir, de gens à rencontrer. Il suffit simplement de s’échouer, le temps d’une marée.» (p.40)
Les textes de Martial Ouellet sont sous le signe d’une certaine nostalgie, une confiance dans la vie qui permet de tout voir et de tout réussir. Dany Tremblay coupe l’élan. Un geste inconsidéré ou une étourderie font tout basculer. Le drame n’attend qu’un signe pour planter ses griffes. Si lui reste optimiste, elle est hantée par une forme de fatalisme qui broie les êtres.
Les ancrages des récits de Martial Ouellet répondent aux «pertes d’existence» des nouvelles de Dany Tremblay. Il y a toujours des miroirs qui attirent et fracassent les certitudes, coupent la course des jours, masquent des drames que souvent nous refusons de voir. Deux écritures efficaces qui savent retenir le lecteur, l’emporter dans un chassé-croisé qui laisse un certain malaise.

«Miroirs aux alouettes» de Dany Tremblay et Martial Ouellet est publié aux Éditions Les Équinoxes.