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lundi 28 janvier 2013

Marie-Renée Lavoie lutte contre «la vis»


Tous se souviennent de «La petite et le vieux», le premier roman de Marie-Renée Lavoie qui a attiré l’attention lors de sa parution. L’ouvrage a remporté le combat des livres de Radio-Canada en 2012 en plus d’être finaliste au prix des Cinq Continents de la Francophonie et du prix France-Québec. Elle a aussi été lauréate du Grand Prix de la relève littéraire Archambault en 2011. Une entrée en scène remarquable. Elle revient avec «Le syndrome de la vis», un roman au titre un peu étrange.

Josée souffre d’insomnie. La maladie du siècle à ce que l’on dit. De plus en plus de femmes surtout voient venir la nuit comme une épreuve. À un point tel que le manque de sommeil finit par perturber le quotidien.
«Une fois dans la rue, je ne trouve plus ma voiture. Je regarde mes clefs pour que ressurgisse, à force de contemplation, un indice quelconque, n’importe quoi. J’essaie de ranimer l’image d’un lampadaire, d’une borne-fontaine évitée, d’un parcomètre, d’une enseigne. Rien. Même pas le souvenir d’être retournée la chercher rue Champfleury après la capitulation de la veille. Ce qui ne veut rien dire. Je reste calme. Ça ira, ça reviendra. Je me mets en marche dans l’espoir que «ça» me tombe dessus.» (p.50)
Des angoisses terribles pour l’enseignante et des «trous» qui en font presqu’une somnambule. Elle se couche tôt pourtant, mais après une heure ou deux, le carrousel se met en branle dans sa tête… Ou plutôt, la vis, peut-être une proche parente de celle d’Archimède, la pousse vers le matin comme une naufragée qui doit nager toutes les nuits jusqu'à épuisement.
«La vis repart, fait à nouveau défiler devant moi la scène. Quarante mains qui cessent de prendre des notes, quarante visages ahuris qui, plus tôt prêts à croire que la littérature élève l’âme et rend meilleur, réalisent en quelques coups de talon que la fréquentation assidue des auteurs peut aussi rendre fou. Pour cette scène d’autohumiliation, ils me gratifient de leur plus sérieuse attention, de la trempe de celle que je n’aurais même jamais souhaitée pour mes cours.» (p.25)

Épuisement

Sa vie se détraque. Comment respecter un horaire, donner des cours et retenir l’attention des étudiants? Elle plonge dans une autre dimension et surviennent alors des incidents plutôt embarrassants.
«Aujourd’hui, ma fatigue se traduit plus souvent en d’inquiétantes absences: je me retrouve parfois dans mon auto, sur la route, sans savoir d’où je viens ni où je vais, réintégrant mes esprits quelques sorties trop tard; d’autres fois, j’entre en crise de rage et j’ouvre les yeux, après quelques secondes de dissociation mentale, sur un tiroir à four récalcitrant à moitié arraché, un tableau de bord fissuré, un cellulaire en poudre; en des moments inopportuns, je fonds en larmes, en impatience, en intolérance, en haine de moi-même. Et des autres quand ça déborde.» (p.77)
Sa vie prend eau de toute part. Philippe, son amoureux, finit par en avoir assez et la séparation devient inévitable. Peut-être, que ce ne sont pas uniquement les insomnies de Josée qui sont en cause, mais cela n’aide guère.
Heureusement, il y a un petit garçon qui, comme dans «La petite et le vieux», réussit à lui faire un peu oublier ses problèmes. L’enfant passe son temps à attendre son père, un travailleur de la construction. Il devient le protecteur de l’institutrice en quelque sorte. On souhaite que la vie de Josée prenne un autre tournant avec le père de cet enfant attachant. Il y a aussi sa mère qui ne cesse de téléphoner pour des futilités. Presque du harcèlement.

Dérape

Cette carence de sommeil bousille tout. C’est parfois amusant, c’est surtout tragique même si Josée possède un bon sens de l’humour.
La professeure finit par halluciner. Dans sa fatigue, son épuisement, elle voit son père décédé avec qui elle dialogue le plus naturellement du monde. Comme si les insomnies vous empêchaient de faire la différence entre le réel et l’imaginaire. C’est peut-être le cas, je ne sais pas. Marie-Renée Lavoie plonge le lecteur dans un drame même si l’auteure tente de le traiter avec le sourire. Le tragique a beau se présenter dans ses habits d’été, il n’en reste pas moins dérangeant et inquiétant. Je remercie les dieux de ne pas m’avoir privé de belles et longues nuits de sommeil.

«Le syndrome de la vis» de Marie-Renée Lavoie est paru aux Éditions XYZ.

mercredi 2 mars 2011

Marie-Renée Lavoie croit au bonheur

Des personnages attachants, un milieu de vie qui collectionne les originaux, de l’empathie et de l’humour. Voilà qui explique peut-être le succès de  «La petite et le vieux» de Marie-Renée Lavoie.
Hélène veut être un garçon et il faut l’appeler Jo. Elle a la tête bourrée d’histoires et son héroïne préférée, à la télévision, affronte le monde l’épée à la main. Une fille que l’on prend pour un homme et qui ne recule devant rien.
Le père de Jo enseigne et tente d’oublier sa vie terne et ennuyante. Il boit à en perdre la raison parfois. La mère dirige ses filles au doigt et à l’oeil, met un terme à toutes les discussions par un «c’est toute». Après cette sentence, tous savent à quoi s’en tenir. 
«Je n’avais pas peur de ma mère, je savais seulement qu’il n’était pas possible de tailler, ne serait-ce qu’une toute petite brèche, dans son imprenable personnage. Pas la peine de se plaindre, de chialer, d’argumenter, de se monter un plaidoyer. Insister ne pouvait que condamner à une abdication des plus humiliantes. Je le savais pour m’être quelques fois frottée à son opiniâtreté.» (p.26)
Le quotidien est réglé au quart de tour. Les repas de la famille sont programmés selon les jours et reviennent avec les semaines et les saisons. Quelques petites douceurs ici et là brisent la routine.

Le voisin

Roger aménage dans la maison voisine. Il ne peut ouvrir la bouche sans se répandre en sacres et blasphèmes. Sa principale occupation consiste à surveiller la rue et à vider les bières qu’il achète au dépanneur du coin. Malgré les apparences, c’est un cœur d’or qui trouve une solution à tous les problèmes.
«Ses dons de chaman avaient d’ailleurs rapidement fait le tour du quartier, et d’aucuns faisaient maintenant des petits détours par notre rue pour une consultation rapide qu’ils se faisaient le devoir de récompenser par de menues nécessités : bière, tabac, casquette des Expos pour les intempéries, etc. J’apprenais.» (p.35)
Il vivra une belle amitié avec la jeune fille.

Travail

La famille arrive mal à joindre les deux bouts et Jo, inspirée par son modèle télévisuel, tente de venir en aide à tout le monde. Les vrais héros combattent injustice et misère. Elle triche sur son âge, livre le journal à cinq heures du matin, hante les rues et croise d’étranges personnages. Elle peut ainsi glisser des billets dans le portefeuille familial pour arrondir les fins de mois et soulager sa mère. Une agression mettra fin à cette aventure. 
Elle deviendra serveuse au bingo. Un travail qui lui permettra d’amasser les dollars et de travailler dans un restaurant plus tard.
Pendant tout ce temps, la vie se plaît à compliquer les choses et à malmener les gens du voisinage. Tous affrontent leurs lots de difficultés, surtout les dépourvus assez nombreux dans le quartier. Un accident immobilise sa petite sœur. Même Roger qui a des remèdes à tout, ne peut contrer une crise cardiaque.
 
Apprentissage

«La petite et le vieux»  est un long apprentissage de la vie. Jo finit par devenir une fille même si l’un de ses seins tarde à se pointer.
«- Non. Commence pas avec ça. Il va pas dégonfler non plus. Au contraire, il va continuer à pousser, pis c’est ben correct de même. Tu vas être ben contente qu’il pousse même. Pis l’autre aussi va se mettre à pousser à un moment donné. On va même souhaiter qu’il devienne à peu près aussi gros que l’autre. Là, il retarde juste un peu, pour une raison qu’on connaît pas, pis c’est juste pour ça qu’on va aller voir le médecin.» (p.202)
Hélène prend conscience des injustices, de la dureté du monde, du vide que la mort laisse auprès des survivants. Un personnage d’enfant qui rehausse l’univers romanesque du Québec déjà assez bien pourvu dans le genre. Hélène peut regarder Monsieur Émile droit dans les yeux.
Un vrai plaisir pour le lecteur. C’est frais, étonnant et immensément sympathique. Toujours juste et bien maîtrisé. Un roman qui fait croire que la vie et le bonheur sont possibles, malgré les embûches et les mauvaises surprises. 

«La petite et le vieux» de Marie-Renée Lavoie est publié chez XYZ Éditeur.