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dimanche 14 décembre 2003

La recherche du père et de l’histoire

Louis Jolicoeur dans «Le siège du Maure» révèle qu’il n’a jamais cessé de chercher un père énigmatique et tourmenté. Ce père qui a fait médecine, qui adorait les voyages, surtout l’Italie pour son raffinement, un photographe et un écrivain à sa manière. Il a connu plusieurs femmes qu’il a aimées et désirées. Il était aussi celui qui ne pouvait oublier la mort. Une constance, un point d’interrogation, une énigme qu’il posait au monde et aux livres qu’il collectionnait. Cette obsession venait peut-être de sa participation à la Deuxième Guerre mondiale.
Le narrateur, celui qui se confond bien vite avec l’auteur, vit à Grenade, une ville d’Espagne qui a fait l’orgueil des Maures et qui a été, pendant des siècles, convoitée par les rois catholiques. Deux civilisations, au fil des guerres et des conquêtes, s’y sont épanouies.
«J’y pense pourtant maintenant, de ma lointaine Grenade, au lieu d’esquiver la question comme autrefois; je pense à ces choses que tu essayais de dire sans drame, sans tristesse, avec ce désir un peu fou de parler de cela comme s’il s’agissait de rien, une chose parmi d’autre, un sujet qu’on pouvait aborder sans faire de façons ni remuer de vagues, sans même se troubler. Mais vraiment, peut-on sérieusement parler ainsi de la mort?» (p.23)
Louis Jolicoeur  a effectué des «tournées» pour mettre ses pas dans ceux de son père, pour rencontrer ces gens qu’il a croisés et aimés, comme s’il voulait se glisser dans la vie de son géniteur. Là-bas en Louisiane, en France et en Italie, il se faufilera entre deux époques et deux existences. Des images, des paysages, une photographie, un bout de texte que le père a laissé dans son appartement du Québec prennent alors toute leur signification.

Grenade

Nous découvrons surtout la ville de Grenade, ses parfums, sa lumière et son histoire. Jolicoeur est fasciné par ce moment où le roi Boabdil cède la ville aux rois catholiques Isabelle et Ferdinand pour protéger cette merveille architecturale de la destruction. Nous aurons droit à de longues traductions qui nous replongent dans l’atmosphère des années 1480-1490. L’Europe alors était à la veille de découvrir l’Amérique.
Récit tout en délicatesse, secret qui prend son sens dans les regards et les méditations. Un amour filial qu’il fait plaisir à suivre. Nous déambulons dans la ville magnifique de Grenade, suivons Boabdil qui après avoir affronté son père pleure sur sa ville. Culte de l’échec, de la beauté et de la fidélité.
«Tu y aurais trouvé ce qui justement t’habitait tant, toi: l’amour, l’art des formes, le plaisir et à la fois la crainte des sens, les fleurs et les jardins, l’eau; la beauté sous tous ses angles, en somme, y compris bien sûr celle du doute, et celle de la mort. (p.44)
Louis Jolicoeur nous entraîne dans des rues étroites, nous arrête à une terrasse et discrètement nous apprivoisons la vie de son père et du narrateur. Les grandes et petites histoires d’amour finissent toujours par tisser l’Histoire, celle que l’on enferme dans les livres. Une écriture sensible, discrète, un tantinet redondante parfois mais combien émouvante.

«Le siège du Maure» de Louis Jolicoeur est paru à L’instant même.